CHAPITRE 2
DĂ©vastations Ă lâĂ©tranger
Notre politique de bon voisinage
Ă quel point les prĂ©ceptes avancĂ©s par George Kennan ont-ils Ă©tĂ© suivis? Nous sommes-nous parfaitement mis Ă lâabri de tout souci dâ«objectifs vagues et irrĂ©alistes tels que les droits de la personne, lâĂ©lĂ©vation du niveau de vie et la dĂ©mocratisation»? Jâai dĂ©jĂ discutĂ© de notre «engagement envers la dĂ©mocratie», mais quâen est-il des deux autres points?
Penchons-nous sur lâAmĂ©rique latine, et examinons tout dâabord la question des droits de la personne. Une Ă©tude de Lars Schoultz, lâĂ©minent spĂ©cialiste des droits de la personne de cette partie du monde, montre que «lâaide amĂ©ricaine a eu tendance Ă affluer dans des proportions nettement plus grandes vers les gouvernements latino-amĂ©ricains qui torturent leurs citoyens». Cela ne dĂ©pend nullement de la quantitĂ© dâaide dont un pays a rĂ©ellement besoin, mais uniquement de sa disposition Ă servir les intĂ©rĂȘts des possĂ©dants et des privilĂ©giĂ©s.
Des Ă©tudes plus Ă©tendues rĂ©alisĂ©es par lâĂ©conomiste Edward S. Herman rĂ©vĂšlent quâil existe une corrĂ©lation Ă©troite, Ă lâĂ©chelle mondiale, entre la torture et lâaide amĂ©ricaine, et elles en fournissent lâexplication: les deux sont liĂ©es de façon indĂ©pendante Ă lâamĂ©lioration du climat nĂ©cessaire au bon dĂ©roulement des opĂ©rations commerciales. ComparĂ©s Ă ce principe moral de premier plan, des sujets comme la torture et les tueries se diluent dans lâinsignifiance.
Quâen est-il de lâĂ©lĂ©vation du niveau de vie? Câest Ă cette question que se serait attaquĂ©e, paraĂźt-il, lâAlliance pour le progrĂšs du prĂ©sident Kennedy, mais le modĂšle de dĂ©veloppement imposĂ© fut axĂ© prioritairement sur les besoins des investisseurs amĂ©ricains. Il fortifia et Ă©tendit le systĂšme dĂ©jĂ en vigueur selon lequel les Latino-AmĂ©ricains sont forcĂ©s de produire des rĂ©coltes destinĂ©es Ă lâexportation et de rĂ©duire les cultures de subsistance comme le maĂŻs et les haricots destinĂ©s Ă la consommation locale. Avec les programmes de lâAlliance, par exemple, la production de bĆuf connut un accroissement, tandis que sa consommation interne diminua.
Ce modĂšle de dĂ©veloppement basĂ© sur les exportations agricoles produit habituellement un «miracle Ă©conomique» grĂące auquel le PIB sâaccroĂźt, alors que la grande majoritĂ© de la population meurt de faim. Lorsque vous adoptez une telle approche, lâopposition populaire augmente inĂ©vitablement, et vous lâĂ©liminez ensuite par la terreur et la torture.
(Lâutilisation de la terreur est profondĂ©ment ancrĂ©e dans notre caractĂšre. En 1818 dĂ©jĂ , John Quincy Adams louait lâ«efficacitĂ© salutaire» de la terreur dans les rapports avec «les hordes bigarrĂ©es dâIndiens et de NĂšgres sans lois». Il Ă©crivait cela pour justifier les dĂ©chaĂźnements dâAndrew Jackson en Floride, qui anĂ©antirent pratiquement la population indigĂšne et assurĂšrent le contrĂŽle de la province espagnole aux AmĂ©ricains, et il impressionna beaucoup Thomas Jefferson et les autres par sa sagesse.)
