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eBook - ePub
About this book
A crucial question throughout the Middle Ages, the relationship between body and spirit cannot be understood without an interdisciplinary approach â combining literature, philosophy and medicine. Gathering contributions by leading international scholars from these disciplines, the collected volume explores themes such as lovesickness, the five senses, the role of memory and passions, in order to shed new light on the complex nature of the medieval Self.
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Information
Amour, imagination et poĂ©sie dans lâĆuvre mĂ©dicale de Gentile da Foligno
Aurélien Robert
CNRS, Centre dâĂtudes SupĂ©rieures de la Renaissance
Gentile da Foligno est une figure bien connue des historiens de la mĂ©decine1. Mort de la peste noire en 1348 aprĂšs avoir lui-mĂȘme rĂ©digĂ© un Consilium de pestilentia, celui que lâon nomma, Ă lâinstar dâAvicenne, le prince des mĂ©decins (medicorum princeps), parfois plus modestement le speculator, laissa derriĂšre lui une Ćuvre mĂ©dicale monumentale, restĂ©e largement inĂ©dite. Câest toutefois son commentaire au Canon dâAvicenne, le plus ample du XIVe siĂšcle, qui lui assura rapidement une renommĂ©e dans toute la PĂ©ninsule et au-delĂ , dans le reste de lâEurope. Cet immense travail exĂ©gĂ©tique, touchant aussi bien Ă la thĂ©orie quâĂ la pratique de la mĂ©decine, fut frĂ©quemment copiĂ©, puis Ă©ditĂ© Ă plusieurs reprises Ă la Renaissance, et continua dâĂȘtre utilisĂ© dans lâenseignement universitaire jusquâau XVIIe siĂšcle2. Il faut dire que son auteur ne manque jamais de situer son propos par rapport aux dĂ©bats antĂ©rieurs, citant pĂȘle-mĂȘle ses illustres prĂ©dĂ©cesseurs Taddeo Alderotti, Antoine de Parme, Dino del Garbo, Pietro Torrigiano ou encore Pietro dâAbano, ce qui rendait lâouvrage fort utile pour lâenseignement. Pour autant, le caractĂšre encyclopĂ©dique et exhaustif de ce commentaire ne saurait constituer lâunique raison dâune telle longĂ©vitĂ©. Un tel succĂšs repose en outre sur lâoriginalitĂ© de certains de ses propos.
Les remarques prĂ©cĂ©dentes valent plus particuliĂšrement pour le thĂšme qui nous occupe ici, Ă savoir les rapports entre le corps et lâesprit dans la littĂ©rature, la philosophie et la mĂ©decine. Comme lâon sait, de nombreux passages du Canon dâAvicenne, notamment dans les premiĂšres fen du livre I, traitent des diverses fonctions de lâĂąme et de leur rapport avec le corps. Lâanalyse des lectures mĂ©diĂ©vales de ces chapitres, la plupart du temps nĂ©gligĂ©es par les historiens de la philosophie, prĂ©senterait donc un intĂ©rĂȘt historique et philosophique en soi. Ce nâest pourtant pas, ou pas seulement, pour cette raison que le commentaire de Gentile da Foligno constitue un tĂ©moignage de grande valeur. Il est aussi prĂ©cieux parce quâil offre une illustration parfaite de lâunivers culturel tout Ă fait singulier dans lequel sâĂ©panouissait une gĂ©nĂ©ration dâintellectuels italiens, mĂ©decins, notaires, astrologues ou juristes, Ă lâombre des grands noms de Cavalcanti, Dante, Boccace ou PĂ©trarque3.
