De Saint-Denys Garneau
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De Saint-Denys Garneau

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De Saint-Denys Garneau

About this book

La vie du poĂšte Hector de Saint-Denys Garneau est depuis longtemps l'objet d'une fascination Ă©trange. Mais que sait-on au juste du destin Ă©nigmatique de cet auteur qui, aprĂšs avoir publiĂ© « Regards et Jeux dans l'espace » Ă  l'Ăąge de vingt-cinq ans, semble s'ĂȘtre Ă©loignĂ© de tout: de son oeuvre, de ses amis, de la vie elle-mĂȘme?Que sait-on de cette existence Ă  la fois trĂšs brĂšve (il est mort Ă  trente et un ans) et si remplie de silence? Toutes sortes de rumeurs ont circulĂ© et continuent de circuler Ă  son propos, certaines fondĂ©es, d'autres farfelues. Aussi est-il curieux qu'aucune vĂ©ritable biographie de Garneau n'ait encore vu le jour pour mettre de l'ordre dans ces rĂ©cits approximatifs, comme si on prĂ©fĂ©rait entretenir le mystĂšre de son existence fuyante, quitte Ă  l'imputer Ă  des causes extĂ©rieures, voire Ă  accuser le Canada français d'avoir Ă©tĂ© le tombeau du poĂšte. AprĂšs avoir recueilli de façon systĂ©matique toute l'information disponible sur sa vie, tant intellectuelle que matĂ©rielle et affective, notamment autour de sa famille, de ses amis et des femmes qui l'ont entourĂ©, aprĂšs avoir dĂ©pouillĂ© des fonds d'archives rĂ©cemment ouverts Ă  la consultation, ce qui lui a permis de retrouver un grand nombre de lettres inĂ©dites, Michel Biron donne ici la premiĂšre vĂ©ritable biographie du poĂšte. Il nous prĂ©sente un Garneau de chair et de sang, prĂ©sent au monde et Ă  soi-mĂȘme, pour qui l'Ă©criture n'aurait su avoir ni sens ni valeur si elle n'aidait pas Ă  mieux vivre. Un contrat moral lie l'Ă©crivain Ă  l'homme de tous les jours: on ne peut connaĂźtre celui-lĂ  sans s'intĂ©resser Ă  celui-ci.

