Yvette
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Yvette

Guy de Maupassant

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Yvette

Guy de Maupassant

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Yvette raconte l'histoire de madame Obardi, qui vit avec sa fille Yvette et qui est trĂšs entourĂ©e par de nombreuses personnes qui viennent dans son salon pour se divertir. Certains s'y rendent, attirĂ©s par la beautĂ© et par la joie de vivre d'Yvette. Parmi ceux-lĂ , se trouve Jean de Servigny qui est Ă©perdument amoureux d'elle et qui attend impatiemment le jour oĂč elle tombera dans ses bras. Yvette quant Ă  elle, cherche-t-elle le riche mari, le bel Ă©tablissement, oĂč est-elle la belle fleur fraĂźche et innocente qu'elle paraĂźt?Servigny ne sait que penser. De lĂ , naĂźt le drame et la souffrance que vont connaĂźtre les deux personnages.

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Information

Year
2018
ISBN
9782322161232
Edition
1

Yvette

I

En sortant du Café Riche, Jean de Servigny dit à Léon Saval :
– Si tu veux, nous irons à pied. Le temps est trop beau pour prendre un fiacre.
Et son ami répondit :
– Je ne demande pas mieux.
Jean reprit :
– Il est à peine onze heures, nous arriverons beaucoup avant minuit, allons donc doucement.
Une cohue agitĂ©e grouillait sur le boulevard, cette foule des nuits d’étĂ© qui remue, boit, murmure et coule comme un fleuve, pleine de bien-ĂȘtre et de joie. De place en place, un cafĂ© jetait une grande clartĂ© sur le tas de buveurs assis sur le trottoir devant les petites tables couvertes de bouteilles et de verres, encombrant le passage de leur foule pressĂ©e. Et sur la chaussĂ©e, les fiacres aux yeux rouges, bleus ou verts, passaient brusquement dans la lueur vive de la devanture illuminĂ©e, montrant une seconde la silhouette maigre et trottinante du cheval, le profil Ă©levĂ© du cocher, et le coffre sombre de la voiture. Ceux de l’Urbaine faisaient des taches claires et rapides avec leurs panneaux jaunes frappĂ©s par la lumiĂšre.
Les deux amis marchaient d’un pas lent, un cigare Ă  la bouche, en habit, le pardessus sur le bras, une fleur Ă  la boutonniĂšre et le chapeau un peu sur le cĂŽtĂ© comme on le porte quelquefois, par nonchalance, quand on a bien dĂźnĂ© et quand la brise est tiĂšde.
Ils étaient liés depuis le collÚge par une affection étroite, dévouée, solide.
Jean de Servigny, petit, svelte, un peu chauve, un peu frĂȘle, trĂšs Ă©lĂ©gant, la moustache frisĂ©e, les yeux clairs, la lĂšvre fine, Ă©tait un de ces hommes de nuit qui semblent nĂ©s et grandis sur le boulevard, infatigable bien qu’il eĂ»t toujours l’air extĂ©nuĂ©, vigoureux bien que pĂąle, un de ces minces Parisiens en qui le gymnase, l’escrime, les douches et l’étuve ont mis une force nerveuse et factice. Il Ă©tait connu par ses noces autant que par son esprit, par sa fortune, par ses relations, par cette sociabilitĂ©, cette amabilitĂ©, cette galanterie mondaine, spĂ©ciales Ă  certains hommes.
Vrai Parisien, d’ailleurs, lĂ©ger, sceptique, changeant, entraĂźnable, Ă©nergique et irrĂ©solu, capable de tout et de rien, Ă©goĂŻste par principe et gĂ©nĂ©reux par Ă©lans, il mangeait ses rentes avec modĂ©ration et s’amusait avec hygiĂšne. IndiffĂ©rent et passionnĂ©, il se laissait aller et se reprenait sans cesse, combattu par des instincts contraires et cĂ©dant Ă  tous pour obĂ©ir, en dĂ©finitive, Ă  sa raison de viveur dĂ©gourdi dont la logique de girouette consistait Ă  suivre le vent et Ă  tirer profit des circonstances sans prendre la peine de les faire naĂźtre.
