Essai sur le libre arbitre
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Arthur Schopenhauer

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Arthur Schopenhauer

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La philosophie, telle que la comprend et la pratique Schopenhauer, est une chasse aux illusions. Dans l'Essai sur le libre arbitre, traduit en 1877 et jamais rĂ©Ă©ditĂ© depuis, il dĂ©montre que l'homme est incapable d'agir par lui-mĂȘme et il relĂšgue au rang de mirage cette mystĂ©rieuse facultĂ© appelĂ©e libre arbitre. L'homme est prisonnier de lui-mĂȘme. La seule libertĂ© dont il puisse disposer est une connaissance approfondie de soi. Leçon que Freud, qui avait bien lu Schopenhauer, retiendra et qu'il appliquera sur un plan thĂ©rapeutique. Vision aussi trĂšs moderne de la condition humaine. Les hommes sont responsables de ce qu'ils font mais innocents de ce qu'ils sont. A l'homme d'assumer le hasard de ce qu'il est. Le caractĂšre est un destin.A la question sommes-nous libres? L'homme ordinaire rĂ©pond sans ambiguĂŻtĂ© oui puisque nous pouvons faire ce que nous voulons. Si l'homme peut faire ce qu'il veut mais sa volontĂ© est-elle libre? Peut-il choisir indiffĂ©remment en toute objectivitĂ© quand deux choix se prĂ©sentent Ă  lui? De quoi dĂ©pend la volontĂ© elle-mĂȘme? « Ma volontĂ© ne dĂ©pend absolument que de moi seul! Je peux vouloir ce que je veux: ce que je veux, c'est moi qui le veux ». Schopenhauer dĂ©crit ainsi l'esprit naĂŻf qui se contente de regarder les choses Ă  la surface. « Mais de quoi dĂ©pend la volontĂ© elle-mĂȘme? », demande le philosophe. Dans son Essai sur le libre arbitre, le penseur de Francfort pose d'entrĂ©e de jeu comme solution Ă  l'Ă©nigme du libre arbitre que « l'homme est un ĂȘtre dĂ©terminĂ© une fois pour toutes par son essence, possĂ©dant comme tous les autres ĂȘtres de la nature des qualitĂ©s individuelles fixes, persistantes, qui dĂ©terminent nĂ©cessairement ses diverses rĂ©actions en prĂ©sence des excitations extĂ©rieures.»Ainsi, Schopenhauer montre que l'action de chacun est rĂ©gie Ă  la fois par des motifs (qui sont extĂ©rieurs Ă  l'homme et dont il n'a aucun contrĂŽle) et par son moi c'est Ă  dire son essence (inchangeable et fixĂ©e prĂ©alablement). [schopenhauer.fr]

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Information

Year
2020
ISBN
9782322196913

Chapitre III : La volonté devant la perception extérieure

Si maintenant nous demandons Ă  la perception extĂ©rieure des Ă©claircissements sur notre problĂšme, nous savons d’avance que puisque cette facultĂ© est par essence dirigĂ©e vers le dehors, la volontĂ© ne peut pas ĂȘtre pour elle un objet de connaissance immĂ©diate, comme elle paraissait l’ĂȘtre tout Ă  l’heure pour la conscience, qui pourtant a Ă©tĂ© trouvĂ©e un juge incompĂ©tent en cette matiĂšre. Ce que l’on peut considĂ©rer ici, ce sont les ĂȘtres douĂ©s de volontĂ© qui se prĂ©sentent Ă  l’entendement en tant que phĂ©nomĂšnes objectifs et extĂ©rieurs, c’est-Ă -dire en tant qu’objets de l’expĂ©rience, et doivent ĂȘtre examinĂ©s et jugĂ©s comme tels, en partie d’aprĂšs des rĂšgles gĂ©nĂ©rales, certaines Ă  priori, relatives Ă  la possibilitĂ© mĂȘme de l’expĂ©rience, en partis d’aprĂšs les faits que fournit l’expĂ©rience rĂ©elle, et que chacun peut constater. Ce n’est donc plus comme auparavant sur la volontĂ© mĂȘme, telle qu’elle n’est accessible qu’à la conscience, mais sur les ĂȘtres capables de vouloir, c’est-Ă -dire sur des objets tombant sous les sens, que notre examen va se porter. Si par lĂ  nous sommes condamnĂ©s Ă  ne pouvoir considĂ©rer l’objet propre de nos recherches que mĂ©diatement et Ă  une plus grande distance, c’est lĂ  un inconvĂ©nient rachetĂ© par un prĂ©cieux avantage ; car nous pouvons maintenant faire usage dans nos recherches d’un instrument beaucoup plus pariait que le sens intime, cette conscience si obscure, si sourde, n’ayant vue sur la rĂ©alitĂ© que d’un seul cĂŽtĂ©. Notre nouvel instrument d’investigation sera l’intelligence, accompagnĂ©e de tous les sens et de toutes les forces cognitives, armĂ©es, si j’ose dire, pour la comprĂ©hension de l’objectif.
