Le masque de fer
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Le masque de fer

Enquête sur les dessous d'un secret d'Etat

Jules Loiseleur

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  1. 52 pages
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Le masque de fer

Enquête sur les dessous d'un secret d'Etat

Jules Loiseleur

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Qui était l'Homme au Masque de Fer? Cette question, véritable énigme historique qui agite la communauté scientifique depuis toujours, n'a toujours pas été résolue. En historien consciencieux, Jules Loiseleur, se penche à nouveau sur les procédés de la police sous Louis XIV, relève les failles des enquêtes, et avance ici une nouvelle hypothèse non exploitée qui ravira les lecteurs curieux des secrets d'histoire.

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Information

Year
2020
ISBN
9782322227068
Edition
1
Topic
Storia

LE MASQUE DE FER DEVANT LA CRITIQUE MODERNE

Ce qui, de nos jours, caractérise la critique historique, c'est l'absence de toute idée préconçue. Elle n'adopte aucune hypothèse à priori ; elle compulse, rapproche, commente, discute et éclaire les documents en toute indépendance, sans chercher à les plier à aucun système, résolue d'avance à battre en brèche les opinions reçues, à ne pas satisfaire et même à déjouer la curiosité publique, si l'examen attentif des textes et des faits ne la conduit point à des résultats précis et positifs. Elle sait se résoudre à ignorer, convaincue qu'il n'est pas moins important de saper des erreurs que de fonder des vérités.
C'est dans cet esprit que nous allons essayer d'examiner une question bien des fois agitée depuis plus d'un siècle, question assurément plus curieuse qu'importante, mais qui a toutefois son intérêt historique, car, d'une part, elle éclaire les procédés de la police sous Louis XIV, et, de l'autre, elle touche, par un côté, aux droits plus ou moins légitimes qu'ont eus les derniers Bourbons au trône de France. Cette question, comme on le verra, tient autant de la légende que de la réalité ; aussi nous écarterons-nous, pour la résoudre, des procédés auxquels nous avons eu recours pour d'autres problèmes historiques. Il ne s'agit point ici, en effet, comme pour la mort de Gabrielle d'Estrées ou le mariage de Mazarin avec Anne d'Autriche, de rectifier des faits mal compris et où l'imagination seule des historiens était en jeu ; c'est avec l'imagination populaire qu'on entre en lutte, et l'on sait avec quelle rapidité, avec quelle habileté merveilleuse et qui dépasse celle des plus féconds romanciers, cette multiple et prestigieuse imagination mêle, condense, embrouille les faits et leur prête rapidement le caractère de la légende.
Afin d'éviter toute erreur d'appréciation précipitée, nous demandons grâce au lecteur pour la première partie de cette étude, qui ne contient que la discussion préliminaire des documents et des faits certains, le prévenant d'avance que cet exposé indispensable le conduira, si nous ne nous abusons, à des conclusions qui doivent peut-être tromper sa curiosité, mais qui auront du moins ce double avantage, qu'elles seront neuves et aussi rapprochées de la vérité qu'il est permis de l'espérer en pareille matière.
De toutes les solutions qui ont été données à l'énigme du prisonnier connu sous le nom d'Homme au masque de fer, deux seulement jusqu'à ce jour ont, avec plus ou moins de succès, résisté aux efforts de la critique. Toutes les autres ont été successivement battues en brèche. Nombre d'écrivains ont surabondamment démontré qu'on ne peut voir dans le mystérieux prisonnier ni le patriarche Arwédicks, ni le comte de Vermandois, ni le duc de Beaufort, ni le duc de Monmouth, ni le second fils de Cromwell. La solution que M. Paul Lacroix, dans un livre très-ingénieux, a entendu substituer à toutes ces explications chimériques n'a pas mieux soutenu l'examen. La mort de Fouquet à Pignerol, en 1680, est