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Elise ou la Vraie Vie
About this book
Includes the full French text, accompanied by French-English vocabulary. Notes and a detailed introduction in English put the work in its social and historical context.
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Information
ELISE OU LA VRAIE VIE
PREMIERE PARTIE
Surtout ne pas penser. Comme on dit « Surtout ne pas bouger » Ă un blessĂ© aux membres brisĂ©s. Ne pas penser. Repousser les images, toujours les mĂȘmes, celles dâhier, du temps qui ne reviendra plus. Ne pas penser. Ne pas reprendre les derniĂšres phrases de la derniĂšre conversation, les mots que la sĂ©paration a rendus dĂ©finitifs, se dire quâil fait doux pour la saison, que les gens dâen face rentrent bien tard; sâĂ©parpiller dans les dĂ©tails, se pencher, sâintĂ©resser au spectacle de la rue. Dehors, les passants marchent, se croisent, rentrent, partent. Il y a des ouvriers qui portent leur petit sac de casse-croĂ»te vide roulĂ© dans la main. Les bars dovient ĂȘtre pleins, câest lâheure oĂč lâon sây bouscule. Ce soir, il y aura des femmes qui seront heureuses sur une terre Ă la dĂ©rive, une Ăźle flottante, une chambre oĂč lâon est deux. Quitter la vitre, descendre? Dans la rue, il y aurait sĂ»rement une aventure* pour moi. Les trottoirs sont pleins dâhommes avec leurs yeux chercheurs. Je nâaime pas les aventures. Je veux partir sur un bateau qui ne fera jamais escale.* Embarquer, dĂ©barquer, cela nâest pas pour moi. Cette image dâun bateau, je lâai prise Ă mon frĂšre, Lucien. « Je te promets un vaisseau qui tracera au milieu de la mer une route oĂč pas un autre nâosera le suivre. » Il lâavait Ă©crit pour Anna. Il doit ĂȘtre sept heures, il fait bon, câest un vrai mois de juin avec des soirĂ©es tiĂšdes qui font penser: « Enfin lâĂ©tĂ©âŠÂ» La chaĂźne sâarrĂȘte Ă sept heures. Les hommes vont se ruer dans les vestiaires. Je commence ici ma derniĂšre nuit. Demain je quitterai la chambre. Anna viendra chercher la clĂ©. Il faudra la remercier. Elle ne sâĂ©tonnera pas, elle ne questionne jamais. Quand elle parle câest toujours au prĂ©sent. Elle est non point discrĂšte ou pudique, mais idĂ©alement indiffĂ©rente. Lucien nous voulait amies, mais elle nâa besoin ni de confidente, ni de conseillĂšre, ni de bienfaitrice. Quant Ă moi, jâai perdu lâhabitude. A treize ans, jâavais une amie « pour la vie »; Ă quinze ans, je nâavais plus que des camarades dont lâoeil devenait critique. Dâailleurs, jâĂ©tais dĂ©jĂ du cĂŽtĂ© de Lucien. Cette annĂ©e de mes quinze ans, je lui abandonnai ma chambre. Jusquâalors, mon frĂšre avait dormi dans la cuisine, sur un lit que nous enlevions le matin. Pour le gagner Ă moi, je lui cĂ©dai ce quâil dĂ©sirait le plus, cette petite piĂšce carrĂ©e, ensoleillĂ©e jusquâĂ midi, et qui ouvrait sur la cour. Quand la grand-mĂšre nous vit dĂ©mĂ©nager nos affaires, elle se fĂącha. Pour lâapaiser, je lui promis que, dĂ©sormais, je partagerais son grand lit. Cela lui fit plaisir, elle aimait parler la nuit, dans le noir. Une annĂ©e avant la guerre, nous Ă©tions venus habiter chez elle puisquâelle allait nous Ă©lever. En 40, nous traversions le Pont de Pierre* quand les premiers camions allemands arrivĂšrent. « Les Boches », dis-je Ă Lucien. Il prit le mot, le rĂ©pĂ©ta partout. Il fallut lui apprendre Ă lâoublier. CâĂ©tait le temps du collĂšge. Nous nous disputions le soir, je le giflais, il dĂ©chirait mes papiers. Nous tracions Ă la craie des V sur nos chaussures; nous Ă©tions mal nourris, la grand-mĂšre avait refusĂ© que nous fussions placĂ©s Ă la campagne, elle ne voulait pas nous sĂ©parer dâelle. Aussi nous ne manquĂąmes pas un seul bombardement, pas une seule chaĂźne devant les Ă©piceries. Chaque matin, Lucien et moi partions ensemble et, par prudence, je ne le quittais quâĂ la porte de son Ă©cole. Je continuai, aprĂšs la guerre, Ă vouloir le conduire. Il me supportait Ă peine et je mâaccrochais Ă lui. Comme il marchait vite, je pressais le pas. Nous traversions la place de la Victoire et ses bouquets de fleuristes. Dans chaque Ă©talage trĂŽnaient les gĂ©nĂ©raux vainqueurs. Lucien sâarrĂȘtait, les regardait. Je mâarrĂȘtais aussi. Il guettait cet instant, sâĂ©lançait, courait pour me perdre. Je le trouvais cynique, rusĂ©. Je dĂ©cidai que mon exemple serait pour lui la meilleure des morales.
