Le Dit du Sourd et Muet
  1. 132 pagine
  2. Italian
  3. ePUB (disponibile sull'app)
  4. Disponibile su iOS e Android
eBook - ePub

Informazioni su questo libro

Notizia sul testo a cura di Giorgio Zanetti.
Cronologia della vita di Gabriele d'Annunzio a cura di Annamaria Andreoli.Nell'ebook si ripropone il testo di Le Dit du Sourd et Muet raccolto nelle Prose di ricerca (a cura di Annamaria Andreoli e Giorgio Zanetti, "I Meridiani", Mondadori, Milano 2005, 2 tomi), titolo sotto il quale Gabriele d'Annunzio ha raccolto un insieme molto eterogeneo di opere di carattere autobiografico e saggistico per farne il proprio testamento spirituale. Gli apparati informativi riproducono quelli pubblicati nell'edizione dei "Meridiani".Con questa prosa francese apparsa nel 1936 l'ultimo d'Annunzio propone un tentativo singolare di autoritratto d'invenzione, fondato sull'esercizio paradossale di una memoria fantastica. Così, alla rievocazione dell'amante sublime Eleonora Duse si sovrappongono non solo le memorie letterarie del soggiorno d'anteguerra in terra di Francia, ma anche quelle di una vita anteriore in cui l'io del poeta assume le fattezze di personaggi del passato, come l'allievo sordomuto di Brunetto Latini (dalla cui vicenda trae origine il titolo dell'opera), protagonista di avventure eroiche ed erotiche in un Medioevo di calligrafica raffinatezza gotica.

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Informazioni

Editore
Mondadori
Anno
2013
Print ISBN
9788804523703
eBook ISBN
9788852033681

LE DIT DV SOVRD ET MVET
QVI FVT MIRACVLÉ EN
L’AN DE GRÂCE 1266

POUR LÉALTÉ MAINTENIR

LI TROI LIVRES OSCVRS DOV TRESOR

DE BRVNET LATIN

Ars tacendi.

Ars loquendi.

I

LE DIT DV SOVRD ET MVET

II

LE LAI DES PLAISIRS PARLANTS,

DE LA SALEMANDRE LVBRIQVE,

ET DV CANARDEAV D’ABAILARD

CHASTRÉ À MATINES

III

LE JEV DE LA ROSE

ET DE LA MORT

LI TROI LIVRES OSCVRS DOV TRESOR
DE BRVNET LATIN
Ars tacendi.
Ars loquendi.
I
LE DIT DV SOVRD ET MVET
II
LE LAI DES PLAISIRS PARLANTS,
DE LA SALEMANDRE LVBRIQVE,
ET DV CANARDEAV D’ABAILARD
CHASTRÉ À MATINES
III
LE JEV DE LA ROSE
ET DE LA MORT

