L'écologie politique
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L'écologie politique

Au-delà de l'environnementalisme

Dimitri Roussopoulos, Annie Chauveau, Michel Durand

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L'écologie politique

Au-delà de l'environnementalisme

Dimitri Roussopoulos, Annie Chauveau, Michel Durand

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«Changer le système, pas le climat!» Ce slogan, scandé dans les rues de Paris lors de la COP21, exprime une réalité désormais implacable: les institutions politiques ne répondent pas adéquate­ment à la crise écologique. Dimitri Roussopoulos revient sur l'histoire des politiques environnementales qui ont mené à cet échec et rappelle la grande diversité des réponses citoyennes qu'il est possible d'apporter face à cette crise, de la lutte au logement dans le quartier montréalais Milton Parc dans les années 1970 au Kurdistan syrien d'aujourd'hui.

Pour ce militant de l'écologie sociale, l'exploitation de la nature est d'abord et avant tout le miroir de l'exploitation de l'humain par l'humain. Autrement dit, cette relation trouble avec le monde naturel n'est qu'un symptôme des conflits socioéconomiques, ethniques, culturels et de genre ayant cours dans nos sociétés. C'est pourquoi les militant.e.s écologistes d'aujourd'hui ne se dédient pas seulement à la protection de l'environnement, ils et elles œuvrent à bâtir de nouvelles communautés, de nouveaux modes de vie et de nouvelles façons de faire de la politique.

Dans cette nouvelle édition revue et augmentée d'un classique d'Écosociété, l'auteur explore comment il est possible de canaliser les aspirations des écologistes vers de telles alternatives politiques. C'est une boussole indispensable pour nous orienter dans la confusion des discours qui sévissent actuellement autour de l'écologisme et pour agir, dès maintenant, sur nos styles de vie, nos quartiers et nos cités.

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TROISIÈME PARTIE

Écologie politique et écologie sociale

LE PREMIER POINT, et le plus important à souligner, au sujet de l’écologisme, c’est qu’il diffère de l’environnementalisme. Comme l’a écrit Jonathan Porritt, président de Friends of the Earth et principal porte-parole des Verts en Grande-Bretagne: «Il semble bien évident que si la préoccupation au sujet de l’environnement (une caractéristique fondamentale de l’idéologie en soi) est un élément essentiel de “l’engagement Vert”, cela […] ne suffit pas du tout pour être Vert. La principale différence tient à ce que l’écologisme soutient que le souci de l’environnement présuppose des changements radicaux dans notre relation avec le monde de la nature et dans notre mode de vie social et politique. L’environnementalisme, par contre, approche les problèmes environnementaux sous l’angle de la gestion, croyant fermement que ceux-ci peuvent être résolus sans changements fondamentaux ni dans les valeurs ni dans les modes de production et de consommation actuels36