constatée par la correspondance du ministre Louvois avec le gouverneur de cette prison, correspondance dont il est impossible de suspecter l'authenticité. D'ailleurs, ainsi que l'a remarqué M. Henri Martin, cette preuve matérielle n'existerait pas, que l'on ne pourrait encore croire à un retour de rigueur aussi étrange et aussi peu motivé que celui qui aurait porté Louis XIV à masquer et à séquestrer de nouveau le malheureux surintendant, alors que (tous les documents officiels l'attestent) les ressentiments s'étaient apaisés peu à peu et qu'on avait cessé de craindre un vieillard qui ne demandait plus qu'un peu d'air libre avant de mourir1.
Les deux seules hypothèses qui restent encore en présence sur le prisonnier inconnu sont celles du baron de Hleiss et de Voltaire. La première veut que l'homme au masque ait été un secrétaire du duc de Mantoue, le comte Matthioli. Elle a été adoptée par la majorité des écrivains qui connaissent à fond le siècle de Louis XIV : par M. Henri Martin, par M. Depping, qui a publié, dans la Collection de documents inédits sur l'histoire de France, une partie des lettres formant la correspondance administrative du grand règne ; par M. Camille Rousset, qui a étudié de près toutes les affaires où Louvois a mis la main. Cette opinion s'appuie sur des lettres et des pièces authentiques mises au jour par Roux-Fazillac et Delort, ou existant dans nos grands dépôts publics. On peut donc la contrôler de près ; il suffit, pour la juger, de discuter les documents sur lesquels elle s'appuie.
Il n'en est pas de même de l'opinion qu'a laissée transpirer Voltaire sous le couvert d'un de ses éditeurs. Celle-là ne s'appuie sur aucun document décisif et précis. Presque tous ceux qu'elle invoque peuvent aussi bien convenir à un secrétaire du duc de Mantoue qu'à un prince du sang royal. Elle repose principalement sur les traditions relatives au profond respect que les gardiens, le gouverneur Saint-Mars et le ministre Louvois auraient témoigné au prisonnier, et sur le mystère dont il fut entouré à la Bastille. Le seul document qui semble lui appartenir en propre et confirmer ses arguments est un journal découvert par le savant et judicieux P. Griffet, journal dont il est impossible de tirer autre chose que des présomptions, et qu'il convient d'ailleurs d'éclairer au flambeau d'une saine critique. Cette opinion n'en est pas moins de beaucoup plus populaire que l'autre. M. Michelet, dans ces dernières années, l'a ravivée en lui prêtant l'autorité de sa parole ardente et de son entraînante imagination. On en pensera ce qu'on voudra, s'écrie l'illustre historien, mais on ne me fera pas croire aisément qu'on eût pris des précautions tellement extraordinaires, qu'on eût gardé à ce point le secret (toujours transmis de roi en roi et à nul autre) si le prisonnier n'avait été qu'un agent du duc de Mantoue ! Cela est insoutenable. La connaissance qu'on a aujourd'hui du régime intérieur des prisons d'État, la publication des Archives de la Bastille, l'excellente introduction que M. Ravaisson a annexée à cette publication, permettent à cette heure d'examiner à fond les arguments sur lesquels repose cette hypothèse, de la serrer de près, et de contrôler, d'après ce qu'on sait avec certitude des usages de la Bastille, les traditions et les faits sur lesquels elle se fonde.
Avant de passer à la discussion des documents relatifs au prisonnier inconnu, et qui conviennent également aux deux hypothèses, il est à propos d'analyser sommairement ceux qui, s'appliquant certainement à Matthioli, paraissent le concerner seul, et, préliminairement, de dire quelques mots des faits qui motivèrent la détention de cet homme d'État.
I
