1- De l’enfance de Jeanne d’Arc à son départ.
Transportons nous sur les bords de la Meuse.
Elle serpente d’un côté à l’autre de sa vallée et baigne de nombreux villages: Frébé-court et son château de Bourlemont; Coussey, Gondrecourt, Maxey, Burey, Greux, Chalaines à l'est de Vaucouleurs. Sur la route de Greux à Gondrecourt il y a Domrémy. C’est donc là que nait Jeanne D’arc.
L'évêque l'interroge sur ses parrain et marraine, sur celui qui la baptisa, sur son âge à elle : elle a environ dix-neuf ans! Puis elle ajoute ne rien savoir de plus à ce sujet.
Il n’y a rien d’étonnant à ce que la Pucelle ne connaisse pas sa date de naissance. Les paroisses n’étaient pas obligées de tenir les registres de baptêmes, mariages et sépultures avant l’ordonnance de Villers-Coterets de 1539.
L’enquête préliminaire ordonnée par les juges à Domrémy recueille des témoignages qui confirment cet âge approximatif de 18 à 20 ans en 1431. Jeanne serait donc née vers 1412. Ce sont les meilleures sources. Le conseiller royal Perceval de Boulainvilliers retrace l'activité et les faits d'armes de Jeanne d’Arc dans une lettre rédigée le 21 juin 1429 et adres-sée au duc de Milan, mais il invente une légende relative à sa naissance durant la nuit de l'Épiphanie, autrement dit le 6 janvier, sans spécifier l’année.3
Son père, Jacques d’Arc est né en Champagne, à Séfond près de Montier-en-Der; sa mère, Isabelle Romée vient de Vouthon, village sur la route de Gondrecourt. (Cf carte) Le village de Domrémy est imbriqué dans un territoire de diverses suzerainetés. Il est situé aux marches du comté de Champagne, et des duchés de Barre et de Lorraine.
Sur le plan politique Domrémy relève, sur la rive gauche de la Meuse, du duché de Bar pour lequel le duc prête hommage au roi de France depuis 1301. Édouard III de Bar, son frère, Jean de Bar, seigneur de Puysaye, et son petit-fils le comte de Marle, meurent à la ba-
lement évêque de Verdun, jusqu’à son décès en 1430. Le village est aussi rattaché à la châtellenie de Vaucouleurs, sous l'autorité directe du roi de France qui y nomme un capitaine, le sire de Baudricourt, au temps de Jeanne d’Arc, resté fidèle au Valois il devait encore en 1428 combattre les Anglo-Bourguignons venus dé-truire l’église de Domrémy.
Enfin, sur le découpage religieux, l’église de Domrémy dépend de la paroisse de Greux, au diocèse de Toul dont l'évêque est prince du Saint-Empire germanique.
Jeanne est née dans la ferme familiale proche de l’église de Domrémy. L’église de Domrémy est d’une importance moyenne. Elle nous donne une information sur les res-sources locales et la richesse très relative des habitants de la paroisse. (Cf Annexe 5)
Les juges de 1431 et les chroniqueurs Jean Chartier et Perceval de Cagny pensent que Jeanne est née dans la partie sud du village. Seul Perceval de Boulainvilliers considère pour sa part que Jeanne d’Arc est née dans la châtellenie de Vaucouleurs et donc du royaume de France depuis 1291.
Origine du nom « d’Arc».
La Pucelle répond à ses juges que son « nom » est Jeanne (Jeannette « dans son pays ») et son « surnom » « d'Arc». Par surnom, on entend nom de famille. « de Arco » si-gnifie « de l'arche » ou « du pont ». Comme la très grande majorité des noms de famille, « Arc » tire donc son origine d’un lieu-dit, mais aucun document notarial n’en atteste l’exis- tence dans la région, sauf la commune d’Arc en Barrois. Il est à noter que le nom patrony-mique n’est pas très courant dans les registres paroissiaux une centaine d’années plus tard.
Les juges de 1431, soucieux de respecter la coutume du droit romain veulent attribuer un nom paternel à celle qui se dit s’appeler simplement « Jeannette » dans son pays. Mais on remarque que « Johanna Darc » n’est jamais transcrit dans les procès-verbaux.
En 1456 pour laver leur honneur de l’infamie de la condamnation, les membres de la famille se retrouvent derrière le patronyme « Darc » pour déposer plainte.
Jean et Pierre les deux frères, qui rapidement rejoindront Jeanne dans son combat, se feront ensuite appeler « Du Lys » en référence aux armoiries conférées par les lettres de no-blesses royales de 1429. (Cf Annexe 10)
Le 24 mars 1431 Jeanne revendique le lien matrimonial expliquant que dans son village de Domrémy, l’usage veut que les filles portent le nom de leur mère. En conséquence taille d'Azincourt. Le duché de Bar échoit à Louis, frère survivant du duc défunt. Il est éga on peut conclure que selon l’usage local à l’instar des enfants de son village, Jeanne était appelée « La Jeannette de la Romée ». Le nom patrony-mique est donc peu usité à cette époque. Partout en France, au lendemain du siège d’Orléans, le per-sonnage est connu selon le sobriquet de « la Pucelle » avec une majuscule. Elle même le revendique, « Puella » signifiant « la jeune fille consacrée à Dieu ». Il existe plusieurs hypothèses sur l’origine du nom de sa mère; « La Romée » pour-rait être une allusion à un ancêtre ayant fait le pèlerinage à Rome.
Rue de Domrémy vers 1900.
