Elise ou la Vraie Vie
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Elise ou la Vraie Vie

  1. 304 pages
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Elise ou la Vraie Vie

About this book

Includes the full French text, accompanied by French-English vocabulary. Notes and a detailed introduction in English put the work in its social and historical context.

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Information

ELISE OU LA VRAIE VIE

PREMIERE PARTIE

Surtout ne pas penser. Comme on dit « Surtout ne pas bouger » Ă  un blessĂ© aux membres brisĂ©s. Ne pas penser. Repousser les images, toujours les mĂȘmes, celles d’hier, du temps qui ne reviendra plus. Ne pas penser. Ne pas reprendre les derniĂšres phrases de la derniĂšre conversation, les mots que la sĂ©paration a rendus dĂ©finitifs, se dire qu’il fait doux pour la saison, que les gens d’en face rentrent bien tard; s’éparpiller dans les dĂ©tails, se pencher, s’intĂ©resser au spectacle de la rue. Dehors, les passants marchent, se croisent, rentrent, partent. Il y a des ouvriers qui portent leur petit sac de casse-croĂ»te vide roulĂ© dans la main. Les bars dovient ĂȘtre pleins, c’est l’heure oĂč l’on s’y bouscule. Ce soir, il y aura des femmes qui seront heureuses sur une terre Ă  la dĂ©rive, une Ăźle flottante, une chambre oĂč l’on est deux. Quitter la vitre, descendre? Dans la rue, il y aurait sĂ»rement une aventure* pour moi. Les trottoirs sont pleins d’hommes avec leurs yeux chercheurs. Je n’aime pas les aventures. Je veux partir sur un bateau qui ne fera jamais escale.* Embarquer, dĂ©barquer, cela n’est pas pour moi. Cette image d’un bateau, je l’ai prise Ă  mon frĂšre, Lucien. « Je te promets un vaisseau qui tracera au milieu de la mer une route oĂč pas un autre n’osera le suivre. » Il l’avait Ă©crit pour Anna. Il doit ĂȘtre sept heures, il fait bon, c’est un vrai mois de juin avec des soirĂ©es tiĂšdes qui font penser: « Enfin l’été » La chaĂźne s’arrĂȘte Ă  sept heures. Les hommes vont se ruer dans les vestiaires. Je commence ici ma derniĂšre nuit. Demain je quitterai la chambre. Anna viendra chercher la clĂ©. Il faudra la remercier. Elle ne s’étonnera pas, elle ne questionne jamais. Quand elle parle c’est toujours au prĂ©sent. Elle est non point discrĂšte ou pudique, mais idĂ©alement indiffĂ©rente. Lucien nous voulait amies, mais elle n’a besoin ni de confidente, ni de conseillĂšre, ni de bienfaitrice. Quant Ă  moi, j’ai perdu l’habitude. A treize ans, j’avais une amie « pour la vie »; Ă  quinze ans, je n’avais plus que des camarades dont l’oeil devenait critique. D’ailleurs, j’étais dĂ©jĂ  du cĂŽtĂ© de Lucien. Cette annĂ©e de mes quinze ans, je lui abandonnai ma chambre. Jusqu’alors, mon frĂšre avait dormi dans la cuisine, sur un lit que nous enlevions le matin. Pour le gagner Ă  moi, je lui cĂ©dai ce qu’il dĂ©sirait le plus, cette petite piĂšce carrĂ©e, ensoleillĂ©e jusqu’à midi, et qui ouvrait sur la cour. Quand la grand-mĂšre nous vit dĂ©mĂ©nager nos affaires, elle se fĂącha. Pour l’apaiser, je lui promis que, dĂ©sormais, je