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Essai sur la fiction et l'histoire

  1. 250 pages
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Essai sur la fiction et l'histoire

About this book

RĂ©cit d'une obsession pour la crise d'octobre 1970, cet essai nous entraĂźne tout autant dans les labyrinthes de l'histoire politique que dans l'atelier du romancier, oĂč la justesse des faits le dispute Ă  la tĂ©nacitĂ© d'un mythe auquel contribuent militants, acteurs politique, policiers, agents de renseignement et autres personnages. Aussi mineure que puisse paraĂźtre cette crise politique en comparaison de celles qui avaient lieu ailleurs dans le monde au mĂȘme moment, sa dimension symbolique rĂ©siste Ă  l'usure du temps.Histoire d'une obsession d'Ă©crivain, donc, mais aussi histoire d'une double fabrication. Car ici les montages de la fiction cĂŽtoient ceux du pouvoir politique et des services de police et de renseignement. Cette inquiĂ©tante proximitĂ© dĂ©bouche sur un grand jeu de la vĂ©ritĂ© qui ne promet aucune rĂ©solution dĂ©finitive. C'est l'originalitĂ© et la beautĂ© de vouloir rĂ©soudre une Ă©nigme politique par le truchement de la fiction. Qui donc est manipulĂ© dans cette histoire et dans l'histoire de la crise d'Octobre? Les militants du FLQ, les acteurs politiques de l'Ă©poque, les citoyens du QuĂ©bec, les lecteurs de Louis Hamelin? Pas Ă©tonnant que le romancier rĂ©sume son aventure en ces termes: « Une magistrale leçon de lecture. »

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L’Italie (1)
Depuis longtemps, affirmer que le roman et l’idĂ©ologie font mauvais mĂ©nage relĂšve du lieu commun le plus banal. La prĂ©caution d’ajouter l’adjectif officielle Ă  idĂ©ologie devrait s’imposer, ne serait-ce que pour nous rappeler que, loin de ses manifestations les plus extrĂȘmes et les plus Ă©triquĂ©es, l’idĂ©ologie est aussi ce milieu mental dans lequel, comme sociĂ©tĂ©, groupe, individu, nous baignons sans mĂȘme, Ă  de rares exceptions prĂšs, en ĂȘtre conscients. Cela dit, il faudrait aussi, seconde prĂ©caution, distinguer l’idĂ©ologie, entendue dans son sens le plus Ă©troit, de la pensĂ©e politique, la premiĂšre ne donnant le plus souvent qu’une pauvre idĂ©e de la forme fossilisĂ©e que peut prendre la seconde.
Un romancier peut se permettre d’avoir une pensĂ©e politique, non de suivre une idĂ©ologie reconnue, le plein accord avec cette derniĂšre, ciment dans les fissures du doute, Ă©tant la voie la plus sĂ»re pour tuer son ouvrage. S’il ne peut se dĂ©fendre d’entretenir, fĂ»t-ce inconsciemment, une idĂ©ologie – soit le faisceau de valeurs Ă  partir desquelles il Ă©crit –, mettre sa prose au service d’une pensĂ©e officielle, d’une idĂ©ologie agréée, serait une dĂ©viation contre-nature, pour ne pas dire un crime contre l’esprit ironique de la prose romanesque. Et cette remarque s’appliquant Ă  la situation du romancier gĂ©nĂ©raliste devient, chez le romancier de l’histoire, l’exigence d’une extrĂȘme vigilance puisque, peu importe la forme qu’il lui donne, le jugement politique exercĂ© sur le passĂ© constitue une dimension Ă  laquelle son travail ne saurait Ă©chapper.
