Contes du jour et de la nuit
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Contes du jour et de la nuit

Guy de Maupassant

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  1. 169 pages
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Contes du jour et de la nuit

Guy de Maupassant

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En 1884, lorsqu'il publie les Contes, Maupassant est devenu un homme riche et un auteur comblĂ©. Mais il n'a rien perdu de l'agressivitĂ© qui lui faisait naguĂšre Ă©crire Ă  Flaubert: «Je trouve que 93 a Ă©tĂ© doux... Il faut supprimer les classes dirigeantes aujourd'hui comme alors, et noyer les beaux messieurs crĂ©tins avec les belles dames catins.»Il n'y a pas que des crĂ©tins et des catins dans les Contes. Il y a aussi un «ivrogne», un «lĂąche», un «parricide» (qui a d'ailleurs toutes les raisons de l'ĂȘtre), quelques cocus, quelques farces de haute graisse, une superbe histoire corse (La Vendetta). Et mĂȘme des honnĂȘtes gens et un couple heureux. Le tout dĂ©crit avec cette concision aiguĂ« et dĂ©capante oĂč se reconnaĂźt le caractĂšre unique d'un Ă©crivain qui disait de lui-mĂȘme: «Je ne pense comme personne, je ne sens comme personne, je ne raisonne comme personne.»