La premiĂšre Ă©tape consiste Ă utiliser les forces de police. Elles jouent un rĂŽle crucial, vu quâelles sont capables de dĂ©tecter le mĂ©contentement trĂšs tĂŽt et de lâĂ©liminer avant quâil soit nĂ©cessaire de faire appel Ă une «intervention chirurgicale majeure» (comme la nomment les documents de planification). Si ce genre dâintervention sâavĂšre indispensable, nous la confions aux militaires. Lorsque nous ne sommes plus en mesure de contrĂŽler lâarmĂ©e dâun pays dâAmĂ©rique latine â spĂ©cialement dans la rĂ©gion des Antilles et de lâAmĂ©rique centrale â il est alors temps de renverser le gouvernement.
Certains pays ont tentĂ© dâinflĂ©chir le processus. Ce fut le cas du Guatemala sous les gouvernements dĂ©mocratiques capitalistes dâArĂ©valo et dâArbenz, et de la RĂ©publique dominicaine sous le rĂ©gime dĂ©mocratique capitaliste de Bosch. Tous ces pays devinrent la cible de lâhostilitĂ© et de la violence des Ătats-Unis.
Pour la seconde Ă©tape, on utilise les militaires. Les Ătats-Unis ont toujours tentĂ© dâĂ©tablir des relations avec les militaires des pays Ă©trangers, parce que câest une des maniĂšres les plus efficaces de renverser un gouvernement dĂ©sireux dâĂ©chapper Ă notre contrĂŽle. Câest ainsi que furent jetĂ©es les bases des coups dâĂtat militaires au Chili, en 1973, et en IndonĂ©sie, en 1965.
Avant ces coups dâĂtat, nous Ă©tions trĂšs hostiles Ă lâĂ©gard des gouvernements chilien et indonĂ©sien, mais nous continuions nĂ©anmoins Ă leur envoyer des armes. Gardez de bonnes relations avec les bons officiers et ils renverseront le gouvernement pour vous. Ce fut le mĂȘme genre de raisonnement qui, dĂšs le dĂ©but des annĂ©es 1980, motiva la livraison massive dâarmes amĂ©ricaines Ă lâIran via IsraĂ«l, selon les dires des officiers supĂ©rieurs israĂ©liens impliquĂ©s dans lâaffaire, et ce sont des faits qui Ă©taient dĂ©jĂ bien connus en 1982, longtemps avant les prises dâotages.
Sous lâadministration Kennedy, la mission des militaires latino-amĂ©ricains sous les ordres des Ătats-Unis passa de la «dĂ©fense de lâhĂ©misphĂšre» Ă la «sĂ©curitĂ© interne» (ce qui signifie en gros la guerre contre votre propre population). Cette dĂ©cision fatidique conduisit Ă la «complicitĂ© directe» (des AmĂ©ricains) dans «des mĂ©thodes dignes des escadrons dâextermination de Heinrich Himmler», selon le jugement rĂ©trospectif de Charles Maechling, qui fut chargĂ© de planifier la contre-insurrection entre 1961 et 1966.
Lâadministration Kennedy prĂ©para la voie au coup dâĂtat militaire au BrĂ©sil, en 1964, aidant Ă renverser la dĂ©mocratie brĂ©silienne, qui devenait trop indĂ©pendante. Les Ătats-Unis fournirent un soutien enthousiaste au coup dâĂtat, tandis que ses chefs militaires installaient un rĂ©gime de sĂ©curitĂ© nationale de type nĂ©o-nazi fondĂ© sur la torture, la rĂ©pression, etc. Cela inspira une multitude dâinitiatives similaires en Argentine, au Chili et partout dans lâhĂ©misphĂšre, Ă partir du milieu des annĂ©es 1960 jusque dans les annĂ©es 1980 â une pĂ©riode extrĂȘmement sanglante.
(Dâun point de vue juridique, je crois quâil y a lĂ des fondements trĂšs solides pour une mise en accusation de nâimporte quel prĂ©sident amĂ©ricain depuis la Seconde Guerre mondiale. Les uns ont Ă©tĂ© de vĂ©ritables criminels de guerre, au sens propre du terme, et tous sans exception ont Ă©tĂ© impliquĂ©s dans des crimes graves contre lâhumanitĂ©.)