Ercole-Antonio Matthioli était né à Bologne, le 1er décembre 1640, d'une famille de robe. Le 7 juillet 1659, il obtint le lauréat en droit civil et canonique ; il devint plus tard lecteur public à l'université de Bologne. A l'époque où se placent les événements que nous allons raconter, il était marié depuis dix-huit ans à Camilla Paleotti, veuve d'Alessandro Piatesi ; il avait de ce mariage deux garçons, dont l'aîné, Cesare-Antonio, était né à Mantoue, le 2 octobre 1665. Son père, Valeriano Matthioli, vivait encore. Il avait donc autour de lui une famille associée à ses intérêts et bien posée pour défendre la vie et la liberté de son chef.
Matthioli avait été secrétaire d'État du duc Charles III de Mantoue. Le fils et successeur de ce prince, Ferdinand-Charles IV, le créa sénateur surnuméraire, dignité dont avait été revêtu son aïeul Constantino, et lui accorda le titre de comte pour lui et ses descendants.
En 1676, le gouvernement de Louis XIV conçut le projet d'acquérir un établissement dans le Montferrat, annexe éloignée du duché de Mantoue, et jeta les yeux sur Casal, tapi -tale du Montferrat, située sur le Pô, à quinze lieues seulement de Turin. Le marquis de Villars, consulté sur ce projet, qui devait livrer à Louis XIV une des entrées de l'Italie, fit connaître son avis par une lettre adressée à M. de Pomponne, le 1er avril 1677, dans laquelle il esquissait le portrait du duc et de ses favoris : Le temps me paraît favorable pour traiter avec le duc de Mantoue. Il est gueux, grand joueur et dépensier ; lui et ses favoris n'ont pas un sol. Les juifs lui ont avancé son revenu pour quelques années. Je crois que, si on pouvait le porter à mettre la citadelle entre les mains du Roi, en lui donnant une bonne somme d'argent et une pension considérable pour entretenir la garnison de la ville et du château, ce serait une chose très-avantageuse, d'autant que ce prince ne peut vivre longtemps2.
Il fut facile de s'entendre avec ce prince aussi léger d'esprit que d'argent, et qui usait dans les plaisirs de Venise les restes d'une fortune et d'une santé également compromises. Sa vie était un carnaval continuel. L'abbé d'Estrades, ambassadeur de France à Turin, noua de secrètes relations avec ses principaux ministres, le marquis Cavriani et les comtes Vialardi et Matthioli. Il fut convenu que ce dernier se rendrait mystérieusement en France pour s'entendre avec les ministres du Roi. Il arriva en effet à Versailles, au mois de décembre 1678, fut bien accueilli de Louis XIV, qui lui fit présent d'une bague et de quatre cents doubles, reçut la promesse d'une gratification beaucoup plus forte en cas de succès, s'aboucha avec Louvois, qui lui remit une instruction où les moindres détails de l'opération étaient réglés, et signa enfin le traité par lequel son maitre s'obligeait à livrer à la France l'une des clefs de l'Italie. On convint que la remise de Casai entre les mains des troupes française serait préparée dans le plus profond mystère. Il fallait en effet déjouer la surveillance active de l'Empire, de l'Espagne et surtout de la cour de Turin, qui depuis longtemps convoitait cette annexe naturelle du Piémont.
Les jours, les mois s'écoulèrent sans que Matthioli tint ses promesses. On apprit enfin à Versailles que la cour de Turin était au fait de toutes les particularités du voyage de ce ministre à Paris et de ses entrevues tant avec les ministres qu'avec le Roi. Le traître avait joué un double jeu et vendu le secret de l'intrigue au gouverneur espagnol du Milanais et à la cour de Turin, en même temps qu'il vendait son entremise à Louis XIV. L'affaire était manquée ; mais la punition du fourbe ne se fit pas attendre.
