La Mouche
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La Mouche

Alfred de Musset

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  1. 60 pages
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La Mouche

Alfred de Musset

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La Mouche est un conte d'Alfred de Musset, la derniÚre oeuvre publiée de son vivant, dans le feuilleton du journal Le Moniteur en 1853. Il raconte avec toute la légÚreté amÚre propre aux comédies et certaines poésies de son auteur et à son sujet la rencontre entre un jeune chevalier de vingt ans et le Marquise de Pompadour, à Trianon. Tout commence par une lettre d'amour que la marquise lit au roi, adressée à la niÚce d'une de ses amie par le fameux jeune homme. Celui-ci gagne Versailles et cherche à voir la Marquise dont il veut obtenir l'appui pour son brevet et son mariage. Il y parvient en se voyant confier, par un page victime d'une chute de cheval, un message du roi pour cette dame, dont il a la veille, par un salutaire hasard, ramassé l'éventail. L'intrigue politique s'invite ensuite dans ce badinage, mais le jeune homme a de l'honneur et ne trahit pas celle qui l'a protégé. Alors l'honneur engendre le bonheur.

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Information

Year
2019
ISBN
9782322039814
Edition
1

Chapitre V

Chapitre V
Quand le chevalier arriva au chùteau, un suisse était encore devant le péristyle :
« Ordre du roi, » dit le jeune homme, qui, cette fois, ne redoutait plus les hallebardes ; et, montrant sa lettre, il entra gaiement au travers d’une demi-douzaine de laquais.
Un grand huissier, plantĂ© au milieu du vestibule, voyant l’ordre et le sceau royal, s’inclina gravement, comme un peuplier courbĂ© par le vent, puis, de l’un de ses doigts osseux, il toucha, en souriant, le coin d’une boiserie.
Une petite porte battante, masquĂ©e par une tapisserie, s’ouvrit aussitĂŽt comme d’elle-mĂȘme. L’homme osseux fit un signe obligeant : le chevalier entra, et la tapisserie, qui s’était entrouverte, retomba mollement derriĂšre lui.
Un valet de chambre silencieux l’introduisit alors dans un salon, puis dans un corridor, sur lequel s’ouvraient deux ou trois petits cabinets, puis enfin dans un second salon, et le pria d’attendre un instant.
« Suis-je encore ici au chùteau de Versailles ? se demandait le chevalier. Allons-nous recommencer à jouer à cligne-musette ? »
Trianon n’était, Ă  cette Ă©poque, ni ce qu’il est maintenant, ni ce qu’il avait Ă©tĂ©. On a dit que madame de Maintenon avait fait de Versailles un oratoire, et madame de Pompadour un boudoir. On a dit aussi de Trianon que ce petit chĂąteau de porcelaine Ă©tait le boudoir de madame de Montespan. Quoi qu’il en soit de tous ces boudoirs, il paraĂźt que Louis XV en mettait partout. Telle galerie, oĂč son aĂŻeul se promenait majestueusement, Ă©tait alors bizarrement divisĂ©e en une infinitĂ© de compartiments. Il y en avait de toutes les couleurs ; le roi allait papillonnant dans ces bosquets de soie et de velours. « Trouvez-vous de bon goĂ»t mes petits appartements meublĂ©s ? » demanda-t-il un jour Ă  la belle comtesse de SĂ©ran. « Non, dit-elle, je les voudrais bleus. » Comme le bleu Ă©tait la couleur du roi, cette rĂ©ponse le flatta. Au second rendez-vous, madame de SĂ©ran trouva le salon meublĂ© en bleu, comme elle l’avait dĂ©sirĂ©.
Celui dans lequel, en ce moment, le chevalier se trouvait seul, n’était ni bleu, ni blanc, ni rose, mais tout en glaces. On sait combien une jolie femme qui a une jolie taille gagne Ă  laisser ainsi son image se rĂ©pĂ©ter sous mille aspects. Elle Ă©blouit, elle enveloppe, pour ainsi dire, celui Ă  qui elle veut plaire. De quelque cĂŽtĂ© qu’il regarde, il la voit ; comment l’éviter ? Il ne lui reste plus qu’à s’enfuir, ou Ă  s’avouer subjuguĂ©.
Le chevalier regardait aussi le jardin. LĂ , derriĂšre les charmilles et les labyrinthes, les statues et les vases de marbre, commençait Ă  poindre le goĂ»t pastoral, que la marquise allait mettre Ă  la mode, et que, plus tard, madame Dubarry et la reine Marie-Antoinette devaient pousser Ă  un si haut degrĂ© de perfection. DĂ©jĂ  apparaissaient les fantaisies champĂȘtres oĂč se rĂ©fugiait le caprice blasĂ©. DĂ©jĂ  les Tritons boursouflĂ©s, les graves dĂ©esses et les nymphes savantes, les bustes Ă  grandes perruques, glacĂ©s d’horreur dans leurs niches de verdure, voyaient sortir de terre un jardin anglais au milieu des ifs Ă©tonnĂ©s. Les petites pelouses, les petits ruisseaux, les petits ponts, allaient bientĂŽt dĂ©trĂŽner l’Olympe pour le remplacer par une laiterie, Ă©trange parodie de la nature, que les Anglais copient sans la comprendre, vrai jeu d’enfant devenu alors le passe-temps d’un maĂźtre indolent, qui ne savait comment se dĂ©sennuyer de Versailles dans Versailles mĂȘme.