La forme la plus gĂ©nĂ©rale et la plus essentielle de notre entendement est le principe de causalitĂ© : ce n’est mĂȘme que grĂące Ă  ce principe, toujours prĂ©sent Ă  notre esprit, que le spectacle du monde rĂ©el peut s’offrir Ă  nos regards comme un ensemble harmonieux, car il nous fait concevoir immĂ©diatement comme des effets les affections et les modifications survenues dans les organes de nos sens(1). AussitĂŽt la sensation Ă©prouvĂ©e, sans qu’il soit besoin d’aucune Ă©ducation ni d’aucune expĂ©rience prĂ©alable, nous passons immĂ©diatement de ces modifications Ă  leurs causes, lesquelles, par l’effet mĂȘme de cette opĂ©ration de l’intelligence, se prĂ©sentent alors Ă  nous comme des objets situĂ©s dans l’espace. Il suit de lĂ  incontestablement que le principe de causalitĂ© nous est connu Ă  priori, c’est-Ă -dire comme un principe nĂ©cessaire relativement Ă  la possibilitĂ© de toute expĂ©rience en gĂ©nĂ©ral ; et il n’est pas besoin, Ă  ce qu’il semble, de la preuve indirecte, pĂ©nible, je dirai mĂȘme insuffisante, que Kant a donnĂ©e de cette importante vĂ©ritĂ©. Le principe de causalitĂ© est Ă©tabli solidement Ă  priori, comme la rĂšgle gĂ©nĂ©rale Ă  laquelle sont soumis sans exception tous les objets rĂ©els du monde extĂ©rieur. Le caractĂšre absolu de ce principe est une consĂ©quence mĂȘme de son a prioritĂ©. Il se rapporte essentiellement et exclusivement aux modifications phĂ©nomĂ©nales ; lorsqu’en quelque endroit ou en quelque moment, dans le monde objectif, rĂ©el et matĂ©riel, une chose quelconque, grande ou petite, Ă©prouve une modification, le principe de causalitĂ© nous fait comprendre qu’immĂ©diatement avant ce phĂ©nomĂšne, un autre objet a dĂ» nĂ©cessairement Ă©prouver une modification, de mĂȘme qu’enfin que ce dernier pĂ»t se modifier, un autre objet a dĂ» se modifier antĂ©rieurement, – et ainsi de suite Ă  l’infini. Dans cette sĂ©rie rĂ©gressive de modifications sans fin, qui remplissent le temps comme la matiĂšre remplit l’espace, aucun point initial ne peut ĂȘtre dĂ©couvert, ni mĂȘme seulement pensĂ© comme possible, bien loin qu’il puisse ĂȘtre supposĂ© comme existant. En vain l’intelligence, reculant toujours plus haut, se fatigue Ă  poursuivre le point fixe qui lui Ă©chappe : elle ne peut se soustraire Ă  la question incessamment renouvelĂ©e : « Quelle est la cause de ce changement ? » C’est pourquoi une cause premiĂšre est absolument aussi impensable que le commencement du temps ou la limite de l’espace.