En effet, loin de se cantonner Ă la discipline quâils enseignaient dans quelque universitĂ© du nord de lâItalie, nombre de mĂ©decins pratiquaient lâensemble des savoirs de leur temps : la philosophie, bien sĂ»r, mais aussi la poĂ©sie4. Certains dâentre eux se dĂ©tachent nettement dans ce paysage intellectuel, comme Dino del Garbo, cĂ©lĂšbre pour son commentaire mĂ©dical et philosophique Ă la chanson Donna me prega de Guido Cavalcanti, qui restera une rĂ©fĂ©rence fondamentale dans les dĂ©bats sur lâamour jusquâau XVIe siĂšcle5. Moins connu, quoique tout aussi intĂ©ressant, le mĂ©decin florentin Pietro Torrigiano, auteur dâun influent commentaire au Tegni de Galien, et qui rĂ©digea des sonnets en langue vernaculaire6. Ces poĂšmes montrent un fort attachement Ă la philosophie, mais aussi Ă la thĂ©ologie. Dâailleurs, certaines chroniques affirment quâil prĂ©fĂ©ra abandonner lâenseignement de la mĂ©decine pour entrer dans les ordres Ă la fin de sa vie7. Il faudrait certainement ajouter Gentile da Foligno Ă ce panthĂ©on. Il connaissait bien ces deux personnages et Ă©tait conscient, comme eux, de la grande porositĂ© entre discours mĂ©dical, philosophique, thĂ©ologique et poĂ©tique. Aussi nâhĂ©sitait-il jamais Ă prĂ©ciser tel concept philosophique, lorsque les philosophes eux-mĂȘmes avaient laissĂ© dans lâombre un point de doctrine8. Il ne daignait pas non plus offrir ses services Ă son ami Cino da Pistoia, juriste et ÂnĂ©anmoins grand poĂšte du dolce stil novo, lorsquâil faisait appel lui lors de quelque procĂšs difficile9. Plus intĂ©ressant pour notre prĂ©sent propos, Gentile composa lui aussi des poĂšmes en langue vernaculaire, malheureusement perdus aujourdâhui. Ces quelques Ă©lĂ©ments nous invitent Ă lâintĂ©grer de plein droit dans le milieu intellectuel rapidement dĂ©crit ci-dessus.
Ă dĂ©faut de pouvoir proposer une Ă©tude globale des Ćuvres de Gentile da Foligno, tĂąche impossible dans lâespace qui nous est offert ici, nous concentrerons nos efforts sur son analyse de la passion amoureuse, thĂšme qui mobilise Ă la fois la mĂ©decine, la philosophie et la littĂ©rature. Alors que la mĂ©lancolie amoureuse avait dĂ©jĂ fait lâobjet dâun dĂ©bat littĂ©raire particuliĂšrement intense en Italie, dont lâacmĂ© peut ĂȘtre situĂ©e dans les Ă©changes poĂ©tiques entre Dante et Guido Cavalcanti, alors quâune importante production mĂ©dicale sur ce mĂȘme sujet avait vu le jour en Occident, dĂšs le XIIe siĂšcle10, que peut nous apporter le tĂ©moignage tardif de Gentile da Foligno ? Ses rĂ©flexions sur lâamour, jamais Ă©tudiĂ©es de prĂšs Ă ce jour, laissent transparaĂźtre une pensĂ©e singuliĂšre, tant sur les rapports entre lâĂąme et le corps, que sur la nĂ©cessaire complĂ©mentaritĂ© entre le point de vue du mĂ©decin et celui du poĂšte. Elles indiquent en outre un changement historique et philosophique important et durable des conceptions poĂ©tico-mĂ©dicales de lâamour. Quelle est lâorigine de la passion amoureuse ? Comment la pensĂ©e et lâimagination agissent-elles sur le corps ? Quel pouvoir doit-on attribuer Ă la parole dans les manifestations physiques qui accompagnent la passion ? Autant de questions qui sont intimement liĂ©es dans les dĂ©bats mĂ©diĂ©vaux sur lâamour, sans ĂȘtre nĂ©cessairement traitĂ©es ensemble11. Gentile da Foligno les aborde de concert dans son commentaire au Canon dâAvicenne. Les causes et les effets de cette passion, ainsi que ses remĂšdes, seraient nouĂ©s dans le jeu subtil des pouvoirs de lâimagination et de la parole. Or, si lâimportance de lâimagination, dans ce contexte, a Ă©tĂ© remarquĂ©e de longue date, et mĂȘme thĂ©orisĂ©e par Giorgio Agamben12, la place de la parole, en revanche, et en particulier de la parole poĂ©tique, constitue un thĂšme plus rare, en tout cas chez les mĂ©decins.
Nous tenterons donc de montrer le caractĂšre exceptionnel de ce tĂ©moignage. Il sâagira surtout de prĂ©ciser les raisons de cette singularitĂ©, en insistant sur quelques caractĂ©ristiques saillantes du commentaire de Gentile da Foligno au chapitre du Canon dâAvicenne consacrĂ© Ă lâamour : lâinfluence de Platon et du platonisme, les rĂ©flexions originales sur les rapports entre poĂ©sie et mĂ©decine, ou encore la reprise dâune discussion de Pietro dâAbano sur lâefficacitĂ© des pratiques incantatoires, appliquĂ©e de maniĂšre inĂ©dite au thĂšme de lâamour.
