Le Pays qui ne se fait pas
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Le Pays qui ne se fait pas

Correspondance 1983-2006

  1. 306 pages
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Le Pays qui ne se fait pas

Correspondance 1983-2006

About this book

Intellectuels de gauche, amis de longue date, Pierre Vadeboncoeur et Hélène Pelletier-Baillargeon ont été l'un et l'autre, depuis les années 1960, à travers leurs actions et leurs écrits, d'ardents militants de l'indépendance du Québec. Pas un instant ils n'ont hésité à afficher et à défendre publiquement leurs positions politiques, en particulier, mais pas seulement, lors des deux référendums sur la souveraineté.Or, c'est précisément ce qui rend cette correspondance à la fois si étonnante et si précieuse, et qui explique pourquoi ils tenaient à ce que leurs lettres demeurent confidentielles. Car les pensées et les émotions qu'ils y expriment en toute franchise ont quelque chose d'éminemment paradoxal. D'un côté, jamais ils ne renient leur foi en l'indépendance, en la nécessité de l'indépendance; mais d'un autre côté, ils voient bien que le pays attendu ne se fera pas, qu'il ne peut pas se faire, que tout joue contre la possibilité concrète de l'indépendance, aussi bien les forces extérieures, trop puissantes pour être renversées, que l'état intérieur et la psychologie de la nation elle-même.Document de première importance pour la compréhension du Québec récent, ce dialogue secret sur un rêve impossible mais qui refuse de s'effacer concerne tous ceux et celles qui ont encore le souci du Québec.