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Information

chapitre 4
La passion et l’amitiĂ©
Garneau est de moins en moins un collĂ©gien comme les autres. Sa soif de culture n’a rien de scolaire, pas plus que ses interrogations religieuses ne se rĂ©duisent Ă  l’atmosphĂšre dĂ©vote qui rĂšgne autour de lui, tant au collĂšge qu’à la maison. Il se jette dans la littĂ©rature comme si sa vie en dĂ©pendait, comme si seule la littĂ©rature pouvait lui donner le salut que les institutions sociales, l’école, l’Église ou la famille, ne parviennent pas Ă  lui offrir. Rien de ce qui ordonne la vie collective ne semble l’intĂ©resser. Seule compte l’expĂ©rience personnelle du monde, comme si les groupes sociaux Ă©taient pour lui suspects, obĂ©issant Ă  des impĂ©ratifs matĂ©riels ou idĂ©ologiques et, de ce fait, inauthentiques.
En apparence, rien chez lui ne change durant son adolescence : il continue d’aller au collĂšge, vit chez ses parents Ă  Westmount et entretient de bonnes relations avec tout le monde autour de lui, en particulier avec ses condisciples et ses professeurs jĂ©suites. Le poĂšte gentiment bohĂšme n’a pas le profil d’un rĂ©volutionnaire. Il n’en fait souvent qu’à sa tĂȘte, mais il respecte l’autoritĂ© et s’arrange pour ne pas entrer directement en conflit avec qui que ce soit. Il est assez remarquable de constater Ă  quel point tous ceux qu’il cĂŽtoie apprĂ©cient son intelligence et son charme. Parmi les tĂ©moignages de ceux qui l’ont connu, aucun n’exprimera la moindre hostilitĂ© Ă  son Ă©gard. Plusieurs souligneront en revanche que le jeune homme avait parfois l’air ailleurs ou absent, retirĂ© en lui-mĂȘme. Il est attirĂ© Ă  l’époque par des jeunes gens avec qui il peut discuter de livres, de peinture, de musique, de philosophie et de morale, des personnes avec qui partager cette passion de la solitude qui le dĂ©finit de plus en plus. Il avait commencĂ© Ă  le faire au sein de groupes comme le cercle CrĂ©mazie, mais il n’y a jamais Ă©tĂ© tout Ă  fait Ă  l’aise.
Ces amitiĂ©s d’une intensitĂ© surprenante participent directement Ă  la transformation de l’adolescent dĂ©sinvolte et indisciplinĂ© que Garneau a Ă©tĂ© jusque-lĂ , champion de l’autodĂ©rision et de l’inachĂšvement, en un Ă©crivain ambitieux, grave et profondĂ©ment tourmentĂ©. Il n’est pas certain qu’on puisse jamais comprendre tout Ă  fait les motivations profondes de Garneau lorsqu’il commence Ă  Ă©crire sĂ©rieusement, mais il semble qu’à dĂ©faut de se rĂ©volter contre son milieu le futur poĂšte de Regards et Jeux dans l’espace aspire Ă  devenir lui-mĂȘme en dĂ©passant ce qu’on exige de lui. Ainsi, au catholicisme de façade, il opposera le dĂ©sir d’absolu; aux relations sociales conventionnelles, il opposera des amitiĂ©s vĂ©cues presque comme des passions amoureuses; Ă  la culture livresque ou scolaire, il opposera l’écriture comme nĂ©cessitĂ© intĂ©rieure. S’il est une logique sous-jacente Ă  ces dĂ©passements, c’est le privilĂšge accordĂ© Ă  l’expĂ©rience intime qui atteint, chez lui, une intensitĂ© qu’aucun Ă©crivain canadien-français n’avait jusque-lĂ  exprimĂ©e avec tant de force, comme en tĂ©moignent son journal et ses lettres.
Le journal d’un poùte
Pendant qu’il est en congĂ© de maladie chez lui, au beau milieu de l’hiver 1929, Garneau a tout le temps de se consacrer Ă  sa passion de l’écriture. Le 21 fĂ©vrier, il reprend ainsi son projet plus d’une fois abandonnĂ© d’écrire pour Ă©crire, de remplir les pages d’un cahier « personnel » de façon disciplinĂ©e, rĂ©guliĂšre. C’est le dĂ©but de ce qu’il appelle dĂ©sormais son « journal » :
Il y a quelques jours, en lisant Robert Helmont de Daudet, il m’est venu l’idĂ©e d’écrire mon « journal ». L’an dernier, j’avais, aprĂšs avoir lu les MĂ©moires d’outre-tombe, commencĂ© Ă  Ă©crire mes mĂ©moires. J’avais discontinuĂ© aprĂšs peu. À vrai dire, l’idĂ©e Ă©tait bien sotte et sentait l’influence du livre que je venais de lire. Écrire des mĂ©moires dans un siĂšcle comme le nĂŽtre, oĂč rien de vraiment important ne se passe surtout dans notre pays, c’est bien inutile. EussĂ©-je Ă©tĂ© en Ăąge de le faire dans le temps de la guerre mondiale, j’eusse pu y mettre quelque chose d’intĂ©ressant; et, encore, si loin du champ de bataille et les nouvelles nous arrivant un peu dĂ©figurĂ©es, aprĂšs tout, c’eĂ»t, mĂȘme alors, Ă©tĂ© fort inexact1.