AUX BONS CHEVALIERS LATINS
DE FRANCE ET D’ITALIE

APRÈS quinze ans révolus, après la bonne guerre sans trêves et ma trop longue aventure adriatique achevée dans le meurtre fraternel, je dédie cette sorte de fableau tour à tout choral dialogué dansable «aux bons chevaliers latins de France et d’Italie», pour opposer hardiment un lumineux témoignage d’amour à des ombres importunes. Si la devise du plus grand des Lusignans, du parfait modèle de la chevalerie franque dans l’Orient latin, accompagne l’offre de mon poème où le rude vers épique des origines s’atténue, ce n’est que pour évoquer les jeunes Français morts entre Brenta et Piave, les combattants du Mont Tomba, les relèves de Bassano et de Monfenera; ce n’est que pour évoquer les jeunes Italiens ivres du sacrifice entier d’eux-mêmes à défendre la montagne de Reims en vue des saintes tours.
«C’EST POUR LOIAUTÉ MAINTENIR.»
Le corps de la devise est l’Epée à lame droite et à quillons recourbés vers la pointe, tout à fait semblable à celles qu’on voit figurées sur les sceaux des chevaliers d’Occident. L’âme de la devise est bien cette sentence, que je préfère plus brève en sa forme presque bilingue: POUR LEALTÉ MAINTENIR. Telle est encore inscrite à Venise sur la façade du palais des Corner de Piscopia, qui avaient eu l’honneur d’héberger Pierre de Lusignan roi de Chypre venu avec ses trois galères à l’encontre du bucentaure dogal dans la mer épousée.
On asseure lealté au XI et au XII siècle. Léal est dans ’idiome normand: «d’une amour toute léale je vous chéris». Lealtà est l’accent du premier de mes deux langages: «lealtà passa tutto, e con vertà fa frutto».
Je ne connais pas, dans la grandeur chevaleresque de la noblesse latine, une devise plus belle. POUR LEALTÉ MAINTENIR. Et je n’ai souci ni cure de savoir si l’insigne du roi cyprien fut trempée et fourbie en l’armurerie «deça mer» par où flamboyèrent la Joyeuse de Carloman, la Hauteclère d’Olivier, le Courtin d’Ogier; si elle fut ouvrée dans les forges damascènes d’Emad-ed-din, choisie parmi les épées franques nommées spécialement El Ferendjeh chez les armuriers du Yemen pourvoyeurs des villes chrétiennes d’outremer; enfin si elle provenait d’une des fondes vénitiennes, battue d’or à la damasquine en une bouticle de la Spadaria et de la Frezzaria, transportée à Famagouste par une lourde zalandre ou par une galiote de combat.
Dans une page qui précède mon histoire de monseigneur saint Sébastien, j’avouais candidement à mon faux frère Maurice Barrès mon émotion de bon ouvrier devant la qualité de la matière insolitement traitée, et mon ambition de mériter la parole voluptueuse de Francesco Francia dans l’acte de palper la statue de Jules II: «Questa è una bella materia.»
Mon histoire de la Grande Mérétrice, Magnae Meretricis fabula, par sa matière et par ses rythmes, n’a aucune ressemblance avec le martyre du bel Archer, bien qu’elle aussi se rattache à la meilleure tradition littéraire française et qu’elle soit traitée à la manière d’un conte scénique où par un jeu de force et de fantaisie l’esprit railleur et grivois des fableaux semble se mêler sans cesse au rêve aventureux et merveilleux de l’épopée courtoise. Justement un chevalier picard, Jean de Journi, qui vivait à Chypre vers la fin du XIII siècle, s’accuse – au début d’une menue Dîme de Pénitence – d’avoir juvénilement composé de «faus fabliaus». Imaginez que ce même poète, en train de rimer un conte joyeux, avant d’être touché par la grâce sanctifiante soit charmé par cette grâce mélancolique et mélodieuse qui aime à s’enguirlander de chèvrefeuille et à s’incliner vers l’ivresse du rossignol dans les lais de Marie. Imaginez quelque chose comme des diptyques où le plaisant Chevalier à la robe vermeille, personnage créé sans doute par un très alerte conteur de l’Ile de France, élève des peupliers, se trouve en face de ce mystérieux Lanval de Bretagne qui va sauter sur le palefroi de la fée pour s’envoler avec elle dans l’île fortunée d’Avalon.
