Entre deux feux
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Entre deux feux

Parlementarisme et lettres au Québec (1763-1936)

Jonathan Livernois

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Parlementarisme et lettres au Québec (1763-1936)

Jonathan Livernois

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De la ConquĂȘte Ă  l'Ă©lection du premier gouvernement de Maurice Duplessis en 1936, les hommes politiques du QuĂ©bec – qu'ils aient Ă©tĂ© dĂ©putĂ©s, ministres ou premiers ministres – ont utilisĂ© la littĂ©rature. Pendant deux siĂšcles, ils se sont prĂ©sentĂ©s comme des gens de culture, souvent mĂȘme comme des littĂ©rateurs. C'est un peu comme si leur capital culturel, plus ou moins important selon les cas, pouvait se transformer en capital politique. L'homme politique en poste et ce qu'il a pu publier au mĂȘme moment; ce qu'il a aussi pu dire, par la suite, sur son expĂ©rience politique. Comment percevaient-ils la littĂ©rature? Comment l'utilisaient-ils? Comment les hommes politiques ont-ils pu stigmatiser l'inculture et la maladresse littĂ©raires de l'adversaire pour mieux l'attaquer politiquement? Jonathan Livernois s'intĂ©resse Ă  la reprĂ©sentation de la littĂ©rature dans le champ politique quĂ©bĂ©cois, Ă  la fois comme objet de politiques gouvernementales, armes discursives, capital culturel et vecteur de fictions politiques. Il a dĂ©couvert des traces de littĂ©rature dans des documents oĂč on ne s'attendait pas Ă  en trouver, notamment dans les monographies et rapports gouvernementaux, ce qui saura Ă©tonner le lecteur d'aujourd'hui.L'auteur montre qu'au dĂ©but du XXe siĂšcle l'image de l'homme de lettres/homme d'État s'est dĂ©litĂ©e tandis que les politiciens se sont professionnalisĂ©s, ce qui n'a pas empĂȘchĂ© la littĂ©rature, ou ses grands rĂ©cits, de demeurer une arme politique subrepticement redoutable. Des Ă©lections de 1792 au Petit catĂ©chisme des Ă©lecteurs de 1935, en passant par les identitĂ©s plurielles de Pierre-Joseph-Olivier Chauveau, les prĂ©tentions littĂ©raires d'HonorĂ© Mercier et le populisme de Camillien Houde, ce livre renouvelle la comprĂ©hension que nous avons de l'histoire intellectuelle, politique et littĂ©raire du QuĂ©bec.