La famille:
Jeanne est la fille de Jacques d’Arc et d’Isa-belle Romée.
Il y a cinq enfants. (Cf Arbre généalogique annexe 4). Le père est laboureur cela ne signifie pas qu’il est pauvre. Le laboureur est un paysan aisé. Il possède des terres, une charrue, un bât, des bêtes de somme, ses revenus lui permettent de louer les services d’un maçon à la construction ou l’entretien de l’immobilier.4
Bien que construite en pierre, sa maison familiale comporte uniquement trois pièces. Arc bénéficie vraisemblablement d'une certaine notoriété à Domrémy, certaines archives de la paroisse notent sa représentation dans la communauté des villageois.
Jeanne est décrite comme très pieuse par tous les témoins de l’enquête du procès. Elle se rend avec d’autres jeunes chaque dimanche à la chapelle de Bermont, près de Greux. Comme tous les enfants elle fait les travaux de la maison: ménage, cuisine, aide aux mois-sons et garde le bétail. Elle répond à une question suivante de ses juges: « Interrogée si, dans sa jeunesse elle avait appris quelque métier, elle dit que oui, à coudre les pièces de lin et à tisser, et elle ne craignait point femme de Rouen pour tisser et coudre » (deuxième séance publique du procès, 22 février 1431).
Et le surlendemain, 24 février: « Interrogée si elle conduisait les animaux aux champs, elle dit qu'elle avait répondu à un autre moment à ce sujet, et que, après qu'elle soit devenue plus grande et qu'elle eût l'âge de raison, elle ne gardait pas habituellement les animaux, mais aidait bien à les conduire aux prés, et à un château appelé l'Île, par crainte des gens d'armes ; mais qu'elle ne se souvenait pas si dans son enfance, elle les gardait ou non. »
Elle aurait mis fin à un projet matrimonial en 1428.
Les voix, ses visions et la révélation:
L’un des premiers à documenter officiellement « la voix » entendue par Jeanne, c’est le conseiller royal Perceval de Boulainvilliers dans sa lettre du 21 juin 1429 au duc de Milan5 . Il est suivi par Alain Chartier qui écrit une lettre après le sacre.
Jeanne est bien entendu interrogée au sujet des voix. Le 22 février 1431 elle affirme que c’est à l’âge de treize ans, alors qu’elle se trouvait dans le jardin de son père, à droite, du côté de l’église qu’elle vit une grande clarté et qu’elle reçut pour la première fois une « révé-lation de Notre Seigneur par une voix qui l'enseigna à soi gouverner ». Elle précise qu’elle ne comprend pas très bien au premier jour. Par la suite, Jeanne identifie les voix célestes des saintes Catherine et Marguerite et de l'archange saint Michel. Elles lui demandent d'être pieuse, de libérer le royaume de France de l'envahisseur et de conduire le dauphin sur le trône. Elle rencontre la foi très jeune, elle s’y consacre immédiatement. Elle s’isole des jeunes de son âge. Tout le village constate sa très grande ferveur religieuse mais qu’elle se tient à l’écart des superstitions locales.
Départ de Domrémy pour Chinon (1428 – février 1429)
En 1428 toute la France est déstabilisée par la guerre civile entre Armagnacs et Bour-guignons. (Lire page 161 et suivantes)
Les conséquences sont ressenties jusque dans le village de Domrémy attaqué en mai et juin 1428, bien loin de Bourges, la capitale du dauphin vers lequel s’adresse toutes les prières de « la Jeannette de la Romée »
Quand les nouvelles du siège d’Orléans parviennent aux oreilles de Jeanne, dans le courant de 1428, « le gentil dauphin » est sur le point de perdre son beau royaume. En ré-ponse à ses prières « la voix » ou les voix en échos reviennent, plus souvent et plus insis-tantes. Deux à trois fois par semaine dit-elle à son procès.
La voix lui répète qu’il faut partir en France. Mais comment aller seule si loin? Un jour elle reçoit l’ordre d’aller à Vaucouleurs, cette seigneurie près du duché de Bar. Robert de Baudricourt, lui seul peut donner une escorte. Jeanne craint de demander à son père l’auto-risation de s’y rendre. Sous prétexte d’aller aux relevailles d’une cousine germaine, qui s’ap-pelle elle aussi Jeanne, elle se rend à Burey. Pour cette aide elle est remerciée par le mari, Durand Laxart qui lui promet de l’emmener voir Beaudricourt.
Ils se mettent en route. Elle est en tenue de pay-sanne. Arrivée à Vaucouleurs, elle dit qu’elle veut s'enrô-ler dans les troupes du Dauphin. Elle demande audience à Robert de Baudricourt. Il lui permettrait de se rendre jus-qu’à la cour s’il voulait bien lui remettre une lettre de cré-dit qu’elle remettrait ensuite au roi. Beaudricourt fini par la recevoir. Elle lui dit qu’elle vient « de la part de son Seigneur, afin qu’il mandât au dauphin de bien se tenir et de ne point assigner bataille à ses ennemis, parce que le Seigneur lui donnerait secours avant le milieu du ca-rême. » L’étonnement de Beaudricourt ne l’émeu pas. Elle dit que « le royaume n’appartient pas au dauphin mais à son seigneur mais que son Seigneur voulait que le dauphin devînt roi… qu’en dépit de ses ennemis il serait roi, et qu’elle même le conduirait au sacre ».
- Quel est ton Seigneur » dit Robert.
- « Le Roi du ciel ...