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2001
Le 11 janvier 2001
Chère Hélène,
Voici une très longue lettre, bâclée, comme elle venait, et que j’avais suspendue à la fin de la semaine dernière, inclinant à ne pas te l’envoyer. Les derniers événements1, ou plutôt celui d’aujourd’hui, annoncé depuis hier soir, m’a déterminé (pendant la nuit) à te l’adresser. La voici, recopiée cette avant-midi et presque pas corrigée. Elle n’est pas terminée, je te le répète, ni mise en ordre. C’est quelque chose de spontané, comme tu verras.
Je ne participerai pas au bla-bla qui suivra ces prochaines semaines d’aucune façon. J’aurais bien d’autres choses à te dire sur tout ça. La seule chose que j’écrirai peut-être publiquement, ce sera un éloge de Bouchard. Mais à quoi bon, sinon pour lui.
Amitiés,
Pierre
Première semaine de janvier 2001
Chère Hélène,
Depuis quelque temps je désire faire le point sur ma pensée pour les fins de notre correspondance. Ma pensée, si je ne le faisais, s’expliquerait de ma part à tes yeux de moins en moins, car il s’y trouve tout un substrat, allant d’ailleurs s’aggravant, un ensemble comprenant des intuitions, un certain sens des choses, et une évaluation des situations selon des mesures qui ne sont pas courantes. Cela, je vois, tient ma réflexion assez à part de ce que l’on discute au jour le jour chez les militants.
Ce qui conditionne de plus en plus l’évolution de ma pensée, ce ne sont pas les réalités immédiatement perceptibles, mais bien plutôt des données que l’esprit militant, assez myope, écarte par parti pris.
Pour ma part, je me sens de plus en plus envahi par un certain genre de réalité qu’il y a sous les réalités communément considérées. L’esprit militant, au contraire, est bien plutôt gouverné par des opinions de premier degré. Ce premier degré m’apparaît de plus en plus comme insuffisant ou même comme voilant carrément l’objectivité des choses.
Je suis rendu très loin dans mon genre de réflexion. Plusieurs de mes attitudes ou réactions en dépendent. Je te donne pour le moment seulement un ou deux exemples concrets qui me viennent à l’idée. Il concerne (le premier) mon jugement général sur Bouchard. Le second, le fait que je me sens maintenant réticent à participer à des manifestes, à des expressions collectives d’opinions, à des lettres ouvertes de groupe, etc. […]
Lucien Bouchard est à mes yeux un révélateur. Ce qui explique pour moi ses réactions ambiguës, son relatif autocratisme, la difficulté qu’il éprouve de se mettre au diapason des militants du parti (surtout les radicaux), c’est le sens qu’il me paraît avoir (comme moi) des réalités sous-jacentes de la problématique nationale.
Bouchard est un politique fort réaliste, un type qui ne se paie pas de mots. Il est, à mon avis (comme on le voit par d’autres exemples de l’histoire des leaders), quelqu’un de plus intelligent que tout son entourage. Il est toutefois mal « embarqué » dans un parti comme le PQ. L’angle de ses jugements n’est pas celui de Montréal-Centre !… Je crois Bouchard entièrement sincère. Je trouve des correspondances (non pour le talent, mais pour les vues) entre ses perceptions et les miennes, à certains égards. J’ai par exemple l’étrange impression que le discours « intégriste » sur la langue porte maintenant à faux, vu l’état de l’opinion, et que même le discours indépendantiste intégral ne rencontre pas le terrain populaire qu’il lui faudrait absolument, malgré la constante des 40 % dans les sondages. Bouchard essaie de se frayer difficilement un passage dans des réalités de cette nature, dans des réalités que je sens foncièrement défaillantes. La faiblesse commune des Québécois en matière de politique nationale, on en donne des explications qui en cachent la réalité foncière et alors on accuse celui-ci, celui-là, le gouvernement, Bouchard lui-même, etc. C’est là une loi des comportements politiques : on s’entre-accuse, on indique comme fondamentales des causes qui sont bien plutôt accidentelles, on met le blâme sur tel ou tel : c’est là la loi des armées malheureuses. Comme je te dis souvent, on impute à Bouchard (et autres ministres et députés) la responsabilité d’une situation qu’il n’a pas créée mais qu’il subit comme d’autres et à laquelle son bon sens est sensible. Le bon sens lui indique en effet que c’est le fond qui fait défaut, l’assise, la Réalité, la volonté du peuple. La situation est très compromise… et elle l’est essentiellement d’elle-même ! En attendant, Lucien Bouchard gouverne, affronte des situations comme jamais les libéraux n’auraient eu le courage d’en affronter, arrête le progrès insensé de la dette publique, se bat depuis des années pour résoudre les impossibles problèmes d’un système de santé où s’engouffrent des sommes colossales, règle au mieux le problème des négociations publiques, décide, avec une résolution rare, la fusion des municipalités, tout cela contre vents et marées. Ce n’est pas rien. Moi, j’admire.
J’admire sa stature. Quand on le compare à Duplessis, c’est de la dérision et une incroyable injustice.
