Une histoire de Montréal
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Une histoire de Montréal

Paul-André Linteau

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Une histoire de Montréal

Paul-André Linteau

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Paul-André Linteau est sans doute le plus grand spécialiste de l'histoire de Montréal. En cette année du 375e anniversaire de la métropole québécoise, il nous propose cette synthèse de l'histoire de la ville depuis la préhistoire jusqu'au début du XXIe siècle. Il en fait ressortir les grandes tendances — socioéconomiques, politiques et culturelles — et met en lumière les influences françaises, britanniques puis américaines qui ont orienté son développement. Il raconte les origines de la diversité ethnique et culturelle de Montréal et montre comment, de petite colonie missionnaire, la ville est devenue une grande métropole et le principal foyer culturel du Québec et des francophones d'Amérique.

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Information

Year
2017
ISBN
9782764644720
chapitre 1
Une île et ses premiers occupants
Montréal a été fondée en 1642, mais son territoire était connu et fréquenté depuis beaucoup plus longtemps. Avant de retracer cette histoire, il importe de s’arrêter à ses caractéristiques géographiques, car elles ont conditionné son développement. Nous verrons aussi dans quel contexte de premiers humains se sont intéressés à ce lieu et comment certains ont choisi de l’habiter.
Un site remarquable
Il y a 13 000 ans, avec toute la plaine environnante, cette région est recouverte par la mer de Champlain, d’où émerge le sommet du mont Royal. Environ 5 500 ans plus tard, le retrait des eaux fait apparaître une vaste île en forme de boomerang, bordée au sud par le fleuve Saint-Laurent et au nord par la rivière des Prairies. Longue de 50 kilomètres et d’une superficie de 483 km2, cette île est au cœur de l’archipel d’Hochelaga, qui comprend aussi les futures îles Jésus, Perrot et Bizard ainsi que des dizaines d’autres îles plus petites. Son paysage est dominé par la colline du mont Royal et par les terrasses qui la prolongent.
Un élément incontournable de la géographie de cet endroit est la présence du Saint-Laurent, qui forme, avec les Grands Lacs, un puissant réseau hydrographique pénétrant jusqu’au cœur du continent nord-américain. Un peu partout dans le monde, les grands fleuves ont été des berceaux de civilisation et ont favorisé l’émergence de villes importantes, d’autant plus que la navigation a longtemps représenté le principal moyen de transport sur de longues distances. Le Saint-Laurent ne fait pas exception. Il joue un rôle central dans le développement du Canada et du Midwest américain et sur ses rives apparaissent plusieurs cités d’envergure, dont Montréal. Cette ville y occupe d’ailleurs un emplacement stratégique, là où se jette la puissante rivière des Outaouais, empruntée par les peuples amérindiens, puis par les commerçants de fourrure, et qui constitue pendant très longtemps un trajet plus direct pour atteindre la région des Grands Lacs. Comme nous le verrons, elle confère à Montréal un atout important à l’époque du commerce des fourrures.
Le fleuve Saint-Laurent lui-même représente une remarquable voie de transport mais, à partir de Montréal, son cours est parsemé de nombreux rapides (il y en a aussi dans la rivière des Prairies) qui forment autant d’obstacles à la navigation. Cela commence avec les rapides de Lachine, que les barques ou les navires en provenance de Québec ne peuvent pas franchir. Pour aller plus loin, il faut d’abord tout débarquer puis effectuer un long portage terrestre jusqu’à Lachine. Cet emplacement géographique fait donc de Montréal un lieu de rupture de la navigation et de déchargement obligatoire des marchandises. C’est là l’origine de la vocation portuaire de Montréal et du rôle que cette ville sera appelée à jouer en tant qu’interface entre la navigation océanique et le transport intérieur.
Au-delà du fleuve, l’île se trouve au cœur de la vaste plaine de Montréal, elle-même parsemée, au nord comme au sud, de plusieurs cours d’eau, dont les rivières Richelieu, L’Assomption et Châteauguay. Très fertile, cette plaine deviendra, à partir du xviiie siècle, une immense zone agricole – l’hinterland naturel de Montréal – dont la ville sera la principale place de marché. Le caractère insulaire de Montréal représente d’ailleurs un défi. Pour que cette ville puisse échanger avec sa plaine environnante et même au-delà, il faut évidemment franchir le Saint-Laurent ou la rivière des Prairies. Très tôt apparaissent des services de bac, remplacés par des ponts de glace en hiver. La construction de ponts permanents ne commencera qu’au xixe siècle et représentera par la suite un enjeu de communication essentiel.
