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« Je chantais, mes amis,
comme l’homme respire,
Comme l’oiseau gémit,
comme le vent soupire.
LAMARTINE
LE SOUFFLE
Depuis toujours, la respiration occupe une place centrale dans les pratiques méditatives. C’est le moyen le plus puissant pour se connecter à l’instant présent. C’est pourquoi l’un des conseils les plus simples et les plus efficaces que l’on donne aux débutants, c’est de prendre plusieurs fois dans la journée le temps de respirer, seulement respirer, en pleine conscience, pendant deux ou trois minutes.
Car pour méditer, nous devons poser notre attention. Mais sur quoi ? En général, le plus simple est de choisir ce qu’on appelle une « cible mouvante », un objet en mouvement lent et régulier. Sinon, l’attention s’évade. Parmi les cibles mouvantes que nous avons tous rencontrées figurent les vagues de la mer, les flammes d’un feu de bois, les paysages défilant derrière la vitre du train. La plupart d’entre nous avons alors fait l’expérience de méditations spontanées. Mais il n’est pas toujours facile de contempler la mer ou d’allumer un feu de bois quand on souhaite méditer. Alors qu’une cible mouvante est toujours là, avec nous : notre souffle, et les mouvements de notre souffle.
EXERCICE
Laissez ce que vous êtes en train de faire.
Redressez-vous doucement si vous êtes un peu avachi, ouvrez les épaules, tenez votre nuque droite, sans raideur.
Ne cherchez pas à contrôler votre respiration… à respirer de telle ou telle façon… laissez juste votre souffle aller et venir.
Ne réfléchissez pas à votre souffle, mais ressentez-le, simplement.
Reliez-vous aux sensations liées à la respiration : l’air qui entre, puis ressort, de votre nez et de votre gorge… les mouvements de votre poitrine et de votre ventre, qui s’abaissent et s’élèvent, à leur rythme… Sentez tout votre corps qui respire…
Si votre attention s’en va, ce n’est pas grave, c’est normal, revenez juste à la conscience du souffle, replacez toutes les sensations physiques liées au souffle au centre de votre attention… conscience du mouvement de l’air qui entre et ressort… conscience des mouvements de votre poitrine et de votre ventre… conscience de tout votre corps qui respire, tout seul, tranquillement…
CONSEILS
• À quoi nous sert cet exercice ? Peut-être à rien. Mais peut-être peut-il nous aider à développer nos capacités d’attention. Chaque fois que nous notons que notre esprit a quitté le souffle et qu’il est parti dans nos pensées, et chaque fois que nous revenons au souffle, nous « musclons » un peu plus notre attention.
• La pleine conscience du souffle est aussi le socle de toutes les pratiques méditatives que nous aborderons ensemble dans ce livre. C’est pourquoi je vous encourage à répéter ce petit exercice plusieurs fois dans la journée : pendant quelques minutes, simplement se centrer sur ses mouvements respiratoires.
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« Il est deux processus que les êtres humains
ne sauraient arrêter aussi longtemps
qu’ils vivent : respirer et penser. En vérité,
nous sommes capables de retenir
notre respiration plus longtemps
que nous ne pouvons nous abstenir
de penser. Et à la réflexion, cette incapacité
à arrêter la pensée, à cesser de penser,
est une terrifiante contrainte. »
GEORGE STEINER
LE BAVARDAGE
DES PENSÉES
Il y a souvent une idée reçue à propos de la méditation : nous pourrions arriver à faire le vide dans notre esprit, à stopper le flot incessant de nos pensées, pour accéder enfin au calme intérieur.
Certains thérapeutes appellent en souriant « Mental FM » le bavardage constant de notre esprit. Il peut être une source de gêne ou de souffrance, par exemple lorsque nous voudrions nous endormir au lieu de cogiter, lorsque nous nous rendons compte que nous sommes en train de ruminer, de nous « prendre la tête », de nous angoisser, etc. Nous aimerions bien parfois couper le son de Mental FM ! Mais ce n’est pas possible. Nos pensées ne s’arrêtent jamais ! Dès que nous nous éveillons, des idées, des projets, des images, des envies envahissent notre esprit. Notre cerveau produit des pensées comme nos poumons produisent du souffle. C’est normal. Et le bavardage de notre esprit est comme le mouvement de notre souffle : toujours présent, impossible à arrêter. Notre cerveau fait juste son boulot.
Cependant, nous pouvons prendre de la distance avec ces pensées. Les repérer, les observer, mais ne pas y adhérer, ne pas les suivre. Nous apercevoir qu’elles nous ont embarqués et nous en détacher, les laisser passer. Comme si, au bord d’un fleuve, nous regardions passer les flots, au lieu de nous y débattre.
EXERCICE
Arrêtons-nous un instant.
Prenons le temps de ressentir le mouvement de notre souffle… Prenons conscience aussi du bavardage de nos pensées… Souvent notre esprit est resserré sur le mental,
ouvrons-le plus largement.
Sans chercher à arrêter nos pensées,
prenons simplement conscience de leur présence…
et de notre respiration… de notre corps… prenons conscience des sons… conscience du monde qui nous entoure…
Que les pensées soient présentes au milieu
de tout ça n’est pas un problème…
Mais à chaque fois que nous voyons qu’elles ont...