Les origines

Au cours des années 1960 naissait une Nouvelle gauche qui s’inspirait d’un nouveau cocktail de perspectives philosophiques. Ce mouvement, composé essentiellement de jeunes personnes actives sur divers fronts politiques, allait engendrer quantité de mouvements sociaux dès le début des années 1970. Comme nous l’avons déjà mentionné, ceux-ci comprenaient le pacifisme, le féminisme, la vie associative et l’écologie. Les principes fondamentaux et les moyens d’action qui ont caractérisé ces mouvements jusqu’à maintenant se sont développés dans un fructueux processus d’hybridation mutuelle qui dépassait le cadre des frontières nationales. Nous ne pouvons examiner ici les nombreuses théories et analyses portant sur la crise sociale ni les solutions de rechange mises de l’avant par ces mouvements. (Il existe déjà une abondante documentation descriptive et analytique portant sur les origines et la nature de ces nouveaux mouvements sociaux.) Nous nous contenterons donc d’énumérer quelques-unes des principales contributions de l’écologie politique.
Bien que l’écologie politique critique la science telle qu’elle est comprise traditionnellement, elle n’en affirme pas moins que la crise écologique peut être vérifiée scientifiquement. Cependant, à l’encontre de l’environnementalisme, l’écologie politique soutient que la science de l’écologie elle-même ne saurait être dissociée de certaines conceptions politiques et qu’elle va jusqu’à les engendrer. Par exemple, étant donné que la crise écologique touche la Terre tout entière, les tentatives isolées pour résoudre le problème ne peuvent qu’échouer; la coordination des efforts est nécessaire, et ce, à l’échelle mondiale. Cependant, l’écologie politique choisit l’action locale et régionale de préférence à ce qui a été appelé «l’impérialisme de l’État». En Europe, les Verts préconisent la création d’un continent de régions remplaçant la prééminence de l’État-nation et réclament des gestes concrets de solidarité envers les peuples de l’hémisphère sud. Un autre thème de l’écologie politique est celui de la redéfinition de la notion de qualité de la vie par opposition à l’idéologie de la croissance illimitée et de l’accumulation sans fin de biens sur laquelle repose l’actuelle société de consommation.
On peut tracer un portrait rapide d’une vision d’un monde Vert en faisant un parallèle entre les valeurs et les objectifs des Verts et des éléments tirés du système de valeurs dominant.
1. Capitalisme – privé ou étatique – industriel
1. Structure verte-écologique de développement économique ou viable
2. Prédominance de valeurs matérielles
2. Recherche de valeurs spirituelles
3. Analyse réductionniste
3. Efforts de synthèse et d’analyse organique
4. Vision déterministe de l’avenir
4. Flexibilité et accent mis sur l’autonomie personnelle
5. Individualisme agressif
5. Vers une société communautaire et coopérative
6. Anthropocentrisme
6. Humanisme biocentrique
7. Motivation extérieure
7. Motivation et croissance personnelle
8. Rationalisme
8. Raison nourrie par l’intuition
9. Valeurs patriarcales
9. Valeurs féministes
10. Violence institutionnalisée
10. Non-violence à la Gandhi
11. Croissance économique illimitée
11. Qualité de la vie et croissance équilibrée dans les limites de la nature
12. Production en vue de l’échange commercial sans restriction
12. Production utile de biens et de services
13. Distribution inégale des revenus
13. Équilibre des revenus
14. Libre marché mondial
14. Production locale répondant aux besoins locaux; autosuffisance
15. Stimulation de la demande plutôt que la protection du consommateur
15. Simplicité volontaire
16. Travailler pour travailler
16. Travailler pour le plaisir de travailler
17. Acceptation inconditionnelle du développement technologique
17. Développement social de la science et de la technologie
18. Centralisation et économie à grande échelle
18. Décentralisation et économie à l’échelle humaine
19. Structure sociale hiérarchique
19. Ordre social non hiérarchique
20. Dépendance envers les experts
20. Participation des citoyens et consultation populaire
21. Démocratie représentative
21. Démocratie directe
22. Loi et ordre
22. Valeurs libertaires
23. Souveraineté nationale
23. Internationalisme et solidarité
24. Dominer la nature
24. Coopérer avec la nature
25. Environnementalisme
25. Écologie
26. Gestion de l’environnement
26. Compréhension des limites de l’écosystème
27. Énergie nucléaire
27. Utilisation des sources d’énergie renouvelable
28. Grande consommation d’énergie
28. Réduction de la consommation d’énergie
29. Défense nationale et production d’armement
29. Désarmement et défense sociale et civile
Comme nous l’avons déjà dit, l’objet de ce livre n’est pas d’approfondir le sens de ces concepts. Mais il est important de souligner que l’éventail des idées énumérées plus haut fait partie intégrante de la vision du monde proposée par les partis Verts dans le monde entier. Ces idées se sont développées en partie aussi bien en tant que critique de l’impact limité de l’environnementalisme qu’en réaction devant l’échec du marxisme et de la social-démocratie à transformer la société. En plus d’introduire de véritables innovations dans leurs programmes, les partis Verts qui ont émergé partout dans le monde au cours des années 1980 se démarquaient aussi du style politique des partis traditionnels. Mettant l’accent sur la démocratie directe, ils ont voulu nourrir une nouvelle culture politique.
C’est en Nouvelle-Zélande, en 1972, que fut fondé le premier parti politique de genre Vert, sous le nom de Values Party (Parti des valeurs). En 1973 naissait en Grande-Bretagne un petit parti politique appelé The People (Le Peuple); il allait plus tard prendre le nom de Ecology Party (Parti de l’écologie) avant d’être rebaptisé Green Party (Parti Vert), en 1985. Des partis Verts virent le jour dans presque tous les pays européens et, plus récemment, en Europe centrale et en Europe de l’Est également. Il en existe aussi au Japon et au Mexique. Les partis européens sont reliés entre eux grâce à un organisme international de coordination sis à Bruxelles et par la coopération des Verts élus au Parlement européen de Strasbourg. Depuis le Sommet de la Terre de Rio, les partis Verts du monde entier ont tissé des liens à l’échelle internationale.
Au Canada, il existe un petit parti Vert sur la scène fédérale et plusieurs à l’échelle provinciale. Aux États-Unis, The Greens (USA) [Les Verts] ne se sont originellement pas concentrés sur les élections nationales, bien que les partis Verts de certains États présentent des candidats. Ce n’est que plus tard qu’ils allaient investir l’arène présidentielle avec des figures comme Ralph Nader et Jill Stein lors des élections de 2016. Parmi les Verts de notre continent, on retrouve ceux qui voient la ville et ses arrondissements comme étant le lieu exclusif de l’action politique. Ils prennent au pied de la lettre le slogan vert «Penser globalement, agir localement» et il leur apparaît plus réaliste et souhaitable sur le plan historique de tenter de créer des villes vertes que de chercher à obtenir le pouvoir à l’échelle nationale.
Ce n’est que dans les pays dont le système politique comprend la représentation proportionnelle que les Verts ont réussi à faire élire des représentants dans les parlements nationaux; ailleurs des Verts n’ont été élus que dans des instances municipales et dans divers corps législatifs régionaux. C’est la montée de la formation politique Die Grünen (Les Verts) en Allemagne de l’Ouest et le premier succès parlementaire de ce parti en 1983 qui portèrent le mot «Vert» à l’attention politique mondiale. Die Grünen publia un programme de changements radicaux qui était une synthèse des idées les plus originales et les plus créatrices des nouveaux mouvements sociaux des années 1960 et 1970. Le parti proposait une approche intégrée aux actuelles crises écologique, économique et politique qui, insistait-il, sont toutes liées et mondiales.
Les Verts ne se soucient pas seulement de la crise environnementale, bien qu’ils s’y attaquent avec insistance. Ils préconisent une approche multidisciplinaire et prônent l’action politique dans des partis Verts indépendants, en étroite relation avec divers mouvements sociaux. Cependant, le spectre des points de vue Verts s’étend du «Vert pâle» (principalement, les réformateurs qui prônent le compromis et l’électoralisme pour «changer le monde») au «Vert foncé» (les fondamentalistes, les Verts rouges et les anarcho-Verts qui mettent l’accent sur le militantisme populaire – associé à une participation sélective aux élections, comprise avant tout comme activité éducative – et qui font la synthèse de la politique radicale, du féminisme et du pacifisme).
L’une de leurs principales faiblesses, non seulement des Verts allemands, mais de la majorité des partis Verts, c’est qu’ils n’ont pas réussi à élaborer une critique suffisamment approfondie des limites de la démocratie libérale et du parlementarisme. Par conséquent, ils ne comprennent pas la dynamique du pouvoir politique de l’État et la capacité du présent système de récupérer les forces de l’opposition. Nous reviendrons plus loin sur cette question cruciale.