Dans le but de commander les troupes qui devaient prendre possession de Casal, Louvois avait mandé de Flandre un officier déjà connu pour son mérite et son esprit prompt et résolu. C'était Catinat. Le ministre l'avait mis au courant de l'affaire, et, dès le mois de décembre 1678, il lui avait enjoint de se rendre secrètement à Pignerol, petite ville située à l'entrée de la vallée de Pérouse, dans le Piémont, et acquise par la France de la maison de Savoie en 163/ Le commandant de la citadelle de Pignerol était le marquis d'Herleville ; mais il y avait pour le donjon de cette citadelle un commandant spécial, du nom de Saint-Mars, chargé de la garde des prisonniers renfermés dans ce donjon, au nombre desquels étaient alors le comte de Lauzun et l'ancien surintendant Fouquet. Saint-Mars seul fut prévenu de l'arrivée à Pignerol d'un officier qui se présenterait de nuit et mystérieusement sous le nom de Richemont3, et qui devait passer pour un prisonnier d'État. Ces précautions étaient inspirées par la crainte que le séjour de Catinat dans une forteresse si voisine de Turin n'éveillât l'attention. Ce ne fut que par une voie indirecte que Saint-Mars apprit ou devina le nom et la mission de son faux prisonnier. Il n'en fut jamais instruit officiellement. Cette remarque trouvera tout à l'heure son application. Louvois suspendit pour tout le temps que le sieur de Richemont demeurerait à Pignerol les visites que Lauzun et Fouquet avaient été autorisés à recevoir tant du marquis d'Herleville que des officiers en résidence dans cette place forte4. Mais, afin d'égayer un peu la réclusion forcée de Catinat, il autorisa Saint-Mars à le mettre en communication avec ses deux illustres prisonniers5, ce qui l'aydera, ajoutait-il, à passer un temps que je ne puis vous dire s'il sera long ou court. Suivaient des recommandations relatives à Fouquet et à Lauzun. Nulle mention dans cette lettre d'un autre prisonnier, ce qui prouve qu'à cette époque il n'y avait à Pignerol, en dehors des détenus vulgaires dont le ministre parle toujours d'une manière sommaire et collective, d'autres prisonniers d'importance que ceux qui viennent d'être nommés.
Les négociations avec Matthioli, les incertitudes sur ses intentions réelles, avaient duré jusqu'au milieu d'avril. Quand enfin l'abbé d'Estrades eut acquis la preuve certaine que le traité fait entre Louis XIV et le duc de Mantoue, et les instructions données par Louvois, avaient été communiqués à la cour de Turin, on résolut d'attirer Matthioli dans un piège et de charger Catinat du soin de l'arrêter. Saint Mars fut prévenu, par lettre de Louvois du 27 avril, de la prochaine arrestation d'un homme de la conduite duquel Sa Majesté n'avait pas sujet d'être satisfaite. Trois choses lui furent recommandées : le nouveau prisonnier ne devait avoir de commerce avec personne ; Saint-Mars avait ordre de le traiter de façon qu'il eût lieu de se repentir de sa mauvaise conduite ; tout le monde devait ignorer que Pignerol comptait un nouvel hôte.
Tout fin qu'il était, Matthioli fut dupe d'un stratagème assez grossier. L'abbé d'Estrades lui laissa croire qu'on ignorait son double jeu et ses fourberies. Il lui persuada que Catinat, dont Matthioli savait la présence à Pignerol, avait les mains pleines d'argent et était autorisé à les ouvrir en sa faveur. Rendez-vous fut pris entre l'abbé et Matthioli pour le 2 mai, à six heures du matin, dans une église, à un demi-mille de Turin. L'ambassadeur et l'Italien montèrent à l'heure dite dans un carrosse, qui les conduisit rapidement vers une petite hôtellerie où les attendait Catinat, et qui était située sur le territoire français. C'est là qu'eut lieu l'arrestation. Le même jour, à deux heures, le traître était dans le donjon de Pignerol, entre les mains de Saint-Mars.
Il y avait là certainement, de la part du gouvernement de Louis XIV, une violation du droit international et une atteinte à l'autorité du duc de Mantoue, dont Matthioli était le ministre et le sujet. Mais il faut remarquer que la fourberie de ce traître ne portait pas moins préjudice aux intérêts de son maître qu'à ceux de Louis XIV, de sorte qu'en le punissant, le roi de France vengeait à la fois sa propre injure et celle de son allié. Il ne parait pas que Charles IV ait jamais réclamé contre l'usurpation de droits que se permettait son puissant voisin. Il était d'ailleurs trop faible pour le faire utilement, trop indifférent, trop peu soucieux du soin de...

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