Le Roman sans aventure
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Isabelle Daunais

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  1. 226 pages
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Le Roman sans aventure

Isabelle Daunais

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Pourquoi le roman quĂ©bĂ©cois est-il si peu lu et reconnu Ă  l'Ă©tranger, alors qu'Ă  nous, il a tant Ă  dire et paraĂźt si prĂ©cieux? Qu'est-ce qui fait que mĂȘme les Ɠuvres les plus fortes de notre tradition romanesque ne rĂ©ussissent Ă  parler qu'Ă  nous et Ă  presque personne d'autre? Et de quoi nous parlent-elles exactement, ces Ɠuvres, dont ne parlent pas celles qui viennent d'ailleurs? Bref, en quoi consiste la vraie singularitĂ© du roman quĂ©bĂ©cois? Des « Anciens Canadiens » aux « Histoires de dĂ©serteurs » d'AndrĂ© Major, de « Maria Chapdelaine » et « Trente arpents » Ă  « PoussiĂšre sur la ville » et « Une saison dans la vie d'Emmanuel », sans oublier les Ɠuvres de Gabrielle Roy, RĂ©jean Ducharme, Hubert Aquin ou Jacques Poulin, ce que le roman quĂ©bĂ©cois, Ă  travers la diversitĂ© de ses formes et de ses sujets, a de tout Ă  fait unique, constate Isabelle Daunais, c'est l'expĂ©rience existentielle particuliĂšre sur laquelle il repose et qu'il ne cesse d'illustrer et d'interroger inlassablement. Cette expĂ©rience, toujours renouvelĂ©e et cependant toujours la mĂȘme quels que soient le contexte ou l'Ă©poque, c'est celle de l'impossibilitĂ© de toute aventure rĂ©elle dans un monde soumis au rĂ©gime de l'idylle, c'est-Ă -dire un monde Ă  l'abri du monde, prĂ©servĂ© depuis toujours des conflits, des transformations, des risques et des surprises de l'Histoire. Comment, dans un monde pareil, le roman (qui depuis toujours se nourrit d'aventure) demeure-t-il possible? Isabelle Daunais montre qu'il le demeure en continuant de faire ce que fait tout roman digne de ce nom: Ă©clairer la rĂ©alitĂ© d'un tel monde, la suivre jusque dans ses derniers retranchements, afin « de nous Ă©clairer sur nous-mĂȘmes comme aucune autre forme de savoir ou de connaissance n'y parvient ».

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TROISIÈME PARTIE
LA TRANQUILLITÉ EN HÉRITAGE
Vivre en retrait du monde
De l’incipit cĂ©lĂšbre de Prochain Épisode d’Hubert Aquin – « Cuba coule en flammes au milieu du lac LĂ©man pendant que je descends au fond des choses » –, les auteurs de l’Histoire de la littĂ©rature quĂ©bĂ©coise suggĂšrent qu’il condense l’esprit mĂȘme de la RĂ©volution tranquille : « D’un cĂŽtĂ©, la rĂ©volution cubaine et la violence de l’incendie ; de l’autre, la quiĂ©tude d’un lac situĂ© au cƓur de la Suisse. Et les deux pĂŽles symboliques sont renvoyĂ©s dos Ă  dos au nom de la seule expĂ©rience qui compte vĂ©ritablement, celle du sujet qui descend au fond des choses1. »
Cette vision « dialectique » de la RĂ©volution tranquille n’est pas frĂ©quente. Dans le rĂ©cit fondateur auquel elle a trĂšs vite donnĂ© lieu, comme dans l’image qu’elle a laissĂ©e dans les esprits, la grande entreprise de modernisation des institutions et des mƓurs entamĂ©e au tournant des annĂ©es 1960 et menĂ©e tambour battant jusque vers le milieu de la dĂ©cennie suivante apparaĂźt essentiellement et uniquement rĂ©volutionnaire. Personne n’ignore bien sĂ»r que la transformation du QuĂ©bec s’est faite en douceur, sans conflit ni obstacle. Mais plutĂŽt que d’ĂȘtre examinĂ©e pour elle-mĂȘme, plutĂŽt que d’ĂȘtre vue comme une contradiction ou un paradoxe, bref, plutĂŽt que de susciter l’interrogation, cette douceur est reversĂ©e sans procĂšs au compte de la plĂ©nitude de l’évĂ©nement. Loin de dĂ©celer dans cette expression antithĂ©tique (« RĂ©volution tranquille ») la prĂ©sence au moins possible d’un conflit ou d’une friction, nous voyons dans la « tranquillitĂ© » de cette « rĂ©volution » la preuve indiscutable de sa nĂ©cessitĂ© et de sa justesse. Que les grands « chantiers » d’alors, comme on dit, n’aient rencontrĂ© aucune rĂ©sistance, sinon marginale, que les principes qui les sous-tendaient ne se soient vu opposer aucun contre-discours, sinon anecdotique, se prĂ©sente Ă  nos yeux comme le signe non seulement de leur force pratique, mais aussi d’une « vĂ©ritĂ© » qu’ils incarneraient, et qui explique qu’encore aujourd’hui les dĂ©cisions politiques et institutionnelles prises dans les annĂ©es 1960 et 1970 constituent l’aune Ă  quoi nous mesurons toutes nos actions et pratiquement toute notre pensĂ©e.