La loi de causalitĂ© atteste non moins sĂ»rement que lorsque la modification antĂ©cĂ©dente, – la cause – est entrĂ©e en jeu, la modification consĂ©quente qui est amenĂ©e par elle – l’effet – doit se produire immanquablement, et avec une nĂ©cessitĂ© absolue. Par ce caractĂšre de nĂ©cessitĂ©, le principe de causalitĂ© rĂ©vĂšle son identitĂ© avec le principe de raison suffisante, dont il n’est qu’un aspect particulier. On sait que ce dernier principe, qui constitue la forme la plus gĂ©nĂ©rale de notre entendement pris dans son ensemble, se prĂ©sente dans le monde extĂ©rieur comme principe de causalitĂ©, dans le monde de la pensĂ©e comme loi logique du principe de la connaissance, et mĂȘme dans l’espace vide, considĂ©rĂ© Ă  priori, comme loi de la dĂ©pendance rigoureuse de la position des parties les unes Ă  l’égard des autres ; dĂ©pendance nĂ©cessaire, dont l’étude spĂ©ciale et dĂ©veloppĂ©e est l’unique objet de la gĂ©omĂ©trie. C’est prĂ©cisĂ©ment pour cela, comme je l’ai dĂ©jĂ  Ă©tabli en commençant, que le concept de la nĂ©cessitĂ© et celui de consĂ©quence d’une raison dĂ©terminĂ©e, sont des notions identiques et convertibles.
Toutes les modifications qui ont pour thĂ©Ăątre le monde extĂ©rieur sont donc soumises Ă  la loi de causalitĂ©, et, par consĂ©quent, chaque fois qu’elles se produisent, elles sont revĂȘtues du caractĂšre de la plus stricte nĂ©cessitĂ©. À cela il ne peut pas y avoir d’exception, puisque la rĂšgle est Ă©tablie Ă  priori pour toute expĂ©rience possible. En ce qui concerne son application Ă  un cas dĂ©terminĂ©, il suffit de se demander chaque fois s’il s’agit d’une modification survenue Ă  un objet rĂ©el donnĂ© dans l’expĂ©rience externe : aussitĂŽt que cette condition est remplie, les modifications de cet objet sont soumises au principe de causalitĂ©, c’est-Ă -dire qu’elles doivent ĂȘtre amenĂ©es par une cause, et, partant, qu’elles se produisent d’une façon nĂ©cessaire.
Maintenant, armĂ©s de cette rĂšgle Ă  priori, considĂ©rons non plus la simple possibilitĂ© de l’expĂ©rience en gĂ©nĂ©ral, mais les objets rĂ©els qu’elle offre Ă  nos regards, dont les modifications actuelles ou possibles sont soumises au principe gĂ©nĂ©ral Ă©tabli plus haut. Tout d’abord nous observons entre ces objets un certain nombre de diffĂ©rences fondamentales profondĂ©ment marquĂ©es, d’aprĂšs lesquelles, du reste, on les a classĂ©s depuis longtemps : on distingue en effet les corps inorganiques, c’est-Ă -dire dĂ©pourvus de vie, des corps organiques, c’est-Ă -dire vivants, et ceux-ci Ă  leur tour se divisent en vĂ©gĂ©taux et en animaux. Ces derniers, bien que prĂ©sentant des traits de ressemblance essentiels, et rĂ©pondant Ă  une mĂȘme idĂ©e gĂ©nĂ©rale, nous paraissent former une chaĂźne continue extrĂȘmement variĂ©e et finement nuancĂ©e (sic), qui monte par degrĂ©s jusqu’à la perfection, depuis l’animal rudimentaire qui se distingue Ă  peine de la plante, jusqu’aux ĂȘtres les plus capables et les plus achevĂ©s, qui rĂ©pondent le mieux Ă  l’idĂ©e de l’animalitĂ© : au haut terme de cette progression nous trouvons l’homme – nous-mĂȘmes.
