Les Trois France
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Les Trois France

Hervé Le Bras

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Les Trois France

Hervé Le Bras

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Pourquoi les paysans du Limousin votent-ils plutôt communiste et les ouvriers alsaciens plutôt à droite? Pourquoi les Français diffèrent-ils si profondément dans leurs attitudes à l'égard des immigrés, de la religion, du mariage, du suicide, de la mort et des naissances? Pour répondre à ces questions, l'auteur met en oeuvre les acquis les plus récents de la sociologie politique, de l'analyse démographique et de l'histoire. Restituant à l'actualité son épaisseur et son sens, il dévoile, sous le mythe d'une nation unie et indivisible, le visage caché d'une France plurielle et inédite. Hervé Le Bras est directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales et directeur de recherche à l'Institut national d'études démographiques.

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Informazioni

Anno
1986
ISBN
9782738160874

III

Production et reproduction



1

Les calculs de la reproduction


« Déjà ces funestes secrets, inconnus à tout autre animal que l’homme, ces secrets ont pénétré dans les campagnes ; on trompe la nature jusque dans les villages1 », gémit Moheau en 1778. La fécondité, c’est-à-dire le nombre moyen d’enfants par couple, commence en effet à diminuer très tôt en France, bien avant la Révolution de 1789.
Les grands administrateurs, Monthyon, de La Michodière, Necker, Vauban et Moheau lui-même redoutent la dépopulation du royaume. Agents du pouvoir central, ils se montrent avides d’hommes pour les armées, pour les colonies, pour les finances. La France succombe déjà à une mythologie du nombre, qui s’est amplifiée à la Révolution avec le peuple en armes et culmine au XXe siècle avec les idéologies populationnistes et natalistes.
Mais, depuis près de trois siècles, les Français ne l’entendent pas de cette oreille. Plus sollicités de se reproduire qu’aucun autre peuple d’Europe, ils se sont moins reproduits que tous leurs voisins. On trouve ainsi très tôt un schéma que les chapitres précédents ont mis en évidence : le centre organisateur se heurte à la résistance d’une périphérie qui défend son autonomie. Déjà, les familles se dressent contre l’État qui n’arrive pas à les faire plier à son service.
Logiquement, cette fronde traduit donc l’influence des forces politiques générales et de leurs combinaisons en tempéraments : la fécondité, au cœur du dispositif de la reproduction sociale, assure leur équilibre ou le compromet en fonction des effectifs qui varient d’une génération à la suivante. Trop d’enfants et c’est l’appauvrissement, trop peu et c’est la dépopulation.
La baisse de la mortalité qui s’amorce au XVIIIe siècle soumet alors ces tempéraments à rude épreuve. À peine ont-ils rétabli l’équilibre précaire de la fécondité et de la mortalité qu’une baisse ultérieure des risques de décès les oblige à modifier leur stratégie de limitation des naissances. À ce jeu, les tempéraments s’usent et livrent leurs secrets. Essentielle pour comprendre le destin particulier de la France, l’évolution de la fécondité doit donc aussi nous permettre de vérifier l’existence et l’influence primordiale des tempéraments.
Ne nous faisons cependant aucune illusion : l’histoire de ces ajustements, de ces contrôles et de leurs échecs est terriblement complexe2, car les réactions directes des trois forces politiques — nationale, locale et familiale — sont brouillées pour des raisons techniques : avec les moyens modernes de contraception et d’avortement, on perd de vue le problème que posait la prévention des naissances il y a un ou deux siècles. Si la contraception a progressé lentement durant le XIXe siècle, c’est en grande partie à cause des difficultés de son apprentissage physique (et dans une moindre mesure psychologique).
Il n’était pas encore possible au XIXe siècle de choisir la dimension de sa famille avec précision. Les moyens contraceptifs restaient rudimentaires ; il a fallu attendre 1960-1965 pour voir apparaître, avec la pilule, le premier vrai moyen moderne. Vers 1850, les paysans n’avaient le choix qu’entre le « saut de l’ange » (coïtus interruptus), les lavements (savons spermicides) et l’abstinence. Les premiers préservatifs datent de l’industrie du caoutchouc. Le stérilet ne se répand qu’après 1960. L’avortement a été pratiqué au XIXe siècle mais en ultime recours, car il représentait un trop gros risque. L’enfant conçu au-delà du nombre souhaitable constituait, certes, un danger d’appauvrissement, mais de moindre gravité que le risque de décès pour la mère lors de l’avortement.
La carte la plus ancienne de la fécondité (1861) porte la trace de cette confusion : les régions les plus atteintes par la limitation des naissances — Normandie bocagère, Guyenne et Gascogne, Haute-Bourgogne ou Auvergne — sont aussi bien laïques que catholiques, leur structure familiale est aussi bien complexe que nucléaire. Le Bassin parisien n’est pas à la tête du mouvement. Cet effarant désordre géographique tient aux hésitations de chaque tempérament quant au mode le plus efficace de contrôle de la fécondité, ainsi qu’aux technologies rudimentaires qui étaient utilisées. Cent vingt années plus tard, la carte de 1982 fait au contraire apparaître avec netteté le domaine dévolu à chaque tempérament. Avec l’utilisation de la pilule et du stérilet, à quelques exceptions près dues à la maladresse ou à la stérilité, les couples engendrent la descendance qu’ils souhaitent, ce qui élimine la source du brouillage. La carte de la fécondité en 1982 révèle alors les désirs qui sous-tendaient le comportement des générations précédentes ; l’influence des trois forces et leurs territoires traditionnels apparaissent alors avec netteté : la zone « familiale » de faible fécondité, la zone « centrale », de fécondité intermédiaire, et les régions catholiques, plus fécondes que leurs voisines.
Si l’on accepte de parcourir cette histoire à l’envers, où les plus anciennes forces resurgissent sur les cartes les plus récentes, il est alors possible d’interpréter l’évolution chaotique de la répartition spatiale de la fécondité comme un ensemble de réactions déphasées des tempéraments, entrant en jeu à tour de rôle pour se mettre à l’unisson, tout récemment.
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C’est d’abord la baisse de mortalité qui se propage à partir du Bassin parisien. Débordant l’aire de la force politique « centrale », elle déséquilibre les premières régions de tempérament religieux ou familial qu’elle atteint. La Normandie, la Gascogne, l’Auvergne réagissent en inventant la contraception, en élevant l’âge au mariage et en encourageant timidement l’émigration des cadets et puînés : schéma classique dans toute l’Europe préindustrielle. Mais, à partir de la Révolution, la suite l’est moins : une série de clivages se produit, isolant d’abord les régions de tempérament religieux, adeptes du mariage tardif, puis les régions de tempérament familial, sensibles à l’héritage.
Chacune de ces options a eu des conséquences à long terme : le choix du mariage tardif s’est avéré inefficace quand la mortalité a atteint un niveau faible ; la réaction brutale du tempérament familial, en bouleversant l’univers familier, a entraîné des convulsions politiques.
Dans cette séquence, dont chacun des moments va maintenant être soigneusement étudié et qui ressemble à un exercice d’application des chapitres précédents, on ne perçoit aucun rôle de la révolution industrielle ni de l’urbanisation, si souvent présentées comme les responsables de la baisse de la fécondité. Force est de constater que leur influence n’est guère décelable directement. En de rares circonstances, la présence de villes et d’usines a modifié la répartition spatiale de la fécondité, mais pendant un temps très court, comme on le verra en examinant l’évolution de la fécondité hors du mariage : pendant quelques décennies les classes laborieuses furent en effet dangereuses pour l’institution familiale.