En 1974, Elsa Morante, dont l’Ɠuvre rare avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© couronnĂ©e par les deux principaux prix littĂ©raires italiens, fit paraĂźtre La storia, un gros roman populaire sur la traversĂ©e italienne du xxe siĂšcle, et particuliĂšrement de la Seconde Guerre mondiale. Le livre, Ă  commencer par cette Ă©tiquette mĂȘme de populaire que lui reprochait la critique, provoqua, dĂšs sa parution, une controverse dans son pays. On y jugeait, d’une part, dĂ©placĂ©e, poseuse et extravagante la prĂ©tention de la romanciĂšre Ă  exiger et obtenir que son livre fĂ»t disponible, dĂšs ses premiers tirages, dans une Ă©dition de poche vendue Ă  un coĂ»t accessible. Mais la critique de gauche contestait aussi bien le caractĂšre populaire du contenu de l’Ɠuvre, faisant remarquer qu’aucun des personnages auxquels Morante avait prĂȘtĂ© vie n’était un authentique prolĂ©taire. C’est principalement le dĂ©faut idĂ©ologique de l’histoire selon Morante qui fit l’objet des critiques les plus fĂ©roces.
1974. Les annĂ©es de plomb. À mi-chemin de la fondation des Brigades rouges (1970) et du redoutĂ© « compromis historique » par lequel le prĂ©sident de la DĂ©mocratie chrĂ©tienne et premier ministre de l’Italie, Aldo Moro, va presque rĂ©ussir, deux mois avant sa mort, Ă  faire entrer les communistes au gouvernement (1978). En attendant, la gauche prolĂ©tarienne et anti-impĂ©rialiste a le vent dans les voiles.
Quand j’ai lu La storia, je me souviens d’avoir ressenti, par moments, un certain agacement devant l’approche choisie par la romanciĂšre, qui donnait l’impression de vouloir situer sur un mĂȘme plan, dans l’échelle de l’importance historique, les balbutiements langagiers inauguraux du petit Useppe, nĂ© du viol d’une Romaine par un soldat allemand ivre, et les funĂšbres prestiges de la participation des lĂ©gions italiennes Ă  l’invasion de l’URSS. À l’époque de ma lecture, n’ayant pas encore moi-mĂȘme procréé, je me montrais peu sensible Ă  cette magie des calembours et calembredaines enfantins. Celle d’un enfant dont la langue, mĂšre de toutes les crĂ©ations verbales, s’édifie Ă  coups d’erreurs Ă©mouvantes et d’involontaires et comiques envolĂ©es poĂ©tiques. Le parti pris de Morante, qui Ă©tait d’incarner le point de vue, sur l’histoire dite universelle, des ĂȘtres les plus faibles, des immĂ©moriales victimes innocentes des guerres de toujours, m’avait Ă©chappĂ©, au point que je jugeais disproportionnĂ©es non seulement la place occupĂ©e par Useppe dans la trame narrative, mais aussi celle du chien-chien de la famille. Je marchais encore Ă  plein dans l’hommerie de l’histoire.
Dans La storia se profile une sensibilitĂ© Ă©rigĂ©e en un large spectre idĂ©ologique qui, de fĂ©minine Ă  fĂ©ministe, dĂ©ferle au mĂȘme moment sur tout un pan de la littĂ©rature occidentale. Morante choisit d’investir cette sensibilitĂ© dans la structure convenue du gros roman Ă  succĂšs, plutĂŽt que dans les aventures formelles plus ou moins lisibles d’une avant-garde dĂ»ment identifiĂ©e.
ConsidĂ©rĂ© du strict point de vue de l’idĂ©ologie, le roman d’Elsa Morante Ă©tait plus proche du monde que des idĂ©es. Il heurtait de front l’idĂ©ologie dominante d’une grande partie de la littĂ©rature et de la critique italiennes de ces annĂ©es de plomb, plus proche de l’extrĂȘme gauche, ou d’un mythique eurocommunisme en forme de troisiĂšme voie, que d’une droite adossĂ©e Ă  son repoussoir fasciste.
Le roman, qui provoqua la rupture de l’auteure avec Pasolini, un compagnon de route, dĂ©rangeait avec son idĂ©ologie imprĂ©cise dont l’impardonnable pĂ©chĂ© Ă©tait sans doute de ne pas ĂȘtre immĂ©diatement rĂ©ductible Ă  une ligne de parti, Ă  un kit de pensĂ©e convertible en action, voire Ă  une posture pacifiste rĂ©cupĂ©rable par un camp, plutĂŽt qu’à une position morale, gĂ©nĂ©rale, totale sur la guerre, voisine de celle qu’exprimait le Bardamu de CĂ©line dans Voyage au bout de la nuit : « Je ne veux plus mourir. »
L’Italie (2)
Il s’agit de formes de complicitĂ© entre nous et les pouvoirs qui nous empĂȘchent, les pouvoirs et nous, de dire ce qui s’est vraiment passĂ©.