partagerais son grand lit. Cela lui fit plaisir, elle aimait parler la nuit, dans le noir. Une annĂ©e avant la guerre, nous Ă©tions venus habiter chez elle puisqu’elle allait nous Ă©lever. En 40, nous traversions le Pont de Pierre* quand les premiers camions allemands arrivĂšrent. « Les Boches », dis-je Ă  Lucien. Il prit le mot, le rĂ©pĂ©ta partout. Il fallut lui apprendre Ă  l’oublier. C’était le temps du collĂšge. Nous nous disputions le soir, je le giflais, il dĂ©chirait mes papiers. Nous tracions Ă  la craie des V sur nos chaussures; nous Ă©tions mal nourris, la grand-mĂšre avait refusĂ© que nous fussions placĂ©s Ă  la campagne, elle ne voulait pas nous sĂ©parer d’elle. Aussi nous ne manquĂąmes pas un seul bombardement, pas une seule chaĂźne devant les Ă©piceries. Chaque matin, Lucien et moi partions ensemble et, par prudence, je ne le quittais qu’à la porte de son Ă©cole. Je continuai, aprĂšs la guerre, Ă  vouloir le conduire. Il me supportait Ă  peine et je m’accrochais Ă  lui. Comme il marchait vite, je pressais le pas. Nous traversions la place de la Victoire et ses bouquets de fleuristes. Dans chaque Ă©talage trĂŽnaient les gĂ©nĂ©raux vainqueurs. Lucien s’arrĂȘtait, les regardait. Je m’arrĂȘtais aussi. Il guettait cet instant, s’élançait, courait pour me perdre. Je le trouvais cynique, rusĂ©. Je dĂ©cidai que mon exemple serait pour lui la meilleure des morales.
J’étais doucement tombĂ©e dans une dĂ©votion scrupuleuse, sĂ©vĂšre, de laquelle je tirais tous mes bonheurs, La grand-mĂšre n’y Ă©tait pas pour grand-chose, elle nous avait enseignĂ© nos priĂšres, les mots pĂ©chĂ© et sacrifice, mais sa foi, comme sa philosophie, se rĂ©sumait dans cette phrase qu’elle aimait Ă  rĂ©pĂ©ter: « Le Bon Dieu a une grande louche et il sert tout le monde. » Émotions et plaisirs m’étaient venus dans ces jardins du patronage, verts comme une oasis, oĂč, chaque jeudi et dimanche, Ă  l’ombre des religieuses calmes, s’était formĂ© mon goĂ»t des fleurs, des napperons brodĂ©s, des teints pĂąles et de l’ñme propre.
La grand-mĂšre faisait encore quelques mĂ©nages dans les bureaux du port. Son principal souci restait le ravitaillement, toujours difficile. Lucien, depuis qu’il avait sa chambre, s’enfermait chaque soir. Je regrettais de la lui avoir cĂ©dĂ©e. Dormir avec la grand-mĂšre me devenait pĂ©nible. A seize ans, je quittai le collĂšge et commençai Ă  travailler. Des commerçants voisins m’avaient conseillĂ©e: louer une machine Ă  Ă©crire, apprendre seule puisque les cours Ă©taient au-dessus de nos moyens, et taper des copies. Plus tard, disposant d’un peu d’argent, je pourrais faire mieux. Je n’avais ni vocation ni ambition. Je rĂȘvais de me sacrifier pour Lucien. Personne ne me guidait et je me jugeais favorisĂ©e en comparaison des filles de mon quartier qui, Ă  quinze ans, prenaient le chemin de l’usine.
Le matin, je m’occupais de notre mĂ©nage et des courses. A midi, quand Lucien rentrait, j’étais fiĂšre qu’il trouvĂąt une table prĂȘte, une maison rangĂ©e, des visages tranquilles, autant d’images de ce que j’appelais la vie droite, et qui se graveraient en lui, le marqueraient, lui crĂ©ant l’habitude, puis le besoin de cet Ă©quilibre.
