La lutte nonviolente
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La lutte nonviolente

Pratiques pour le XXIe siĂšcle

Gene Sharp

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Pratiques pour le XXIe siĂšcle

Gene Sharp

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Couper les sources du pouvoir et planifier la lutte nonviolente de façon stratĂ©gique, voilĂ  l'objectif ambitieux de cette bible de la nonviolence, loin des fleurs dans les cheveux et autres clichĂ©s trop souvent associĂ©s Ă  cette frange de la lutte politique. Gene Sharp est sans conteste l'un des thĂ©oriciens les plus connus et influents de la lutte nonviolente. Dans un contexte oĂč la violence de la rĂ©pression vis-Ă -vis de la contestation populaire est exponentielle, se plonger dans les Ă©crits de Sharp devient incontournable. Surtout que l'action nonviolente, planifiĂ©e et exĂ©cutĂ©e de maniĂšre rĂ©flĂ©chie et consĂ©quente, constitue une force puissante et efficace pour promouvoir le changement social et politique. Des partisans de cette pratique en ont d'ailleurs fait usage avec succĂšs tout au long du XXe siĂšcle.Ressource inestimable pour les luttes politiques Ă  venir, La lutte nonviolente, s'appuie sur plus de cinquante annĂ©es de travaux acadĂ©miques et de recherches en plus de faire le portrait d'une vingtaine de luttes nonviolentes qui ont traversĂ© le XXe siĂšcle, sources d'inspiration pour le prĂ©sent siĂšcle?: de la Place Tienanmen au Conseil suprĂȘme letton, en passant les tĂ©moins des freedom riders, le Printemps de Prague, la lutte pour les droits civiques des Noirs aux États-Unis ou encore la rĂ©sistance anti-nazi des enseignant.e.s norvĂ©gien.ne.s. À la fois pratique et thĂ©orique, l'ouvrage se veut la somme des rĂ©flexions de Sharp sur la nonviolence et les voies possibles pour planifier une action nonviolente de maniĂšre stratĂ©gique et efficace.Construit Ă  partir de l'analyse profonde de l'Ɠuvre maĂźtresse de Sharp, The Politics of Nonviolent Action, l'ouvrage intĂšgre les thĂ©ories de l'auteur et leur mise Ă  l'Ă©preuve sur le terrain. Le livre a aussi le mĂ©rite de rappeler l'importance de la prĂ©paration et de la stratĂ©gie dans ce type de lutte. Les rĂ©flexions de Sharp risquent de pousser les sceptiques Ă  sĂ©rieusement considĂ©rer le potentiel de l'action nonviolente comme alternative Ă©prouvĂ©e Ă  la passivitĂ© et Ă  la violence.

