La Lenteur des montagnes
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La Lenteur des montagnes

Ying Chen

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  1. 130 pages
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La Lenteur des montagnes

Ying Chen

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De nombreuses Ɠuvres littĂ©raires ont voulu cerner, ces derniĂšres annĂ©es, la difficultĂ© de la situation de l'immigrant, qui doit embrasser une nouvelle culture sans jamais parvenir Ă  oublier tout Ă  fait celle dont il est issu. Ce livre pose une question encore bien plus profonde et complexe. Comment un immigrant peut-il rendre compte de ce choix auprĂšs de ses enfants? Si l'adulte a choisi son nouveau pays, l'enfant, lui, n'a rien choisi. Qu'est-ce qui peut alors racheter l'immense douleur de se retrouver sans racines? Sous forme d'une longue lettre adressĂ©e Ă  son fils, la romanciĂšre Ying Chen signe ici un livre bouleversant d'intelligence et de sensibilitĂ©. Comment lui parler de son hĂ©ritage chinois quand elle a elle-mĂȘme choisi le Canada pour pays et la langue française comme lieu de dĂ©ploiement de son imaginaire? Comment lui parler de Lao-Tseu, s'il ne lui est accessible qu'Ă  travers une traduction dans une langue occidentale? Comment lui parler des livres quand les images rĂšgnent sur le monde dans lequel il vit?

