Étoffe du pays
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Étoffe du pays

Florence Mary Simms, Louis Pelletier

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  1. 160 pages
  2. French
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Étoffe du pays

Florence Mary Simms, Louis Pelletier

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Durant tout l'été 1910, Florence Mary Simms tient le journal de ses vacances à Cap-à-l'Aigle. Cette Britannique de passage descend dans une maison de pension du village où elle va participer à la vie quotidienne de ses habitants. Dans son récit, elle partage son expérience en toute simplicité et brosse un portrait de la vie des vacanciers de cette époque, avides de plein air, de dépaysement, d'excursions, de promenades sur la grève et de bains de mer.Ces souvenirs permettent aussi de voir se dérouler devant nous la vie des villageois de Cap-à-l'Aigle du début du XXe siècle, dans leurs activités ordinaires comme la cuisson du pain, la traite des vaches, la pêche dans le fleuve, le passage chez le forgeron pour ferrer les chevaux, les dévotions à l'église ou aux croix de chemin. Tout cela dans une langue remplie de poésie et de chaleur humaine, fidèlement rendue par la traduction de Louis Pelletier.Louis Pelletier est diplômé en littérature française de l'Université de Montréal et en sociologie de l'Université McGill. Il est l'auteur du livre La Seigneurie de Mount Murray, paru en 2008 aux éditions du Septentrion, seigneurie dans laquelle se trouvait le village de Cap-à-l'Aigle maintenant rattaché à La Malbaie. L'auteur de cette traduction s'est toujours intéressé à cette région où il réside durant l'été.