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Information

Year
2018
ISBN
9782322160969
Edition
1

La parure

C’était une de ces jolies et charmantes filles, nĂ©es, comme par une erreur du destin, dans une famille d’employĂ©s. Elle n’avait pas de dot, pas d’espĂ©rances, aucun moyen d’ĂȘtre connue, comprise, aimĂ©e, Ă©pousĂ©e par un homme riche et distinguĂ© ; et elle se laissa marier avec un petit commis du ministĂšre de l’instruction publique.
Elle fut simple ne pouvant ĂȘtre parĂ©e, mais malheureuse comme une dĂ©classĂ©e ; car les femmes n’ont point de caste ni de race, leur beautĂ©, leur grĂące et leur charme leur servant de naissance et de famille. Leur finesse native, leur instinct d’élĂ©gance, leur souplesse d’esprit, sont leur seule hiĂ©rarchie, et font des filles du peuple les Ă©gales des plus grandes dames.
Elle souffrait sans cesse, se sentant nĂ©e pour toutes les dĂ©licatesses et tous les luxes. Elle souffrait de la pauvretĂ© de son logement, de la misĂšre des murs, de l’usure des siĂšges, de la laideur des Ă©toffes. Toutes ces choses, dont une autre femme de sa caste ne se serait mĂȘme pas aperçue, la torturaient et l’indignaient. La vue de la petite Bretonne qui faisait son humble mĂ©nage Ă©veillait en elle des regrets dĂ©solĂ©s et des rĂȘves Ă©perdus. Elle songeait aux antichambres muettes, capitonnĂ©es avec des tentures orientales, Ă©clairĂ©es par de hautes torchĂšres de bronze, et aux deux grands valets en culotte courte qui dorment dans les larges fauteuils, assoupis par la chaleur lourde du calorifĂšre. Elle songeait aux grands salons vĂȘtus de soie ancienne, aux meubles fins portant des bibelots inestimables, et aux petits salons coquets, parfumĂ©s, faits pour la causerie de cinq heures avec les amis les plus intimes, les hommes connus et recherchĂ©s dont toutes les femmes envient et dĂ©sirent l’attention.
Quand elle s’asseyait, pour dĂźner, devant la table ronde couverte d’une nappe de trois jours, en face de son mari qui dĂ©couvrait la soupiĂšre en dĂ©clarant d’un air enchantĂ© : « Ah ! le bon pot-au-feu ! je ne sais rien de meilleur que cela... » elle songeait aux dĂźners fins, aux argenteries reluisantes, aux tapisseries peuplant les murailles de personnages anciens et d’oiseaux Ă©tranges au milieu d’une forĂȘt de fĂ©erie ; elle songeait aux plats exquis servis en des vaisselles merveilleuses, aux galanteries chuchotĂ©es et Ă©coutĂ©es avec un sourire de sphinx, tout en mangeant la chair rose d’une truite ou des ailes de gĂ©linotte.
Elle n’avait pas de toilettes, pas de bijoux, rien. Et elle n’aimait que cela ; elle se sentait faite pour cela. Elle eĂ»t tant dĂ©sirĂ© plaire, ĂȘtre enviĂ©e, ĂȘtre sĂ©duisante et recherchĂ©e.
Elle avait une amie riche, une camarade de couvent qu’elle ne voulait plus aller voir, tant elle souffrait en revenant. Et elle pleurait pendant des jours entiers, de chagrin, de regret, de dĂ©sespoir et de dĂ©tresse.
◊
Or, un soir, son mari rentra, l’air glorieux, et tenant à la main une large enveloppe.
– Tiens, dit-il, voici quelque chose pour toi.
Elle déchira vivement le papier et en tira une carte imprimée qui portait ces mots :
« Le ministre de l’instruction publique et Mme Georges Ramponneau prient M. et Mme Loisel de leur faire l’honneur de venir passer la soirĂ©e Ă  l’hĂŽtel du ministĂšre, le lundi 18 janvier. »
Au lieu d’ĂȘtre ravie, comme l’espĂ©rait son mari, elle jeta avec dĂ©pit l’invitation sur la table, murmurant :
– Que veux-tu que je fasse de cela ?
– Mais, ma chĂ©rie, je pensais que tu serais contente. Tu ne sors jamais, et c’est une occasion, cela, une belle ! J’ai eu une peine infinie Ă  l’obtenir. Tout le monde en veut ; c’est trĂšs recherchĂ© et on n’en donne pas beaucoup aux employĂ©s. Tu verras lĂ  tout le monde officiel.
Elle le regardait d’un Ɠil irritĂ©, et elle dĂ©clara avec impatience :
– Que veux-tu que je me mette sur le dos pour aller là ?
Il n’y avait pas songĂ© ; il balbutia :
– Mais la robe avec laquelle tu vas au thĂ©Ăątre. Elle me semble trĂšs bien, Ă  moi...
Il se tut, stupéfait, éperdu, en voyant que sa femme pleurait. Deux grosses larmes descendaient lentement des coins des yeux vers les coins de la bouche ; il bégaya :
– Qu’as-tu ? qu’as-tu ?
Mais, par un effort violent, elle avait domptĂ© sa peine et elle rĂ©pondit d’une voix calme en essuyant ses joues humides :