Cette conception pleine et univoque que nous avons de la RĂ©volution tranquille, par quoi nous ne la voyons pas comme un ensemble de phĂ©nomĂšnes qui, mis bout Ă  bout, lui donnent corps, mais comme un seul et mĂȘme phĂ©nomĂšne dont chacun des Ă©lĂ©ments est une facette ou un tĂ©moignage, n’est pas sans incidence sur la façon dont nous abordons la littĂ©rature de cette Ă©poque et des annĂ©es qui la suivent. Nous avons en effet tendance Ă  projeter la valeur de rĂ©novation que nous associons Ă  la RĂ©volution tranquille sur tout ce qui lui a Ă©tĂ© contemporain et Ă  faire de cette valeur une forme de raison supĂ©rieure. Par cette projection, la RĂ©volution tranquille cesse d’ĂȘtre un Ă©vĂ©nement qu’on explique Ă  partir de faits observables pour devenir ce qui explique les faits observables. C’est ainsi que la littĂ©rature telle qu’elle se dĂ©veloppe dans les annĂ©es 1960 et 1970 est presque toujours prĂ©sentĂ©e par l’histoire littĂ©raire comme le produit de cette rĂ©volution, ce par quoi la modernisation du QuĂ©bec se traduit dans le domaine de la crĂ©ation. Lues sous cet angle, les Ɠuvres deviennent, sinon tout Ă  fait, du moins prioritairement, des manifestations de l’énergie, du bouillonnement et de la libertĂ© amenĂ©s par le grand vent de transformation qui souffle alors sur la sociĂ©tĂ© quĂ©bĂ©coise. Plus que tout, elles sont vues comme des marques de rupture, par quoi l’ancien fait place au nouveau, la tradition Ă  l’innovation, le conservatisme au modernisme. Il ne s’agit Ă©videmment pas de contester cette modernisation ni le rĂŽle qu’a jouĂ© sur la littĂ©rature le passage accĂ©lĂ©rĂ© du QuĂ©bec Ă  la modernitĂ© Ă©conomique, politique et sociale. Mais on peut se demander si cette rupture par laquelle on dĂ©finit les Ɠuvres de la RĂ©volution tranquille est la seule qui ait lieu, ou si elle est la plus importante. Car il existe aussi, au cƓur de la littĂ©rature de ces annĂ©es-lĂ , et plus particuliĂšrement au cƓur du roman, une autre rupture, un autre passage, moins visibles que ceux qu’on associe au progrĂšs de la sociĂ©tĂ© quĂ©bĂ©coise, et mĂȘme contraires Ă  l’idĂ©e de progrĂšs (ou Ă  l’idĂ©e courante qu’on se fait du progrĂšs), mais tout aussi dĂ©terminants qu’eux.
Cette rupture est celle dont je pose l’hypothĂšse Ă  la fin du chapitre prĂ©cĂ©dent : aprĂšs avoir cherchĂ© en vain, sans trop de souci Ă  ses dĂ©buts, mais de façon plus austĂšre et plus inquiĂšte Ă  partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale, un monde d’aventure, le roman quĂ©bĂ©cois dĂ©laisse cette quĂȘte, dont il apparaĂźt de plus en plus clairement au fil du temps qu’elle constitue une impasse. La difficultĂ©, c’est que pour poser cette hypothĂšse et voir l’éclairage qu’elle peut apporter aux romans de la RĂ©volution tranquille – et Ă  la RĂ©volution tranquille elle-mĂȘme –, il faut faire l’effort d’aborder les Ɠuvres en oubliant le discours qui les prĂ©cĂšde, Ă  partir de ce qu’elles nous montrent, mais que ne permet pas de voir et mĂȘme que cache le point de vue Ă  partir duquel nous avons l’habitude critique de les lire. Certes, face Ă  tout ce qui s’était Ă©crit jusque-lĂ , les Ɠuvres des annĂ©es 1960 ont indĂ©niablement quelque chose de souverain qui rejoint l’esprit de la RĂ©volution tranquille : leurs auteurs ne s’inquiĂštent d’aucune autoritĂ© venue du passĂ©, ne craignent aucune forme d’innovation et de libĂ©ration, que ce soit par l’usage du joual, le recours Ă  des intrigues dĂ©bridĂ©es ou l’invention de jeux narratifs de toutes sortes. Mais si cette souverainetĂ© peut se rapporter Ă  une volontĂ© gĂ©nĂ©rale de s’ouvrir Ă  des « temps nouveaux », comme on le chantait alors, elle a aussi une autre explication, qui ne se situe pas du cĂŽtĂ© de la rĂ©volution, mais plutĂŽt de sa tranquillitĂ©. Car la tranquillitĂ© n’est qu’un autre nom de l’idylle, une idylle que le roman, cette fois, ne cherche plus Ă  combattre, que ce soit par le rĂȘve, la fuite ou l’attente, qu’il n’essaie plus de dĂ©passer ou de percer, mais qu’il reconnaĂźt, au contraire, qu’il accepte et, pour tout dire, Ă  laquelle il s’abandonne.
