Montcalm, général américain
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Montcalm, général américain

Dave Noël

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Montcalm, général américain

Dave Noël

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Le général Louis-Joseph de Montcalm est aujourd'hui tenu pour l'unique responsable de la déroute française du 13 septembre 1759 sur les plaines d'Abraham. Emporté par sa fougue, cet adepte des batailles rangées à l'européenne aurait fait basculer une victoire facile en défaite écrasante en ordonnant une charge frontale contre les forces de son rival britannique, James Wolfe. Sa précipitation aurait anéanti la puissance de feu exceptionnelle des miliciens canadiens et des guerriers autochtones de son armée. Tant la vision d'un Canada acquis à la civilisation par une Grande-Bretagne vertueuse que la vision d'une colonie laissée à elle-même font leur lit de la défaite de Montcalm.Au cours des soixante dernières années, les historiens ont fait du gouverneur Vaudreuil un bon Canadien ignoré par un Français, Montcalm, incapable d'apprécier les nouvelles réalités auxquelles il fait face, avec la suite de conséquences tragiques qu'on connaît. C'est cette image que vient remettre en question avec brio Dave Noël. Le dogme selon lequel le commandement français se serait révélé d'une radicale incompétence à la bataille des plaines d'Abraham découle d'une vision caricaturale des tactiques de guerre employées au milieu du XVIIIe siècle.En relevant les lectures erronées dont Montcalm a fait l'objet dans le passé et en retraçant son parcours américain, Dave Noël offre un portrait complet, sans complaisance, du personnage. Et il nous amène à revivre la fameuse bataille selon une perspective toute nouvelle.