JâĂ©tais doucement tombĂ©e dans une dĂ©votion scrupuleuse, sĂ©vĂšre, de laquelle je tirais tous mes bonheurs, La grand-mĂšre nây Ă©tait pas pour grand-chose, elle nous avait enseignĂ© nos priĂšres, les mots pĂ©chĂ© et sacrifice, mais sa foi, comme sa philosophie, se rĂ©sumait dans cette phrase quâelle aimait Ă rĂ©pĂ©ter: « Le Bon Dieu a une grande louche et il sert tout le monde. » Ămotions et plaisirs mâĂ©taient venus dans ces jardins du patronage, verts comme une oasis, oĂč, chaque jeudi et dimanche, Ă lâombre des religieuses calmes, sâĂ©tait formĂ© mon goĂ»t des fleurs, des napperons brodĂ©s, des teints pĂąles et de lâĂąme propre.
La grand-mĂšre faisait encore quelques mĂ©nages dans les bureaux du port. Son principal souci restait le ravitaillement, toujours difficile. Lucien, depuis quâil avait sa chambre, sâenfermait chaque soir. Je regrettais de la lui avoir cĂ©dĂ©e. Dormir avec la grand-mĂšre me devenait pĂ©nible. A seize ans, je quittai le collĂšge et commençai Ă travailler. Des commerçants voisins mâavaient conseillĂ©e: louer une machine Ă Ă©crire, apprendre seule puisque les cours Ă©taient au-dessus de nos moyens, et taper des copies. Plus tard, disposant dâun peu dâargent, je pourrais faire mieux. Je nâavais ni vocation ni ambition. Je rĂȘvais de me sacrifier pour Lucien. Personne ne me guidait et je me jugeais favorisĂ©e en comparaison des filles de mon quartier qui, Ă quinze ans, prenaient le chemin de lâusine.
Le matin, je mâoccupais de notre mĂ©nage et des courses. A midi, quand Lucien rentrait, jâĂ©tais fiĂšre quâil trouvĂąt une table prĂȘte, une maison rangĂ©e, des visages tranquilles, autant dâimages de ce que jâappelais la vie droite, et qui se graveraient en lui, le marqueraient, lui crĂ©ant lâhabitude, puis le besoin de cet Ă©quilibre.
Demain, elle frappera doucement:
« Câest Anna. Jâouvrirai, nous nous saluerons.
« Vous partez? Vous nâavez plus besoin de la chambre? « Non, jâai ramassĂ© toutes mes affaires.
Viendra le plus difficile: remercier. PressĂ©es lâune et lâautre de ne plus nous voir, nous Ă©viterons les longues formules. Parlera-t-elle de Lucien?
A quatorze ans, mon frĂšre eut deux passions: son amitiĂ© pour Henri, ce qui Ă©tait sa passion noble, et des patins Ă roulettes, quâil chaussait dĂšs son retour du collĂšge. Pendant des mois nous entendĂźmes chaque soir le roulement des patins le long du trottoir, dans la rue. Le dimanche, il se levait tĂŽt, dĂ©jeunait vite, rentrait Ă midi pour repartir jusquâau soir et se coucher tremblant de fatigue. Un matin, par curiositĂ©, je me rendis derriĂšre les Quinconces.* La brume froide effaçait le toit des maisons, les branches des arbres noirs Ă©taient givrĂ©es et les rĂ©verbĂšres brĂ»laient encore. Je mâinquiĂ©tai pour Lucien et dĂ©cidai de le ramener avec moi. Je lâapeçfus seul dans le brouillard glacĂ©, avec son petit pardessus beige qui sâarrĂȘtait aux cuisses, ses chaussettes tirĂ©es sur les genoux et les patins aux pieds. Il avait quittĂ© son Ă©charpe rouge, je la vis par terre, prĂšs dâun arbre. Je le regardai, le jarret creusĂ©, la peau de ses cuisses nues rougie, les bras en avant prĂȘt Ă sâĂ©lancer. Je devinai son bonheur, ce vagabondage dans la brume, la douceur de la solitude, de la vie endormie, la sensation de la libertĂ© retrouvĂ©e, lâivresse de courir devant soi, sans obstacle, les yeux mouillĂ©s de froid, les mains glacĂ©es, les pieds brĂ»lants. Je pensai Ă son retour dans la cuisine, la grand-mĂšre tricotant, moi lisant, et lui flottant entre nous deux.