Envisageons Ă  prĂ©sent, sans nous laisser Ă©garer par cette diversitĂ© infinie, l’ensemble de toutes les crĂ©atures en tant qu’objets rĂ©els de l’expĂ©rience externe, et essayons d’appliquer notre principe gĂ©nĂ©ral de causalitĂ© aux modifications de toute espĂšce dont de pareils ĂȘtres peuvent ĂȘtre l’objet. Nous trouverons alors que sans doute l’expĂ©rience vĂ©rifie partout la loi certaine, Ă  priori, que nous avons posĂ©e ; mais en mĂȘme temps, qu’à la grande diffĂ©rence signalĂ©e plus haut entre la nature des objets de l’expĂ©rience, correspond aussi une certaine variĂ©tĂ© dans la maniĂšre dont la causalitĂ© s’exerce, lorsqu’elle rĂ©git les changements divers dont les trois rĂšgnes sont le thĂ©Ăątre. Je m’explique. Le principe de causalitĂ©, qui rĂ©git toutes les modifications des ĂȘtres, se prĂ©sente sous trois aspects, correspondants Ă  la triple division des corps en corps inorganiques, en plantes, et en animaux ; Ă  savoir : 1° La Cause, dans le sens le plus Ă©troit du mot ; 2° l’Excitation (Reiz) ; 3° enfin la Motivation. Il est bien entendu que sous ces trois formes diffĂ©rentes, le principe de causalitĂ© conserve sa valeur Ă  priori, et que la nĂ©cessitĂ© de la liaison causale subsiste dans toute sa rigueur.
1° La cause, entendue dans le sens le plus Ă©troit du mot, est la loi selon laquelle se produisent tous les changements mĂ©caniques, physiques et chimiques dans les objets de l’expĂ©rience. Elle est toujours caractĂ©risĂ©e par deux signes essentiels ; en premier lieu, que lĂ  oĂč elle agit la troisiĂšme loi fondamentale de Newton (l’égalitĂ© de l’action et de la rĂ©action) trouve son application : c’est-Ă -dire que l’état antĂ©cĂ©dent, appelĂ© la cause, subit une modification Ă©gale Ă  celle de l’état consĂ©quent, qui se nomme l’effet ; en second lieu, que, conformĂ©ment Ă  la seconde loi de Newton, le degrĂ© d’intensitĂ© de l’effet est toujours exactement proportionnĂ© au degrĂ© d’intensitĂ© de la cause, et que par suite une augmentation d’intensitĂ© dans l’un, entraĂźne une augmentation Ă©gale dans l’autre. Il en rĂ©sulte que lorsque la maniĂšre dont l’effet se produit est connue une fois pour toutes, on peut aussitĂŽt savoir, mesurer, et calculer, d’aprĂšs le degrĂ© d’intensitĂ© de l’effet, le degrĂ© d’intensitĂ© de la cause, et rĂ©ciproquement. Toutefois, dans l’application empirique de ce second critĂ©rium, on ne doit pas confondre l’effet proprement dit avec l’effet apparent [sensible], tel que nous le voyons se produire. Par exemple, il ne faut pas s’attendre Ă  ce que le volume d’un corps soumis Ă  la compression diminue indĂ©finiment, et dans la proportion mĂȘme oĂč s’accroĂźt la force comprimante. Car l’espace dans lequel on comprime le corps diminuant toujours, il s’en suit que la rĂ©sistance augmente : et si, dans ce cas encore, l’effet rĂ©el, qui est l’augmentation de densitĂ©, s’accroĂźt vĂ©ritablement en proportion directe de la cause (comme le montre, dans le cas des gaz, la loi de Mariotte), on voit cependant qu’il n’en est pas de mĂȘme de l’effet apparent, auquel on pourrait vouloir Ă  tort appliquer cette loi. De mĂȘme, une quantitĂ© croissante de chaleur agissant sur l’eau produit jusqu’à un certain degrĂ© un Ă©chauffement progressif, mais au delĂ  de ce point un excĂšs de chaleur ne provoque plus qu’une Ă©vaporation rapide. Ici encore, comme dans un grand nombre d’autres cas, la mĂȘme relation existe entre l’intensitĂ© de la cause et l’intensitĂ© rĂ©elle de l’effet. C’est uniquement sous la loi d’une pareille cause (dans le sens le plus Ă©troit du mot), que s’opĂšrent les changements de tous les corps privĂ©s de vie, c’est-Ă -dire inorganiques. La connaissance et la prĂ©vision de causes de cette espĂšce Ă©clairent l’étude de tous les phĂ©nomĂšnes qui sont l’objet de la mĂ©canique, de l’hydrostatique, de la physique et de la chimie. La possibilitĂ© exclusive d’ĂȘtre dĂ©terminĂ© par des causes agissant de la sorte est, par consĂ©quent, le caractĂšre distinctif, essentiel, d’un corps inorganique.