Le militaire procĂšde de façon typique: il provoque dâabord un dĂ©sastre Ă©conomique, en suivant gĂ©nĂ©ralement les prescriptions des conseillers amĂ©ricains, et ensuite, il dĂ©cide de confier lâaffaire Ă des civils qui se chargeront de lâadministration. Le contrĂŽle militaire ouvert nâest plus nĂ©cessaire dĂšs que de nouveaux moyens deviennent disponibles â par exemple, des contrĂŽles exercĂ©s par le biais du Fonds monĂ©taire international (FMI) (qui, comme la Banque mondiale, prĂȘte aux nations du tiers monde des fonds fournis en grande partie par les puissances industrielles).
En Ă©change de ses prĂȘts, le FMI impose la «libĂ©ralisation»: une Ă©conomie ouverte Ă la pĂ©nĂ©tration et au contrĂŽle Ă©trangers, de sĂ©vĂšres coupes dans les services destinĂ©s Ă lâensemble de la population, etc. Ces mesures renforcent encore davantage le pouvoir des classes possĂ©dantes et des investisseurs Ă©trangers (ce quâon appelle la «stabilité») et consolident les sociĂ©tĂ©s classiques Ă deux niveaux du tiers monde â dâun cĂŽtĂ© les gens trĂšs riches (et la classe professionnelle relativement Ă lâaise qui les sert) et de lâautre, une Ă©norme masse de gens appauvris et opprimĂ©s.
Lâendettement et le chaos Ă©conomique laissĂ©s par les militaires garantissent assez bien le respect des rĂšgles imposĂ©es par le FMI â Ă moins que des forces populaires nâessaient dâentrer dans lâarĂšne politique, auquel cas les militaires peuvent ĂȘtre forcĂ©s de rĂ©instaurer la «stabilité».
Le BrĂ©sil est un cas instructif. Il est dotĂ© de tant de ressources naturelles quâil devrait ĂȘtre lâun des pays les plus riches de la planĂšte, et il bĂ©nĂ©ficie Ă©galement dâun important dĂ©veloppement industriel. Mais, grĂące en grande partie au coup dâĂtat de 1964 et au «miracle Ă©conomique» tellement encensĂ© qui sâensuivit (pour ne rien dire de la torture, des assassinats et des autres moyens de «contrĂŽle de la population»), la situation actuelle de nombreux BrĂ©siliens se trouve probablement sur un pied dâĂ©galitĂ© avec celle de lâĂthiopie â et beaucoup plus grave, par exemple, quâen Europe de lâEst.
Le ministĂšre brĂ©silien de lâĂducation rapporte que plus dâun tiers du budget de lâĂ©ducation va aux repas scolaires, parce que la plupart des Ă©tudiants des Ă©coles publiques sont nourris par lâĂ©cole ou ne mangent pas du tout.
Selon le magazine South (un magazine dâaffaires spĂ©cialisĂ© dans le tiers monde), le BrĂ©sil a un taux de mortalitĂ© infantile plus Ă©levĂ© que celui du Sri Lanka. Un tiers de sa population vit sous le seuil de pauvretĂ© et «sept millions dâenfants abandonnĂ©s mendient, volent et reniflent de la colle dans les rues. Pour des dizaines de millions de personnes, la maison, câest une cabane dans un bidonville [âŠ] ou, de plus en plus frĂ©quemment, une place sous un pont».
Câest cela, le BrĂ©sil, lâun des pays les plus riches de la planĂšte sur le plan des ressources naturelles.
La situation est semblable dans toute lâAmĂ©rique latine. Rien quâen AmĂ©rique centrale, le nombre de personnes assassinĂ©es par des forces soutenues par les AmĂ©ricains depuis la fin des annĂ©es 1970 sâĂ©lĂšve Ă environ 200 000 et les mouvements populaires qui combattaient pour la dĂ©mocratie et des rĂ©formes sociales ont Ă©tĂ© dĂ©cimĂ©s. Ces rĂ©alisations ont valu aux Ătats-Unis dâĂȘtre qualifiĂ©s de «source dâinspiration pour le triomphe de la dĂ©mocratie de notre Ă©poque», pour reprendre les termes Ă©logieux du journal «libĂ©ral» New Republic. Tom Wolfe nous raconte que les annĂ©es 1980 furent «un des moments merveilleux que lâhumanitĂ© a connus». Comme disait Staline, nous sommes «étourdis par le succĂšs».