Un fabelet vous vuel conter
d’une fable que jou oï…
Or, en cet automne lointain des Landes aux plaies toujours impies et fraîches, j’étais monté sur ma tristesse comme Lanval «sur la pierre de marbre noir qui servait aux pesants hommes d’armes pour se remettre dans les arçons». Mais toutes mes pensées étaient prêtes à je ne sais quelle envolée vers le pays de Féerie et de Païennie. Mais toute l’instruite et instruisante sensualité de mon art convoitait je ne sais quels supplices et je ne sais quelles licences, je ne sais quelles débauches et je ne sais quelles impiétés. Du plaisir et de la couleur! De l’effroi et de l’effronterie! Des mensonges et des sacrilèges! De l’encre faite avec le noir de fumée dissous dans le miel la gomme le musc et l’hippomane! Un calame en guise de plume, un roseau des marais babyloniens, qu’on me le fasse rouir à la façon du chanvre des pendeurs et pendards, jusqu’à ce que son écorce ait atteint le brun doré de la datte, et qu’on puisse le tailler en fente bien droite mais inégale des deux côtés, et que le bec de droite wa
images
chî
, c’est à dire sauvage, soit en largeur le double du bec de gauche insî, c’est à dire humain! Et des roses étouffantes, et des roses meurtrissantes, et des roses plus rouges que les flots d’une artère éclatée!
Il me sembla alors dans mon oreille entendre une voix doctorale qui, sans tournure de raillerie, continuait gravement: «Et est nommée artère pource qu’elle contient plus largement d’esprit.»
C’était bien la voix d’Ambroise Paré chirurgien d’un Henri qui avait épousé Catherine de Médicis issue d’un Laurent non magnifique. «Y a-t-il donc une démence studieuse, une déraison de vieil estudiant, une sorte de véhément transport goliardois, messire le chirurgien bandagiste? Je brûle de conter, en le vieux langage de Philippe Auguste et de saint Lovis, l’histoire d’une folle femme, d’une vraie fille de joie, telle que cette Richeut du très ancien fableau, mais sans enfant à endoctriner des macquerellages et des profits du bordel.»
Je pensais et souffrais en pauvre clerc errant, en escolier vagabond entre Tibre et Seine, entre Ombrone et Garonne, chassé des Universités, repoussé par l’Eglise, réduit à la ménestraudie, toujours impatient de mettre corps et âme à l’aventure au hasard au péril au coup de dé: semblable peut-être à cette console de je ne sais plus quelle salle capitulaire ouverte sur le cloître de je ne sais plus quelle abbaye ruinée en vue de la mer de Karamanie: oui, ressemblant, par la dilection des deux patries, à cette pierre étrange, richement sculptée, où – sur un champ de feuillages – un homme fort est entre deux sirènes qu’il enserre de ses deux mains.
Or les deux maîtres de ma première jeunesse les plus aimés, l’italien Ernesto Monaci, le français Gaston Paris, semblaient me sourire à travers les rayons exacts de la Bibliothèque vaticane, à travers les ombres tortes de ma pinède littorale. Le premier, lorsque venait de paraître mon livre d’odes marines intitulé Canto novo – «Chant novel» aurait bien dit la femme d’Adam de Gonesse –, le premier m’enseignait la philologie néolatine, m’apprenait les langues romanes; et il se montrait ravi de ma diligence «à gorge gloute», de ma persévérante avidité. Il surveillait avec une attentive et secourable complaisance mes travaux préparatoires pour ma thèse de doctorat ès lettres; qui comprenait la Chanson de Roland, le Lai d’Eliduc, et tout justement ce Richeut qui est le plus singulier des fableaux archaïques, et le Lai d’Aristote, la première partie du Roman de la Rose, Li livres dou Trésor de Brunet Latin. Il était un maître élégant et souple, qui du XIII siècle avait dérivé l’art de penser et de parler courtoisement. D’un sourire ingénieux il suspendait parfois la sévérité de son esprit et la rigueur de ses doctrines. Je m’imaginais que parfois il se plût à s’affranchir de la contrainte et de la prétention scolastiques pour prendre «le chemin des écoliers» à travers les