Les mariages de Philomène
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Les mariages de Philomène

Henry Gréville

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Les mariages de Philomène

Henry Gréville

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Vous le voyez, ma chère dame, j'ai eu bien des peines, conclut la veuve en s'essuyant les yeux, et encore, je crains bien de n'être pas au bout. - Pourquoi? demanda innocemment madame Aubier. - Parce que les affaires d'argent ne sont pas terminées, et je crois bien que la famille de mon défunt mari ne les arrangera pas à mon avantage. - On ne peut pas leur demander ça! fit observer la vieille dame, non sans quelque apparence de bon sens: votre mari vous avait épousée malgré eux; ils n'ont aucun motif de vous avantager dans ce partage. - Depuis deux ans que cela dure, il me semble pourtant qu'ils auraient pu en finir; mais... Madame Philomène Crépin laissa sa phrase inachevée, et sa confidente essaya de la terminer pour elle.

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Information

Year
2019
ISBN
9782322152148

XXV

Le surlendemain, madame Aubier reçut une lettre de sa filleule, et, dès la première ligne, elle se frotta les yeux, croyant s’être trompée, tant ce qu’elle lisait, bien que prévu, lui parut invraisemblable.
« Ma chère marraine, écrivait Virginie, venez à mon secours, et défendez-moi contre un affreux malheur : mon père veut me marier à Lavenel. Jamais je n’épouserai cet homme que je déteste ; j’aimerais mieux mourir. »
La lettre n’était pas longue : quelques phrases éplorées, répétitions de ce même cri d’alarme, et mille tendresses enfantines pour la bonne marraine qui saurait la protéger, c’était tout.
Madame Aubier demeura pensive. Elle connaissait le caractère entêté et despotique du père Beuron ; le heurter de front, c’était planter en face de soi les raisonnements et l’intelligence d’une muraille ; tenter de le prendre par la douceur et la réflexion, c’était lui faire affirmer l’implacable résolution d’un homme qui ne se ruine pas en idées, mais qui tient à celles qu’il a par hasard, et qui ne veut pas passer pour une girouette ; depuis qu’il était né, personne n’avait jamais rien obtenu de lui par la persuasion ; il eût cru déchoir en cédant.
Restait la question d’intérêt. Virginie devait recevoir en dot le bien de sa mère, plus ce que son père lui donnerait sans doute : madame Aubier connaissait trop bien Lavenel pour ne pas être certaine qu’il avait demandé et obtenu quelque chose : si elle pouvait amener ce vieil entêté à blâmer son gendre en expectative pour ses vues intéressées, elle aurait gagné du temps, et, pour le moment, il n’en fallait pas davantage. Avant un mois, Philomène reviendrait, et ce serait affaire au marchand de grains de se dégager de ses mains furieuses.
– Si j’écrivais à Philomène ? pensa la bonne dame. Mais elle renonça sur-le-champ à cette idée ; livrer le nom et la tranquillité de Virginie à cette femme lui paraissait plus nuisible que tout le reste, car elle ne savait rien des tendres sentiments que nourrissait la veuve pour l’ingrat Masson, et croyait à sa bonne foi dans le mariage projeté avec Lavenel.
– Je vais toujours écrire à Marie Verroy, conclut madame Aubier, qui se mit sur-le-champ à l’œuvre, et, de sa bonne écriture vieillotte, elle annonça l’événement fâcheux à ses amis de Paris, les laissant juges de prévenir ou de ne pas prévenir Masson du sort réservé à la jeune fille. Ensuite elle adressa quelques mots de consolation à sa filleule, en lui promettant d’intervenir, et après cet excès de style épistolaire, elle se livra à de profondes réflexions, pendant lesquelles le nom de Lavenel ne se trouva pas une seule fois accolé à des épithètes flatteuses.