– Rien. Seulement je n’ai pas de toilette et par consĂ©quent je ne peux aller Ă  cette fĂȘte. Donne ta carte Ă  quelque collĂšgue dont la femme sera mieux nippĂ©e que moi.
Il était désolé. Il reprit :
– Voyons, Mathilde. Combien cela coĂ»terait-il, une toilette convenable, qui pourrait te servir encore en d’autres occasions, quelque chose de trĂšs simple ?
Elle rĂ©flĂ©chit quelques secondes, Ă©tablissant ses comptes et songeant aussi Ă  la somme qu’elle pouvait demander sans s’attirer un refus immĂ©diat et une exclamation effarĂ©e du commis Ă©conome.
Enfin, elle répondit en hésitant :
– Je ne sais pas au juste, mais il me semble qu’avec quatre cents francs je pourrais arriver.
Il avait un peu pĂąli, car il rĂ©servait juste cette somme pour acheter un fusil et s’offrir des parties de chasse, l’étĂ© suivant, dans la plaine de Nanterre, avec quelques amis qui allaient tirer des alouettes, par lĂ , le dimanche.
Il dit cependant :
– Soit. Je te donne quatre cents francs. Mais tñche d’avoir une belle robe.
◊
Le jour de la fĂȘte approchait, et Mme Loisel semblait triste, inquiĂšte, anxieuse. Sa toilette Ă©tait prĂȘte cependant. Son mari lui dit un soir :
– Qu’as-tu ? Voyons, tu es toute drîle depuis trois jours.
Et elle répondit :
– Cela m’ennuie de n’avoir pas un bijou, pas une pierre, rien Ă  mettre sur moi. J’aurai l’air misĂšre comme tout. J’aimerais presque mieux ne pas aller Ă  cette soirĂ©e.
Il reprit :
– Tu mettras des fleurs naturelles. C’est trùs chic en cette saison-ci. Pour dix francs tu auras deux ou trois roses magnifiques.
Elle n’était point convaincue.
– Non... il n’y a rien de plus humiliant que d’avoir l’air pauvre au milieu de femmes riches.
Mais son mari s’écria :
– Que tu es bĂȘte ! Va trouver ton amie Mme Forestier et demande-lui de te prĂȘter des bijoux. Tu es bien assez liĂ©e avec elle pour faire cela.
Elle poussa un cri de joie :
– C’est vrai. Je n’y avais point pensĂ©.
Le lendemain, elle se rendit chez son amie et lui conta sa détresse.
Mme Forestier alla vers son armoire à glace, prit un large coffret, l’apporta, l’ouvrit, et dit à Mme Loisel :
– Choisis, ma chùre.
Elle vit d’abord des bracelets, puis un collier de perles, puis une croix vĂ©nitienne, or et pierreries, d’un admirable travail. Elle essayait les parures devant la glace, hĂ©sitait, ne pouvait se dĂ©cider Ă  les quitter, Ă  les rendre. Elle demandait toujours :
– Tu n’as plus rien autre ?
– Mais si. Cherche. Je ne sais pas ce qui peut te plaire.
Tout Ă  coup elle dĂ©couvrit, dans une boĂźte de satin noir, une superbe riviĂšre de diamants ; et son cƓur se mit Ă  battre d’un dĂ©sir immodĂ©rĂ©. Ses mains tremblaient en la prenant. Elle l’attacha autour de sa gorge, sur sa robe montante, et demeura en extase devant elle-mĂȘme.
Puis, elle demanda, hĂ©sitante, pleine d’angoisse :
– Peux-tu me prĂȘter cela, rien que cela ?
– Mais, oui, certainement.
Elle sauta au cou de son amie, l’embrassa avec emportement, puis s’enfuit avec son trĂ©sor.
◊
Le jour de la fĂȘte arriva. Mme Loisel eut un succĂšs. Elle Ă©tait plus jolie que toutes, Ă©lĂ©gante, gracieuse, souriante et folle de joie. Tous les hommes la regardaient, demandaient son nom, cherchaient Ă  ĂȘtre prĂ©sentĂ©s. Tous les attachĂ©s du cabinet voulaient valser avec elle. Le ministre la remarqua.
Elle dansait avec ivresse, avec emportement, grisĂ©e par le plaisir, ne pensant plus Ă  rien, dans le triomphe de sa beautĂ©, dans la gloire de son succĂšs, dans une sorte de nuage de bonheur fait de tous ces hommages, de toutes ces admirations, de tous ces dĂ©sirs Ă©veillĂ©s, de cette victoire si complĂšte et si douce au cƓur des femmes.
Elle partit vers quatre heures du matin. Son mari, depuis minuit, dormait dans un petit salon dĂ©sert avec trois autres messieurs dont les femmes s’amusaient beaucoup.
Il lui jeta sur les Ă©paules les vĂȘtements qu’il avait apportĂ©s pour la sortie, modestes vĂȘtements de la vie ordinaire, dont la pauvretĂ© jurait avec l’élĂ©gance de la toilette de bal. Elle le sentit et voulut s’enfuir, pour ne pas ĂȘtre remarquĂ©e par les autres femmes qui s’enveloppaient de riches fourrures.
Loisel la retenait :
– Attends donc. Tu vas attraper froid dehors. Je vais appeler un fiacre.
Mais elle ne l’écoutait point et descendait rapidement l’escalier. Lorsqu’ils furent dans la rue, ils ne trouvĂšrent pas de voiture ; et ils se mirent Ă  chercher, criant aprĂšs les cochers qu’ils voyaient passer de loin. ...

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