Son compagnon LĂ©on Saval, riche aussi, Ă©tait un de ces superbes colosses qui font se retourner les femmes dans les rues. Il donnait l’idĂ©e d’un monument fait homme, d’un type de la race, comme ces objets modĂšles qu’on envoie aux expositions. Trop beau, trop grand, trop large, trop fort, il pĂ©chait un peu par excĂšs de tout, par excĂšs de qualitĂ©s. Il avait fait d’innombrables passions.
Il demanda, comme ils arrivaient devant le Vaudeville :
– As-tu prĂ©venu cette dame que tu allais me prĂ©senter chez elle ?
Servigny se mit Ă  rire.
– PrĂ©venir la marquise Obardi ! Fais-tu prĂ©venir un cocher d’omnibus que tu monteras dans sa voiture au coin du boulevard ?
Saval, alors, un peu perplexe, demanda :
– Qu’est-ce donc au juste que cette personne ?
Et son ami répondit :
– Une parvenue, une rastaquouĂšre, une drĂŽlesse charmante, sortie on ne sait d’oĂč, apparue un jour, on ne sait comment, dans le monde des aventuriers, et sachant y faire figure. Que nous importe d’ailleurs. On dit que son vrai nom, son nom de fille, car elle est restĂ©e fille Ă  tous les titres, sauf au titre innocence, est Octavie Bardin, d’oĂč Obardi, en conservant la premiĂšre lettre du prĂ©nom et en supprimant la derniĂšre du nom. C’est d’ailleurs une aimable femme, dont tu seras inĂ©vitablement l’amant, toi, de par ton physique. On n’introduit pas Hercule chez Messaline, sans qu’il se produise quelque chose. J’ajoute cependant que si l’entrĂ©e est libre en cette demeure, comme dans les bazars, on n’est pas strictement forcĂ© d’acheter ce qui se dĂ©bite dans la maison. On y tient l’amour et les cartes, mais on ne vous contraint ni Ă  l’un ni aux autres. La sortie aussi est libre.
Elle s’installa dans le quartier de l’Étoile, quartier suspect, voici trois ans, et ouvrit ses salons Ă  cette Ă©cume des continents qui vient exercer Ă  Paris ses talents divers, redoutables et criminels.
J’allai chez elle ! Comment ? Je ne le sais plus. J’y allai, comme nous allons tous lĂ -dedans, parce qu’on y joue, parce que les femmes sont faciles et les hommes malhonnĂȘtes. J’aime ce monde de flibustiers Ă  dĂ©corations variĂ©es, tous Ă©trangers, tous nobles, tous titrĂ©s, tous inconnus Ă  leurs ambassades, Ă  l’exception des espions. Tous parlent de l’honneur Ă  propos de bottes, citent leurs ancĂȘtres Ă  propos de rien, racontent leur vie Ă  propos de tout, hĂąbleurs, menteurs, filous, dangereux comme leurs cartes, trompeurs comme leurs noms, braves parce qu’il le faut, Ă  la façon des assassins qui ne peuvent dĂ©pouiller les gens qu’à la condition d’exposer leur vie. C’est l’aristocratie du bagne, enfin.
Je les adore. Ils sont intĂ©ressants Ă  pĂ©nĂ©trer, intĂ©ressants Ă  connaĂźtre, amusants Ă  entendre, souvent spirituels, jamais banals comme des fonctionnaires français. Leurs femmes sont toujours jolies, avec une petite saveur de coquinerie Ă©trangĂšre, avec le mystĂšre de leur existence passĂ©e, passĂ©e peut-ĂȘtre Ă  moitiĂ© dans une maison de correction. Elles ont en gĂ©nĂ©ral des yeux superbes et des cheveux incomparables, le vrai physique de l’emploi, une grĂące qui grise, une sĂ©duction qui pousse aux folies, un charme malsain, irrĂ©sistible ! Ce sont des conquĂ©rantes Ă  la façon des routiers d’autrefois, des rapaces, de vraies femelles d’oiseaux de proie. Je les adore aussi.