La crucifixion du Salvador
Pendant de nombreuses annĂ©es, rĂ©pression, torture et assassinats furent perpĂ©trĂ©s au Salvador par des dictateurs installĂ©s et soutenus par notre gouvernement. Ici, câest une question qui ne suscite pas le moindre intĂ©rĂȘt. Lâaffaire ne fut pratiquement jamais mentionnĂ©e dans la presse. Ă la fin des annĂ©es 1970, cependant, le gouvernement amĂ©ricain commença Ă sâinquiĂ©ter dâune chose ou deux.
La premiĂšre, câĂ©tait que Somoza, le dictateur du Nicaragua, perdait le contrĂŽle de la situation. Les Ătats-Unis risquaient de perdre une base de premier plan pour leurs dĂ©ploiements de forces dans la rĂ©gion. Mais un second danger menaçait davantage. Au Salvador, pendant les annĂ©es 1970, on assista au dĂ©veloppement de ce quâon appela des «organisations populaires» â associations, coopĂ©ratives et syndicats de paysans, groupes dâĂ©tudes bibliques affiliĂ©s Ă des Ăglises et se transformant progressivement en groupes dâentraide, etc. Cela fit surgir la menace de la dĂ©mocratie.
En fĂ©vrier 1980, lâarchevĂȘque du Salvador, Oscar Romero, envoya une lettre au prĂ©sident Carter le suppliant de ne pas envoyer dâaide militaire Ă la junte qui dirigeait le pays. Il ajoutait quâune telle aide serait utilisĂ©e pour «aggraver lâinjustice et la rĂ©pression contre les organisations populaires» qui luttaient «pour le respect des droits humains les plus Ă©lĂ©mentaires». (Cela ne risquait pas de faire un scoop Ă Washington, inutile de le dire.)
Quelques semaines plus tard, lâarchevĂȘque Romero Ă©tait assassinĂ© alors quâil disait la messe. Roberto dâAubuisson, un nĂ©o-nazi, est gĂ©nĂ©ralement considĂ©rĂ© comme le responsable de cet assassinat (ainsi que dâautres atrocitĂ©s sans nombre). DâAubuisson Ă©tait «chef Ă vie» du Parti ARENA, qui gouverne actuellement le Salvador; des membres du parti, comme lâactuel prĂ©sident salvadorien Alfredo Cristiani, furent tenus de lui prĂȘter un serment dâallĂ©geance scellĂ© dans le sang.
Dix ans plus tard, des milliers de paysans et de pauvres des villes participĂšrent Ă une messe commĂ©morative, de mĂȘme que de nombreux Ă©vĂȘques Ă©trangers, mais les Ătats-Unis brillĂšrent par leur absence. LâĂglise salvadorienne proposa cĂ©rĂ©monieusement de faire canoniser Romero.
Tout ceci ne souleva guĂšre dâĂ©chos dans le pays qui finançait et entraĂźnait les assassins de Romero. Le New York Times, le «journal qui sert de source documentaire», nâavait pas publiĂ© dâĂ©ditorial sur lâassassinat lorsquâil avait eu lieu ni dans les annĂ©es qui suivirent, et il ne publia ni Ă©ditorial ni communiquĂ© lors de la commĂ©moration.
Le 7 mars 1980, deux semaines avant lâassassinat, lâĂ©tat de siĂšge avait Ă©tĂ© dĂ©crĂ©tĂ© au Salvador, et la guerre contre la population avait commencĂ© en force (avec un soutien et un engagement permanents de la part des AmĂ©ricains). La premiĂšre attaque de grande envergure fut un grand massacre sur le Rio Sumpul, une opĂ©ration militaire coordonnĂ©e par les armĂ©es honduriennes et salvadoriennes et au cours de laquelle 600 personnes au moins furent massacrĂ©es. Des enfants furent coupĂ©s en morceaux Ă la machette, des femmes furent torturĂ©es et noyĂ©es. Pendant plusieurs jours aprĂšs cette tuerie, on retrouva des morceaux de cadavres dans le fleuve. Il y eut sur place des observateurs ecclĂ©siastiques, de sorte que les informations purent sâĂ©chapper tout de suite, mais les mĂ©dias amĂ©ricains qui font partie du courant dominant nâestimĂšrent pas que ces faits valaient la peine dâĂȘtre mentionnĂ©s.