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Information

Mon enfant, ma vie,
Depuis longtemps dĂ©jĂ  je souhaite t’écrire. Je ressens le besoin de compenser les bandes dessinĂ©es que je n’ai pas faites, mais que tu aurais adorĂ©es. Je me crois incapable d’en faire, sans doute Ă  cause d’un tempĂ©rament un peu grave, un peu montagnard. Je ne savais rĂ©pondre Ă  tes questions quand tu Ă©tais encore trĂšs jeune : « Qui a gagnĂ© la guerre ? Les Gaulois ou les Romains ? Les Chinois ou les Japonais ? » Pour rĂ©aliser un album amusant, il faut souvent des rĂ©ponses simples et claires, que je n’ai pas. En fait, personne dans l’histoire n’a jamais gagnĂ© de guerre. Tous y perdent quelque chose. Combien chacun perd-il ? Eh bien, la perte est une chose difficile Ă  mesurer. Nous savons que Han Xin, le gĂ©nie militaire du premier empereur de la dynastie Han, qui succĂ©da Ă  la dynastie Qing, a remportĂ© la victoire contre la cĂ©lĂšbre armĂ©e de Xiang Yu, et qu’il a fini par succomber lui-mĂȘme, peu de temps aprĂšs, Ă  la cour, sous les coups des servantes de la reine. En toutes choses les opinions nettes dont un enfant a besoin me font dĂ©faut. Trop de dĂ©tails, de doutes et de contradictions se prĂ©sentent en mĂȘme temps dans ma tĂȘte. Cela pĂšse sur une maman. C’est la fin de l’enfance.
Je voudrais t’écrire, au moment oĂč tu sors de ton enfance et t’approches du monde adulte, Ă  propos de cette relativitĂ©, de cette incertitude et de l’importance de comprendre qu’une situation et un Ă©vĂ©nement peuvent ĂȘtre vus dans une multitude de perspectives possibles, selon l’angle oĂč l’on se situe, que les vĂ©ritĂ©s absolues n’existent pas, que le monde n’est jamais noir ou blanc, qu’il faudrait non seulement respecter et accepter la diffĂ©rence, mais encore savoir que toute diffĂ©rence d’opinion ou de comportement est nĂ©e, non pas de raisons biophysiques, mais de ce que j’appelle des « angles diffĂ©rents », de notre position au moment oĂč l’on pose le regard sur quelque chose ou entame une action. La « diffĂ©rence culturelle » est un terme politiquement correct qui est, dans la plupart des cas, utilisĂ© comme synonyme de « diffĂ©rence raciale ». Personne n’en a clairement prĂ©cisĂ© le contenu, il reste dangereusement vague et ambigu.
Ayant vĂ©cu de trĂšs longues annĂ©es en Chine puis au Canada, je trouve que ces deux cultures sont beaucoup moins diffĂ©rentes qu’on ne le croit. La diffĂ©rence culturelle est selon moi une diffĂ©rence temporelle. Maintenant que la Chine entre dans l’ùre de la commercialisation aprĂšs avoir presque sautĂ© celle de l’industrialisation, il n’y a plus beaucoup de diffĂ©rences, Ă  mes yeux, entre ces deux pays. Par exemple, des deux cĂŽtĂ©s de l’ocĂ©an, le taux de natalitĂ© chute Ă  la mĂȘme vitesse depuis des dĂ©cennies, depuis le baby-boom des annĂ©es cinquante. Le vieillissement de la population est VISIBLE dans une ville comme Shanghai. La politique de l’enfant unique a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© revisĂ©e : les couples formĂ©s
de deux enfants uniques ont maintenant le droit de donner naissance Ă  deux bĂ©bĂ©s. Or beaucoup d’« enfants uniques », qui ont maintenant environ trente ans, n’ont pas le dĂ©sir de se reproduire. Ce n’est qu’une question de temps avant qu’une nouvelle politique dĂ©mographique ne voie le jour, afin d’encourager le taux de naissance.
Mais dans ton Ă©cole, parmi tes camarades, il n’y a pas ce souci de discrĂ©tion ou de camouflage. On dit simplement : « Ces Chinois, ils sont tous comme ça. » On appelle presque tous les Asiatiques, des « Chinois ». Et tu reviens Ă  la maison me dire la mĂȘme chose. Quand c’est toi qui le dis, ce n’est pas aussi facile que pour tes camarades « blancs bronzĂ©s » qui rigolent des gens d’autres races et qui, de ce fait, s’accordent une supĂ©rioritĂ© et une force qu’ils n’ont pas rĂ©ellement, le mĂ©pris des autres faisant partie de leur crise d’adolescence, reflĂ©tant les idĂ©es reçues de leur entourage. Je sens qu’il y a une complication douloureuse dans ton jeune cƓur. Cette douleur en toi vient de ton amour pour ta mĂšre, de ta honte et de ton regret parfois d’ĂȘtre nĂ© tel que tu es. Je comprends tout cela, et je souffre de ta souffrance.
