Croc-Blanc
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Croc-Blanc

Jack London

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Croc-Blanc

Jack London

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Dans le Grand Nord sauvage et glacé, un jeune loup apprend à lutter pour la vie. Les premiers hommes qu'il rencontre, des Indiens, le baptisent Croc-Blanc. Auprès d'eux, il connaît la chaleur du feu de camp, mais aussi le goût du sang. Racheté par un Blanc cupide, il est dressé pour le combat et découvre la haine. Un homme pourtant le sauve de cet enfer. Croc-Blanc lui vouera un amour exclusif.

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Information

Year
2020
ISBN
9782322223718

Chapitre XVIII LA MORT ADHÉRENTE



LA MORT ADHÉRENTE

Lorsque l'heure de la rencontre fut venue, Beauty-Smith détacha la chaîne qui retenait Croc-Blanc et se retira en arrière. Croc-Blanc, pour une fois, ne fit pas une attaque immédiate. Il demeura immobile, les oreilles pointées en avant, alerte et curieux, observant l'étrange animal qu'il avait devant lui. Jamais il n'avait vu un semblable chien. Tim Keenan poussa le bull-dog en lui disant à mi-voix : « Vas-y… » Le bull-dog se dandinait au centre du cercle qui entourait les deux champions, court, trapu et l'air gauche. Il s'arrêta après quelques pas et loucha vers Croc-Blanc.
Il y eut des cris dans la foule :
– Vas-y, Cherokee ! Crève-le, Cherokee ! Bouffe-le !
Mais Cherokee ne semblait pas disposé à combattre. Il tourna la tête vers les gens qui criaient, en clignant de l'œil et en agitant son bout de queue avec bonne humeur. Ce n'était pas qu'il eût peur de Croc-Blanc. Non, c'était simple paresse de sa part. Il ne lui semblait pas, d'ailleurs, qu'il fût dans ses obligations de combattre le chien qu'on lui présentait. Cette espèce ne figurait point sur la liste à laquelle il était accoutumé et il attendait qu'on lui offrît un autre chien.
Tim Keenan entra dans l'enceinte et, se courbant vers Cherokee, se mit à lui gratter les deux épaules, à lui rebrousser le poil, afin de l'inciter à aller de l'avant. Le résultat en fut d'irriter le chien peu à peu. Cherokee commença à gronder d'abord en sourdine, puis plus âprement dans sa gorge. Au rythme des doigts correspondait celui des grondements qui, au fur et à mesure que le mouvement de la main s'accélérait, devenaient plus intenses et, brusquement, se terminèrent en un aboi furieux.
Tout ce manège ne laissait pas non plus Croc-Blanc insensible. Son poil se soulevait sur son cou et sur ses épaules. Tim Keenan, après avoir passé la main sur le poil de sa bête encore une fois, abandonna Cherokee à lui-même ; le bull-dog était prêt à s'élancer. Mais déjà Croc-Blanc avait frappé. Un cri d'admiration et de stupeur s'éleva. Avec la rapidité et la souplesse d'un chat plutôt que d'un chien, il avait couvert la distance qui le séparait de son adversaire, puis avait rebondi au large après l'avoir lacéré.
Le bull-dog saignait d'une oreille arrachée et d'une large morsure dans son cou épais. Il n'eut pas l'air d'y prêter attention, ne laissa pas échapper une plainte, mais marcha sur Croc-Blanc. La vélocité de l'un, l'inébranlable tenue de l'autre passionnaient la foule ; les premiers paris se renouvelèrent avec une mise augmentée ; d'autres furent engagés. La même attaque et la même parade se répétèrent.
Croc-Blanc bondit encore en avant, lacéra, puis reflua en arrière sans être touché. Et encore son étrange ennemi le suivit sans trop se presser, sans lenteur excessive, mais délibérément, avec détermination, comme on traite une affaire. Il avait, de toute évidence, un but qu'il se proposait et une méthode pour arriver à ce but. Le reste ne comptait pas et ne devait pas le distraire.
Croc-Blanc s'en aperçut et cela le rendit perplexe. Il en était tout dérouté. Ce chien était décidément bien étrange. Il avait le poil ras et ne possédait point de fourrure protectrice. Les morsures s'enfonçaient sans peine dans une chair grasse qu'aucun matelas ne protégeait, et il ne semblait pas que l'animal eût la capacité de s'en défendre. Il ne se fâchait pas non plus et saignait sans se plaindre, ce qui était non moins déconcertant. À peine un léger cri, lorsqu'il avait reçu son châtiment.