La marquise Obardi est le type de ces drĂŽlesses Ă©lĂ©gantes. MĂ»re et toujours belle, charmeuse et fĂ©line, on la sent vicieuse jusque dans les moelles. On s’amuse beaucoup chez elle, on y joue, on y danse, on y soupe... on y fait enfin tout ce qui constitue les plaisirs de la vie mondaine.
Léon Saval demanda : « As-tu été ou es-tu son amant ? »
Servigny rĂ©pondit : « Je ne l’ai pas Ă©tĂ©, je ne le suis pas et je ne le serai point. Moi, je vais surtout dans la maison pour la fille.
– Ah ! Elle a une fille ?
– Si elle a une fille ! Une merveille, mon cher. C’est aujourd’hui la principale attraction de cette caverne. Grande, magnifique, mĂ»re Ă  point, dix-huit ans, aussi blonde que sa mĂšre est brune, toujours joyeuse, toujours prĂȘte pour les fĂȘtes, toujours riant Ă  pleine bouche et dansant Ă  corps perdu. Qui l’aura ? ou qui l’a eue ? On ne sait pas. Nous sommes dix qui attendons, qui espĂ©rons.
Une fille comme ça, entre les mains d’une femme comme la marquise, c’est une fortune. Et elles jouent serrĂ©, les deux gaillardes. On n’y comprend rien. Elles attendent peut-ĂȘtre une occasion... meilleure... que moi. Mais, moi, je te rĂ©ponds bien que je la saisirai... l’occasion, si je la rencontre.
Cette fille, Yvette, me dĂ©concerte absolument, d’ailleurs. C’est un mystĂšre. Si elle n’est pas le monstre d’astuce et de perversitĂ© le plus complet que j’aie jamais vu, elle est certes le phĂ©nomĂšne d’innocence le plus merveilleux qu’on puisse trouver. Elle vit dans ce milieu infĂąme avec une aisance tranquille et triomphante, admirablement scĂ©lĂ©rate ou naĂŻve.
Merveilleux rejeton d’aventuriĂšre, poussĂ© sur le fumier de ce monde-lĂ , comme une plante magnifique nourrie de pourritures, ou bien fille de quelque homme de haute race, de quelque grand artiste ou de quelque grand seigneur, de quelque prince ou de quelque roi tombĂ©, un soir, dans le lit de la mĂšre, on ne peut comprendre ce qu’elle est ni ce qu’elle pense. Mais tu vas la voir.
Saval se mit Ă  rire et dit :
– Tu en es amoureux.
– Non. Je suis sur les rangs, ce qui n’est pas la mĂȘme chose. Je te prĂ©senterai d’ailleurs mes coprĂ©tendants les plus sĂ©rieux. Mais j’ai des chances marquĂ©es. J’ai de l’avance, on me montre quelque faveur.
Saval répéta :
– Tu es amoureux.
– Non. Elle me trouble, me sĂ©duit et m’inquiĂšte, m’attire et m’effraye. Je me mĂ©fie d’elle comme d’un piĂšge, et j’ai envie d’elle comme on a envie d’un sorbet quand on a soif. Je subis son charme et je ne l’approche qu’avec l’apprĂ©hension qu’on aurait d’un homme soupçonnĂ© d’ĂȘtre un adroit voleur. PrĂšs d’elle j’éprouve un entraĂźnement irraisonnĂ© vers sa candeur possible et une mĂ©fiance trĂšs raisonnable contre sa rouerie non moins probable. Je me sens en contact avec un ĂȘtre anormal, en dehors des rĂšgles naturelles, exquis ou dĂ©testable. Je ne sais pas.
Saval prononça pour la troisiÚme fois :
– Je te dis que tu es amoureux. Tu parles d’elle avec une emphase de poùte et un lyrisme de troubadour. Allons, descends en toi, tñte ton cƓur et avoue.
Servigny fit quelques pas sans rien répondre, puis reprit :
– C’est possible, aprĂšs tout. Dans tous les cas, elle me prĂ©occupe beaucoup. Oui, je suis peut-ĂȘtre amoureux. J’y songe trop. Je pense Ă  elle en m’endormant et aussi en me rĂ©veillant... c’est assez grave. Son image me suit, me poursuit, m’accompagne sans cesse, toujours devant moi, autour de moi, en moi. Est-ce de l’amour, cette obsession physique ? Sa figure est entrĂ©e si profondĂ©ment dans mon regard que je la vois sitĂŽt que je ferme les yeux. J’ai un battement de cƓur c...

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