Demain, elle frappera doucement:
« C’est Anna. J’ouvrirai, nous nous saluerons.
« Vous partez? Vous n’avez plus besoin de la chambre? « Non, j’ai ramassĂ© toutes mes affaires.
Viendra le plus difficile: remercier. PressĂ©es l’une et l’autre de ne plus nous voir, nous Ă©viterons les longues formules. Parlera-t-elle de Lucien?
A quatorze ans, mon frĂšre eut deux passions: son amitiĂ© pour Henri, ce qui Ă©tait sa passion noble, et des patins Ă  roulettes, qu’il chaussait dĂšs son retour du collĂšge. Pendant des mois nous entendĂźmes chaque soir le roulement des patins le long du trottoir, dans la rue. Le dimanche, il se levait tĂŽt, dĂ©jeunait vite, rentrait Ă  midi pour repartir jusqu’au soir et se coucher tremblant de fatigue. Un matin, par curiositĂ©, je me rendis derriĂšre les Quinconces.* La brume froide effaçait le toit des maisons, les branches des arbres noirs Ă©taient givrĂ©es et les rĂ©verbĂšres brĂ»laient encore. Je m’inquiĂ©tai pour Lucien et dĂ©cidai de le ramener avec moi. Je l’apeçfus seul dans le brouillard glacĂ©, avec son petit pardessus beige qui s’arrĂȘtait aux cuisses, ses chaussettes tirĂ©es sur les genoux et les patins aux pieds. Il avait quittĂ© son Ă©charpe rouge, je la vis par terre, prĂšs d’un arbre. Je le regardai, le jarret creusĂ©, la peau de ses cuisses nues rougie, les bras en avant prĂȘt Ă  s’élancer. Je devinai son bonheur, ce vagabondage dans la brume, la douceur de la solitude, de la vie endormie, la sensation de la libertĂ© retrouvĂ©e, l’ivresse de courir devant soi, sans obstacle, les yeux mouillĂ©s de froid, les mains glacĂ©es, les pieds brĂ»lants. Je pensai Ă  son retour dans la cuisine, la grand-mĂšre tricotant, moi lisant, et lui flottant entre nous deux.
Plusieurs fois, j’essayai, les aprĂšs-midi, de l’accompagner. Assise au milieu des mĂšres, j’attendais six heures, patiemment, son goĂ»ter sur les genoux, trouvant toujours quelqu’un Ă  Ă©couter. Mais je dus renoncer mĂȘme Ă  ce plaisir, car, sur le chemin du retour, il m’accusait de le surveiller, de l’épier, de l’agacer, menaçait de changer d’endroit, de ne plus sortir si je devais le suivre partout.
La grand-mĂšre et lui se disputaient souvent. Elle l’accablait de reproches futiles, il lui rĂ©pondait avec insolence. Quelque temps encore il nous parla d’Henri, mais avec pudeur, la voix changĂ©e, timide. Cette retenue me fit sentir combien il l’aimait. Je connus cet Henri un jour, Ă  la sortie du collĂšge. Plus ĂągĂ© que Lucien, sa froideur lui tenait lieu d’autoritĂ©. Il parlait lentement, la voix grave. Il m’intimida beaucoup, bien qu’il n’eut que dix-sept ans. Il me trouva, paraĂźt-il, petite. A vingt ans, il est vrai, je paraissais trĂšs jeune. J’étais orgueilleuse de ma fadeur, je m’habillais sans couleurs et me satisfaisais de n’ĂȘtre pas « comme les autres ».
« Toi, me dit plus tard Lucien, tu n’es exceptionnelle que pour toi-mĂȘme. »