Nos amis déjeunaient ensemble lorsque la lettre de madame Aubier leur fut apportée avec le reste du courrier. Philomène était sombre ; ses courses matinales à l’adresse de son débiteur étaient jusqu’ici restées sans résultat, si bien qu’elle avait remis sa créance aux mains d’un homme d’affaires. Chacun sait que ces messieurs ne travaillent pas uniquement dans le but philanthropique de faire rendre gorge aux débiteurs récalcitrants, et madame Crépin avait été forcée de dénouer les cordons de sa bourse, opération qui lui était toujours essentiellement désagréable.
Elle était donc sombre, et mangeait peu, – c’est-à-dire ne mangeait que les meilleurs morceaux et laissait le reste sur son assiette ; ses cousins, qui commençaient à s’habituer à cette manière d’agir, sans pouvoir toutefois s’accoutumer à la trouver agréable, ne s’occupaient pas d’elle et causaient de leurs affaires. Marie, en remuant les journaux et les imprimés de toutes sortes qui composaient le courrier du matin, trouva la lettre qui portait le timbre de Diélette, et ne put retenir un léger mouvement.
– Qu’est-ce que c’est ? fit Charles en levant la tête.
– Rien, répondit Marie, devenue prudente, sans s’expliquer pourquoi.
Une lettre ?
– Une vieille histoire, répliqua Marie avec un peu d’impatience, en mettant la lettre dans sa poche.
Charles retourna à sa côtelette, sous le regard accusateur de Philomène qui disait : Tu n’es qu’une bête, mon ami, de laisser ta femme mettre ainsi des lettres dans sa poche. Je te déclare bien que mon mari sera tenu de me montrer les siennes. Mais Verroy ne vit ni le regard ni le reproche, et prit une seconde côtelette, car il avait bon appétit.
Le repas terminé, laissant retomber une porte sur la queue de la robe de Philomène, ce qui l’obligea à se retourner pour se dégager, Marie courut à Charles, le prit par le bras et l’entraîna dans l’asile inviolable de la chambre à coucher ; pour plus de sûreté, elle poussa le verrou, et revint à son mari la lettre à la main.
– Que de mystères ! dit celui-ci ; est-ce qu’on nous réclame cent mille francs ?
– Non, mais c’est madame Aubier qui nous écrit, répondit la jeune femme, qui avait déjà pris connaissance de l’épitre pendant que son mari parlait. On veut marier Virginie, – à qui ? je te le donne en mille, – à Lavenel.
– Saprelotte ! s’écria Charles.
– Marie ! cria derrière la porte la voix lamentable de Philomène, pendant qu’elle frappait modestement, mais avec persistance.
– Je viens, répondit celle-ci.
– J’ai deux mots à te dire.
– Attends-moi au salon, mon mari s’habille.
Philomène ne répondit pas, mais aucun bruit derrière la porte ne décela qu’elle eût quitté son poste.
– Quelle cravate veux-tu ? demanda madame Verroy très haut, comme si elle eût adressé la parole à son mari. J’irai te la chercher.
– J’y vais moi-même, répondit Charles sans bouger du fauteuil où il s’était allongé.
Un bruit de pas contenus, très léger, leur apprit que madame Crépin avait quitté la place.
– Sais-tu que cela m’ennuie ? dit Verroy de mauvaise humeur ; nous voilà obligés de jouer la comédie à présent. Est-ce qu’elle ne s’en ira pas bientôt ?
– Le plus tôt possible, mon ami, répondit Marie d’un ton conciliant. Mais, écoute, Lavenel a demandé Virginie en mariage.
– J’espère qu’on l’a remballé poliment ? fit Verroy.
– Non. Le père Beuron a consenti.
– Eh bien, et Masson, qu’est-ce qu’on en fait, alors ? Un épouvantail pour les petits oiseaux ?
Plus agité qu’il ne l’eût supposé deux minutes auparavant, Charles se mit à arpenter la chambre ; il aimait son ami, sincèrement et fortement ; les amitiés d’hommes ne se payent pas de bonnes paroles, mais il faut les voir à l’épreuve. Ces gens qui se parlent comme des étrangers, qui se serrent à peine la main, à un moment donné, se feraient tuer l’un pour l’autre. Si Verroy en ce moment eût tenu par les cheveux soit le père Beuron, soit Théodore Lavenel lui-même, il les eût laissés tomber du troisième étage dans la rue sans se préoccuper des remords que pourrait lui causer ensuite cette action irréfléchie.
– Et elle, la petite, qu’est-ce qu’elle en dit ? fit-il en s’arrêtant devant sa femme.
– Elle se désespère.
– Alors elle aime Masson ?
– Naturellement.