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Information

Year
2018
ISBN
9782764645321
chapitre 1
1756 : le banc d’essai
Montcalm quitte Montpellier pour Versailles en février 1756. Après avoir été reçu par Louis XV, il gagne le port de Brest, où il rejoint le nouvel état-major des troupes de terre du Canada. Le petit groupe comprend Lévis, un brigadier de trente-six ans que le marquis a côtoyé en Bohême et en Italie, et le colonel Bourlamaque, un vétéran de trente-trois ans qui a participé aux grandes opérations du maréchal de Saxe dans la plaine belge2. Au début d’avril, Montcalm appareille à bord d’une frégate manœuvrée par 200 hommes d’équipage. Le navire franchit l’Atlantique en moins d’un mois après avoir évité les escadres britanniques patrouillant au large de la Bretagne. Naviguant en solitaire, le bâtiment armé de 30 canons se faufile à travers les glaces pour entrer dans le golfe du Saint-Laurent par le détroit de Cabot, entre les îles de Terre-Neuve et du Cap-Breton. Il remonte ensuite l’estuaire laurentien jusqu’au cap Tourmente, à une quarantaine de kilomètres en aval de Québec. « Malgré la brièveté de notre navigation [j’ai] pris fort peu de goût pour la mer », écrit Montcalm3.
Retenu au pied du cap Tourmente par des vents contraires, le général y débarque le 12 mai pour rejoindre Québec par les terres. Il longe les côtes de Beaupré et de Beauport, « où les Anglais débarquèrent autrefois », comme il le note en évoquant le siège de 1690. « J’ai observé que les paysans canadiens parlent très bien le français. Comme sans doute ils sont plus accoutumés à aller par eau que par terre, ils emploient volontiers les expressions prises de la marine4. » Au-delà de ses observations sur la langue des habitants, ce détour en calèche permet à Montcalm d’arpenter le théâtre d’opérations qu’il devra défendre trois ans plus tard. Accueilli par l’intendant Bigot, le général s’installe à Québec pour quelques jours. Il s’y trouve encore le 17 mai lorsque la Grande-Bretagne déclare officiellement la guerre à la France. Le conflit se propage à l’Europe centrale dans le courant de l’été avec l’entrée en scène des deux principales puissances allemandes de l’époque : la Prusse, alliée à la Grande-Bretagne, et l’Autriche, alliée à la France. Il s’étendra ensuite aux colonies françaises et britanniques des Antilles, de l’Afrique et de l’Inde.
Montcalm quitte la capitale à la fin de mai. « J’ai pris pendant mon séjour de huit jours des instructions sur un pays et sur une guerre où tout est si différent de ce qui se pratique en Europe5. » Il remonte le Saint-Laurent jusqu’à Montréal, où il rencontre Vaudreuil pour la première fois. Le contact est d’abord cordial. « Le gouverneur général me comble de politesse », note Montcalm6. Leur relation ne cessera toutefois de se détériorer pour atteindre le point de rupture en 1758. La présence du général des troupes de terre constitue un désaveu pour Vaudreuil, dont les prérogatives sont essentiellement militaires. Elle compromet également l’ascension de son frère François de Rigaud, dont le poste de gouverneur des Trois-Rivières lui confère le rang de colonel en Amérique, au-dessus des lieutenants-colonels français. Vaudreuil a bien tenté de convaincre Versailles de ne pas pourvoir le poste de commandant des troupes de terre du Canada7. La cour a néanmoins dépêché Montcalm. Elle a même envisagé de lui confier l’administration des troupes de la Marine et des milices8. La proposition soumise à Vaudreuil a été rejetée par ce dernier, qui tiendra plutôt Montcalm dans l’ignorance des ressources dont il dispose. Il est possible que le gouverneur ait été mis au fait de la décision de Versailles de remettre la direction de la colonie à Montcalm dans l’éventualité de son décès, ce qui peut avoir alimenté sa méfiance9.
Objectif : Oswego
Les troupes sont en mouvement lorsque Montcalm débarque à Montréal. Vaudreuil déploie ses 4 500 soldats en parts égales sur les théâtres d’opérations des lacs Ontario et Champlain. Il laisse Québec à découvert, sa défense étant assurée par les navires de la Marine royale concentrés à Louisbourg. La reprise de l’expédition contre Oswego est à l’ordre du jour. Cette base navale érigée à compter de 1727 constitue une menace pour la sécurité des communications sur le lac Ontario entre les forts Frontenac et Niagara. Les marchandises à bas prix qui y sont transigées ouvrent une brèche dans le réseau d’alliances franco-amérindien basé sur le commerce. Ce fort empêche enfin le ralliement de la Confédération iroquoise, qui est au cœur de la diplomatie autochtone des gouverneurs de la Nouvelle-France. Sa capture est toutefois une opération « bien épineuse », comme le reconnaît Vaudreuil en 175510.