Ce n'était pas pourtant que Cherokee fût impuissant à se mouvoir. Il tournait et virait même assez vite, mais Croc-Blanc n'était jamais là où il le cherchait. Il en était fort perplexe, lui aussi. Il n'avait jamais combattu avec un chien qu'il ne pouvait appréhender, avec un adversaire qui ne cessait pas de danser et de biaiser autour de lui.
Croc-Blanc ne réussissait pas cependant à atteindre, comme il l'eût voulu, le dessous de la gorge du bulldog. Celui-ci la tenait trop bas et ses mâchoires massives lui étaient une protection efficace. Le sang de Cherokee continuait à couler ; son cou et le dessus de sa tête étaient tailladés, et il persistait à poursuivre inlassablement Croc-Blanc, qui restait indemne. Une seule fois il s'arrêta durant un moment, abasourdi, en regardant de côté vers Tim Keenan et en agitant son tronçon de queue en signe de sa bonne volonté. Puis il reprit avec application sa poursuite, en tournant en rond derrière Croc-Blanc. Soudain, il coupa le cercle que tous deux décrivaient et tenta de saisir son adversaire à la gorge. Il ne le manqua que de l'épaisseur d'un cheveu, et des applaudissements crépitèrent à l'adresse de Croc-Blanc, qui avait échappé.
Le temps passait. Croc-Blanc répétait ses soubresauts et Cherokee s'acharnait avec la sombre certitude que, tôt ou tard, il atteindrait son but. Ses oreilles n'étaient que de minces rubans, plus de cent blessures les couvraient, et ses lèvres mêmes saignaient, toutes coupées. Parfois, Croc-Blanc s'efforçait de le reverser à terre, pattes en l'air, en se jetant sur lui. Mais son épaule était plus haute que celle du chien et la manœuvre avortait. Il s'obstina à la renouveler et, dans un élan plus fort qu'il avait pris, il passa par-dessus le corps de Cherokee. Pour la première fois depuis qu'il se battait, on vit Croc-Blanc perdre pied. Il tournoya en l'air pendant une seconde, se retourna comme un chat, mais ne réussit pas à retomber immédiatement sur ses pattes. Il chut lourdement sur le côté et, quand il se redressa, les dents du bull-dog s'étaient incrustées dans sa gorge.
La prise n'était pas bien placée ; elle était trop bas vers la poitrine, mais elle était solide. Croc-Blanc, avec une exaspération frénétique, s'efforça de secouer ces dents resserrées sur lui, ce poids qu'il sentait pendu à son cou. Ses mouvements, maintenant, n'étaient plus libres ; il lui semblait qu'il avait été happé par une chausse-trappe. Tout son être s'en révoltait, au point de tomber en démence. La peur de mourir avait tout à coup surgi en lui, une peur aveuglée et désespérée.
Il se mit à virer, courir à droite, courir à gauche, tant pour se persuader qu'il était toujours vivant que pour tenter de détacher les cinquante livres que traînait sa gorge. Le bull-dog se contentait, à peu de chose près, de conserver son emprise. Quelquefois, il tentait de reprendre pied pendant un moment afin de secouer Croc-Blanc à son tour. Mais l'instant d'après, Croc-Blanc l'enlevait à nouveau et l'emportait à sa suite dans ses mouvements giratoires.
Cherokee s'abandonnait consciemment à son instinct. Il savait que sa tâche consistait à tenir dur et il en éprouvait de petits frissons joyeux. Il fermait béatement les yeux et, sans se raidir, se laissait ballotter de-ci de-là, avec abandon, indifférent aux heurts auxquels il était exposé. Croc-Blanc ne s'arrêta que lorsqu'il fut exténué. Il ne pouvait rien contre son adversaire. Jamais pareille aventure ne lui était arrivée. Il se coucha sur ses jarrets, pantelant et cherchant son souffle.