2° La seconde forme de la causalitĂ© est l’excitation, caractĂ©risĂ©e par deux particularitĂ©s : 1° Il n’y a pas proportionnalitĂ© exacte entre l’action et la rĂ©action correspondante ; 2° On ne peut Ă©tablir aucune Ă©quation entre l’intensitĂ© de la cause et l’intensitĂ© de l’effet. Par suite, le degrĂ© d’intensitĂ© de l’effet ne peut pas ĂȘtre mesurĂ© et dĂ©terminĂ© d’avance lorsqu’on connaĂźt le degrĂ© d’intensitĂ© de la cause : bien plus, une trĂšs-petite augmentation dans la cause excitatrice peut provoquer une augmentation trĂšs grande dans l’effet, ou au contraire annuler complĂštement l’effet obtenu par une force moindre, et mĂȘme en amener un tout opposĂ©. Par exemple, on sait que la croissance des plantes peut ĂȘtre activĂ©e d’une façon extraordinaire par l’influence de la chaleur, ou de la chaux mĂ©langĂ©e Ă  la terre, agissant comme stimulants de leur force vitale : mais pour peu que l’on dĂ©passe la juste mesure dans le degrĂ© de l’excitation, il en rĂ©sultera non plus un accroissement d’activitĂ© et une maturitĂ© prĂ©coce, mais la mort de la plante. C’est ainsi que nous pouvons par l’usage du vin ou da l’opium tendre les Ă©nergies de notre esprit, et les exalter d’une façon notable ; mais si nous dĂ©passons une certaine limite, le rĂ©sultat est tout Ă  fait opposĂ©. – C’est cette forme de la causalitĂ©, dĂ©signĂ©e sous le nom d’excitation, qui dĂ©termine toutes les modifications des organismes, considĂ©rĂ©s comme tels. Toutes les mĂ©tamorphoses successives et tous les dĂ©veloppements des plantes, ainsi que toutes les modifications uniquement organiques et vĂ©gĂ©tatives, ou fonctions des corps animĂ©s, se produisent sous l’influence d’excitations. C’est de cette façon qu’agissent sur eux la lumiĂšre, la chaleur, l’air, la nourriture, – qu’opĂšrent les attouchements, la fĂ©condation, etc. – Tandis que la vie des animaux, outre ce qu’elle a de commun avec la vie vĂ©gĂ©tative, se meut encore dans une sphĂšre toute diffĂ©rente, dont je vais parler Ă  l’instant, la vie des plantes, au contraire, se dĂ©veloppe tout entiĂšre sous l’influence de l’excitation. Tous leurs phĂ©nomĂšnes d’assimilation, leur croissance, la tendance de leurs tiges vers la lumiĂšre, de leurs racines vers un terrain plus propice, leur fĂ©condation, leur germination, etc., ne sont que des modifications dues Ă  l’excitation. Dans quelques espĂšces, d’ailleurs fort rares, on constate, outre les qualitĂ©s Ă©numĂ©rĂ©es plus haut, la production d’un mouvement particulier et rapide, qui lui-mĂȘme n’est que la consĂ©quence d’une excitation, et qui leur a fait donner cependant le nom de plantes sensitives. Ce sont principalement, comme on sait, la Mimosa, pudica, le Hedysarum gyrans et la Dioncea muscipula. La dĂ©termination exclusive et absolument gĂ©nĂ©rale par l’excitation est le caractĂšre distinctif des plantes. On peut donc considĂ©rer comme appartenant au rĂšgne vĂ©gĂ©tal tout corps, dont les mouvements et modifications particuliĂšres et conformes Ă  sa nature se produisent toujours et exclusivement sous l’influence de l’excitation.