Mais le chevalier Ă©tait trop charmĂ©, trop ravi de se trouver lĂ  pour qu’une rĂ©flexion critique pĂ»t se prĂ©senter Ă  son esprit. Il Ă©tait, au contraire, prĂȘt Ă  tout admirer, et il admirait en effet, tournant sa missive dans ses doigts, comme un provincial fait de son chapeau, lorsqu’une jolie fille de chambre ouvrit la porte et lui dit doucement :
– Venez, monsieur.
Il la suivit, et aprĂšs avoir passĂ© de nouveau par plusieurs corridors plus ou moins mystĂ©rieux, elle le fit entrer dans une grande chambre oĂč les volets Ă©taient Ă  demi fermĂ©s. LĂ , elle s’arrĂȘta et parut Ă©couter :
« Toujours cligne-musette, se disait le chevalier. »
Cependant, au bout de quelques instants, une porte s’ouvrit encore, et une autre fille de chambre, qui semblait devoir ĂȘtre aussi jolie que la premiĂšre, rĂ©pĂ©ta du mĂȘme ton les mĂȘmes paroles :
– Venez, monsieur.
S’il avait Ă©tĂ© Ă©mu Ă  Versailles, il l’était maintenant bien autrement, car il comprenait qu’il touchait au seuil du temple qu’habitait la divinitĂ©. Il s’avança le cƓur palpitant ; une douce lumiĂšre, faiblement voilĂ©e par de lĂ©gers rideaux de gaze, succĂ©da Ă  l’obscuritĂ© ; un parfum dĂ©licieux, presque imperceptible, se rĂ©pandit dans l’air autour de lui ; la fille de chambre Ă©carta timidement le coin d’une portiĂšre de soie, et, au fond d’un grand cabinet de la plus Ă©lĂ©gante simplicitĂ©, il aperçut la dame Ă  l’éventail, c’est-Ă -dire la toute-puissante marquise.
Elle Ă©tait seule, assise devant une table, enveloppĂ©e d’un peignoir, la tĂȘte appuyĂ©e sur sa main, et paraissant trĂšs prĂ©occupĂ©e. En voyant entrer le chevalier, elle se leva par un mouvement subit et comme involontaire :
– Vous venez de la part du roi ?
Le chevalier aurait pu rĂ©pondre, mais il ne trouva rien de mieux que de s’incliner profondĂ©ment, en prĂ©sentant Ă  la marquise la lettre qu’il lui apportait. Elle la prit, ou plutĂŽt s’en empara avec une extrĂȘme vivacitĂ©. Pendant qu’elle la dĂ©cachetait, ses mains tremblaient sur l’enveloppe.
Cette lettre, Ă©crite de la main du roi, Ă©tait assez longue. Elle la dĂ©vora d’abord, pour ainsi dire, d’un coup d’Ɠil, puis elle la lut avidement avec une attention profonde, le sourcil froncĂ© et serrant les lĂšvres. Elle n’était pas belle ainsi, et ne ressemblait plus Ă  l’apparition magique du petit foyer. Quand elle fut au bout, elle sembla rĂ©flĂ©chir. Peu Ă  peu, son visage, qui avait pĂąli, se colora d’un lĂ©ger incarnat (Ă  cette heure-lĂ  elle n’avait pas de rouge) : non seulement la grĂące lui revint, mais un Ă©clair de vraie beautĂ© passa sur ses traits dĂ©licats ; on aurait pu prendre ses joues pour deux feuilles de rose. Elle poussa un demi-soupir, laissa tomber la lettre sur la table, et se retournant vers le chevalier :
– Je vous ai fait attendre, monsieur, lui dit-elle avec le plus charmant sourire, mais c’est que je n’étais pas levĂ©e, et je ne le suis mĂȘme pas encore. VoilĂ  pourquoi j’ai Ă©tĂ© forcĂ©e de vous faire venir par les cachettes ; car je suis assiĂ©gĂ©e ici presque autant que si j’étais chez moi. Je voudrais rĂ©pondre un mot au roi. Vous ennuie-t-il de faire ma commission ?
Cette fois il fallait parler ; le chevalier avait eu le temps de reprendre un peu de courage.
– HĂ©las ! madame, dit-il tristement, c’est beaucoup de grĂące que vous me faites ; mais, par malheur, je n’en puis profiter.
– Pourquoi cela ?
– Je n’ai pas l’honneur d’appartenir Ă  Sa MajestĂ©.
– Comment donc ĂȘtes-vous venu ici ?
– Par un hasard. J’ai rencontrĂ© en route un page qui s’est jetĂ© par terre, et qui m’a prié 
– Comment, jetĂ© par terre ! rĂ©pĂ©ta la marquise en Ă©clatant de rire. (Elle paraissait si heureuse en ce moment, que la gaietĂ© lui venait sans peine.)
– Oui, madame, il est tombĂ© de cheval Ă  la grille. Je me suis trouvĂ© lĂ , heureusement, pour l’aider Ă  se relever, et, comme son habit Ă©tait fort gĂątĂ©, il m’a priĂ© de me charger de son message.
– Et par quel hasard vous ĂȘtes-vous trouvĂ© lĂ  ?
– Madame, c’est que j’ai un placet Ă  prĂ©senter Ă  Sa MajestĂ©.
– Sa MajestĂ© demeure Ă  Versailles.
– Oui, mais vous demeurez ici.
– Oui-dĂ  ! En sorte que c’était vous qui vouliez me charger d’une commission.
– Madame, je vous supplie de croire