Plusieurs fois, jâessayai, les aprĂšs-midi, de lâaccompagner. Assise au milieu des mĂšres, jâattendais six heures, patiemment, son goĂ»ter sur les genoux, trouvant toujours quelquâun Ă Ă©couter. Mais je dus renoncer mĂȘme Ă ce plaisir, car, sur le chemin du retour, il mâaccusait de le surveiller, de lâĂ©pier, de lâagacer, menaçait de changer dâendroit, de ne plus sortir si je devais le suivre partout.
La grand-mĂšre et lui se disputaient souvent. Elle lâaccablait de reproches futiles, il lui rĂ©pondait avec insolence. Quelque temps encore il nous parla dâHenri, mais avec pudeur, la voix changĂ©e, timide. Cette retenue me fit sentir combien il lâaimait. Je connus cet Henri un jour, Ă la sortie du collĂšge. Plus ĂągĂ© que Lucien, sa froideur lui tenait lieu dâautoritĂ©. Il parlait lentement, la voix grave. Il mâintimida beaucoup, bien quâil nâeut que dix-sept ans. Il me trouva, paraĂźt-il, petite. A vingt ans, il est vrai, je paraissais trĂšs jeune. JâĂ©tais orgueilleuse de ma fadeur, je mâhabillais sans couleurs et me satisfaisais de nâĂȘtre pas « comme les autres ».
« Toi, me dit plus tard Lucien, tu nâes exceptionnelle que pour toi-mĂȘme. »
Les Jeux du collĂšge approchaient. Ils avaient lieu le dernier dimanche de mai. Henri, lâathlĂšte entraĂźnĂ©, prĂ©parait la fĂȘte gymnique, et mon frĂšre espĂ©rait en ĂȘtre la vedette. Il exerçait ses muscles, le soir, quand il nous croyait en bas. Il Ă©tait sur dâĂȘtre choisi; il mâen parlait, mais avec dĂ©tachement, comme de tout ce quâil aimait. Il nâeut pas cet honneur. Henri prit un certain Cazale, meilleur que Lucien sans doute.
« Je dois me hisser au portique et prendre la pose, mâavoua-t-il. Cazale grimpe Ă la perche et il commence ses acrobaties. Moi, je suis prĂšs de lui et je nâai rien Ă faire quâĂ lâaider deux fois a se redresser. Je sers de chandelier. Je ne jouerai pas. » Il accepta pourtant. De chaque rĂ©pĂ©tition, il revenait insolent et malheureux. Il ne voulait pas du succĂšs de Cazale, il ne voulait pas le voir saluer sous les applaudissements, voir Henri lui taper sur lâĂ©paule et lâemmener boire aprĂšs le triomphe.
En maillot bleu, il grimpa nerveusement et sâimmobilisa sur la poutre. A lâinstant oĂč Cazale, qui lâavait rejoint, commençait ses exercices, nous vĂźmes Lucien reculer jusquâĂ lâextrĂȘme bord de la planche et, comme sâil ne savait pas le danger, tomber en arriĂšre. Tout le monde cria, se leva. Cazale descendit, tremblant. Lucien avait gagnĂ©. Cazale ne joua pas. Mon frĂšre resta trois mois allongĂ©, la jambe gauche cassĂ©e, un poignet fĂȘlĂ©, des plaies Ă la tĂȘte et au visage. Il ne passa pas son examen, ne retourna plus au collĂšge. Henri ne vint jamais le voir; il envoya, une seule fois, une carte dâexcuses et de voeux.
Ni lettres ni visites, rien que nous trois. Pas dâautre vue que la pierre des maisons dâen face. Il lisait. Il lui fallait beaucoup de livres. Il jouait aux dames. Il fumait. Le matin, je restais prĂšs de lui. Il mâavoua la vĂ©ritĂ©, ce dĂ©sir enragĂ©, que Cazale ne fĂ»t pas la vedette. TouchĂ©e de sa confiance je nâosai le blĂąmer. Je passai des semaines inoubliables. Il me parlait, mâappelait si quelque lecture lâenthousiasmait, essayait en riant de me faire partager ses goĂ»ts, ses idĂ©es qui, souvent, me choquaient. Son lit Ă©tait encombrĂ© de journaux qui portaient en gras le nom de MAO-KHE. On sây battait, mais je ne mâen souciais pas. Il nâouvrait jamais aucun cahier, ne parlait pas de retourner au collĂšge. Parfois il disait: « Laissez-moi guĂ©rir, marcher, et je mâengage. » La grand-mĂšre sâaffolait, elle le voyait dĂ©jĂ dans les riziĂšres dâIndochineâelle disait de Chine. Mal guĂ©ri, il traĂźna tout un hiver.