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DEUXIÈME PARTIE

LUTTES NONVIOLENTES IMPROVISÉES AU XXe SIÈCLE

CHAPITRE 5

La révolution russe de 190516

Prélude à la révolution
Vers 1900, l’Empire russe s’étendait de l’Europe occidentale au Caucase vers le sud, et Ă  l’est de la SibĂ©rie jusqu’au dĂ©troit de BĂ©ring. De longue date, les tsars rĂ©gnaient sur l’empire, convaincus de leur droit divin Ă  rĂ©gner de façon autocratique, comme le faisait Nicolas II, le tsar de l’époque.
Une bonne partie de la sociĂ©tĂ© de l’empire Ă©tait en pleine mutation. Les trois quarts de la population vivaient de l’agriculture, mais beaucoup de paysans s’installaient en ville et l’industrie Ă©tait en expansion. Cette croissance s’accompagna de revendications ouvriĂšres et de grĂšves importantes ; le mĂ©contentement gagnait les paysans, les Ă©tudiants et l’intelligentsia Ă  cause des conditions sociales et Ă©conomiques. Des journaux illĂ©gaux virent le jour pour exprimer les dissensions politiques. Le droit de vote Ă©tait extrĂȘmement limitĂ©, bien qu’il existĂąt des assemblĂ©es Ă©lues de gouvernement local, les zemstvos, au niveau des districts et des provinces, ainsi que les doumas au niveau des municipalitĂ©s.
Les prémices de 1904
En janvier 1904, les libĂ©raux fondĂšrent une Union de LibĂ©ration. Ils demandaient une assemblĂ©e constituante Ă©lue au suffrage universel direct, Ă©gal et secret, l’incorporation des droits de l’Homme et du citoyen dans la constitution, l’égalitĂ© de tous devant la loi, sans distinction de sexe, de religion ou de nationalitĂ©. L’étĂ© suivant, le gouvernement autorisa Ă  un certain degrĂ© l’expression des opinions dissidentes.
Parmi les nombreux partis d’opposition illĂ©gaux, on trouvait le Parti socialiste-rĂ©volutionnaire, qui soutenait les paysans et assassina des fonctionnaires en vue. Le Parti ouvrier social-dĂ©mocrate de Russie (les sociaux-dĂ©mocrates), quant Ă  lui, comprenait les mencheviks, marxistes relativement modĂ©rĂ©s, et les bolcheviks de Vladimir LĂ©nine, qui avaient des vues bien arrĂȘtĂ©es sur le rĂŽle d’élite du parti, sa mission et son devoir de renverser l’État par la violence et de l’utiliser ensuite pour restructurer la sociĂ©tĂ©. Le rĂ©gime tsariste s’efforçait de contenir ces partis.
L’annĂ©e dĂ©buta par une guerre. Les conflits d’intĂ©rĂȘts impĂ©riaux opposaient la Russie au Japon en Asie du Nord-Est. En janvier 1904, la marine japonaise attaqua la marine russe Ă  Port-Arthur, sur la mer Jaune. Le gros de l’armĂ©e russe resta pourtant cantonnĂ© en Russie europĂ©enne, oĂč elle servait Ă  rĂ©primer les grĂšves et manifestations.
En fĂ©vrier 1904, une organisation ouvriĂšre fut autorisĂ©e dans la capitale, Saint-Petersbourg. Le gouvernement espĂ©rait qu’en lui interdisant de devenir un syndicat et de se mĂȘler de questions politiques, cette nouvelle organisation empĂȘcherait l’émergence d’organisations plus radicales. Cette nouvelle AssemblĂ©e des travailleurs des fabriques et usines de Saint-Petersbourg atteignit bientĂŽt 100 000 membres.
La guerre contre le Japon Ă©tait sanglante, mal gĂ©rĂ©e par les Russes, et son soutien s’émoussait dans le pays. La population s’agitait. Des rĂ©servistes firent des Ă©meutes. MalgrĂ© la guerre, le rĂ©gime ne pouvait ignorer les graves problĂšmes intĂ©rieurs. Le gouvernement tenta de contrĂŽler les zemstvos et de les empĂȘcher d’étendre leur pouvoir. Les nationalitĂ©s non russes, dominĂ©es, rĂ©sistaient aux efforts d’assimilation visant Ă  faire d’elles des pseudo-Russes par la langue et la culture, et revendiquaient plus de libertĂ©s. Les libĂ©raux dissidents organisaient des meetings dĂ©guisĂ©s en banquets, pour exiger une constitution dĂ©mocratique. Les juifs Ă©taient persĂ©cutĂ©s.