Les Jeux du collĂšge approchaient. Ils avaient lieu le dernier dimanche de mai. Henri, l’athlĂšte entraĂźnĂ©, prĂ©parait la fĂȘte gymnique, et mon frĂšre espĂ©rait en ĂȘtre la vedette. Il exerçait ses muscles, le soir, quand il nous croyait en bas. Il Ă©tait sur d’ĂȘtre choisi; il m’en parlait, mais avec dĂ©tachement, comme de tout ce qu’il aimait. Il n’eut pas cet honneur. Henri prit un certain Cazale, meilleur que Lucien sans doute.
« Je dois me hisser au portique et prendre la pose, m’avoua-t-il. Cazale grimpe Ă  la perche et il commence ses acrobaties. Moi, je suis prĂšs de lui et je n’ai rien Ă  faire qu’à l’aider deux fois a se redresser. Je sers de chandelier. Je ne jouerai pas. » Il accepta pourtant. De chaque rĂ©pĂ©tition, il revenait insolent et malheureux. Il ne voulait pas du succĂšs de Cazale, il ne voulait pas le voir saluer sous les applaudissements, voir Henri lui taper sur l’épaule et l’emmener boire aprĂšs le triomphe.
En maillot bleu, il grimpa nerveusement et s’immobilisa sur la poutre. A l’instant oĂč Cazale, qui l’avait rejoint, commençait ses exercices, nous vĂźmes Lucien reculer jusqu’à l’extrĂȘme bord de la planche et, comme s’il ne savait pas le danger, tomber en arriĂšre. Tout le monde cria, se leva. Cazale descendit, tremblant. Lucien avait gagnĂ©. Cazale ne joua pas. Mon frĂšre resta trois mois allongĂ©, la jambe gauche cassĂ©e, un poignet fĂȘlĂ©, des plaies Ă  la tĂȘte et au visage. Il ne passa pas son examen, ne retourna plus au collĂšge. Henri ne vint jamais le voir; il envoya, une seule fois, une carte d’excuses et de voeux.
Ni lettres ni visites, rien que nous trois. Pas d’autre vue que la pierre des maisons d’en face. Il lisait. Il lui fallait beaucoup de livres. Il jouait aux dames. Il fumait. Le matin, je restais prĂšs de lui. Il m’avoua la vĂ©ritĂ©, ce dĂ©sir enragĂ©, que Cazale ne fĂ»t pas la vedette. TouchĂ©e de sa confiance je n’osai le blĂąmer. Je passai des semaines inoubliables. Il me parlait, m’appelait si quelque lecture l’enthousiasmait, essayait en riant de me faire partager ses goĂ»ts, ses idĂ©es qui, souvent, me choquaient. Son lit Ă©tait encombrĂ© de journaux qui portaient en gras le nom de MAO-KHE. On s’y battait, mais je ne m’en souciais pas. Il n’ouvrait jamais aucun cahier, ne parlait pas de retourner au collĂšge. Parfois il disait: « Laissez-moi guĂ©rir, marcher, et je m’engage. » La grand-mĂšre s’affolait, elle le voyait dĂ©jĂ  dans les riziĂšres d’Indochine—elle disait de Chine. Mal guĂ©ri, il traĂźna tout un hiver.
Nos grandes tendresses Ă©taient terminĂ©es. Elles n’avaient pas durĂ© longtemps. Il passait Ă  nouveau ses journĂ©es enfermĂ© et nous menaçait, Ă  la moindre rĂ©primande:
« Si ça continue, je m’engage
 »
Sur son mur, il avait Ă©pinglĂ© une carte avec des drapeaux minuscules, tricolores et noirs. La grand-mĂšre, impressionnĂ©e, n’osait plus rien lui dire. Quand il sortait le soir, je savais qu’il allait regarder les bateaux, l’eau et les rĂ©verbĂšres du Pont qui s’y noyaient. Il n’avait pas d’argent et nous en rĂ©clamait rarement.
Deux ans aprĂšs l’accident, il restait encore d’une santĂ© fragile. Il ne s’engagea pas,* ne partit pas, il Ă©pousa Marie-Louise.