textes fleuris. Je me figurais que ses quatre langues romanes lui étaient vivantes et charmantes comme un quadrivium de maîtresses, et qu’il n’avait pas manqué d’y ajouter la cinquième de pulpe romaine «amoureuse et drue», en guise de ruelle inculte ou d’impasse ignare. Ce n’était que de l’impertinence écolière, sans doute; mais, en vérité, il sentait si puissamment la vie de la substance verbale, il connaissait et traitait avec tant de relief les métamorphoses historiques et linguistiques qui s’enchaînent aux fatalités extrêmes du monde romain, il suivait d’une oreille si experte les apparitions et les dérivations et les compositions et les variations des sonorités innombrables jouées dans les patois et les dialectes les plus divers en lutte contre la basse latinité qui leur cède et contre la langue nouvelle qui veut les enhardir pour les régir, de modes en modes avec tant d’haleine il conduisait les mots dà l’unanimité du chœur vaste et à la sommité du chant singulier, que je croyais être à son école non pas comme un élève mais comme un adepte, non pas comme un disciple mais comme un initié.
Dès cette époque, en fréquentant les sérails de bêtes fauves en une place mal bâtie des quartiers plébéiens, j’avais appris à nourrir de nourritures vivantes, à repaître de repas crus les passions de mon cerveau.
Ainsi je peux fièrement me ressouvenir de ce noble maître qui me fut témoin et augure au delà de mes destinées vraisemblables. En ce temps, ayant déserté l’odieux service autrichien, se réfugiait dans le Palais de Sapience à Rome le jeune homme fatal qui était promis au martyre exemplaire et à la mort fécondante, pour l’amour de Trieste la Fidèle, pour l’amour de cette Mer très amère que je venais de célébrer en chaque strophe de mon «chant novel»: Guglielmo Oberdan. Aux approches de la Pentecôte le lendemain de la mort d’un héros, dans le vestibule, je lui avais pris les mains fébriles et face à face, de cette voix déjà impérieuse qui s’entraînait à ranimer les inermes bien avant de soulever les armés, je lui criais les trois brèves laisses de l’Olifant frappées sur trois assonances; et je sentais retentir au sommet de ma poitrine l’entière masse métallique de la Geste, le bronze compacte des quatre mille décasyllabes. «Dist Oliviers: Paien unt grant esforz…» Mon aîné, déjà si pâle du sacrifice prochain que la corde exacte devait rendre exsangue, fixait sur ma flamme ses yeux clairs où souffrait tout le bleu de son golfe asservi. «Cumpainz Rollanz, l’olifant car sunez…» La deuxième itération lui révélait, me révélait que son vœu était le mien et que les coups de mon cœur mesuraient son attente. Je ne sais quelle soudaine sauvagerie de nos jeunesses respira dans le poitrail du destrier que contre les Saxons de Harold, au matin de Hastings, Taillefer poussait entonnant la Chanson aussitôt agrandie en chœur de geste par les Normands de Guillaume. «Diex aie! Diex aie!» Et pourtant ma voix prit ce voile de cendre qui déguise le tison; le rythme se resserra entre nos deux haleines. «Cumpainz Rollanz, sunez vostre olifant…» Au dernier vers, deux mains derrière moi se posèrent sur mes épaules, saisirent mon frémissement, s’emparèrent de mon sursaut. Confus, je reconnaissais mon maître. Le menton un peu tremblant, le sourire contraint, je lui disais, par allusion à un récent débat scolastique sur l’e muet et sur les diphtongues propres, je lui disais: «Vous m’écoutiez, mon maître! Je m’exerce à bien prononcer. Mais il m’est difficile de laisser entendre, en un seul souffle, les deux voyelles sans les dédoubler.» Et je lui nommai le nom de cet ange blême, qui ne suivait pas le cours de roman, adonné à la science des nombres. Il le regarda sans parole. Et il me sembla que, dans ces quelques instants de silence indéfini, dans cette pause pénible et attentive au début d’une autre laisse qu’on ne pouvait encore chanter, nous étions tous les trois sans figure. En ce peu d’espace tous les trois nous étions inconsistants comme le tourbillon de poussière qui tourne au loin une force occulte de la vie.