3° La troisiĂšme forme de la causalitĂ© motrice est particuliĂšre au rĂšgne animal, et le caractĂ©rise : c’est la motivation, c’est-Ă -dire la causalitĂ© agissait par l’intermĂ©diaire de l’entendement. Elle intervient dans l’échelle naturelle des ĂȘtres au point oĂč la crĂ©ature ayant des besoins plus compliquĂ©s et par suite fort variĂ©s, ne peut plus les satisfaire uniquement sous l’impulsion des excitations, qu’elle devrait toujours attendre du dehors ; il faut alors qu’elle soit en Ă©tat de choisir, de saisir, de rechercher mĂȘme, les moyens de donner satisfaction Ă  ces nouveaux besoins. VoilĂ  pourquoi, dans les ĂȘtres de cette espĂšce, on voit se substituer Ă  la simple rĂ©ceptivitĂ© des excitations, et aux mouvements qui en sont la consĂ©quence, la rĂ©ceptivitĂ© des motifs, c’est-Ă -dire une facultĂ© de reprĂ©sentation, un intellect, offrant d’innombrables degrĂ©s de perfection, et se prĂ©sentant matĂ©riellement sous la forme d’un systĂšme nerveux et d’un cerveau, avec le privilĂšge de la connaissance. On sait d’ailleurs qu’à la base de la vie animale est une vie purement vĂ©gĂ©tative, qui en cette qualitĂ© ne procĂšde que sous l’influence de l’excitation. Mais tous ces mouvements d’un ordre supĂ©rieur que l’animal accomplit en tant qu’animal, et qui pour cette raison dĂ©pendent de ce que la physiologie dĂ©signe sous le nom de fonctions animales, se produisent Ă  la suite de la perception d’un objet, par consĂ©quent sous l’influence de motifs. On comprendra donc sous l’appellation d’animaux tous les ĂȘtres dont les mouvements et modifications caractĂ©ristiques et conformes Ă  leur nature, s’accomplissent sous l’impulsion des motifs, c’est Ă -dire de certaines reprĂ©sentations prĂ©sentes Ă  leur entendement, dont l’existence est dĂ©jĂ  prĂ©supposĂ©e par elles. Quelques innombrables degrĂ©s de perfection que prĂ©sentent dans la sĂ©rie animale la puissance de la facultĂ© reprĂ©sentative, et le dĂ©veloppement de l’intelligence, chaque animal en possĂšde pourtant une quantitĂ© suffisante pour que les objets extĂ©rieurs puissent agir sur lui, et provoquer ses mouvements, en tant que motifs. C’est cette force motrice intĂ©rieure, dont chaque manifestation individuelle est provoquĂ©e par un motif, que la conscience perçoit intĂ©rieurement, et que nous dĂ©signons sous le nom de volontĂ©.