Charles reprit sa promenade. Un bruit imperceptible se fit entendre dans le corridor, et Marie mit un doigt sur ses lèvres ; son époux, moins patient, s’approcha de la porte à grands pas, et l’ouvrit avec véhémence sur Philomène qui n’avait pas eu le temps de fuir.
– Qu’est-ce qu’il y a ? fit-il avec peu de grâce.
– C’est la bonne qui demande Marie, balbutia la veuve, fort honteuse et embarrassée.
– Ayez la bonté, ma chère cousine, de lui dire qu’elle veuille bien nous laisser en repos.
Il referma la porte, et cette fois madame Crépin s’en alla en faisant craquer ses lourds souliers de cuir pour plus de sûreté.
– Tu sais bien qu’un de ces quatre matins je lui dirai ses vérités, fit Charles, soudain égayé à la pensée de cette future escarmouche : je commence à en avoir besoin.
– Un peu de patience, mon ami ; écoute, pour le moment, il s’agit de ceux que nous aimons.
– Tu as raison. Que faire ?
– Voir Masson aujourd’hui même. Nous ne pouvons agir sans lui avoir demandé ce qu’il veut faire.
– C’est trop juste. Je vais lui envoyer un télégramme : Prudence et Mystère !
Ils quittèrent leur retraite, et Charles sortit pour mettre son projet à exécution.
Le télégramme ne devant pas parvenir à son adresse avant deux heures, Marie profita de ce laps de temps pour faire une course pressée, et Verroy ayant fait le même raisonnement, ils restèrent absents trois heures environ.
Philomène, fort intriguée par la conférence secrète du matin, se tenait au salon, comme d’habitude, avec sa longue jupe étalée sur le tapis ; un roman à la main, assise sur un fauteuil dans une pose étudiée, elle se figurait être une duchesse et rêvait à des projets d’avenir vagues, mais délicieux.
Masson entra ; prévenu par le télégramme, il ne s’informa point auprès de la cousine de ce qu’on pouvait avoir à lui dire, mais il s’assit auprès d’elle et se mit à lui faire la conversation. Cette femme l’amusait avec ses prétentions, récemment greffées sur l’arbre plus ancien des ambitions secrètes ; il la trouvait drôle et la croyait bonne, ce qui lui donnait auprès d’elle la liberté d’allures qu’autorisait sa longue amitié avec Verroy. Ne se doutant pas d’ailleurs qu’on pût avoir une communication importante à lui faire, pensant qu’il s’agissait de procurer des billets à quelque ami de province, il avait l’esprit parfaitement en repos.
C’est avec la disposition d’esprit la plus enjouée qu’il s’assit auprès de madame Crépin.
– Comme vous voilà belle ! lui dit-il en souriant ; vous avez arboré un bonnet tout neuf. Est-ce en mon honneur ?
– Mais oui, répondit la veuve, qui rougit de plaisir.
– Vous saviez donc que je viendrais ? moi qui il y a deux heures n’en savais rien moi-même.
– Je vous attends toujours, fit madame Crépin en baissant les yeux.
Masson prit cet aveu pour une bonne plaisanterie.
– C’est gentil au moins, ce que vous me dites là, fit-il avec sa bonhomie ordinaire ; tout le monde ne m’en dit pas autant. Restez-vous encore longtemps ici ?
– Je ne sais pas, cela ne dépend pas de moi.
– Êtes-vous heureuse de vivre là-bas ? s’écria tout à coup le jeune homme, laissant déborder le trop-plein de son cœur. Vivre là-bas, dans une petite maison grise, avec un petit jardin... quel paradis !...
– Tout seul ?
– Ah ! non, par exemple, pas tout seul ! Avec ma femme ! La Heuserie avec ma femme, voilà l’idéal !
Philomène sentit son cœur bondir délicieusement. La Heuserie et sa femme ! Mais si ces deux desiderata se réunissaient en un seul, propriétaire et propriété, Masson n’aurait plus rien à demander au ciel. Seulement, le dire n’était pas très facile, le faire comprendre était une tâche non moins délicate. Philomène se promit de chercher un auxiliaire.
– Vous aimez donc bien la campagne ? dit-elle d’une voix aussi mélodieuse que son gosier voulut le lui permettre.
– Je l’adore ! C’est le repos, c’est le sommeil ! Après ce Paris embrasé qui nous dévore, après les soirées passées dans ce four à cuire des hommes qu’on appelle le théâtre, respirer l’...

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