Le journal va constituer, comme l’ont montrĂ© plusieurs critiques, la matrice de tous les textes de Garneau : il y verse ses lettres, ses poĂšmes, ses esquisses de nouvelles ou de romans, il y rĂ©dige des rĂ©flexions qui, consignĂ©es par Ă©crit, lui permettent de mesurer ses progrĂšs. Il s’empresse en outre de dissocier cette forme de tout modĂšle, y compris celui qu’il vient de citer (Robert Helmont de Daudet, qui appartient justement Ă  l’autre monde dont Garneau se sent si diffĂ©rent puisqu’il s’agit d’un journal de guerre Ă©crit au moment de la dĂ©bĂącle de la France en 1870). Il n’y aura rien de tel dans le journal de Garneau, aucun compte rendu de ce qui se passe au pays, dans la ville, Ă  l’école ou Ă  la maison. Toute sa vie, Garneau se montrera indiffĂ©rent aux soubresauts de l’histoire, comme s’il pressentait que, quoi qu’il advienne, son propre pays resterait en dehors du coup. Les vrais combats, semble-t-il dire, ont toujours lieu ailleurs. Assumer la rĂ©alitĂ© d’ici, c’est aussi paradoxalement assumer subjectivement qu’il n’y a pas d’évĂ©nement au sens fort, que l’histoire n’a aucun intĂ©rĂȘt pour lui.
S’il prĂ©fĂšre la forme du journal Ă  celle des mĂ©moires, c’est aussi qu’elle offre un cadre idĂ©al pour improviser, peu contraignant, sans tradition forte.
Ce sera une Ă©tude, une analyse, un conte, des pages disparates ou une petite histoire continue, suivie, selon ma disposition journaliĂšre, probablement dans le genre de la premiĂšre Ă©tude qui y figure et d’oĂč m’est venue l’idĂ©e de la forme de ce journal : enfin quelque chose de personnel et que je tĂącherai de rendre original. Le but de ce travail est de me mieux connaĂźtre et ainsi de me perfectionner dans l’ordre moral et intellectuel. C’est Ă  ces fins que j’y ferai figurer des analyses de mes Ă©tats d’ñme et d’esprit ! chaque fois que j’en aurai d’intĂ©ressants; et des Ă©tudes sur des pensĂ©es ou des opinions afin d’acquĂ©rir de nouvelles idĂ©es : car les idĂ©es viennent souvent Ă  l’improviste quand on Ă©crit et provoquent des rĂ©flexions et d’autres idĂ©es encore. Ce journal aura aussi pour but de m’aider Ă  constater mon Ă©volution, Ă  voir ses tendances, et Ă  la guider et la tenir dans une bonne voie2.
Il ouvre son journal par une longue description de la vie Ă  Sainte-Catherine, avec ses paysages, ses anciens paysans comme MoĂŻse, l’homme Ă  tout faire de la famille depuis des gĂ©nĂ©rations, celui qui a servi au temps du grand-pĂšre Oscar PrĂ©vost. Sainte-Catherine est pour Garneau le lieu par excellence de la vie libre, par opposition Ă  la vie montrĂ©alaise soumise au rythme de l’annĂ©e scolaire, « si monotone et si pleine de dĂ©tails accidentĂ©s et inconsĂ©quents3 ». À Sainte-Catherine, il a des loisirs pour faire ce qui lui plaĂźt et surtout pour s’étudier : « C’est lĂ  enfin qu’il m’est donnĂ© de penser sans contrainte Ă  ce que je veux penser4. » Il Ă©crit cela le 8 mars 1929, alors qu’il se trouve Ă  MontrĂ©al, quelque part dans un restaurant ou dans sa chambre dĂ©sordonnĂ©e, pleine de papiers, de flacons ...

Table of contents

  1. Page couverture
  2. Les Éditions du BorĂ©al
  3. Faux-titre
  4. Du mĂȘme auteur
  5. Titre
  6. Crédits
  7. Exergue
  8. Généalogie
  9. Avant-propos
  10. CHAPITRE PREMIER ‱ Le manoir
  11. CHAPITRE 2 ‱ L’élite familiale
  12. CHAPITRE 3 ‱ La vie de collùge
  13. CHAPITRE 4 ‱ La passion et l’amitiĂ©
  14. CHAPITRE 5 ‱ La Relùve
  15. CHAPITRE 6 ‱ La mĂ©tamorphose du poĂšte
  16. CHAPITRE 7 ‱ Regards et Jeux dans l’espace
  17. CHAPITRE 8 ‱ L’effondrement
  18. CHAPITRE 9 ‱ Chronique d’un effacement annoncĂ©
  19. Épilogue
  20. Remerciements
  21. Sources documentaires
  22. Crédits et remerciements
  23. Fin
  24. QuatriĂšme de couverture