– Ne vous effrayez pas, vous n’ĂȘtes pas le premier. Mais Ă  propos de quoi vous adresser Ă  moi ? Je ne suis qu’une femme
 comme une autre.
En prononçant ces mots d’un air moqueur, la marquise jeta un regard triomphant sur la lettre qu’elle venait de lire.
– Madame, reprit le chevalier, j’ai toujours ouï dire que les hommes exerçaient le pouvoir, et que les femmes

– En disposaient, n’est-ce pas ? Eh bien, monsieur, il y a une reine de France.
– Je le sais, madame, et c’est ce qui fait que je me suis trouvĂ© lĂ  ce matin.
La marquise Ă©tait plus qu’habituĂ©e Ă  de semblables compliments, bien qu’on ne les lui fit qu’à voix basse : mais, dans la circonstance prĂ©sente, celui-ci parut lui plaire trĂšs singuliĂšrement.
– Et sur quelle foi, dit-elle, sur quelle assurance avez-vous cru pouvoir parvenir jusqu’ici ? Car vous ne comptiez pas, je suppose, sur un cheval qui tombe en chemin !
– Madame, je croyais
 j’espĂ©rais

– Qu’espĂ©riez-vous ?
– J’espĂ©rais que le hasard
 pourrait

– Toujours le hasard ! Il est de vos amis, à ce qu’il paraüt ; mais je vous avertis que si vous n’en avez pas d’autres, c’est une triste recommandation.
Peut-ĂȘtre la fortune offensĂ©e voulut-elle se venger de cette irrĂ©vĂ©rence ; mais le chevalier, que ces derniĂšres questions avaient de plus en plus troublĂ©, aperçut tout Ă  coup, sur le coin de la table, prĂ©cisĂ©ment le mĂȘme Ă©ventail qu’il avait ramassĂ© la veille. Il le prit, et, comme la veille, il ...

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