Vers une nouvelle culture politique

Chaque État-nation possède sa propre culture nationale officielle qui joue le rôle de force institutionnelle et psychologique d’intégration et de socialisation. Elle contribue à inculquer aux individus les valeurs et les modes de comportement dominants. Cependant, ces valeurs dominantes ne sont jamais acceptées par tous, tout le temps; plus particulièrement, dans les sociétés où existe un certain pluralisme peuvent apparaître de nouvelles cultures politiques qui fermentent chez les marginaux.
Confrontés aux traditions dominantes, les écologistes politiques ont consacré tous leurs efforts à établir une nouvelle culture politique. Les écologistes ont donc forgé leurs propres mythes et symboles tout autant que leurs propres pratiques politiques et culturelles, bref, une identité autonome. Il reste à voir si cette culture d’opposition peut résister aux pressions de la cooptation.
L’État se décrit lui-même comme le protecteur du peuple. Cependant, les écologistes considèrent ce mythe obsolète et destructeur et ont proposé une vision alternative. Ils maintiennent que le pouvoir devrait résider dans le contrôle citoyen au niveau local. Donc, la région, la ville ou le village deviennent le lieu privilégié pour mener l’action politique. En même temps, et plutôt que s’en remettre à l’État-nation uniquement, ils voient la planète comme un tout, comme l’objectif ultime de la transformation sociale et politique. D’où l’adage «penser globalement, agir localement». Cette vision alternative de la lutte politique est couplée à une préférence pour le développement économique à petite échelle, en s’appuyant sur le «Small is beautiful» d’abord exprimé par E.F. Schumacher. Ainsi, les écologistes résistent aux solutions technocratiques et aux projets pharaoniques. Ils se méfient de tout ce qui dépasse l’échelle humaine. Les raisons de la préoccupation insistante des Verts à propos de l’échelle ont été bien mises en évidence par Jonathan Porritt lorsqu’il écrit:
À l’approche de diverses contraintes environnementales et biologiques sur la croissance, nous atteignons aussi certaines limites institutionnelles imposées par l’incompétence croissante et la baisse du rendement de nos bureaucraties. Les niveaux d’interdépendance et la complexité sont maintenant si grands dans plusieurs bureaucraties que même les plus compétents des décideurs en leur sein sont tout à fait dépassés. Les coûts de coordination de cette complexité sont considérables. Plus une organisation ou une bureaucratie devient grande, plus elle devient rigide et inflexible tout en laissant moins d’espace pour la créati...

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