Les classes moyenne et supĂ©rieure, hormis le clergĂ© et les marchands, firent des dĂ©clarations antigouvernementales sans prĂ©cĂ©dent. Les Ă©tudiants aussi, qui organisĂšrent des manifestations. Les libĂ©rationistes mirent en place des syndicats et devinrent un groupe politique plus important que les socialistes. Les barriĂšres se relĂąchaient entre les gens instruits et le peuple, entre l’intelligentsia antigouvernementale et les masses monarchistes. Les ouvriers, qui demandaient de meilleurs salaires et conditions de travail, Ă©coutaient les libĂ©raux et les socialistes. Dans certaines rĂ©gions de l’empire, la situation Ă©tait proche de la rĂ©bellion ouverte.
Les divers groupes socialistes se consacraient Ă  organiser les travailleurs, Ă  faire du prosĂ©lytisme, Ă  contrĂŽler les grĂšves Ă©ventuelles et Ă  infiltrer les forces armĂ©es. Ils n’avaient cependant pas le projet de renverser le gouvernement monarchiste Ă  court terme. À Bakou, au loin sur la mer Caspienne, les grĂ©vistes obtinrent la journĂ©e de travail rĂ©duite Ă  neuf heures et des augmentations de salaire, mais pas d’assemblĂ©e constituante ou de droits civiques. La guerre continuait, au dĂ©savantage des Russes, qui finirent par abandonner Port-Arthur le 20 dĂ©cembre 1904.
GrÚves, pétition et défilé
Une semaine plus tard, Ă  Saint-Petersbourg, 350 ouvriers sidĂ©rurgistes de l’usine Poutilov exigĂšrent la rĂ©intĂ©gration de quatre ouvriers licenciĂ©s. N’ayant pas obtenu satisfaction, les quelques 13 000 ouvriers abandonnĂšrent leur poste. La nouvelle se rĂ©pandit vite. Les grĂ©vistes de Poutilov furent rejoints par d’autres, donnant naissance Ă  une nouvelle mĂ©thode : la grĂšve gĂ©nĂ©rale. Les ouvriers n’étaient pas enclins Ă  la violence. En milieu de semaine, 25 000 ouvriers Ă©taient en grĂšve.
Lors d’une assemblĂ©e de grĂ©vistes le 6 janvier 1905, le pope Georgii Gapone, qui prĂ©sidait la sociĂ©tĂ© des ouvriers russes, annonça qu’il Ă©tait temps de demander au tsar des changements politiques et Ă©conomiques. Il fit circuler une pĂ©tition s’appuyant sur l’idĂ©e que le changement politique Ă©tait le prĂ©curseur du changement Ă©conomique. La pĂ©tition n’était pas antimonarchiste. Elle demandait au tsar la journĂ©e de huit heures, de meilleurs salaires, le respect des droits de l’Homme, le suffrage universel Ă  bulletin secret, une reprĂ©sentation populaire, une assemblĂ©e constituante Ă©lue et d’autres revendications. Au 7 janvier 1905, 85 % des 175 000 ouvriers de la capitale Ă©taient en grĂšve.
Le Dimanche rouge
Un dĂ©filĂ© Ă©tait prĂ©vu le 9 janvier pour remettre la pĂ©tition au tsar. Les ouvriers et leurs familles devaient se regrouper dans les diverses salles d’assemblĂ©e de la ville. De lĂ , ils marcheraient en bon ordre jusqu’à des points de ralliement pour se regrouper sur la place du palais, devant le palais d’hiver du tsar. LĂ , le pope Gapone prĂ©senterait au tsar Nicolas II en personne la pĂ©tition portant des milliers de signatures.
Le pope Gapone informa le gouvernement de ce dĂ©filĂ© pacifique. Le ministre de l’intĂ©rieur, Svyatatopolk-Mirsky, ordonna au prĂ©fet de Saint-Petersbourg d’arrĂȘter Gapone et ses assistants, mais l’ordre ne fut pas exĂ©cutĂ©. Le cĂ©lĂšbre Maxime Gorki et une dizaine d’autres Ă©crivains tentĂšrent en vain de persuader le gouvernement d’autoriser le dĂ©filĂ©. Vingt mille soldats, encadrĂ©s par huit gĂ©nĂ©raux de brigade et la police, se prĂ©parĂšrent Ă  stopper le dĂ©filĂ©.
