Les roses du château
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Les roses du château

Bertrand Hourcade

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  1. 184 pages
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Les roses du château

Bertrand Hourcade

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Dans ce recueil de nouvelles en partie autobiographiques, Bertrand Hourcade observe les êtres et les choses. Et comme les éclosions des roses peuvent alterner en plusieurs tons, le bon sens d'un mongolien surpasse quelquefois la prétendue sagesse humaine..." (Patrice Rossel).

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Information

Year
2020
ISBN
9782322226993
Edition
1

LES ROSES DU CHATEAU

A la belle saison, le parc du Château se transformait en petit jardin d’Éden. Aux alignements tirés au cordeau des parterres en fleurs répondaient les vignes vierges qui montaient à l'assaut des murs; lierre et glycine se complétaient pour parer la propriété de couleurs somptueuses. Madame Z., propriétaire des lieux et directrice de l’internat qu’abritait le Château, tirait une grande fierté de son jardin à la française et tout particulièrement de ses plates-bandes de roses. Chaque allée était invariablement bordée de part et d'autre de rosiers magnifiques. Ici, c'était une succession de rosiers rouges, alors que plus loin s'étalaient les tons rose pâle ou jaune vif d'autres variétés de roses. Cette féerie de couleurs faisait que l’on désignait chaque allée par la couleur dominante des roses qui la bordaient: ainsi parlait-on de "l'allée rouge," de "l'allée rose" ou encore de "l'allée jaune".
C'est Julien, jardinier d'une grande discrétion et d'une efficacité remarquable, qui s'occupait de cet ensemble floral incomparable. Il avait fait sien ce territoire où il imprimait chaque jour davantage son empreinte. Madame Z. essayait de le régenter en lui donnant des directives générales, mais jamais trop de conseils techniques, laissant astucieusement le soin de régler les détails à son subalterne qui connaissait l'âme des fleurs mieux que quiconque.
Chaque semaine, Julien faisait une cueillette des différentes fleurs qui poussaient dans le parc car il fallait renouveler les fleurs qui ornaient les diverses pièces du Château. Julien arpentait le domaine muni d'un sécateur et façonnait des bouquets aux couleurs chatoyantes et aux senteurs exquises. Il mélangeait, selon les saisons, les narcisses et les camélias, les pensées et les œillets, parachevant le tout par un lis blanc amoureusement posé au centre du bouquet.
Mais c'était les roses qu'il affectionnait particulièrement. Dans le Château, personne n'avait le droit de toucher aux rosiers excepté Julien qui, sous l'œil vigilant de sa maîtresse, coupait seulement les roses que Madame Z. désignait pour le sacrifice. Il tirait de cette limitation un désir de se surpasser, de trouver pour chaque bouquet une présentation, un arrangement unique. Il passait de longs moments à étudier les différentes perspectives visuelles, les divers effets de couleurs. Il s'enivrait de subtils arômes qui lui montaient doucement à la tête. Et lorsqu'il posait le chef-d'œuvre achevé sur le bureau des secrétaires, il rayonnait d'une immense fierté.
– Oh! Julien, c'est magnifique!
Les compliments lui allaient droit au cœur et il quittait les bureaux empli d'une béatitude qui lui durait des heures. Sa vie était ainsi réglée par le cycle des floraisons, et rien ne lui coûtait plus que l’arrivée de l'hiver. Son jardin se mettait en hibernation. Il lui fallait émonder, ratisser et tailler, autant d'actions qui emplissaient son cœur d'une grande tristesse. Il aspirait avec impatience aux premiers jours de février lorsque, annonciateur du printemps proche, le mimosa se parait le premier de ses fleurs jaunes et devenait l'objet de tous ses soins. Bientôt les roses refleuriraient! Et en pensant à tout cela, il commençait à reprendre vie.
Julien vivait ainsi dans une innocente béatitude jusqu'au jour où il fut troublé par un événement anodin en apparence. Il remarqua, dans l'allée rouge, une tige de rosier dont la fleur avait été coupée. Il était sûr de n’avoir pas moissonné dans cette allée-là récemment. Or la brisure était fraîche. Comment se faisait-il? Quelqu'un aurait-il volontairement cueilli une rose? Il alla en parler immédiatement à M. Laurent, le Doyen des Études. Sans doute quelque élève avait-il encore une fois traversé en courant les plates-bandes! Ah! quand ces gamins apprendraient-ils les bonnes manières et le respect?
Il avait presque oublié l'incident lorsqu'il remarqua un peu plus tard un pétale rouge qui traînait sur une marche du perron. Le pétale était encore frais! Tout excité par cette découverte, il poussa la porte du Château et tomba sur un deuxième pétale qui se trouvait à égale distance du bureau de M. Laurent et de Gabriella! Indécis et troublé, Julien le ramassa et poussa la porte de la secrétaire. Il entra et vit le magnifique bouquet qu'il avait cueilli et porté lui-même à Gabriella la veille. Tout semblait normal mais en plein centre, contre le lis blanc habituel, trônait une rose rouge. Or il savait pertinemment qu'il n'avait pas cueilli de roses rouges pour ce bouquet-là!