Aux deux écoliers différents, aux deux compains inégaux le destin assignait le même lieu triste: le même pour la volonté vaincue, pour la volonté victorieuse. En une misérable maison de Ronchi, le 20 décembre 1882, Guglielmo Oberdan traqué par les sbires d’Autriche devait se débattre en vain sous les griffes des brutes et se laisser traîner brutalement au gibet. D’une misérable maison de Ronchi, trente-sept ans après, le 12 septembre 1919, l’autre devait partir seul, ramassant ses armes sur son chemin, pour prendre une ville sœur de Trieste, pour la tenir contre tous et contre tout, pour la reconstruire idéalement avec l’âme des légionnaires belle comme la musique du citharède qui des pierres charmées fit les murs sensibles de Thèbes. «Le cuer d’un home vaut tout l’or d’un païs.»
Puisqu’en forêt close on allait bientôt sonner la curée de ma seconde jeunesse et que je ne désespérais pas de réussir à lever la troisième avec ma meute illustre de chiens courants entre le cap de Grave et l’Adour, je m’adonnai à un mode nouveau de divination par les arbres: à une dendromantie que les païens avaient négligée. Les pinastres de ma clôture dominicaine (trop vite contremandée fut la trêve, ô bienheureux Adolphe Bermond!) paraissaient les plus lyriquement tors, en toute la Lande, jusqu’aux derniers talus de l’Armagnac: si expressifs que parfois mon œil enclin à l’hallucination pouvait les transfigurer en ces oliviers méditerranéens qui touchent l’esprit delà leurs bienfaits, sous leurs ombres éclaircissent la clarté, par une grâce prompte dépassant la soudaineté des éclairs nous révèlent la naissance d’images non précédées d’aucun signe, sans précepte nous montrent les charmes de l’art attentif à se varier et à ne s’avouer jamais, par les deux envers de leurs feuilles dont la double nuance imite les jeux ineffables de la lumière et de l’éther.
Or je recevais inespérément le don de la vierge glauque – ou de la fée Morgane? – dans mon sable intarissable comme le sablier de mes rêves et de mes plaisirs, que je ne veux et ne voudrai jamais retourner. Et j’eus sans doute en mes yeux l’émerveillement du colon attique découvrant le premier des oliviers, que Pallas avait suscité de la glèbe accompli de tout point. Et il m’advint de croire que ce regard couleur d’huile, dans les siècles des siècles éteint, traversait ma toujours jeune Méditerranée et passait sur la Dalbade toulousaine en suivant la Garonne pour venir rafraîchir mes cils comme la brise étésienne. Il m’advint de croire que je mirais ainsi cet arbre virginalement, et que ses racines difficiles tremblaient au profond de moi-même comme les fibres de ma race forcée ou enlevée maintes fois tour à tour par mon art et par ma volonté: art et volonté de victoire.
Je ne savais pas d’où me venait ce trouble dangereux et pourtant si délicieux. Je ne savais pas démêler la poésie d’avec l’amour, la mélancolie d’avec la puissance, le désir d’avec l’effort. Il me semblait que mes inquiétudes mentales ne s’étaient jamais emparées de mon cœur avec tant de tumulte. Il y a une douleur qui se réjouit, une allégresse qui se désole. Je l’avais su, je l’avais oublié. Or l’une et l’autre prenaient, tout à coup, en mon souvenir et en mon regret, la figure le geste la voix d’une amante lumineuse qui ne se plaisait à aucune ombre comme à l’ombre si humaine de l’olivier toscan. Quand elle souriait assise aux pieds de l’arbre fraternel, sa bouche resplendissait comme une neige indiciblement seule sur un sommet qu’on ne peut atteindre. Et c’était un miracle de l’âme: puisque le haut soleil et...

Indice dei contenuti

  1. Copertina
  2. Frontespizio
  3. Nota all’edizione
  4. Le Dit du Sourd et Muet qui fut miraculé en l’an de grâce 1266
  5. Tavola delle sigle e delle abbreviazioni
  6. Notizia sul testo
  7. Cronologia
  8. Le Prose di ricerca di Gabriele d’Annunzio disponibili in ebook
  9. Copyright