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Information

Year
2014
ISBN
9782896648627
Chapitre VIII
Le calme d’hier a laissé place à un matin capricieux. Le ciel est gris et changeant, s’ouvrant un peu à la lumière et faisant de fausses promesses de beau temps. Un grand vent et un trou dans les nuages m’ont amenée à ma place favorite dans les bois, à portée de vue et de son de la mer et du ruisseau de la montagne. Tout à coup le vent est tombé et de grosses taches de pluie ont souillé les aiguilles de pin et, comme je me dépêchais de grimper le sentier abrupt et accidenté, de grands roulements de tonnerre approchaient, accompagnés d’aveuglantes nappes de pluie.
La forge
Je me réfugiai dans la forge et fus assez chanceuse de trouver le forgeron martelant de grands clous de fer de six pouces de long et aussi épais que le pouce d’un homme. Le balancement des coups de marteau sur le métal rouge en fusion faisait résonner l’enclume et des étincelles brûlantes volaient dans toutes les directions ; cet étalement pyrotechnique était rehaussé par la noirceur, le vif éclat des éclairs et les grondements du tonnerre qui se répercutaient dans les collines et faisaient écho de rivage en rivage. Deux chevaux attendaient pour être ferrés ou d’avoir leur harnais réparé, leurs flancs luisants d’eau et leur crinière brillante sous le feu flamboyant. Des tas de copeaux de pin tout en rondeurs encombraient le plancher venant des rayons de roues de charrettes qui sont aussi faites ici, tout comme les jantes et les chevilles.
La noirceur se fit plus intense, les flammes brillèrent encore plus fort, les étincelles volèrent plus vite, les chevaux se mirent à trépigner nerveusement sur leurs licous et à frotter leurs sabots sur le plancher raboteux quand, tout à coup, un trou se fit dans les nuages et un rayon d’or pur perça la noirceur. L’orage était fini. En haut, une fois passées les branches dégouttantes et les marguerites mouillées de larmes, je cheminai, dépassant le poulailler où toutes les nichées s’étaient entassées, jusqu’à ce que je rejoigne la route que j’avais laissée couleur de sucre à la crème et qui s’était maintenant transformée en un luisant chocolat glacé.
Le tabac
En face de cette maison s’étend une parcelle de vingt verges carrées parsemée de boîtes de conserve en fer-blanc. Je m’imaginai qu’elles abritaient quelques plantes rares ou tendres, comme des tomates ou des artichauts, mais j’ai découvert après enquête que chacune contenait une racine de tabac canadien qui est séchée et enroulée dans chaque cuisine d’habitant pour le plaisir de Monsieur et de ses fils. La saison étant si courte, on cultive peu de fleurs ici, mais les carrés de tabac sont toujours soigneusement entretenus. On doit cultiver le narcotique de monsieur, mais il semble exister peu d’articles de luxe pour madame. Comme la fière mère des Gracques, elle peut montrer ses dix enfants, en disant : « Voilà mes bijoux » et se réjouir du luxe de tant d’amour.
Les enfants
La petite Charlotte est ma préférée avec sa petite figure brune aux yeux brillants, ses cheveux colorés à peu près de la même teinte et serrés par en arrière de son front en deux petites tresses étroites qui en rencontrent deux autres aussi petites un peu plus bas, les quatre attachées ensemble avec un ruban autrefois rose. Ces nattes qui volent comme des épingles à linge quand elle court et elle court tout le temps ! Ses jambes d’un noir coquet sous sa robe d’un bleu délavé sautillent de tous côtés en descendant le chemin. Elle a une petite face coquine si charmante – toute une allure faite d’espièglerie mélangée d’innocence. Elle est aussi gênée quand « les Anglaises » s’adressent à elle ; elle s’accroche alors à la galerie, les pieds ballants et la tête penchée et, à tout moment, elle ouvre sa petite bouche rose et laisse s’égoutter un peu de salive doucement sur le gazon. Non pas de façon vulgaire ou avec impudence, mais juste en raison de sa nervosité enfantine et de son incapacité à comprendre le français recherché de Mam’zelle !
Les poulets
Voyant que l’averse avait cessé, une mère poule brune a amené ses petits prendre l’air – dix-huit petites boules de duvet. Imaginez-vous des êtres si petits que vous ne pouvez les voir par-dessus une touffe de trèfles et alors que le premier gazon du début de l’été est comme une forêt vierge pour eux. Et les voilà, piaulant et pépiant après leur mère. Vox et praeterea nihil[27] leur servirait bien de blason, sur un fond vert, poudré d’argent.
Le boucher
La charrette du boucher disperse le petit groupe et tous déguerpissent sous la clôture, parmi les rosiers. Madame sort bientôt pour choisir la viande qui pend au toit par de forts crochets. Ce toit imperméable est noir à l’extérieur et blanc à l’intérieur. D’étranges coupes pendent ici. Des rôtis bizarres qui dérouteraient n’importe quel amateur pour dire de quelle partie ou même de quel animal ils proviennent. Le boucher a aussi ses balances – des balances primitives qui ne satisfont peut-être pas tout à fait les exigences de l’inspecteur gouvernemental des poids et mesures, mais qui jouent fort bien leur rôle ici. Madame choisit la partie désirée et le boucher la détache avec dextérité à l’aide d’un couteau à l’aspect dangereux, lui dit son poids (approximativement) et son prix (avec emphase), lui donne sa monnaie et, avec un petit salut, force gestes et un vivant « B’jour », quitte les lieux pour la prochaine maison où le même manège se répète.
Les cottages : l’Alert