Il est nĂ©cessaire que je t’écrive trĂšs longuement, parce que la situation est trĂšs complexe. De simples Ă©changes quotidiens ne suffisent pas. Connaissant un peu l’histoire de l’Europe, l’histoire des deux guerres mondiales, l’histoire de l’AmĂ©rique, l’histoire des dynasties chinoises, toi aussi tu te rends compte que les civilisations, tout comme les langues, ne sont pas faites pour durer Ă©ternellement. Le changement est une loi absolue dans un monde sans absolu. Comme le dit un proverbe chinois : « Trente ans rive est, trente ans rive ouest. » Tout orgueil, mĂ©pris (y compris le mĂ©pris de soi) et prĂ©jugĂ© provient d’une vision presque animale, sans perspective historique ni comprĂ©hension circonstancielle, fondĂ©e sur une croyance inĂ©branlable (la croyance Ă  la permanence). AprĂšs avoir vu, toi aussi, de tes propres yeux, la quantitĂ© d’eau et d’électricitĂ© consommĂ©e par les foyers Ă  Shanghai, le pourcentage de la population possĂ©dant une voiture – la plupart du temps, de marque Ă©trangĂšre –, le prix des tickets de bus et de la taxe automobile, par comparaison Ă  ce qui se passe en AmĂ©rique depuis presque un siĂšcle dĂ©jĂ , tu trouveras le phĂ©nomĂšne ahurissant, conscient que le pouvoir d’achat de la classe moyenne Ă  Shanghai Ă©gale dĂ©jĂ  celui des AmĂ©ricains. Cette AmĂ©rique qui se proclame haut et fort protectrice d’abord des droits de l’homme, tout en tuant un nombre incalculable de personnes pour le pĂ©trole, protectrice ensuite de l’environnement, tout en utilisant la voiture comme un second habitat, comme une extension du corps. Ici, deux voitures par famille est la norme. Cela coĂ»te plus cher de se dĂ©placer en bus. Tu sais qu’il faut toujours comparer les pommes avec des pommes, que par prudence intellectuelle, on ne peut pas critiquer un systĂšme sans en Ă©tudier les raisons historiques ni juger un peuple sans considĂ©rer son chemin, ses dĂ©tours, ses moyens et ses fardeaux, son Ă©ducation et ses habitudes, son dĂ©clin et les efforts qu’il fait pour ne pas mourir.
Je ne suis pas en mesure de t’empĂȘcher de placer tes illusions dans un quelconque systĂšme ni d’avoir honte d’une collectivitĂ© Ă  laquelle tu n’as pas Ă  appartenir, dont l’histoire n’est pas ta responsabilitĂ©. Je peux seulement te confier comment j’essaie de trouver une sĂ©rĂ©nitĂ© dans une vie oĂč l’on fait de ma naissance quelque chose de prĂ©dominant, oĂč chacune de mes actions est interprĂ©tĂ©e sous l’angle de la « culture », voire de la « race », oĂč mes livres sont souvent interprĂ©tĂ©s comme essentiellement « chinois », oĂč l’on nie mon individualitĂ©.
Voici ce qui se passe : j’ai dĂ©cidĂ© que je ne peux plus m’en tenir Ă  quoi que ce soit de local, que je bois l’eau de toutes les mers, que je respire l’air de l’univers, que je reçois l’enseignement des maĂźtres de tous les temps sans ĂȘtre disciple d’aucun. Mais cela semble un peu ennuyeux et risque de me faire paraĂźtre comme un Ă©trange produit ou comme une pauvre victime de l’horrible mondialisation. D’ailleurs, je n’ai jamais compris comment la mondialisation a pu devenir un sujet si Ă  la mode, un phĂ©nomĂšne attaquĂ© par tous. Ce qu’aujourd’hui on qualifie de « mondialisation » est aussi vieux que le monde.
Je t’en donne un exemple.
Tu sais que je lis le Yi Jing en français. Comment cela se fait-il que pour accĂ©der au livre le plus ancien de la Chine, je doive, moi, passer maintenant par des traductions occidentales ? Aurais-je Ă©tĂ© mal formĂ©e dans mon pays natal ou n’aurais-je pas fait assez de devoirs dans ma jeunesse pour connaĂźtre la culture dans laquelle je suis nĂ©e ? Les guerres et les rĂ©volutions auraient-elles vraiment le pouvoir de tuer ce qu’on voudrait croire immortel, la langue et la civilisation ? Un siĂšcle aprĂšs le mouvement du 4 mai, les Chinois auraient-ils encore besoin du secours du monde extĂ©rieur pour Ă©viter le naufrage, pour rĂ©pondre Ă  cette urgence de renouvellement encore une fois ressentie Ă  cette Ă©poque dite de l’ouverture et de la rĂ©forme ? Ces questions susciteraient des dĂ©bats passionnĂ©s dans certains milieux en Chine, oĂč parfois l’altĂ©ritĂ© paraĂźt une menace, oĂč le mot identitĂ© n’est pas encore dĂ©modĂ©, n’a pas encore Ă©tĂ© discrĂštement remplacĂ© par le mot mĂ©moire. Ma rĂ©ponse est simple : le Yi Jing primitif n’existe plus. La plus vieille version dont nous disposons aujourd’hui est une traduction de Kongzi (Confucius) et de Laozi (Lao-tseu), en une langue chinoise difficilement accessible aux Chinois de ma gĂ©nĂ©ration sans une formation spĂ©cialisĂ©e, tout comme, en Occident, peu de jeunes de ton Ăąge connaissent le latin et veulent l’apprendre. Certes, on trouve de nombreux Ă©crits sur ce mystĂ©rieux livre, au fil des siĂšcles ; les traducteurs et les commentateurs anciens et modernes ne manquent pas, mais ils sont souvent portĂ©s par des intĂ©rĂȘts politiques, moraux ou divinatoires, par un souci de vulgarisation. Ils veulent que le livre serve leurs fins, et entre leurs mains celui-ci perd de sa beautĂ© originale : il en Ă©mane, sous l’effet du temps, une odeur de pourriture qui fait fuir la jeunesse d’aujourd’hui. La version de Richard Wilhelm, en revanche, a notamment la qualitĂ© d’ĂȘtre l’une des plus dĂ©sintĂ©ressĂ©es et justes, car le traducteur, une fois sa traduction en allemand terminĂ©e, l’a retraduite en chinois pour en vĂ©rifier le contenu avec son enseignant. Celui (ou celle) qui traduit le Yi Jing ne peut jamais ĂȘtre seulement traducteur. Écrite dans une langue primitive oĂč un mot dĂ©signe mille choses, la « traduction » de Kongzi nĂ©cessite un travail d’interprĂ©tation et de clarification considĂ©rable. Une double traduction par la mĂȘme personne inspire donc confiance.
