La Persistance du sable

Marcel-Romain Thériault

• Publisher: Éditions Prise de parole
• Year: 2013
• eBook ISBN: 9782894238158
• Topic: Literature
• Subtopic: Canadian Drama
• Index: Literature

«La persistance du sable» constitue le deuxième volet d'un cycle d'écriture qui a pour thème Les mythes fondateurs de l'Acadie moderne, thème qui explore les soubresauts identitaires d'un peuple minoritaire. L'action se déroule de nos jours, mais a pour toile de fond la longue et pénible bataille perdue par les expropriés du parc national Kouchibouguac (Nouveau-Brunswick) au cours de la décennie1970. À cheval sur deux continents et deux époques, «La persistance du sable» est le récit d'un homme castré par l'entêtement et l'aveuglement idéologique d'une mère et qui «renaît» grâce à l'intelligence et la bienveillance d'une femme malienne. C'est la triste et poignante histoire d'une improbable réconciliation mère-fils. C'est la belle et touchante histoire d'un amour Noir et Blanc qui brave tous les tabous.

Acte II

Scène 1

Acadie. Hôpital de Moncton. Chambre de Mérilda.

Assise dans sa chaise, Mérilda est attentive à un reportage diffusé à la radio. Il y a un plateau-repas sur la tablette devant elle. Julie entre pour desservir. Le dialogue Julie / Mérilda chevauche le reportage.

R. Melanson Voix off. Encore une fois, cet été, les anciens résidents de Kouchibouguac sont conviés à de grandes retrouvailles. Tout un revirement quand on pense que, pendant longtemps, les expropriés ont plutôt été associés à des images de violence et de vandalisme.

Julie Joyeusement, en entrant : Bonjour! Elle s’approche de Mérilda. Mme Arsenault, vous avez pas encore fini de manger. Un temps. Mme Arsenault?

En 1969, la province du Nouveau-Brunswick annonçait en grandes pompes la création d’un parc national dans le comté de Kent ; c’était le début de ce qui allait devenir la crise de Kouchibouguac. Les poignées de main ont vite fait place aux coups de poing, quand a débuté l’expropriation de 1100 personnes et que sept villages furent rayés de la carte.

Mérilda Pas faim. Julie Vous pourrez pas manger avant le souper, là, à cinq heures et demie. Mérilda 1187!

Aujourd’hui, il y a toujours des expropriés qui exigent des excuses officielles. À ceux-là, on leur souhaite un bon pique-nique. Ici Richard Melanson, à Moncton.

Mérilda

Un pique-nique! Pourquoi pas une parade de chars allégoriques? Avec des expropriés sur les plateformes, vendus à la criée comme du bétail? Pis tant qu’à y être, pourquoi pas Jacky Vautour pendu en effigie!?

Julie

Le cabaret dans les mains :

Je vous ai laissé votre jus. Buvez-le, là, faut faire attention de pas vous déshydrater.

Mérilda

Maudit gouvernement à marde! Ben bon pour faire des bla-bla dans les Festivals, mais quand ça vient le temps d’être au service des citoyens pour de vrai…

Julie

Mon grand-père a été exproprié. Il parlait souvent de vous ; il vous admirait... Pépère Vienneau a toujours dit que vous aviez sauvé son permis de pêche.

Mérilda

C’est les pêcheurs, eux-autres mêmes, qui ont sauvé leur gagne-pain. Moi, tout ce que j’ai fait, c’est de les aider à s’organiser.

Julie

Moi, il faut que je vous dise : je travaille ici, mais je travaille au parc, aussi – ça me prend deux jobs pour avoir une paye qui a de l’allure.

Mérilda

Le parc est là, à c’tt’ heure, aussi ben en profiter.

Julie amorce une sortie, mais se ravise aussitôt.

Julie

D’un ton joyeux :

Ah oui, demain, Thérèse va venir s’occuper de vous. Elle va vous faire un spécial : elle va vous coiffer, pis faire vos ongles, pis si elle a le temps, elle va même vous maquiller.

Mérilda

Ben voyons, c’est quoi l’aria?

Julie

Elle va vous mettre toute belle pour la visite. De la grande visite, hein? Ben oui, ben oui, j’ai su ça : vos garçons s’en viennent. Le docteur de Montréal, pis l’autre, là, celui qui travaille en Afrique.

Mérilda

Joyal? Personne m’a parlé de ça.

Julie

Oups! Je pense que je viens de faire une gaffe, moi, là. Dites-leur pas que je vous l’ai dit. Pis faites semblant d’être surprise. OK?

Fondu enchaîné.

Montréal. Au même moment.

Joyal est assis dans la salle d’attente d’un cabinet médical. Il s’intéresse à une émission d’affaires publiques à la radio.

Animateur

Voix off.

… si je comprends bien, on n’a pas fini d’entendre parler des viaducs et des ponts ici à Montréal. Merci Patricia. Et nous rejoignons immédiatement notre collègue Richard Melanson, à Moncton. Alors Richard, la saga du parc Kouchibouguac, ça a commencé, il y a quoi, maintenant, quarante ans ?

Joyal se lève.

R. Melanson

Voix off.

Oui, je m’en souviens comme si c’était hier, c’était ma première affectation. À l’époque, la création de ce parc national a été qualifiée de deuxième déportation des Acadiens.

Animateur

Voix off.

Aujourd’hui, comment ça se passe?

R. Melanson

Voix off.

Martin, l’administration du parc veut que les anciens résidents puissent participer pleinement à la vie du parc, à son développement. Cette année, ce sera un gros pique-nique sur la plage.

Augustin entre, un téléphone portable en main ; il est en train d’écrire un message.

Le dialogue Augustin / Joyal chevauche le reportage.

Animateur Voix off. Est-ce qu’on sait si leur leader de l’époque, Jacky Vautour, sera présent? R. Melanson Voix off. C’est la grande question. Certains craignent qu’il puisse perturber les festivités. On se rappelledans les années 1970, tous les expropriés ont dû partir de gré ou de force, mais Vautour, lui, ne s’est jamais avoué vaincu. Il est revenu s’établir sur ses anciennes terres. On l’a laissé faire pour éviter toute nouvelle confrontation.

Augustin Bon, tes prélèvements sont partis au labo...

Table of contents

• Page couverture
• Du même auteur
• Titre
• Crédits
• Préface
• Remerciements
• Mot de l’auteur
• Distribution
• Résumé
• Prologue
• Acte I
• Acte II
• Acte III
• Épilogue
• Table des matières
• 4e de couverture