Il y a plusieurs jolis cottages à Cap-à-l’Aigle et certains présentent un grand intérêt historique, notamment l’un de ceux-ci appelé l’Alert dont la finition intérieure est faite de boiseries et de portes venant d’un vieux vaisseau superbe qui fut l’un des navires faisant partie de l’expédition de sir George Nares[28] et de la Société royale de géographie en 1875, à la recherche du pôle Nord. Cette expédition était commandée par l’amiral Markham et accompagnée du Discovery. Ensemble, ils ont pénétré plus loin au nord que tous les explorateurs précédents. Une relique intéressante (encore conservée par les parents de l’amiral décédé) est un thermomètre qui rappelle qu’il fut amené jusqu’au 83e degré, 20 minutes, 26 secondes de latitude Nord, là où la température descendit jusqu’à moins 109 degrés. Le cadre de cet instrument est fait d’une planche du traîneau « Marco Polo » qui transporta ces intrépides voyageurs sur la glace quand ils furent obligés d’abandonner leur vaisseau. L’Alert était un sloop de 70 canons et, avant de quitter l’Angleterre, il avait été revêtu d’une couverture de tek de 7 pouces d’épais et tapissé partout de feutre. Il comportait un équipage de 60 hommes avec neuf bateaux. Il est intéressant de lire, dans un rapport détaillé du Strand Magazine d’il y a presque 20 ans, que le chien du commandant, appelé Nellie, accompagnait l’expédition et avait sa propre couverte brodée. Le magazine Punch publia une blague quand l’expédition revint : « Pourquoi l’amiral Markham n’a-t-il pas découvert le pôle Nord ? Parce que le Discovery n’était pas en Alerte !
La reine Victoria envoya ensuite ce célèbre navire assister le gouvernement américain dans sa recherche de la malheureuse expédition de Greeley[29]. L’équipage découvrit cet héroïque explorateur et les restes de ses compagnons en loques et à moitié morts et désespérés et les ramena à la civilisation. Peu de temps après, l’Alert fit un voyage d’Halifax à la baie d’Hudson et à York Harbour. Il était entendu qu’il devait retourner en Angleterre pour enrichir le nombre de ses curiosités navales, mais on le trouva incapable désormais de naviguer en haute mer et de résister à un voyage océanique. Il fut donc vendu à un marchand de ferrailles à Québec où, peu de temps après, il fut brûlé sur les battures de Beauport. Avant que n’arrive cette triste fin, deux dames entreprenantes qui résidaient à Cap-à-l’Aigle dans leur belle maison depuis plusieurs étés, entendant parler de la vente de l’Alert, pensèrent que ce serait une belle occasion d’obtenir quelques pièces de son équipement. Elles allèrent donc à Québec pour rencontrer l’acheteur.
Elles ont raconté leur histoire de façon fort pittoresque : « Vous savez, dirent-elles, nous avons dit au monsieur : nous voulons acheter certaines pièces de l’équipement de ce vieux bateau, mais on ne sait absolument rien de leur valeur – nous sommes complètement à votre merci ! Vous pouvez nous rouler, si vous le voulez, mais nous espérons que vous ne le ferez pas. » Elles ont donc acheté quatre coffrets à tiroirs en acajou, comme les officiers ont sous leurs couchettes, le pupitre utilisé par Greeley, plusieurs grandes portes d’acajou avec des plaques de cuivre et des serrures poinçonnées avec la large flèche de l’amirauté. Le buffet des officiers et une grande quantité de contrevents des sabords complétaient l’achat. Les dames prirent alors congé, très heureuses de leur activité du matin.
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Découpure de journal annonçant la vente de plusieurs cottages appartenant aux deux sœurs MacDonnell, Harriet et Emily, du Cap-à-l’Aigle, dont celui portant le nom de l’Alert, en souvenir du navire britannique du même nom. Collection : Claire Bhérer Villeneuve, no 005.
Peu de temps après, un de leurs amis entendit à bord du train une conversation entre le marchand de ferraille et un ami. Il disait : « Oui, j’ai vendu des accessoires de l’Alert à deux dames qui sont venues me voir et qui prétendaient n’y rien connaître. Deux clientes à la tête dure comme je n’en ai jamais rencontrées. Elles savaient la valeur de chaque pouce de cuivre qui se trouvait là et de chaque morceau de bois. Elles sont venues avec l’innocence des enfants, mais je crois qu’elles avaient plutôt la sagesse des serpents ! »
Autres cottages
L’ancien président Taft possède un splendide cottage à Murray Bay, de même que son frère et de nombreux Américains riches qui préfèrent les brises revigorantes du Saint-Laurent à l’air plus langoureux de la côte du Maine.
Une autre maison intéressante est un minuscule bungalow, littéralement un « pied-à-terre » sans plus, bâti comme une cabane de bûcherons sur le bord de la grande forêt, par une sœur de ce délicieux conteur de petites histoires, Frank Houghton, dont les descriptions de la vie dans l’Ouest sont très vivantes et pleines d’humour. Pour avoir vécu avec les rudes pionniers de l’Ouest et dans des camps de bûcherons, il a acquis beaucoup de leur langage direct et de leur vivacité d’expression. Les histoires qu’il raconte de ses hauts et de ses bas sont riches en couleur, rehaussées d’une touche pathétique. Il raconte ses souvenirs, de sa tranquille voix anglaise – ce qui nous fait penser qu’il n’a jamais été dans un endroit moins civilisé qu’un salon londonien : « Il me semble, dit-il, que j’ai été “cassé”, comme on dit, dans une bonne moitié des villes de l’Ouest. Mais je pense que mon expérience à Vancouver a probablement été la plus drôle. »
Une anecdote à Vancouver
« Je me souviens d’avoir eu une chambre, payable à l’avance, chaque semaine sur… (je ne me souviens pas du nom de la rue) et un billet de repas avec 30 cents encore valides dessus ce billet et 95 cents en monnaie.
« De façon à faire durer le plus longtemps possible le billet de repas, je ne mangeais qu’un seul repas par jour et j’agissais ainsi depuis dix jours. Et les repas, dans un restaurant bon marché de Vancouver, en toute conscience, on ne peut pas dire qu’ils sont luxueux.
« Dans l’après-midi du onzième jour (je prenais toujours mon unique repas dans l’après-midi), en plus d’être affamé au point de vouloir manger mes bottes, je me sentais insouciant. Je décidai de jouer sur un seul repas ce qui me restait de mon billet de repas et je le fis. Ce ne fut pas un grand repas ! Quand je quittai le restaurant, toute ma fortune terrestre s’élevait à exactement 95 cents. Il pleuvait cet après-midi-là, comme d’habitude.
J’avais un ami auquel je voulais téléphoner. Sur la rue Hastings, près de Granville, vivait un pharmacien philanthropique et bienveil...

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