Je maintiens mon opinion souverainiste, car l’indépendance est la seule réponse possible (et ultime) aux forces de l’histoire qui menacent de provoquer pour nous le pire déclin et toutes les conséquences d’une défaite collective définitive. Mais nonobstant cette position ultime, j’ai toujours douté que l’indépendance se réaliserait et même je n’ai jamais vraiment cru qu’elle finirait par se réaliser. Malgré ce pessimisme, je militais, ne pouvant décider si mon pessimisme aurait finalement tort ou raison et ne voulant pas contribuer par mon fait à compromettre l’effort politique commencé dans les années soixante. J’en suis toujours là, mais mon doute s’aggrave d’année en année et coïncide maintenant de plus en plus avec l’idée que l’indépendance ne se réalisera pas.
En même temps, je vois de plus en plus clairement que l’on fait depuis longtemps abstraction de données fort significatives pour l’évaluation générale de la problématique souverainiste, comme si on les occultait (et jusqu’à un certain point je les occulte moi-même !). Ces données sont profondes. Je veux en énumérer quelques-unes.
• Il faut de la force et une détermination très grande, voire de l’héroïsme peut-être, pour réaliser une indépendance politique. Il est évident qu’une telle force et détermination ne se sont pas manifestées jusqu’à ce jour. Au contraire, on voudrait bien la souveraineté, mais pas au point de sacrifier le moindre petit avantage qu’on peut avoir. Il me semble que cela en dit long, très long.
• Tout le continent est contre nous. Je suis certain que les États-Unis ne veulent pas, au nord, d’une nation aussi atypique que la nôtre et qui se gouvernerait. D’autant qu’elle est assez portée vers la social-démocratie. (Songe qu’aux États-Unis, des forces s’opposent avec succès depuis longtemps à un régime d’assurance-santé publique, même atténué, et ceci n’est qu’un exemple !) Le capitalisme ne veut pas, lui non plus, ici, d’un État francophone et plutôt imprévisible. Le Canada anglais est contre également, pour des raisons nationales au surplus, jusqu’à l’hystérie. Or, si l’on est conscient de l’opposition du Canada anglais comme anglophone, la population ici ne se rend guère compte de l’étendue et de la puissance de l’opinion continentale et des intérêts continentaux qui s’opposent à notre projet. On préfère ne pas savoir et je comprends pourquoi : c’est que notre volonté politique est faible et précaire. Les réalités dont nous sommes prêts à tenir compte sont en rapport avec ce degré de faiblesse… C’est singulier : nous jouons un jeu inadéquat et sur des données fort incomplètes. Cela fausse les perspectives réelles.
Les réalités objectives auxquelles nous nous butons, dont l’obstacle de la politique fédérale, existent, mais les fédéralistes, pour ce qui est de leur action et de leurs stratégies et tactiques, se manifestent d’une manière prudemment graduée, de sorte qu’on n’en voit jamais que la pointe de l’iceberg. Les fédés montrent leur opposition, mais laissent voir seulement les moyens dont ils usent pour dominer la situation à chaque phase. Les forces anti-souverainistes cachent leurs réserves logistiques. Cette partie cachée, si cachée qu’elle soit, pourrait éventuellement se manifester au grand jour, si besoin était. Qu’est-ce qu’il y a, penses-tu, dans ces cartes cachées ? Quelles forces implacables pour le moment se dissimulent ? J’y vois une indication additionnelle de la difficulté de réaliser nos objectifs, et conséquemment cela contribue à me rendre « fataliste » (c’est le mot par lequel je réponds quelquefois aux alarmes de [Jean-Marc] Léger quand il me parle de la situation).
« Fataliste », donc quelque peu résigné, donc un peu distant maintenant. Car la problématique que j’envisage tient compte de ces données soustraites à l’attention immédiate.
Je suis peu prompt à accuser Bouchard ou quiconque d’autre, étant convaincu que le premier ministre, entre autres, et si énergique qu’il soit, a conscience de la grande complexité des situations et manœuvre comme il peut, étant réaliste.
Je sais par ailleurs que Bouchard et son gouvernement sont les premières cibles de toutes les forces réactionnaires à l’œuvre contre l’indépendance québécoise et notre social-démocratie en Amérique, au Canada et y compris au Québec. Cela m’indique assez qu’il faut défendre notre gouvernement et non l’attaquer comme ne cessent de le faire depuis des années le centre-gauche ou l’intégrisme nationaliste, et comme le fait de plus belle, maintenant, par ses déclarations intempestives, Yves Michaud.
[…]
Ce n’est pas tout, chère Hélène. Je te parle quelquefois de destin politique. Parmi les « indicateurs » qui contribuent à me rendre « fataliste », parmi les données en effet plus ou moins fatales d’un destin, il y a en outre les phénomènes que voici, que nous connaissons bien, au fond, mais sans trop en tenir compte dans l’évaluation de nos chances. Or ils sont majeurs.
Avant d’en énumérer trois ou quatre, je tombe sur l’idée suivante, qui me frappe tout à coup. Nous m...

Table of contents

  1. Page couverture
  2. Les Éditions du Boréal
  3. Faux-titre
  4. Titre
  5. Crédits
  6. Présentation
  7. 1983
  8. 1984
  9. 1985
  10. 1986
  11. 1987
  12. 1988
  13. 1990
  14. 1991
  15. 1992
  16. 1993
  17. 1994
  18. 1995
  19. 1997
  20. 1998
  21. 1999
  22. 2000
  23. 2001
  24. 2002
  25. 2003
  26. 2004
  27. 2005
  28. 2006
  29. Œuvres d’Hélène Pelletier-Baillargeon
  30. Crédits et remerciements
  31. Fin
  32. Quatrième de couverture