La base navale britannique du lac Ontario est en effet construite autour d’une vaste habitation en pierre faisant office de redoute à l’embouchure de la rivière Oswego, sur la rive gauche de ce cours d’eau. La structure de trois pieds d’épaisseur est protégée d’une attaque terrestre par un mur de maçonnerie doté de 33 canons et mortiers de petits calibres. Ses approches sont surveillées par un fortin de pieux, à l’ouest, et par un corps de garde retranché, au sud. Il est couvert à l’est par le fort Ontario, érigé sur la rive droite de la rivière Oswego, au sommet d’un promontoire. Cet ouvrage de gros pieux en forme d’étoile est armé de huit canons et de quatre mortiers. Il est entouré d’un fossé et d’un talus – le glacis – permettant un feu plongeant aux soldats de la garnison. Les arbres situés à la périphérie ont été coupés pour prévenir les attaques surprises et pour maximiser le champ de tir de l’artillerie du fort11.
Depuis le début de 1756, Vaudreuil tente d’affaiblir la garnison britannique en attaquant sa ligne de ravitaillement au portage reliant les sources du lac Oneida à la rivière Mohawk. En mars, les 350 hommes confiés au lieutenant Léry se sont emparés du fort Bull, l’un des deux relais fortifiés de ce portage, qui est défoncé à coups de hache. En dépit de son caractère spectaculaire, la destruction de cet entrepôt défendu par une cinquantaine d’hommes n’empêche pas la garnison d’Oswego de recevoir plus de 500 bateaux de ravitaillement au cours des deux mois qui suivent12. En mai, c’est au tour du capitaine Villiers de quitter Montréal à la tête de 700 combattants. Il établit d’abord un dépôt de vivres et de munitions à la baie de Niaouré, sur la rive sud du lac Ontario, entre les forts Frontenac et Oswego. Il faut toutefois attendre la mi-juin pour qu’il gagne les bois situés à l’est de la base ennemie, où il s’embusque avec ses hommes. Ce délai permet aux bateliers britanniques de faire passer un imposant chargement de matériel qui sera utilisé pour lancer deux navires de guerre supplémentaires sur le lac Ontario dans le courant de l’été. « Rien n’était mieux concerté que ce projet, regrette le chevalier de La Pause, mais comme on opère lentement dans le pays, le détachement partit trop tard, les ennemis avaient déjà fait passer plusieurs convois considérables et toutes les opérations de ce détachement depuis le commencement de juin jusqu’au 1er août se bornèrent à faire des courses sur [Oswego], à faire quelques prisonniers et chevelures et à attaquer un nombre de bateaux qui remontaient, où on prit une trentaine d’hommes13. »
Le délabrement des forts français du lac Ontario amène Vaudreuil à y dépêcher des soldats et des miliciens pour améliorer leurs terrassements. Bourlamaque prend le commandement du secteur à la mi-juin tandis que Montcalm et Lévis sont dirigés dans la vallée du lac Champlain au début de juillet. Le général profite de son premier séjour à Carillon pour réorganiser les camps de cette zone frontalière. Il fait également explorer les pistes amérindiennes qui sillonnent le secteur infesté de serpents à sonnette14. Montcalm parcourt lui-même les chemins situés aux abords de son poste en compagnie de Lévis, « qui est plus jeune et vigoureux » que lui15. Les soldats et les miliciens disponibles sont chargés du parachèvement du fort de Carillon, construit après la déroute de Dieskau. En attendant la fin des travaux, c’est « dans le bois, à la canadienne », que Montcalm a l’intention de combattre l’ennemi s’il se présente16. L’armée française du lac Champlain compte près de 2 000 hommes. Elle doit être portée à plus de 3 500 combattants par Vaudreuil dans les semaines qui suivent17. Les troupes sont campées sur la rivière de la Chute qui relie les lacs Champlain et Saint-Sacrement, à une vingtaine de kilomètres seulement des avant-postes ennemis. On dénombre près de 7 000 soldats britanniques et miliciens anglo-américains répartis entre le sud du lac Saint-Sacrement et le nord du fleuve Hudson. Cette masse passe à 9 000 combattants au cours des semaines suivantes. Il s’agit d’une force trois fois plus imposante que celle du major-général William Johnson, dont la présence au même endroit en 1755 avait entraîné la suspension puis l’annulation du siège d’Oswego par Vaudreuil, le gouverneur redoutant une invasion par le lac Champlain au moment où son armée principale serait engagée sur le lac Ontario.