Le recul de la mortalité.

Dans la société rurale de l’âge classique, la dimension de la famille faisait sans doute l’objet de calculs plus rationnels que de nos jours : les paysans ne mettaient pas au monde des enfants par respect de la tradition, ni par impossibilité de dominer leurs instincts sexuels. Ils les concevaient, les nourrissaient et les élevaient dans leur intérêt bien compris.
En leur consentant une avance — nourriture dans l’enfance, dot ou cession de l’exploitation ultérieurement —, ils attendaient en retour une protection et une assistance pour leur vieillesse. Ils agissaient avec leur famille comme avec la nature, à qui ils avançaient chaque année les semis pour récupérer la moisson.
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Au début de la Richesse des nations, Adam Smith ne décrit pas autrement la psychologie de l’entraide et de l’échange : « Ce n’est point de l’affection du boucher, du brasseur et du boulanger que nous attendons notre dîner, mais de l’attachement qu’ils ont à leur intérêt personnel. Ce n’est point à leur humanité mais à leur amour-propre que nous nous adressons, et nous ne leur parlons jamais de nos besoins, mais de leur avantage3. »
L’investissement ou l’échange familial différé devait parer en outre au risque de n’avoir aucun héritier adulte survivant. Tant que la mortalité restait forte et capricieuse, le mieux était d’avoir le plus d’enfants possible dès lors que l’on s’était établi et marié.
La limitation des naissances ne présentait donc pas d’intérêt. Mais, à partir du XVIIIe siècle, les épidémies disparaissent d’Europe occidentale. La peste d’abord, dont la dernière apparition est circonscrite en 1726 à Marseille, et Toulon, la variole ensuite, progressivement écartée par la vaccine puis par la véritable vaccination à partir de 1800. Non seulement l’espérance de vie augmente, mais la mortalité infantile diminue considérablement. Désormais, les décès d’enfants se concentrent dans la première année, ce qui permet un « remplacement » pour employer l’euphémisme des démographes, désignant ainsi une naissance destinée à combler un vide. Les risques de ne pas avoir d’héritier diminuent alors sensiblement. Comme la pression agraire est de plus en plus vive, l’âge au mariage s’élève et la contraception se répand lentement dans toute l’Europe. On la trouve aussi bien en Finlande qu’en Bretagne, à Naples qu’au nord de l’Allemagne. Timidement, le nombre moyen de naissances par union régresse, l’écart d’âge entre les enfants s’accroît, preuves ténues d’une volonté générale de freiner la croissance démographique4.
La baisse de la mortalité elle-même n’est pas un phénomène autonome et irrationnel, déclenchant brutalement une nouvelle géographie. Sa répartition suit nettement celle de l’influence parisienne, donc celle de la force politique « centrale ».
Effectivement, dès le XVIIIe siècle, la disparition des famines et des épidémies est une question qui ressortit moins à la médecine qu’à l’administration : amélioration de la circulation des blés sous Louis XV (malgré la résistance de « la guerre des farines »), mesures de surveillance et de prévention de la peste (lignes, quarantaines, lazarets5). Au XIXe siècle, les hygiénistes sociaux prennent le relais des grands administrateurs de la monarchie finissante et propagent à partir de Paris un ensemble de savoirs et de précautions6. Cette France des faibles mortalités vers 1850 est celle de la circulation des idées, plus encore qu’une France parisienne, comme on le voit en superposant la carte de la mortalité à celle de la fortune vers la même époque (les gros points indiquent les départements où les contributions foncières par tête étaient les plus fortes). Dans les pays riches, on se nourrit mieux, on se soigne plus et, surtout, l’hygiè...

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