Alberto Franceschini, Brigades rouges :
l’histoire secrĂšte des BR racontĂ©e par leur fondateur
Par une Ă©trange facĂ©tie de l’histoire, il semble que les ennemis d’hier – les brigadistes et l’État – aient rĂ©ussi Ă  trouver un moyen pour coexister, mais seulement Ă  travers leurs silences rĂ©ciproques.
Giovanni Fasanella, Brigades rouges :
l’histoire secrĂšte des BR racontĂ©e par leur fondateur
Au mitan des annĂ©es 1970, le noyau historique des Brigades rouges est dĂ©cimĂ© : Alberto Franceschini et Renato Curcio sont arrĂȘtĂ©s en 1974, Mara Cagol tombe l’annĂ©e suivante. La gĂ©nĂ©ration de brigadistes qui leur succĂšde, dominĂ©e par Mario Moretti, afin de frapper les institutions politiques Ă  la tĂȘte du pays, haussera la violence anti-Ă©tatique Ă  un niveau supĂ©rieur, inaugurant les annĂ©es de plomb.
Le 16 mars 1978, un commando d’une dizaine de brigadistes intercepte le convoi formĂ© par la voiture du premier ministre dĂ©mocrate-chrĂ©tien, Aldo Moro, et son escorte, en route pour le parlement, et mitraille mortellement ses cinq gardes du corps avant d’emmener le chef de l’exĂ©cutif en captivitĂ©. Moro n’aura pas la chance du juge Sossi, relĂąchĂ© par Franceschini quatre ans plus tĂŽt, au moment oĂč l’étau se resserrait autour de sa « prison du peuple ». Il est retrouvĂ© criblĂ© de balles cinquante-cinq jours aprĂšs sa capture, dans le coffre d’une voiture abandonnĂ©e en plein centre de Rome.
« Si tu veux comprendre la crise d’Octobre, intĂ©resse-toi Ă  l’affaire Moro », m’avait conseillĂ© Jacques Cossette-Trudel au cours d’une de nos conversations tĂ©lĂ©phoniques. Et c’est ce que j’ai fait.
Au-delĂ  de la simple coĂŻncidence que reprĂ©sente le fait d’avoir tous les deux Ă©tĂ© retrouvĂ©s morts dans le coffre d’une voiture, par-delĂ , aussi, une Ă©vidente diffĂ©rence d’échelle – les brigadistes et leurs complices, sympathisants actifs et membres des rĂ©seaux de soutien, ont totalisĂ©, Ă  l’apogĂ©e des annĂ©es de plomb, une couple de milliers d’individus, contre, au plus fort de la crise d’Octobre, largement moins d’une centaine pour le FLQ –, les ressemblances les plus frappantes, entre les affaires Moro et Laporte, relĂšvent de la gestion de la situation politique par l’appareil militaro-policier et la classe dirigeante.
La dĂ©solante inefficacitĂ© des policiers romains pendant la sĂ©questration, en plein centre-ville de Rome, d’Aldo Moro a Ă©tĂ© soulignĂ©e par de nombreux observateurs. L’histoire des Brigades rouges est pleine de pĂ©ripĂ©ties rĂ©vĂ©lant la nĂ©gligence, la nonchalance, voire l’apparente Ă©tourderie du pouvoir et de ses bras armĂ©s.