Avicenne, lâamour et les rapports entre lâĂąme et le corps
Les travaux de Jackie Pigeaud ont montrĂ© que dĂšs lâAntiquitĂ© lâanalyse des « maladies de lâĂąme » en gĂ©nĂ©ral, et de la mĂ©lancolie amoureuse en particulier, a constituĂ© un champ dâexpĂ©rimentation pour les mĂ©decins et les philosophes, traçant des lignes de partage, parfois trĂšs nettes, entre diffĂ©rentes conceptions des rapports entre lâĂąme et le corps13. Sâopposaient alors diverses formes de dualisme et de monisme, les uns confĂ©rant un primat au corps, les autres prĂ©fĂ©rant insister sur le rĂŽle de lâĂąme elle-mĂȘme. Galien, par exemple, dans son commentaire aux Pronostics dâHippocrate, traduit en latin au XIe siĂšcle Ă partir dâune version arabe, range lâamour maladif aux cĂŽtĂ©s dâautres Ă©motions, comme la tristesse ou la joie par exemple, dont lâorigine se trouve Ă la fois dans la matiĂšre et la pensĂ©e14. Autrement dit, pour Galien, lâamour devenu pathologique ne serait pas vĂ©ritablement une maladie Ă part entiĂšre, mais serait plutĂŽt une forme de dĂ©rĂšglement Ă©motionnel, venant perturber le fonctionnement du corps, et qui proviendrait in fine dâun dĂ©sĂ©quilibre dans la complexion du corps.
En Occident, le point de vue mĂ©dical sur lâamour a sensiblement Ă©voluĂ© Ă partir du XIIe siĂšcle, avec lâarrivĂ©e de nouvelles traductions de textes de langue arabe et le dĂ©veloppement de lâenseignement mĂ©dical, notamment Ă Salerne, puis dans les universitĂ©s du nord de lâItalie. Ainsi, le Viaticum peregrinantis, un guide de santĂ© pour les voyageurs attribuĂ© Ă Constantin lâAfricainâmais qui est en fait une adaptation latine du KitÄb ZÄd al-musÄfir du mĂ©decin Ibn al-JazzÄr (mort en 979)15âest rapidement devenu lâune des sources les plus souvent citĂ©es Ă propos de lâamour16. Avec ce traitĂ©, la passion amoureuse devient une maladie distincte. La mĂ©lancolie amoureuse y est dĂ©finie comme une maladie qui touche le cerveau (est cerebro contiguus) et qui est intimement liĂ©e au dĂ©sir et au plaisir.
Il sâagit en effet dâun intense dĂ©sir, accompagnĂ© de concupiscence excessive et dâune affection des pensĂ©es. Câest pourquoi certains philosophes disent : eros est le nom dĂ©signant le plus grand plaisir. De mĂȘme, en effet, que la fidĂ©litĂ© est la forme ultime de lâamour, de mĂȘme eros est la forme extrĂȘme du plaisir17.
Selon lâauteur, il est difficile de dĂ©terminer si la cause se situe dans le corps ou dans lâĂąme. Il sâagit parfois dâun simple excĂšs dâhumeur, auquel cas seul le coĂŻt permettra de rĂ©guler le corps. Sâil sâagit en revanche dâun dĂ©rĂšglement du dĂ©sir et des pensĂ©es, sans autre cause que la vue ou lâimagination dâune « belle forme », alors il faudra distraire lâĂąme.
Ă lâĂ©vidence, lâauteur hĂ©site ici entre un modĂšle platonicien, centrĂ© sur lâapprĂ©hension de la forme dans lâĂąme, et un mod...
Table of contents
- Title Page
- Copyright
- Contents
- Introduction
- La notion philosophico-mĂ©dicale de spiritus dans lâAvicenne latin
- Skin, the inner senses, and the readersâ inner life in the Aviarium of Hugh of Fouilloy and related texts
- Les cinq sens, le corps et lâesprit
- Language, Soul, & Body (Parts)
- Corps et espritâLes olhs espiritaus de Bernard de Ventadour et la maladie de Tristan
- The Medical, the Philosophical, and the Theological Discourses on the SensesâCongruences and Divergences
- La poĂ©sie mystiqueâIacopone da Todi et les contradictions de lâĂąme
- Animae sequuntur corporaâLe philosophe, les astres et la physiognomonie au XIIIe siĂšcle
- Amour, imagination et poĂ©sie dans lâĆuvre mĂ©dicale de Gentile da Foligno
- Petrarch and the SensesâPetrarchâs Anthropology of Love and the Scholastic Transformation of Christian Ethics
- Melancholy and Creativity in Petrarch
- Bodies without Minds, Minds without BodiesâTales of the Night in the Fabliaux and Boccaccio
- Le « contact virtuel » entre un esprit et un corps et lâaction Ă distance
- Retorica delle passioniâLa preghiera tra anima e corpo