Il ne suffit donc pas de disposer d’avantages naturels : il faut aussi les mettre en valeur. D’où l’importance historique de l’intervention humaine sur l’environnement. L’étude de celle-ci est fondamentale pour comprendre la construction et le développement d’un espace urbain comme celui de Montréal.
À ce propos, il importe de souligner ici que les Montréalais ont élaboré depuis longtemps une bien curieuse façon de désigner les points cardinaux. Ce qu’ils perçoivent comme le nord de la ville est en réalité en direction ouest-nord-ouest. L’extrémité orientale de l’île pointe en fait vers le nord-nord-est. Longueuil, sur la rive sud du fleuve, se trouve à l’est du Vieux-Montréal. Cela peut s’expliquer en partie par le choix, partout au Québec, de désigner par les vocables « nord » et « sud » les deux rives du fleuve. Ainsi, l’usage montréalais contredit la réalité géographique et scientifique. Pour être compris, l’historien n’a d’autre choix que de suivre l’usage, même s’il est faux. C’est donc ce qui est fait tout au long de ce livre, comme d’ailleurs dans la plupart des ouvrages qui traitent de Montréal.
Au temps de la préhistoire
La présence humaine dans la région de Montréal commence à se manifester il y a environ 6 000 ans. Profitant du retrait des eaux de la mer de Champlain, des populations, venues par le sud ou par l’ouest, s’y implantent. De petits groupes de chasseurs et de cueilleurs s’y déplacent au gré des saisons, à la recherche de moyens de subsistance. Au confluent du Saint-Laurent et de l’Outaouais, la région se trouve au cœur de réseaux d’échanges très étendus, couvrant le nord-est de l’Amérique du Nord, un phénomène que renforce l’adoption du canot d’écorce comme moyen de transport.
Les populations préhistoriques disposent d’amplement d’espace sur les deux rives du Saint-Laurent. L’île de Montréal elle-même semble les attirer surtout pour une raison : la possibilité d’y pratiquer la pêche dans les eaux du fleuve ou de la rivière des Prairies. Les vestiges archéologiques de cette époque, les plus anciens datant de 4 000 ans, indiquent la présence de campements saisonniers sur les rives des îles de l’archipel d’Hochelaga. De petits noyaux familiaux s’y installent pour quelques mois pendant la saison de la pêche. Pour d’autres, l’île est un lieu de passage, un arrêt provisoire dans des déplacements couvrant de plus longues distances.
Au cours du premier millénaire de notre ère, les populations de la région ont tendance à augmenter. Elles recourent de façon croissante au poisson pour s’alimenter, de sorte que les saisons de pêche s’allongent et que les campements s’agrandissent pour devenir peu à peu des hameaux. Les vestiges archéologiques de la Pointe-du-Buisson, au sud-ouest de Montréal, révèlent bien ces transformations. Au fil des siècles, imitant en cela d’autres peuples établis plus au sud du continent, les populations locales commencent à se convertir à l’agriculture, ce qui leur permet de nourrir un plus grand nombre de personnes. Elles cultivent en particulier le maïs ainsi que des haricots et des courges. Le passage à la production agricole conduit à la sédentarisation de groupes qui, jusque-là, avaient eu un mode de vie nomade.
Graduellement se constituent de véritables villages agricoles pouvant compter plusieurs centaines d’habitants. Pour les loger, on invente la maison longue, où se regroupent quelques familles. Ce processus se déroule très graduellement et paraît achevé quelques siècles avant l’arrivée des Européens. Dans la foulée émerge une nouvelle identité ethnoculturelle : les Iroquoiens du Saint-Laurent.
Les Iroquoiens du Saint-Laurent
Ce nom a été attribué à partir des années 1960 par des chercheurs qui voulaient désigner le groupe autochtone occupant la vallée du Saint-Laurent au moment où la France y envoie des expéditions officielles, entre 1534 et 1543. Comme ce groupe est disparu au xvie siècle, la façon dont ses membres se nommaient eux-mêmes ne nous a pas été transmise. Ces Amérindiens appartiennent à la grande famille linguistique des Iroquoiens, tout comme d’autres nations, dont celles des Hurons-Wendats, des Iroquois, des Ériés ou des Neutres, mais ils constituent un peuple distinct. Ils forment un groupe culturel spécifique vers 1300 et leur émergence est le résultat de l’évolution de groupes établis antérieurement dans la région. D’abord installés à l’extrémité est du lac Ontario, ils étendent ensuite leur emprise le long du fleuve jusqu’au-delà de Québec. Les spécialistes relèvent des différences au sein de ce peuple, en particulier entre les groupes qui s’implantent dans les environs de Québec (Stadaconé) et ceux de Montréal (Hochelaga). S’agit-il de deux nations distinctes ou de deux groupes régionaux au sein d’une même nation ? Nul ne peut le dire avec certitude.