Au QuĂ©bec, un Cossette-Trudel reconnaĂźt que ses amis et lui, alors mĂȘme qu’ils Ă©piaient les allĂ©es et venues de leur futur otage, se sentaient eux-mĂȘmes « surveillĂ©s ». Alberto Franceschini, lui, avait l’impression que les BR Ă©tait protĂ©gĂ©es. Pour une raison fort simple Ă  ses yeux : « On nous a combattus quand c’était utile de nous combattre, on nous a laissĂ© faire quand c’était utile de nous laisser nous dĂ©velopper. »
On croit voir se profiler, derriĂšre les relations de ces États avec leurs mouvements terroristes – Italie et Brigades rouges, QuĂ©bec et FLQ –, un mĂȘme mĂ©canisme : l’instrumentalisation de la violence terroriste Ă  des fins de consolidation du pouvoir. La logique rĂ©pressive trouve, dans la subversion armĂ©e, une justification si totale qu’il est permis de se demander (comme, en son temps, le docteur Ferron dans ses fameuses lettres ouvertes au Devoir) si de subtils encouragements secrĂštement prodiguĂ©s Ă  ces forces d’opposition clandestines, rĂ©sultant en la transformation d’un ennemi mortel en alliĂ© objectif, ne pourrait pas s’inscrire dans le cadre plus large d’une stratĂ©gie de renforcement de la lĂ©gitimitĂ© des gouvernements. La violence devenant alors ce carburant destinĂ© Ă  alimenter le plus puissant moteur de tout pouvoir politique, qui est la raison d’État.
Franceschini : « Nous sommes partis Ă  la conquĂȘte d’un nouveau monde, sans nous rendre compte qu’en rĂ©alitĂ© nous contribuions Ă  consolider le vieux. »
« StratĂ©gie », ai-je Ă©crit. Pourtant, je n’irai pas jusqu’à imaginer quelque sphinx ruminant, du haut de sa tour d’ivoire, la maniĂšre de conduire Ă  leur perte des masses humaines hostiles au rĂšgne du Prince. Cet individu existe sans doute. Mais le truc auquel je pense est en quelque sorte plus fondamental et plus ancien, il fait partie de l’arsenal des forces de l’ordre depuis toujours. Sa forme la plus simple s’incarne dans l’agent provocateur. Tactique un tantinet plus sophistiquĂ©e, la provocation par abstention : laisser le champ libre Ă  des criminels dont les projets funestes sont connus des autoritĂ©s.
Ultimement, on en arrive Ă  ce constat : la meilleure forme de prĂ©vention de la violence politique, pour l’État et ses bras armĂ©s, consiste Ă  la commettre soi-mĂȘme.
Un autre trait commun aux deux affaires – Moro et Laporte – consiste en ceci : un otage dont le dĂ©cĂšs Ă©ventuel reprĂ©sente la mort assurĂ©e du mouvement qui a commis et revendiquĂ© son enlĂšvement.
Par « mort d’un mouvement », je ne veux pas dire l’état des forces s...

Table of contents

  1. Page couverture
  2. Les Éditions du BorĂ©al
  3. Faux-titre
  4. Du mĂȘme auteur
  5. Titre
  6. Crédits
  7. Dédicace
  8. Citations
  9. Histoire d’une obsession
  10. Incontestable
  11. Cam
  12. La compagnie
  13. TolstoĂŻ
  14. La Piaule
  15. Le lien entre Réjean Ducharme et Toronto
  16. Le diable et Jacques Ferron
  17. ForĂȘts
  18. 6,9 secondes
  19. Une conversation entre Samuel Nihilo et Louis Hamelin
  20. Masse poulet et Masse livreur de poulet
  21. Les Combatteurs
  22. La cassette
  23. L’Italie (1)
  24. L’Italie (2)
  25. Le principe de Franceschini
  26. Le témoin
  27. Écrivain = assassin
  28. Rédicule
  29. Sur le gril
  30. Le Sud
  31. Parano
  32. Rue Bachand
  33. Le portrait
  34. La culture
  35. Complexités
  36. À gauche rien de nouveau
  37. Silence
  38. Deux maisons
  39. Histoire d’une petite histoire
  40. Le roman heuristique
  41. La confession de Pierre Laporte (une reconstruction)
  42. Induction
  43. Polemos
  44. Myster l’Anglois
  45. Herméneutique
  46. Confidences internautiques d’un ancien policier
  47. S & I
  48. Lisacek (une infiltration)
  49. Ce qui s’est rĂ©ellement passĂ©
  50. Critique littéraire
  51. Discours de réception
  52. Le fil du rasoir
  53. Le sourire de Cam
  54. La truite de Jacques Pelletier
  55. Crédits et remerciements
  56. Fin
  57. QuatriĂšme de couverture