MalgrĂ© le froid, la foule dĂ©filait calmement et en bon ordre. À la tĂȘte de la procession, des popes, des icĂŽnes, des Ă©tendards religieux, le drapeau national russe et des portraits du tsar et de la tsarine. AprĂšs deux kilomĂštres, Ă  l’arc de triomphe de Narva devant des Ă©difices publics importants, la police et l’armĂ©e bloquĂšrent le passage. La foule ignora l’ordre de se disperser, et les gardes Ă  cheval chargĂšrent. La foule se reforma, et les soldats tirĂšrent huit salves sur elle. C’est en gros ce qui se produisit pour les autres processions. Plus tard, des milliers de personnes se retrouvĂšrent sur la place du palais. AprĂšs quelques tirs de semonce, les soldats ouvrirent le feu directement sur la foule, sur cette place et sur la place Nevsky Ă  proximitĂ©. Sur l’üle Vasilievsky, un quartier oĂč des Ă©tudiants avaient auparavant tentĂ© en vain d’inciter la foule Ă  user de violence, ces mĂȘmes Ă©tudiants se joignirent au dĂ©filĂ©, Ă©rigĂšrent des barricades et provoquĂšrent la police.
Le bilan officiel fut de 95 morts et 333 blessĂ©s, dont 34 dĂ©cĂ©dĂšrent ensuite. Le pope Gapone s’adressa le lendemain aux libĂ©raux et transmit aux ouvriers le message de poursuivre la lutte.
Les divers types de rĂ©volutionnaires russes du XIXe siĂšcle s’étaient trouvĂ©s face Ă  un problĂšme majeur non rĂ©solu : comment mettre fin Ă  la foi naĂŻve que les paysans vouaient au tsar. Le Dimanche rouge dĂ©truisit cette alliance des pauvres et du tsar, et toutes les classes confondues se retournĂšrent contre le systĂšme tsariste.
Les grĂšves et la lutte
Il s’ensuivit une rĂ©volte spontanĂ©e, essentiellement nonviolente. Il n’y avait ni plan ni stratĂ©gie. Les moyens de lutte utilisĂ©s se rĂ©sumaient Ă  des grĂšves, Ă  des actes de non-coopĂ©ration et Ă  des protestations symboliques comme les dĂ©filĂ©s. Il y eut aussi des actes secondaires violents, isolĂ©s mais significatifs. Les grĂšves regroupaient en gĂ©nĂ©ral bon nombre de participants sur plusieurs semaines, tandis que la violence impliquait quelques acteurs sur une courte pĂ©riode de temps.
Les libĂ©raux comme les socaux-dĂ©mocrates furent pris de court par cette rĂ©volte populaire massive. Le 11 janvier 1905, le ministre des Finances annonça que les Ă©vĂ©nements du Dimanche rouge avaient affaibli le prestige de la Russie Ă  l’étranger. Le 12 janvier, la loi martiale fut instaurĂ©e Ă  Saint-Petersbourg, mais les restrictions militaires furent levĂ©es aprĂšs quelques jours et les grĂšves prirent fin. À Riga, dans l’actuelle Lettonie, des affrontements violents firent 70 morts lors d’une manifestation rassemblant 15 000 personnes.
AprĂšs le Dimanche rouge, les premiers grĂ©vistes de chez Poutilov dĂ©clarĂšrent qu’ils poursuivraient la grĂšve ; ils furent rejoints par d’autres, dont des employĂ©s du gaz et de l’électricitĂ©. Les Ă©tudiants, enseignants et avocats se mirent eux aussi en grĂšve. Plusieurs organisations professionnelles condamnaient le gouvernement et demandaient une assemblĂ©e constituante. Dans tout le pays, zemtsvos et doumas exprimaient leur dĂ©sapprobation. Les revendications nationalistes et Ă©conomiques furent portĂ©es Ă  la connaissance des nationalitĂ©s aux frontiĂšres de la Russie et partout oĂč les rĂ©volutionnaires socialistes Ă©taient actifs. Lorsque l’argent et la nourriture vinrent Ă  manquer, les ouvriers reprirent le travail pour gagner de quoi survivre, tout en restant mobilisĂ©s pour reprendre la grĂšve. Les paysans restaient calmes dans l’ensemble, hormis quelques incidents violents.
Le 18 janvier, des grĂšves, principalement de cheminots, commencĂšrent en Transcaucasie. Les grĂšves en cours en motivaient de nouvelles. Mus par l’exemple, les paysans entrĂšrent eux aussi en rĂ©sistance. L’idĂ©e d’un changement devenait possible.
Ce mois-lĂ , presque tous les Ă©tablissements d’enseignement supĂ©rieur furent fermĂ©s jusqu’à la fin de l’annĂ©e, par des grĂšves ou sur ordre du gouvernement, afin de disperser les Ă©tudiants contestataires. Les Ă©tudiants purent ainsi se consacrer Ă  la lutte Ă  plein temps.