Selon les informations disponibles au Canada, les Britanniques aménageraient des chemins carrossables en vue d’une attaque contre Carillon18. C’est dans ce contexte que Montcalm évoque la transformation éventuelle du siège d’Oswego, qui ne peut pas débuter avant le mois d’août, en manœuvre de diversion visant à dégager la frontière du lac Champlain19. Pour avoir émis cette proposition, le général sera taxé de pessimisme par plusieurs historiens. Les doutes de Montcalm sont toutefois partagés par le major canadien Michel Péan, des troupes de la Marine, un proche du gouverneur Vaudreuil. Le manque de vivres fait également craindre le pire aux deux responsables de l’approvisionnement de l’armée : le munitionnaire canadien Joseph Cadet et l’intendant François Bigot. Le second prévient d’ailleurs Montcalm du report possible du siège d’Oswego à l’hiver ou au printemps, faute de moyens20. « Toutes les entreprises sont dans ce pays très difficiles, écrit Lévis à deux semaines du départ de l’expédition. On en doit presque toujours le succès au hasard21. »
En dépit de ses réticences, Montcalm compte bien tester les moyens de défense de la base navale britannique. Advenant le cas où son armée serait bloquée sur la rive droite de la rivière Oswego après la prise du fort Ontario, il tentera à tout le moins d’incendier les navires ennemis au mouillage : « Il faut être fort téméraire, ou bon citoyen, pour tenter cette besogne avec moins d’artillerie, moins de troupes [régulières], que les assiégés, et un embarras horrible pour les vivres22. » S’il doute du succès de l’opération, le marquis ne le laisse pas trop paraître, si l’on se fie aux chansons populaires composées par ses soldats et par ses miliciens au retour d’Oswego. Ces chants ne font pas état du pessimisme du général. Elles évoquent plutôt un « Montcalm avide de lauriers [qui ne] court que trop vite23 ».
L’expédition du lac Ontario
Montcalm est rappelé à Montréal à la mi-juillet. Après avoir reçu les dernières instructions de Vaudreuil, il gagne le bourg de La Chine où il s’embarque à destination du fort Frontenac. Il franchit les rapides du Haut-Saint-Laurent avant de rejoindre Bourlamaque à la fin du mois. Pour faire le siège d’Oswego, Montcalm peut compter sur 3 000 hommes incluant l’avant-garde de la baie de Niaouré passée sous le commandement de François de Rigaud. L’armée comprend 1 400 soldats des troupes de terre et de la Marine, 250 guerriers alliés et 1 400 miliciens. Au cours des semaines précédentes, les conscrits canadiens sont débarqués à Frontenac dans le plus grand désordre, comme le raconte le chevalier de La Pause, l’aide-major du bataillon de Guyenne : « Il fallut former de petites troupes de ces gens et y mettre des chefs, choisir les plus capables, visiter les armes pour les faire raccommoder, prendre leurs noms et ceux des paroisses et compagnies dont ils étaient, les assujettir à l’appel des chefs, et les chefs à venir à l’ordre24. » Leur organisation mobilise les efforts de l’état-major de Montcalm, qui doit également suppléer aux défaillances de Rigaud, incapable de fournir un état des vivres disponibles à Niaouré, où son détachement « meurt de faim25 ».
Le plan initial prévoit le débarquement des troupes de Montcalm aux abords de l’anse aux Cabanes, à une douzaine de kilomètres à l’est du fort Oswego. Le transport de l’artillerie de siège à travers les forêts marécageuses du secteur implique l’aménagement d’un long sentier menant aux abords de l’objectif. Ce chantier augmente les risques d’être repéré par les navires ennemis patrouillant sur le lac. La découverte d’une crique à deux kilomètres à l’est du fort change la donne quelques jours avant le départ de l’armée de Montcalm. Le général se méfie toutefois de l’auteur de la découverte, le capitaine d’artillerie Le Mercier, dont les conseils ont entraîné la perte de Dieskau, selon ce que lui a raconté Montreuil à son arrivée à Québec. Les doutes du marquis sont alimentés par Rigaud, pour qui ce havre ne peut pas être utilisé en raison des rochers à fleur d’eau qui empêchent les bateaux chargés de matériel d’accoster. Le frère du gouverneur insiste pour que l’on maintienne le débarquement prévu à l’anse aux Cabanes. Montcalm décide d’aller voir lui-même de quoi il retourne : « Moins roi que pirate, je vais reconnaître, avec mes deux yeux, ce qu’il y a à faire. » L’entreprise s’annonce difficile, l’ingénieur Jean-Claude de Combles ayant remis au général un plan élaboré prévoya...

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