Nos grandes tendresses Ă©taient terminĂ©es. Elles nâavaient pas durĂ© longtemps. Il passait Ă nouveau ses journĂ©es enfermĂ© et nous menaçait, Ă la moindre rĂ©primande:
« Si ça continue, je mâengage⊠»
Sur son mur, il avait Ă©pinglĂ© une carte avec des drapeaux minuscules, tricolores et noirs. La grand-mĂšre, impressionnĂ©e, nâosait plus rien lui dire. Quand il sortait le soir, je savais quâil allait regarder les bateaux, lâeau et les rĂ©verbĂšres du Pont qui sây noyaient. Il nâavait pas dâargent et nous en rĂ©clamait rarement.
Deux ans aprĂšs lâaccident, il restait encore dâune santĂ© fragile. Il ne sâengagea pas,* ne partit pas, il Ă©pousa Marie-Louise.
Quand Lucien paraissait le matin, je dĂ©tournais la tĂȘte. Il nous disait bonjour en grognant. Il nous en voulait dâĂȘtre lĂ , dâexister, de le voir. Il nous aurait souhaitĂ©es indiffĂ©rentes, aveugles, et que son apparition dans la cuisine ne nous fĂźt mĂȘme pas tourner la tĂȘte. DĂ©jĂš, petit garçon, rĂ©veillĂ© entre nos deux sourires, il se dĂ©battait: « Non, nonâŠÂ»
Il y avait ce moment difficile Ă traverser, son arrivĂ©e, sa froideur, son humeur lourde, longue Ă se dĂ©chirer. Il fallait ne pas faire dâerreurs, trouver le geste, le mot qui dĂ©tendrait. Se lever, accomplir tous les gestes intimes du matin devant nous lui coĂ»tait. Je lâimaginais sortant frais Ă©trillĂ©, souriant, dâune salle de bains. Jâavais Ă©puisĂ© tous les moyens, la douceur, la gaietĂ©, la moquerie, car je voulais Ă tout prix rendre agrĂ©able notre premiĂšre heure en commun. Parce quâil me fallait une certaine atmosphĂšre de sĂ©rĂ©nitĂ©, de gentillesse, je voulais lâobliger Ă y pĂ©nĂ©trer.
Il mâarriva de lui proposer un emploi dans les maisons qui me faisaient travailler. « Non, mais⊠» me rabrouait-il avec ce mĂ©pris particulier Ă ceux qui, nâayant jamais travaillĂ©, passent leur vie dans lâattente dâune occupation digne dâeux. Une seule passion lâhabitait: son amour neuf. Sans copains pour ironiser, railler, vulgariser les premiers dĂ©sirs, les Ă©lans, et tout ce quâon veut dire Ă dix-huit ans avec le mot amour, il lâavait agrandi dĂ©mesurĂ©ment, transfigure. Son imagination fĂ©conde, lâindiffĂ©rence qui le coupait de ce quâil appelait «le reste» lâenfermaient entre leurs murs Ă©pais, le prĂ©servaient de nous. Quand les fenĂȘtres sâouvrent aprĂšs les pluies de mars, il y avait eu, dans le petit matin, Marie-Louise, les bras levĂ©s, coiffant sa frange noire. Une ombre dâabord, des contours imprĂ©cis, puis, Ă lâapproche de lâĂ©tĂ©, un visage dorĂ© par le contrejour.
La grand-mĂšre les heurta, un soir quâils sâembrassaient derriĂšre la porte de la rue. Elle se fĂącha, lui conseilla de chercher des filles ailleurs que dans la maison.
Je fouillais souvent sa chambre et son linge. Mais il avait un dĂ©sordre si bien organisĂ© quâil pouvait cacher quelque chose sans risque. Sur le mur, la carte sâempoussiĂ©rait. Il ne nous supportait plus, nous blessait de ses critiques grossiĂšres et quand il nous parlaitâce qui arrivait rarement âil se lançait dans des dissertations enflammĂ©es sur la fiertĂ© dâĂȘtre, en des temps pareils, un opprimĂ©.
« Oui, mais toi, Lucien, tu fais ce que tu veux. JusquâĂ maintenant, il est vrai, tu as choisi de ne rien faire. Je lâatteignais. Je le voyais dans ses yeux. Il mâaurait frappĂ©e avec plaisir. Alors, il retournait dans sa chambre. Devant ses yeux, la fenĂȘtre de Marie-Louise. Il Ă©crasait son front contre...
Table of contents
- COVER PAGE
- TITLE PAGE
- COPYRIGHT PAGE
- TWENTIETH CENTURY FRENCH TEXTS
- ACKNOWLEDGEMENTS
- INTRODUCTION
- NOTES TO THE INTRODUCTION
- BIBLIOGRAPHY
- ELISE OU LA VRAIE VIE
- NOTES TO THE TEXT