Les minorités nationales fondÚrent leurs propres organisations, diffusant des publications dans leurs langues.
Les socialistes de toutes obĂ©diences, pris de court par ces Ă©vĂ©nements, ne furent pas Ă  mĂȘme d’en prendre la tĂȘte. Beaucoup d’entre eux ne faisaient pas confiance aux ouvriers, tout en essayant d’en organiser certains et d’endoctriner les soldats. Ces derniers Ă©taient hostiles aux Ă©tudiants. Les libĂ©raux contestataires Ă©taient mieux organisĂ©s. L’historien Sidney Hardcave rapporte que les libĂ©raux approuvaient les mĂ©thodes qui ne « portaient atteinte ni aux personnes ni Ă  la propriĂ©tĂ© ». Fin janvier, mĂȘme les monarchistes rĂ©clamaient une assemblĂ©e Ă©lue.
Le 18 fĂ©vrier, le tsar rĂ©primanda les participants aux manifestations et rĂ©affirma l’autocratie. Mais il accorda aussi le droit de pĂ©tition et autorisa, quoique de façon vague, la crĂ©ation d’une sorte de groupe Ă©lu. L’agitation se poursuivit. Des meetings anti-gouvernement se tenaient dans les Ă©coles ou chez de riches particuliers. Dans tout le pays Ă©clataient des grĂšves spontanĂ©es, mais puissantes. Les minoritĂ©s sous domination russe, dont les juifs, les musulmans et les Mongols, exprimaient leurs revendications. Les paysans, en gĂ©nĂ©ral de façon indĂ©pendante mais parfois avec la participation des rĂ©volutionnaires socialistes, exigeaient des rĂ©formes et parlaient parfois de redistribution des terres par la force. Quelques propriĂ©tĂ©s furent incendiĂ©es.
Pendant ce temps, la guerre avec le Japon devenait extrĂȘmement sanglante. Les sociaux-dĂ©mocrates commencĂšrent Ă  distribuer des tracts et Ă  organiser les soldats restĂ©s au pays. Le mĂ©contentement des soldats montait au sujet de la guerre et de leur situation.
Renforcement organisationnel
Les libĂ©raux utilisaient des moyens de supervision allĂ©gĂ©s pour servir leurs propositions de rĂ©forme, et des organisations nouvelles ou revitalisĂ©es voyaient le jour parmi les masses populaires. Le printemps et l’étĂ© virent naĂźtre de nombreuses organisations basĂ©es sur les professions, les activitĂ©s ou les opinions politiques. En mars, l’Union de LibĂ©ration demanda une assemblĂ©e constituante Ă©lue au suffrage universel, la sĂ©paration de l’Église et de l’État, plus de droits pour les minoritĂ©s nationales, le droit de grĂšve, la journĂ©e de huit heures et une assurance gouvernementale (couvrant la santĂ©, la retraite et sur la vie).
En avril, au moins 80 000 ouvriers se mirent en grĂšve, ils Ă©taient plus de 220 000 en mai. L’une des grĂšves les plus longues, impliquant 70 000 ouvriers du textile, se dĂ©roula Ă  Ivano-Voznesensk, au nord-est de Moscou. Les conditions lĂ -bas Ă©taient particuliĂšrement dures, et des revendications politiques vinrent se greffer plus tard sur les revendications Ă©conomiques du dĂ©part. C’est lĂ  Ă©galement que se forma le premier soviet, une organisation de base illĂ©gale qui s’en prit souvent au pouvoir politique. (Ce soviet Ă©tait trĂšs diffĂ©rent des institutions ultĂ©rieures contrĂŽlĂ©es par le Parti communiste de l’Union soviĂ©tique.)
Les syndicats – qui Ă©taient parfaitement illĂ©gaux – commencĂšrent Ă  s’organiser en janvier et poursuivirent leurs contacts au printemps, dans l’espoir Ă  long terme de fonder une union des syndicats. Professionnels et ouvriers formaient des syndicats et constataient qu’ils pouvaient fonctionner plus ou moins au grand jour. L’Union des syndicats devint une rĂ©alitĂ©.
Des groupes divers qu’on nommait collectivement les Cent-Noirs organisùrent des contre-mesu...

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