Quand Lucien paraissait le matin, je dĂ©tournais la tĂȘte. Il nous disait bonjour en grognant. Il nous en voulait d’ĂȘtre lĂ , d’exister, de le voir. Il nous aurait souhaitĂ©es indiffĂ©rentes, aveugles, et que son apparition dans la cuisine ne nous fĂźt mĂȘme pas tourner la tĂȘte. DĂ©jĂš, petit garçon, rĂ©veillĂ© entre nos deux sourires, il se dĂ©battait: « Non, non »
Il y avait ce moment difficile Ă  traverser, son arrivĂ©e, sa froideur, son humeur lourde, longue Ă  se dĂ©chirer. Il fallait ne pas faire d’erreurs, trouver le geste, le mot qui dĂ©tendrait. Se lever, accomplir tous les gestes intimes du matin devant nous lui coĂ»tait. Je l’imaginais sortant frais Ă©trillĂ©, souriant, d’une salle de bains. J’avais Ă©puisĂ© tous les moyens, la douceur, la gaietĂ©, la moquerie, car je voulais Ă  tout prix rendre agrĂ©able notre premiĂšre heure en commun. Parce qu’il me fallait une certaine atmosphĂšre de sĂ©rĂ©nitĂ©, de gentillesse, je voulais l’obliger Ă  y pĂ©nĂ©trer.
Il m’arriva de lui proposer un emploi dans les maisons qui me faisaient travailler. « Non, mais
 » me rabrouait-il avec ce mĂ©pris particulier Ă  ceux qui, n’ayant jamais travaillĂ©, passent leur vie dans l’attente d’une occupation digne d’eux. Une seule passion l’habitait: son amour neuf. Sans copains pour ironiser, railler, vulgariser les premiers dĂ©sirs, les Ă©lans, et tout ce qu’on veut dire Ă  dix-huit ans avec le mot amour, il l’avait agrandi dĂ©mesurĂ©ment, transfigure. Son imagination fĂ©conde, l’indiffĂ©rence qui le coupait de ce qu’il appelait «le reste» l’enfermaient entre leurs murs Ă©pais, le prĂ©servaient de nous. Quand les fenĂȘtres s’ouvrent aprĂšs les pluies de mars, il y avait eu, dans le petit matin, Marie-Louise, les bras levĂ©s, coiffant sa frange noire. Une ombre d’abord, des contours imprĂ©cis, puis, Ă  l’approche de l’étĂ©, un visage dorĂ© par le contrejour.
La grand-mùre les heurta, un soir qu’ils s’embrassaient derriùre la porte de la rue. Elle se fñcha, lui conseilla de chercher des filles ailleurs que dans la maison.
Je fouillais souvent sa chambre et son linge. Mais il avait un dĂ©sordre si bien organisĂ© qu’il pouvait cacher quelque chose sans risque. Sur le mur, la carte s’empoussiĂ©rait. Il ne nous supportait plus, nous blessait de ses critiques grossiĂšres et quand il nous parlait—ce qui arrivait rarement —il se lançait dans des dissertations enflammĂ©es sur la fiertĂ© d’ĂȘtre, en des temps pareils, un opprimĂ©.
« Oui, mais toi, Lucien, tu fais ce que tu veux. Jusqu’à maintenant, il est vrai, tu as choisi de ne rien faire. Je l’atteignais. Je le voyais dans ses yeux. Il m’aurait frappĂ©e avec plaisir. Alors, il retournait dans sa chambre. Devant ses yeux, la fenĂȘtre de Marie-Louise. Il Ă©crasait son front contre...

Table of contents

  1. COVER PAGE
  2. TITLE PAGE
  3. COPYRIGHT PAGE
  4. TWENTIETH CENTURY FRENCH TEXTS
  5. ACKNOWLEDGEMENTS
  6. INTRODUCTION
  7. NOTES TO THE INTRODUCTION
  8. BIBLIOGRAPHY
  9. ELISE OU LA VRAIE VIE
  10. NOTES TO THE TEXT