Les principales victimes de cette guerre furent des paysans, de mĂȘme que des syndicalistes, des Ă©tudiants, des prĂȘtres et tous ceux qui Ă©taient soupçonnĂ©s de travailler pour les intĂ©rĂȘts du peuple. La derniĂšre annĂ©e du mandat de Carter, en 1980, le tribut Ă la mort atteignait environ 10 000 personnes, pour grimper jusquâĂ environ 13 000 en 1981, lorsque lâadministration Reagan accĂ©da au pouvoir.
En octobre 1980, le nouvel archevĂȘque condamna «la guerre dâextermination et le gĂ©nocide contre une population civile sans dĂ©fense» perpĂ©trĂ©s par les forces de sĂ©curitĂ©. Deux mois plus tard, ces derniĂšres furent applaudies pour avoir «courageusement assistĂ© le peuple dans sa lutte contre la subversion» par le chouchou des Ătats-Unis, le «modĂ©ré» JosĂ© Napoleon Duarte, qui venait dâĂȘtre nommĂ© prĂ©sident civil de la junte.
Le rĂŽle du «modĂ©ré» Duarte fut de fournir une «feuille de vigne» aux dirigeants militaires et de leur garantir un apport continu de fonds amĂ©ricains aprĂšs que leurs forces armĂ©es eurent violĂ© et assassinĂ© quatre religieuses amĂ©ricaines. Ici, cela avait quand mĂȘme soulevĂ© quelques protestations: massacrer des Salvadoriens est une chose, mais violer et tuer des nonnes amĂ©ricaines constitue vraiment une gaffe au niveau des relations publiques. Les mĂ©dias dĂ©tournĂšrent lâhistoire et en minimisĂšrent les faits, suivant lâexemple de lâadministration Carter et de sa commission dâenquĂȘte.
DĂšs quâelle fut au pouvoir, lâadministration Reagan alla beaucoup plus loin, en cherchant Ă justifier les atrocitĂ©s. Ce fut le cas notamment du secrĂ©taire dâĂtat Alexander Haig et de lâambassadrice aux Nations unies, Jeane Kirkpatrick. On dĂ©cida nĂ©anmoins, quelques annĂ©es plus tard, dâorganiser un grand procĂšs, tout en prenant bien soin de disculper la junte assassine â et, naturellement, son bailleur de fonds.
Les journaux indĂ©pendants du Salvador, qui auraient Ă©tĂ© en mesure de rapporter ces atrocitĂ©s, avaient Ă©tĂ© dĂ©truits. MĂȘme sâils appartenaient au courant dominant et favorisaient les affaires, ils Ă©taient encore trop indisciplinĂ©s au goĂ»t des militaires. On rĂ©solut le problĂšme en 1980-1981, lorsque le rĂ©dacteur en chef de lâun de ces journaux fut assassinĂ© par les forces de sĂ©curitĂ©; lâautre sâenfuit en exil. Comme dâhabitude, ces Ă©vĂ©nements furent jugĂ©s trop anodins pour valoir plus de quelques mots dans les journaux amĂ©ricains.
En novembre 1989, six jĂ©suites, ainsi que leur cuisinier et sa fille, furent assassinĂ©s par lâarmĂ©e. La mĂȘme semaine, au moins 28 autres civils salvadoriens furent Ă©galement assassinĂ©s. Parmi eux se trouvaient le chef dâun syndicat important, la dirigeante de lâorganisation des Ă©tudiantes, neuf membres dâune coopĂ©rative agricole autochtone et dix Ă©tudiants dâuniversitĂ©.
Les mĂ©dias firent circuler un rĂ©cit du correspondant de lâAssociated Press (AP), Douglas Grant Mine, rapportant comment des soldats avaient pĂ©nĂ©trĂ© dans un quartier ouvrier de San Salvador, la capitale, avaient capturĂ© six hommes, y avaient ajoutĂ© un garçon de 14 ans, pour faire bonne mesure, les avaient ensuite tous alignĂ©s contre un mur et les avaient abattus. Ils «nâĂ©taient pas des prĂȘtres ni d...