– Bonjour Julien! Votre bouquet est toujours aussi magnifique!
La voix de Gabriella le tira de sa songerie.
– Euh, oui, c'est vrai. Et surtout, avec cette rose en son centre. C'est d'un effet tout à fait réussi.
Gabriella fut frappée par la réponse de Julien. Ce n'était pas son genre de se jeter des fleurs.
– Oh, oui! Ce rouge et ce blanc, la pureté et la passion si intimement liées, c'est d'un charme fou!
« Elle se moque de moi, » pensa Julien.
– Aimez-vous les roses rouges?
– Je les adore, Julien, vous le savez bien. Tout ce que vous m'apportez a tant de goût!
– Mais je ne vous ai pas apporté cette rose rouge!
– C'est exact. C'est Monsieur Z. qui me l'a donnée ce matin.
– Ah, vraiment? Et qu'a-t-il dit?
– Il était d'excellente humeur. Il m'a dit que cette fleur rouge allait très bien près du lis blanc qui me ressemblait tant. Quel charmeur ce Monsieur Z.!
Julien prit le parti de sourire et sortit de la pièce quelque peu décontenancé. Gabriella parlait de tout cela avec une telle candeur qu'il semblait impensable qu'elle mentît. Monsieur Z.! Ainsi, c'était lui qui massacrait les plates-bandes du Château!
Il fallait éclaircir tout cela au plus vite. L'occasion lui en fut bientôt donnée. Il était en train de biner le sol d'une plate-bande dans l'allée jaune lorsqu'il vit M. et Mme Z. qui venaient dans sa direction.
– Bonjour Julien. Tout va bien ce matin?
– Bonjour Monsieur, bonjour Madame. Oui, tout va bien. Il fait beau et c'est un plaisir de travailler le sol. Il est meuble à souhait.
– Vous passerez me voir tout à l'heure. Il faut couper une basse branche qui gêne le passage là-bas, derrière cette haie.
– Très bien madame. Heu, à propos, quand voulez-vous que nous fassions la cueillette hebdomadaire des roses?
– Quelle question, Julien! Mercredi, comme toujours!
– Bien madame. Mais, voyez-vous, je n'étais pas entièrement sûr, vu que Monsieur a déjà commencé la cueillette des roses hier.
– Que dites-vous? Louis, que veut dire ceci?
– Je ne comprends absolument rien à cette histoire, ma chère. Julien, expliquez-vous donc!
– Eh bien, je fais allusion à la rose rouge que vous avez offerte à Gabriella hier et qui orne le bouquet de son bureau.
– Louis, qu’est-ce que j’entends? Vous offrez des fleurs à Gabriella?
– Non, pas du tout. J’ai trouvé une rose rouge qui gisait par terre, dans le couloir du château. Et je l’ai portée à Gabriella dont le bureau était juste à côté pour l’ajouter à son bouquet. C’est tout ce qu’il y a à dire. De plus, la pauvre fleur perdait ses pétales.
– J'ai moi-même ramassé une pétale rouge sur le perron et une autre dans le Château.
– Un pétale, Julien. On dit un pétale. Combien de fois devrais-je vous le répéter?
– Oui, c'est vrai. Excusez-moi, Madame. Mais ceci signifie que quelqu'un vient butiner les fleurs dans les jardins de la propriété. J'ai prévenu M. Laurent qui n'a rien remarqué d'anormal chez les pensionnaires du Château. Mais il va garder l'œil ouvert.
– Tout ceci est vraiment incroyable. Julien, je vous charge de découvrir ce malotru. Et le plus vite possible!
– Bien madame. Comptez sur moi.
A partir de ce jour-là, M. Laurent et Julien furent sur le qui-vive. Ils se concertaient pour échanger leurs impressions. Ils cherchaient sur les visages, dans les comportements, dans les inflexions de voix quelque indice qui les mettraient sur une piste. M. Laurent faisait même des raids diurnes dans les chambres des élèves pendant que ces derniers étaient en classe pour trouver quelque indice. Pourtant, c'est Julien qui, le premier, relança toute l'affaire. Dans l'allée jaune, il trouva 2 jours plus tard une tige brisée. Il aurait pu imputer cela à un accident, à un enfant qui aurait marché par hasard au mauvais endroit, sans un morceau de papier soigneusement plié et attaché au pied de la plante par un morceau de scotch.
Fort
Belle,
Elle
Dort;
Sort
Frêle!
Quelle
Mort!
Rose
Close,
La
Brise
L’a
Prise.
Un frisson d'inquiétude parcourut Julien. Il se sentit soudain mal à l'aise. Quel rebondissement! Non seulement on était sûr maintenant que ces roses brisées étaient l'ouvrage de quelque vandale, mais de plus, ce dernier se permettait de laisser des traces et de narguer le monde! Et en vers de poésie qui plus est!
Il courut chez Monsieur et Madame Z. à qui il bégaya cette histoire hallucinante. La maîtresse des lieux faillit s'évanouir en apprenant la nouvelle. Elle s'administra une petite rasade d'Armagnac pour se donner du courage. Cependant, Monsieur Z. jugea la situation plutôt excitante, avec cette aura de mystère qui y ajoutait beaucoup de charme. Julien ne put s'empêcher de cristalliser ses soupçons sur lui. M. Laurent fut convoqué aussitôt ainsi que Gabriella qui, en son for intérieur, trouvait l'histoire fort drôle. Il fut demandé à chacun une surveillance de tous les instants. M. Laurent suggéra de mettre dans la confidence M. Gauthier, le professeur de littérature.
– Son expertise pourrait nous être utile.
Ainsi fut-il fait. M. Gauthier, tout surpris par l'aspect vaudevillesque de la situation et en même temps flatté par le rôle soudain revalorisé de sa discipline académique jugée généralement démodée et rétrograde, se fit fort de débusqu...

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