Ce parcours, ce dĂ©tour mĂȘme, que Wilhelm a entrepris pour transmettre tant bien que mal le contenu du Yi Jing – un texte qui lui semblait, pour reprendre ses propres mots, « Ă  la fois Ă©trange et familier » – est aussi le mien, puisque je tente, moi aussi, de m’approcher du Yi Jing (qui me paraĂźt Ă©galement « Ă  la fois Ă©trange et familier », mĂȘme si ce n’est pas exactement comme l’entend Wilhelm) par le biais d’un esprit occidental. Du reste, ce parcours est en soi une excellente reprĂ©sentation de la philosophie du Yi Jing : celle de la transformation.
Le Yi Jing se prĂ©occupe non pas de la recherche des choses dans leur essence, telles que dĂ©finies par leurs limites corporelles, mais de leurs mouvements et des rapports qu’elles entretiennent, malgrĂ© elles, au fil de leur transformation. Le caractĂšre Yi veut dire « changement, Ă©change, mutation, transformation ». Le sort du Yi Jing, qui tĂ©moigne de la façon dont nos anciens concevaient l’univers et l’existence, nous montre dĂ©jĂ  jusqu’à quel point une mĂ©moire, aussi fondamentale puisse-t-elle ĂȘtre, malgrĂ© sa fixation par Ă©crit et avec comme vĂ©hicule la langue elle-mĂȘme, nous est difficile Ă  conserver intĂ©gralement, Ă  dĂ©chiffrer et Ă  saisir dans son sens original, en dĂ©pit de nos dĂ©sirs et de nos efforts pour l’éterniser dans le temps.
L’un des esprits occidentaux les plus proches du Yi Jing s’exprime Ă  mes yeux chez Paul ValĂ©ry. Il a avouĂ© dans ses Cahiers que ce dont il a le plus peur est de se faire dĂ©finir. La mĂ©moire, selon lui, est « d’essence corporelle », liĂ©e Ă  la forme, sous condition de la « rĂ©pĂ©tabilitĂ© ». Or, poursuit-il, toujours dans ses Cahiers, « l’esprit abhorre la rĂ©pĂ©tition, et tant qu’on se rĂ©pĂšte, il n’y a pas esprit ».
Le livre le plus ancien de Chine, tout comme ce pays mĂȘme, connaĂźt sa renaissance, redevient moderne seulement lorsqu’il flotte sur les vagues de l’époque moderne et reçoit de ses lecteurs le souffle du temps. Les cultures, Ă©phĂ©mĂšres par dĂ©finition, renaissent au croisement d’autres cultures. Car le nous n’existe pas s’il n’y a pas de vous. L’individualitĂ© est une illusion si l’autre ne vient pas la nourrir, la remplacer ou la recrĂ©er. La vie s’arrĂȘte quand il n’y a plus d’interaction entre le yin et le yang. Rien en ce monde n’est dĂ©finitif. Tout est passage. Tout meurt et tout renaĂźt, parce que tout change. VoilĂ  la seule loi permanente de l’ĂȘtre et du devenir qu’enseigne le Yi Jing.
Rainer Maria Rilke, en commentant une peinture de LĂ©onard de Vinci, a dĂ©crit sous un autre angle la dynamique entre le soi et l’autre : « On sait comme on voit mal les choses parmi lesquelles on vit, et il faut souvent attendre que quelqu’un arrive de loin pour nous dire ce qui nous entoure. Et l’on dut ainsi repousser aussi loin de soi les choses, afin d’ĂȘtre plus tard capable de s’en approcher d’une façon plus Ă©quitable et plus calme, avec moins de familiaritĂ© et Ă  distance respectueuse. Car on ne commença Ă  comprendre la nature qu’au moment oĂč l’on ne la comprit plus, qu’on sentit qu’elle Ă©tait l’Autre. » Pour mieux contempler le paysage, il faut que le soi se dĂ©tache et devienne l’autre.
Ce qui rapproche Rilke du Yi Jing est cette mise Ă  distance entre le soi et l’autre qui permet de les considĂ©rer non pas comme une matiĂšre utilisable, mais comme des images sans signification pratique. C’est cette reconnaissance d’une grande rĂ©alitĂ© qui dĂ©passe la forme que les taoĂŻstes, hĂ©ritiers du Yi Jing, appellent « la voie ». Selon le Yi Jing, « [l]es transformations n’ont ni conscience ni action, elles sont paisibles et ne se meuvent pas. Mais si on les excite, elles pĂ©nĂštrent toutes les situations sous le ciel ».
Non seulement nous devons sans cesse traduire, interprĂ©ter et rĂ©inventer notre vieille mĂ©moire collective, mais nous ne sommes pas plus certains de notre mĂ©moire personnelle et rĂ©cente. Nous doutons de la capacitĂ© de notre cerveau de conserver une rĂ©alitĂ© sans l’altĂ©rer, sans que la moisissure du temps pousse sur le corps de cette rĂ©alitĂ© ni que celle-ci prenne une teinte artificielle Ă  force de baigner dans un liquide antiseptique ou sirupeux.
Se...

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