Savoir si un corps donnĂ© se meut d’aprĂšs des excitations ou d’aprĂšs des motifs, c’est ce qui ne peut jamais faire de doute mĂȘme pour l’observation externe (et c’est Ă  ce point de vue que nous nous sommes placĂ©s ici). L’excitation et les motifs agissent en effet de deux maniĂšres si complĂštement diffĂ©rentes, qu’un examen mĂȘme superficiel ne saurait les confondre. Car l’excitation agit toujours par contact immĂ©diat, ou mĂȘme par intussusception, et lĂ  oĂč le contact n’est pas apparent, comme dans les cas oĂč la cause excitatrice est l’air, la lumiĂšre, ou la chaleur, ce mode d’action se trahit nĂ©anmoins parce que l’effet est dans une proportionnalitĂ© manifeste avec la durĂ©e et l’intensitĂ© de l’excitation, quand mĂȘme cette proportionnalitĂ© ne reste pas constante Ă  tous les degrĂ©s. Dans le cas, au contraire, oĂč c’est un motif qui provoque le mouvement, ces rapports caractĂ©ristiques disparaissent complĂštement. Car ici l’intermĂ©diaire propre entre la cause et l’effet n’est pas l’atmosphĂšre, mais seulement l’entendement. L’objet agissant comme motif n’a absolument besoin, pour exercer son influence, que d’ĂȘtre perçu et connu ; il n’importe plus de savoir pendant combien de temps, avec quel degrĂ© de clartĂ©, et Ă  quelle distance (du sujet), l’objet perçu est tombĂ© sous les sens. Toutes ces particularitĂ©s ne changent rien ici Ă  l’intensitĂ© de l’effet ; dĂšs que l’objet a Ă©tĂ© seulement perçu, il agit d’une façon tout Ă  fait constante ; – Ă  supposer toutefois qu’il paisse ĂȘtre tin principe de dĂ©termination pour la volontĂ© individuelle qu’il s’agit d’émouvoir. Sous ce rapport, d’ailleurs, il en est de mĂȘme des causes physiques et chimiques, parmi lesquelles on range toutes les excitations, et qui ne produisent leur effet que si le corps Ă  affecter prĂ©sente Ă  leur action une rĂ©ceptivitĂ© propice. Je disais tout Ă  l’heure : « de la volontĂ© qu’il s’agit d’émouvoir, » car, comme je l’ai dĂ©jĂ  indiquĂ©, ce qui est dĂ©signĂ© ici sous le nom de volontĂ©, force immĂ©diatement et intĂ©rieurement prĂ©sente Ă  la conscience des ĂȘtres animĂ©s, est cela mĂȘme qui, Ă  proprement parler, communique au motif la force d’action, et le ressort cachĂ© du mouvement qu’il sollicite. Dans les corps qui se meuvent exclusivement sous l’influence de l’excitation, les vĂ©gĂ©taux, nous appelons cette condition intĂ©rieure et permanente d’activitĂ©, la force vitale – dans les corps qui ne se meuvent que sous l’influence de motifs (dans le sens le plus Ă©troit du mot), nous l’appelons force naturelle, ou l’ensemble de leurs qualitĂ©s. Cette Ă©nergie intĂ©rieure doit toujours ĂȘtre posĂ©e d’avance, et antĂ©rieurement Ă  toute explication (des phĂ©nomĂšnes), comme quelque chose d’inexplicable, parce qu’il n’est dans le sombre intĂ©rieur des ĂȘtres aucune conscience aux regards de laquelle elle puisse ĂȘtre immĂ©diatement accessible, Maintenant, laissant de cĂŽtĂ© le monde phĂ©nomĂ©nal, pour diriger nos recherches sur ce que Kant appelle la chose en soi, nous pourrions nous demander si cette condition intĂ©rieure de la rĂ©action de tous les ĂȘtres sous l’influence de motifs extĂ©rieurs, subsistant mĂȘme dans le domaine de l’inconscient et de l’inanimĂ©, ne serait peut-ĂȘtre pas essentiellement identique Ă  ce que nous dĂ©signons en nous-mĂȘmes sous le nom de volontĂ©, comme un philosophe contemporain a prĂ©tendu le dĂ©montrer ; – mais c’est lĂ  une hypothĂšse que...

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