Introduction - Partie 1
Depuis des siècles, les épidémies comptent parmi les faits historiques les plus marquants de notre civilisation. De -430 avec la peste d’Athènes à 2014 avec l’épidémie d’Ebola, ce sont au moins dix-huit épidémies qui ont marqué notre histoire, causant la mort de centaines de millions de personnes.
Toutes ont sensiblement les mêmes impacts : saturation du système de santé ; hyperexposition des travailleurs issus des secteurs essentiels au fonctionnement de la société ; désorganisation de la vie sociale ; accroissement de la pauvreté, de l’insécurité, de l’isolement, des violences domestiques ; dégâts psychologiques ; sans oublier les pertes financières dans plusieurs secteurs d’activité. Une étude de 2008 de la Banque mondiale1 a d’ailleurs évalué à 3000 milliards de dollars le coût d’une « grave » pandémie.
Les épidémies qui ont marqué l’histoire jusqu’en 20192
La peste d’Athènes (-430 à -426 avant J.C), première pandémie documentée de l'histoire, aurait causé la mort de 200 000 personnes. La « peste » antonine ou peste galénique, aurait causé, elle, 10 millions de morts entre 166 et 189. La peste de Justinien, débutée en 541 tuera environ 25 millions de personnes à travers le monde. La peste noire3, débutée vers 1347, s’est rapidement étendue en Europe et dans certaines régions d’Asie, faisant 75 millions de morts. La troisième pandémie de choléra, considérée comme la plus dévastatrice des grandes pandémies historiques avec des millions de morts, sévit de 1852 à 1860. La grippe espagnole, aurait tué entre 50 et 100 millions de personnes dans le monde en 1918 et 1919, dont 20 à 30 millions en Europe. Liée au virus influenza H2N24 et identifiée en Chine de 1956 à 1957, la grippe asiatique est la deuxième pandémie grippale la plus mortelle après celle de la grippe espagnole. Elle s’est répandue un peu partout dans le monde, causant 1 à 4 millions de morts selon l’Organisation Mondiale Santé (OMS)5. Sa souche a ensuite évolué et entraîné une autre pandémie de 1968 à 1969, surnommée la grippe de Hong Kong, liée au virus A(H3N2), tuant environ 1 million de personnes. Au milieu des années 1970, la variole6, aussi appelée la « petite vérole », réapparue, toucha plus de 100 000 personnes et en tua 20 000 en Inde. En 1798, le médecin anglais Edward Jenner publia dans An inquiry into the causes and effects of the variolae vaccine7 les résultats de son expérience du 14 mai 1796 au cours de laquelle il pratiqua la première vaccination sur un petit garçon. On connaitra ensuite la rougeole8, la dengue9 et le VIH10, dont les premiers signes d’épidémie sont apparus à la fin des années 1970. Le virus du chikungunya11, quant à lui, a fait sa réapparition dans les années 2000. Les épidémies de fièvre jaune12, ont sévi entre 2001 et 2016, l’Afrique étant le continent le plus touché, comptant 95% des cas recensés dans le monde. Le SRAS13 (coronavirus responsable du syndrome respiratoire aigu sévère) a émergé en novembre 2002 en Chine et s’est propagé dans 30 pays. Le virus Zika14, détecté chez les humains dans les années 1970, provoque une nouvelle épidémie en 2007 dans les îles du Pacifique, qui se propage entre 2013 et 2015 dans les régions dites d’outre-mer et en Amérique latine. Le virus de la grippe A (H1N1)pdm0915 est apparu en 2009 au Mexique. Il est différent du virus A(H1N1) qui circulait de façon saisonnière. L'OMS a qualifié la situation de « pandémique » en juin 2009 et a déclaré la phase post-pandémique en août 2010. Depuis, le virus A(H1N1)pdm09 se comporte comme les autres virus grippaux saisonniers et est régulièrement responsable d’épidémies hivernales.
En 2012, c’est le MERS-CoV16 (Coronavirus du Syndrome Respiratoire du Moyen-Orient) qui fait son apparition en Arabie Saoudite. Détecté dans plusieurs pays du Moyen-Orient, il a causé 449 décès. La France a connu deux cas en 2013. Il est identifié en Corée du Sud le 20 mai 2015, contaminant indirectement 154 personnes à la date du 16 juin 2015, dont 19 mortellement.
En 2014, une épidémie du virus Ebola17 (l’Ebolavirus Zaïre) a été identifiée en Guinée forestière, puis s’est étendue aux pays voisins. En juin 2016, l’OMS annonce la fin officielle de l’épidémie qui aura causé 28 000 cas officiellement déclarés, dont plus de 11 000 décès. On ignore l’origine du virus, mais les données disponibles actuellement semblent désigner certaines chauves-souris frugivores (Ptéropodidés) comme des hôtes possibles. Ces dernières auraient contaminé par la suite un autre animal plus proche de l’homme. Le virus se propage ensuite dans les populations par transmission interhumaine. Il n’existe à l’heure actuelle aucun traitement ni vaccin homologués.
En septembre 2019, face à cette dernière épidémie d’Ebola, l’OMS publie un premier rapport annuel18 relatif à la lutte mondiale contre les crises sanitaires et son constat est clair :
« Si les maladies ont toujours fait partie de l'expérience humaine, une combinaison de facteurs tels que l'insécurité et les catastrophes naturelles a accru notre vulnérabilité. Les maladies se développent tirant profit de ce chaos: les épidémies se multiplient depuis plusieurs décennies et le spectre d'une crise sanitaire mondiale se profile à l'horizon. S'il est vrai de dire que « le passé est un prologue », alors il existe une menace très réelle de pandémie hautement mortelle qui serait causée par un agent pathogène respiratoire qui se propagerait rapidement, tuerait 50 à 80 millions de personnes et anéantirait près de 5 % de l'économie mondiale. Une pandémie mondiale de cette ampleur serait catastrophique, créant des ravages, de l'instabilité et de l'insécurité à grande échelle. Le monde n'est pas préparé. »
Lors des épidémies de peste noire et de grippe espagnole, des mesures de confinement total ou partiel avaient été mises en place pour lutter contre la propagation du virus, peu d’autres moyens étaient connus ou accessibles à cette époque.
Alors que le monde a fait face à de nombreuses épidémies, avons-nous tiré des leçons de ces expériences ? Des méthodes de mise en quarantaine nationale sont-elles encore nécessaires ? Ne sommes-nous pas capables d’anticiper et de préparer les populations ? Ou sommes-nous trop occupés à consommer toujours plus ? À détruire nos écosystèmes ?
Ces virus sont principalement transmis de l’animal à l’homme et nous en sommes en partie responsables. En effet, déforestations, élevages intensifs, chasse et vente - pour la consommation - d’animaux vivants, sont autant de situations qui favorisent la multiplication des contacts animal/homme. Le risque de transmission et de mutation des virus s’accroît, c’est ce qu’on appelle des zoonoses. Nos modes de vie prennent ensuite le relais en permettant aux virus de se propager très largement. Nous fabriquons collectivement les épidémies.
Année après année, les alertes se sont multipliées. Des comités, des groupes de travail et des organisations se sont relayés pour prévenir du danger imminent. Et pourtant, nous ne sommes toujours pas prêts.