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Ruines de l’édifice du Parlement du Canada Ă  QuĂ©bec, vers 1854. MusĂ©e de la civilisation, fonds d’archives du SĂ©minaire de QuĂ©bec, PH1985-445.
Timeo hominem unius libri.
Je crains l’homme d’un seul livre.
Sentence attribuĂ©e Ă  saint Thomas d’Aquin
[
] seuls les mauvais livres peuvent ĂȘtre de bonnes armes [
].
Hannah Arendt, La Nature du totalitarisme
introduction
Un Ă©pisode de la session parlementaire de 1889-1890
Dans l’édition du 15 octobre 1889 de La Presse, on peut lire un texte anonyme intitulĂ© « La littĂ©rature et le gouvernement1 ». La personne s’y indigne d’un prĂ©tendu favoritisme dans les achats de livres du gouvernement d’HonorĂ© Mercier2, au pouvoir depuis 1887 : « C’est une bonne idĂ©e que d’encourager la littĂ©rature nationale : c’est une trĂšs vilaine manie que de prodiguer l’argent du public Ă  des auteurs qui ne le sont guĂšre, et pour des Ɠuvres de si peu qu’un libraire n’en voudrait pas charger les tablettes de son arriĂšre-boutique. » L’auteur de ces lignes n’ose pas faire d’attaques ad hominem – qui sont les mauvais auteurs en question ? – et ne prĂ©cise pas les critĂšres esthĂ©tiques qui devraient l’emporter sur le favoritisme du gouvernement, sinon « l’étude, la rĂ©flexion, les efforts sĂ©rieux », ce qui ne nous avance pas beaucoup pour dĂ©partager le bon grain de l’ivraie. Seul indice : « Les autres restent Ă  l’arriĂšre-plan et ne peuvent lutter contre cette vague montante de compilations poussiĂ©reuses, de lieux communs mis en statistique, de nomenclature Ă  faire dormir debout le plus tenace des rĂ©pĂ©titeurs d’histoire naturelle3. »
L’univers mĂ©diatique est dense au xixe siĂšcle. De 1860 Ă  1900, on dĂ©nombre 600 nouveaux journaux, le plus souvent Ă©phĂ©mĂšres, sur le territoire du QuĂ©bec actuel4. Dans un systĂšme oĂč ces pĂ©riodiques forment un rĂ©seau serrĂ© de renvois d’un texte Ă  l’autre, de ripostes, de rĂ©cupĂ©rations et mĂȘme de plagiats, la rĂ©ponse Ă  l’auteur anonyme ne tarde pas Ă  venir. Le 6 novembre, on peut lire dans L’Électeur de QuĂ©bec, journal officiel du Parti libĂ©ral :
Nous n’avons rien Ă  faire avec ce monsieur et le gouvernement aurait tort de s’en occuper. Mais son assertion doit ĂȘtre relevĂ©e et il est juste de publier les ouvrages de littĂ©rature canadienne encouragĂ©s par le gouvernement actuel, depuis le 1er fĂ©vrier 1887. Voici cette liste. Elle est complĂšte, et nous invitons la Presse Ă  nous dire quels sont les ouvrages qui, dans cette liste, n’auraient pas dĂ» ĂȘtre encouragĂ©s par le gouvernement.
Cette liste est en fait un vĂ©ritable compendium de la vie littĂ©raire de l’époque. Le gouvernement a notamment achetĂ© des ouvrages de dĂ©putĂ©s conservateurs comme Pierre-Joseph-Olivier Chauveau (1820-1890) et Narcisse-Henri-Édouard Faucher de Saint-Maurice (1844-1897).
L’histoire ne se termine pas lĂ  : elle rebondit rapidement Ă  l’AssemblĂ©e lĂ©gislative Ă  QuĂ©bec. Lors de la sĂ©ance du 29 janvier 1890, le dĂ©putĂ© conservateur de Terrebonne, Guillaume-Alphonse Nantel (1852-1909), en outre rĂ©dacteur en chef de La Presse au moment oĂč a paru ledit texte, reprend l’offensive dans les mĂȘmes termes. Cette fois-ci, par contre, Nantel nomme des livres en se basant sur la liste de L’Électeur oĂč, dit-il, « les ouvrages de littĂ©rature sont excessivement rares ».
On peut supposer que ce qu’il juge relever de la littĂ©rature est encore largement tributaire du systĂšme des belles-lettres qu’on enseignait alors dans les collĂšges de la province. Dans le cas de Nantel, il s’agit du Petit SĂ©minaire de Sainte-ThĂ©rĂšse, fondĂ© en 1845. Le TraitĂ© classique de littĂ©rature, contenant les humanitĂ©s et la rhĂ©torique (1816) de Claude-Louis Grandperret et L’AbrĂ©gĂ© du traitĂ© rhĂ©torique et pratique de littĂ©rature d’Émile Lefranc (1841), utilisĂ©s dans les classes des collĂšges au milieu du xixe siĂšcle, montrent en effet la persistance des rĂšgles stylistiques et morales classiques : « La littĂ©rature est la connaissance approfondie des belles-lettres et de ce qu’il y a de plus remarquable dans les auteurs anciens et modernes. Elle renferme Ă©galement la prose et les vers, et par consĂ©quent elle embrasse tous les genres de composition littĂ©raire, tout ce qui est du ressort de la poĂ©sie et de l’éloquence5. » On devine que les proses d’idĂ©es, les propos politiques et les chroniques, par exemple, ne sont pas du lot. Ainsi, pour reprĂ©senter ce qui n’est pas littĂ©raire, Nantel retient des titres comme Entre-Nous (1889) de LĂ©on Ledieu, recueil de chroniques parues dans Le Monde illustrĂ© pour l’essentiel, La VĂ©ritĂ© sur la question mĂ©tisse (1889) d’Adolphe Ouimet, qui dĂ©fend la cause des MĂ©tis et celle de Louis Riel, et Le MĂ©morial canadien (1889), publiĂ© par E. B. Biggar Ă  MontrĂ©al. Le dĂ©putĂ© de Terrebonne se moque de ce dernier ouvrage : « C’est un volume remarquable : sa reliure est rouge et se dĂ©teint : il change de couleurs comme le gouvernement. Il a coĂ»tĂ©$2 piĂšce ; est-ce Ă  titre de commission ? Le gouvernement devrait encourager la littĂ©rature et non la spĂ©culation6. » Les comptes publics de la province de QuĂ©bec de 1890 rĂ©vĂšlent un paiement de 200 dollars Ă  A. MĂ©nard pour l’impression de l’ouvrage7. L’annĂ©e suivante, le commissaire de l’Agriculture et de la Colonisation reçoit 625 dollars pour l’achat de 500 exemplaires de l’ouvrage8.
Ce MĂ©morial canadien est vraisemblablement le livre que visait l’auteur de la lettre anonyme parue dans La Presse, qui parlait de « cette vague montante de compilations poussiĂ©reuses, de lieux communs mis en statistique, de nomenclature Ă  faire dormir debout le plus tenace des rĂ©pĂ©titeurs d’histoire naturelle ». Le secrĂ©taire de la province, Charles-Ernest Gagnon (1846-1901), semble voir clair dans le jeu du dĂ©putĂ© Nantel et lui sert cette rĂ©plique :
Puis le MĂ©morial sur le Canada, de Biggar. Ce n’est pas un assemblage de brochures, comme le prĂ©tend le dĂ©p...

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