L’abandon Ă  l’idylle constitue – c’est l’idĂ©e que j’aimerais exposer dans ce chapitre – la grande ligne de force du roman de la RĂ©volution tranquille. En fait, s’il y a « rĂ©volution » pour ce roman, s’il y a « rupture » dans ce qu’il fait et reprĂ©sente, celles-ci ne rĂ©sident pas, ou ne rĂ©sident que secondairement dans ses innovations formelles et ses usages nouveaux de la langue, dans ses thĂšmes et ses sujets, bref, dans ce que nous avons coutume de dĂ©finir et de cĂ©lĂ©brer comme sa modernitĂ©. La rĂ©volution du roman quĂ©bĂ©cois des annĂ©es 1960 – rĂ©volution qu’on peut d’ailleurs dĂ©finir comme une conquĂȘte, puisque ses effets n’ont jamais cessĂ© de se prolonger – tient Ă  un fait en apparence plus modeste que ces rĂ©novations diverses, mais en rĂ©alitĂ© beaucoup plus profond et dĂ©terminant : son refus de poursuivre la quĂȘte d’aventure qui prĂ©valait jusqu’alors ou, si l’on prĂ©fĂšre, le fait que, face Ă  cette quĂȘte, il lĂąche prise.
L’idĂ©e d’abandon, j’en conviens, va Ă  contresens de tout ce qui nous vient spontanĂ©ment Ă  l’esprit lorsque nous pensons aux idĂ©es et aux Ɠuvres de la RĂ©volution tranquille. Dans notre imaginaire, nos repĂšres, voire dans nos rĂ©flexes, la cause est entendue depuis longtemps : les annĂ©es 1960 et 1970 marquent l’exact contraire de l’abandon et du lĂącher-prise ; ce sont pour nous, que nous les ayons vĂ©cues ou non, des annĂ©es d’action et d’entrĂ©e dans l’Histoire, de crĂ©ativitĂ© et de rĂ©alisations sans prĂ©cĂ©dent, de bonds en avant et d’expĂ©rimentations de toutes sortes. La cause est d’autant plus entendue que ces annĂ©es donnent prĂ©cisĂ©ment le sentiment de l’aventure, qu’elles apparaissent comme le but enfin atteint d’une sortie de l’idylle. C’est d’ailleurs, on l’a vu, l’interprĂ©tation qu’en propose Pierre Vadeboncoeur dans La DerniĂšre Heure et la premiĂšre. AprĂšs deux siĂšcles d’une « condition extrahistorique » qui lui avait permis de vivre « heureux » et « cachĂ© », « d’une chance rare dans la chronique de l’humanitĂ© », le QuĂ©bec, Ă©crit-il, accĂšde avec la RĂ©volution tranquille aux « conditions ordinaires de l’histoire » et, avec elles, Ă  l’aventure : « Traditionnellement retranchĂ©s de l’histoire, il s’agit maintenant de nous lancer dans l’histoire2. »
Mais si Ă©vidente et logique qu’ait pu apparaĂźtre cette façon de voir dans l’effervescence et les transformations du moment, et si attachĂ©s que nous y soyons restĂ©s au fil des ans, il n’est pas certain qu’elle soit tout Ă  fait juste. DĂ©jĂ , les annĂ©es 1940 et 1950 avaient montrĂ© qu’on peut trĂšs bien se moderniser (arriver en ville, s’industrialiser, se mettre au diapason d’une culture et d’une Ă©conomie en voie de mondialisation) tout en continuant de vivre « heureux et cachĂ© », et les annĂ©es 1960, quand on les aborde dans l’optique du roman, montrent que cette continuitĂ© n’a Ă©tĂ© aucunement Ă©branlĂ©e, qu’elle s’est mĂȘme, d’une certaine maniĂšre, renforcĂ©e. Il ne s’agit pas de nier la profondeur des changements vĂ©cus, mais de voir, derriĂšre ces changements ou Ă  cĂŽtĂ© de ces changements, ce qui ne se transforme pas, ce qui se poursuit, ce qui reste « tranquille », et que le roman, parce qu’il est toujours aux prises avec la rĂ©alitĂ©, permet justement de rĂ©vĂ©ler.