À l’instar des Hurons-Wendats de la baie Georgienne et des Iroquois établis dans le nord de l’État de New York actuel, les Iroquoiens du Saint-Laurent sont des sédentaires qui vivent principalement de l’agriculture et pratiquent la pêche et la chasse pour compléter leur alimentation. Ils entretiennent sans doute avec les chasseurs-cueilleurs algonquiens et avec les autres nations iroquoiennes des relations de commerce, mais celles-ci ne sont manifestement pas exemptes de conflits, puisqu’ils entourent leurs établissements d’un système de défense.
Les femmes jouent un rôle important dans cette société et sont à la tête des familles et des clans. Ce sont elles qui cultivent la terre. Elles fabriquent aussi de la poterie ornée de motifs originaux qui témoignent des traits culturels distincts des Iroquoiens du Saint-Laurent et constituent, aux yeux des archéologues, un des marqueurs de leur identité.
Ces Iroquoiens vivent dans des villages entourés d’une palissade de bois, dont les plus importants comptent au-delà de 1 000 habitants. Ils construisent de grandes maisons de forme oblongue dans lesquelles résident un certain nombre de familles appartenant à un même clan. Ces habitations sont faites d’un treillis de bois recouvert d’écorce. Les champs cultivés entourent le village. Au bout d’une période de 10 à 20 ans, quand les champs sont devenus moins fertiles, les habitants déménagent leur village à un autre endroit, généralement à proximité du précédent.
Dans la grande région de Montréal, les archéologues ont mis au jour une dizaine de sites villageois iroquoiens, surtout aux abords du lac Saint-François. Ils ont aussi repéré un grand nombre de sites de campement des deux côtés du fleuve, y compris sur les rives de l’île de Montréal. Cependant, ils n’ont jamais pu retrouver l’emplacement du plus gros village, celui d’Hochelaga.
Hochelaga / Tutonaguy
On sait pourtant que les Iroquoiens érigent dans l’île de Montréal un important village agricole, puisque l’explorateur français Jacques Cartier le visite en 1535, lors de son deuxième voyage au Canada, et qu’il en produit ensuite une description écrite. Ainsi, la présence amérindienne à Montréal, temporaire et saisonnière pendant des millénaires, devient permanente. Depuis combien de temps cette population y est-elle installée de façon sédentaire ? Peut-être quelques décennies, au plus deux ou trois siècles, mais on ne peut pas le savoir de façon précise.
À son deuxième voyage au Canada, en 1535, Jacques Cartier s’établit près du village iroquoien de Stadaconé, dont il avait rencontré des habitants près de Gaspé l’année précédente. Son projet d’aller jusqu’à Hochelaga ne plaît pas aux chefs stadaconiens, qui tentent de l’en dissuader. Cartier choisit donc de partir en catimini, sans amener avec lui les Amérindiens qui pourraient lui servir d’interprètes. Il débarque à Montréal, probablement au pied du courant Sainte-Marie, le 2 octobre, mais c’est seulement le lendemain qu’il parcourt à pied le sentier le menant au village, où il est accueilli par plusieurs centaines d’Iroquoiens. L’absence d’interprètes l’empêche de comprendre toutes les informations que lui donnent ses hôtes.
Le village d’Hochelaga décrit par Cartier correspond au portrait général des autres villages iroquoiens dont les archéologues ont pu étudier les vestiges. Il est entouré d’une haute palissade à laquelle sont accrochées des galeries permettant aux défenseurs de lancer des projectiles contre les assaillants. Une seule porte d’entrée donne accès au village. À l’intérieur, Cartier voit une cinquantaine de maisons, longues de 50 pas et larges de 12 à 15 pas. Chacune est subdivisée en espaces distincts pour chaque famille et dotée d’un foyer central où sont cuits les aliments. Le visiteur estime la population à 1 000 personnes, mais d’après le nombre et les dimensions des maisons, il faudrait probablement, selon l’ethnologue Bruce Trigger, compter environ 1 500 habitants, ce qui ferait ...

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