Sans relâcher son étreinte, le bull-dog tenta de le renverser complètement. Croc-Blanc résista à cet effort ; mais il sentit que les mâchoires qui le tenaillaient, par un imperceptible mouvement de mastication, portaient plus haut leur emprise. Patiemment, elles travaillaient à se rapprocher de sa gorge. Dans un mouvement spasmodique, il réussit à mordre lui-même le cou gras de Cherokee là où il rattache à l'épaule. Mais il se contenta de le lacérer, pour lâcher prise ensuite. Il ignorait la mastication de combat et sa mâchoire, au surplus, n'y était point apte.
Un changement se produisit, à ce moment, dans la position des deux adversaires. Le bull-dog était parvenu à rouler Croc-Blanc sur le dos et, toujours accroché à son cou, lui était monté sur le ventre. Alors Croc-Blanc, se ramassant sur son train de derrière, s'était mis à déchirer à coups de griffes, à la manière d'un chat, l'abdomen de son adversaire. Cherokee n'eût pas manqué d'être éventré s'il n'eût rapidement pivoté sur ses dents serrées, hors de la portée de cette attaque imprévue.
Mais le destin était inexorable comme la mâchoire qui, dès que Croc-Blanc demeurait un instant immobile, continuait à monter le long de la veine jugulaire. Seules, la peau flasque de son cou et l'épaisse fourrure qui la recouvrait sauvaient encore de la mort le jeune loup. Cette peau formait un gros rouleau dans la gueule du bull-dog et la fourrure défiait toute entame de la part des dents. Cependant Cherokee absorbait toujours plus de peau et de poil et, de la sorte, étranglait lentement Croc-Blanc qui respirait et soufflait de plus en plus difficilement.
La bataille semblait virtuellement terminée. Ceux qui avaient parié pour Cherokee exultaient et offraient de ridicules surenchères. Ceux, au contraire, qui avaient misé sur Croc-Blanc étaient découragés et refusaient des paris à dix pour un, à vingt pour un. On vit alors un homme s'avancer sur la piste du combat. C'était Beauty-Smith. Il étendit son doigt dans la direction de Croc-Blanc, puis se mit à rire avec dérision et mépris.
L'effet de ce geste ne se fit pas attendre. Croc-Blanc, en proie à une rage sauvage, appela à lui tout ce qui lui restait de force et se remit sur ses pattes. Mais, après avoir traîné encore autour du cercle les cinquante livres qu'il portait, sa colère tourna en panique. Il ne vit plus que la mort adhérente à sa gorge et, trébuchant, tombant, se relevant, enlevant son ennemi de terre, il lutta vainement, non plus pour vaincre, mais pour sauver sa vie. Il tomba à la renverse, exténué, et le bull-dog en profita pour enfouir dans sa gueule un bourrelet de peau et de poil encore plus gros. La strangulation complète était proche. Des cris, des applaudissements s'élevèrent, à la louange du vainqueur. On clama : « Cherokee ! Cherokee ! » Cherokee répondit en remuant le tronçon de sa queue, mais sans se laisser distraire de sa besogne. Il n'y avait aucune relation de sympathie entre sa queue et ses mâchoires massives. L'une pouvait s'agiter joyeusement, sans que les autres détendissent leur implacable étau.
Une diversion inattendue survint sur ces entrefaites. Un bruit de grelots résonna, mêlé à des aboiements de chiens de traîneau. Les spectateurs tournèrent la tête, craignant de voir arriver la police. Il n’en était rien. Le traîneau venait à toute vitesse de la direction opposée à celle du fort et les deux hommes qui le montaient rentraient sans doute de quelque voyage d'exploration. Apercevant la foule, ils arrêtèrent leurs chiens et s'approchèrent afin de se rendre compte du motif qui réunissait tous ces gens.
Celui qui conduisait les chiens portait moustache. L'autre, un grand jeune homme, était rasé à fleur de peau. Il était tout rouge du sang que l'air glacé et la rapidité de la course lui avaient fait affluer au visage.
Croc-Blanc continuait à agoniser et ne tentait plus de lutter. Seuls, des spasmes inconscients le soulevaient encore, par saccades, en une résistance machinale qui s'éteindrait bientôt avec son dernier souffle. Beauty-Smith ne l'avait pas perdu de vue une seule minute ; même les nouveaux venus ne lui avaient pas fait tourner la tête. ...

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