Avant d’aborder les Ɠuvres et de voir en quoi consiste cette rĂ©vĂ©lation, il importe de rĂ©pondre Ă  une objection que l’on pourrait faire Ă  propos de la spĂ©cificitĂ©, ou plus exactement de la non-spĂ©cificitĂ©, du roman quĂ©bĂ©cois des annĂ©es 1960 et 1970. On pourrait soutenir en effet, comme cela a Ă©tĂ© fait, que le renouveau associĂ© au roman de ces annĂ©es-lĂ  ne se rapporte pas tant Ă  la RĂ©volution tranquille ou Ă  quoi que ce soit de local qu’au grand mouvement de transformation et d’expĂ©rimentation artistiques survenu de façon gĂ©nĂ©rale en Occident tout au long du XXe siĂšcle et particuliĂšrement Ă  partir des annĂ©es 1950. MĂȘme si c’était sur un mode qui leur Ă©tait propre, les romanciers quĂ©bĂ©cois n’auraient pas fait autre chose, fonciĂšrement, que ce que les romanciers partout ailleurs faisaient dĂ©jĂ  depuis longtemps et continuaient de faire, soit remettre en question le roman dit traditionnel, en particulier sa conception rĂ©aliste de l’intrigue et des personnages. La diffĂ©rence, c’est que, parti d’une forme particuliĂšrement peu moderne, le roman quĂ©bĂ©cois serait arrivĂ© Ă  cette remise en question de façon quasi instantanĂ©e : tel un marathonien qui, en un sprint inattendu, aurait rejoint tous les coureurs devant lui, il aurait comblĂ©, en quelques miraculeuses annĂ©es, le « retard » esthĂ©tique et thĂ©matique dont il souffrait jusque-lĂ .
L’idĂ©e du retard comblĂ© suppose toutefois que le sens de la marche ait Ă©tĂ© le mĂȘme pour tous, c’est-Ă -dire que le renouveau procĂ©dait de la mĂȘme question ou du mĂȘme problĂšme et visait le mĂȘme rĂ©sultat. Or rien n’est moins sĂ»r. Si le roman quĂ©bĂ©cois des annĂ©es 1960 et 1970 a partagĂ©, par certains aspects, l’évolution gĂ©nĂ©rale du roman, français notamment, il ne le faisait pas depuis les mĂȘmes prĂ©misses. Le cas du nouveau roman illustre de façon exemplaire cette diffĂ©rence de point de dĂ©part. Comme l’exprime bien l’idĂ©e de « soupçon » convoquĂ©e par Nathalie Sarraute pour en dĂ©finir l’esprit, le nouveau roman marquait l’expression d’un sentiment d’épuisement face Ă  tout ce que le roman avait explorĂ© jusque-lĂ , d’une lassitude face aux personnages qu’il lançait dans le monde et dont il suivait, comme autant d’énigmes, les ironies et les avanies. On connaĂźt la cĂ©lĂšbre formule de Jean Ricardou voulant que, « dĂ©sormais », le roman ne soit plus « l’écriture d’une aventure, mais l’aventure d’une Ă©criture ». Elle rĂ©sume parfaitement la situation : le nouveau roman est un roman d’écrivains (et de lecteurs) revenus de trop d’intrigues et de rĂ©cits, de trop d’actions Ă  suivre et Ă  dĂ©crire, de trop de reportages, et qui aspirent Ă  un changement de rĂ©gime : l’aventure ne viendra plus des alĂ©as du monde, mais de l’écriture. Le roman de la RĂ©volution tranquille n’opĂšre pas, ne peut pas opĂ©rer depuis la mĂȘme lassitude. Il n’est pas fatiguĂ© de l’aventure – comment pourrait-il l’ĂȘtre, alors qu’elle s’est toujours dĂ©robĂ©e au roman avant lui ? –, il est, et c’est trĂšs diffĂ©rent, fatiguĂ© d’avoir Ă  la chercher. La rupture esthĂ©tique qu’il constitue est en cela singuliĂšre, et sa trajectoire, en regard de celles dessinĂ©es par les Ɠuvres du grand contexte, est une trajectoire distincte. Cela n’empĂȘche pas qu’il y ait convergence et, Ă  certains Ă©gards, superposition avec d’autres tracĂ©s, mais au lieu de rattrapage, il me paraĂźt plus juste de parler d’une rencontre Ă©phĂ©mĂšre. Une rencontre qui explique pourquoi ce qui est souvent considĂ©rĂ© comme l’entrĂ©e, avec les Ɠuvres phares des annĂ©es 1960, du roman quĂ©bĂ©cois dans le grand contex...

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