Chroniques d'un temps loufoque
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Chroniques d'un temps loufoque

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Chroniques d'un temps loufoque

About this book

Art mineur, la chronique mise sur la spontanéité. Il s'agit d'un exercice d'improvisation, propice aux divagations et aux humeurs. « De l'écriture de circonstance », pour reprendre les mots mêmes de François Ricard. Pourtant, ceux qui liront les chroniques rassemblées ici (et parues à l'origine dans la revue parisienne L'Atelier du roman) retrouveront, derrière la variété des thèmes et des prétextes dictés par l'actualité ou par le hasard des lectures et des rencontres, une remarquable constance. François Ricard est un chroniqueur qui pense en toute liberté, c'est-à-dire que sa pensée, quel que soit le sujet qui l'occupe, retrouve tout naturellement son lit, son sillon, celui de l'incroyance et du rire devant la splendide bêtise qu'apporte avec lui ce « temps loufoque » qui est à présent le nôtre.C'est ainsi que Ricard s'attaque tranquillement, selon l'inspiration du jour, aux festivals de toutes sortes qui nous tiennent lieu de vie culturelle, à la théorie littéraire et à la façon dont, dans les facultés de lettres, entre autres lieux, on cherche à se convaincre que la littérature n'est rien de plus qu'une imposture. L'histoire des gouverneurs généraux, le silence qui règne dans les forêts du mont Tremblant, le mariage gay, la niaiserie des médias ou le déferlement des « Néo-Retraités », tout lui est occasion de se moquer de l'époque, de dégonfler l'orgueil dont elle se pare et de jeter sa fausse note dans le concert d'approbation béate dont elle s'accompagne à peu près partout.

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Information

La révolte d’une mère
Auto-insuffisance
Nous sommes toujours très fiers, au Canada, lorsqu’un des nôtres sort du rang et se distingue dans les autres pays. Ces accès d’« orgueil par osmose patriotique », comme les appelle un sociologue d’ici, ne sont pas propres aux Canadiens ou aux Québécois. On pourrait en observer de semblables, probablement, dans la plupart des nations petites ou moyennes, chez qui l’esprit communautaire et la solidarité sont souvent plus marqués qu’ailleurs. C’est aussi que ces nations — à la différences des nations grandes et puissantes comme la France, les États-Unis, la Grande-Bretagne, la Russie, la Chine peut-être — ne peuvent pas vraiment accéder à l’universel par elles-mêmes, en se contentant de vivre à l’intérieur de leurs propres frontières et en ignorant tout ce qui se passe à l’extérieur. Un Canadien, un Finlandais, un Néo-Zélandais ou un Grec a besoin, pour être assuré de sa valeur, et pour que ses compatriotes le soient aussi, que cette valeur brille ailleurs que dans sa patrie, qu’elle soit reconnue dans un pays grand et puissant, qui lui sert alors de relais vers l’universel. Sans cette confirmation extérieure de sa valeur, il doutera toujours de lui-même et, si fêté qu’il soit par les gens de son petit pays, il ne pourra pas, en toute sincérité, croire que ce qu’il est ou que ce qu’il fait possède vraiment une qualité unique et irremplaçable, sans laquelle le monde (de l’art, de la politique, du sport, du show-business) ne serait pas tout à fait ce qu’il est.
Complexe de colonisé ? Provincialisme ? Peut-être. Mais je ne connais aucun écrivain québécois, même parmi les plus célèbres sur la scène locale, qui ne serait pas prêt, secrètement, à vendre sa mère pour que son œuvre et son nom soient connus à l’étranger. Et quand je dis « à l’étranger », je ne veux pas dire n’importe où. La Belgique wallonne, la Suisse romande, la francophonie africaine, certes. Les Pays-Bas, la Grèce, Israël, certes encore. Mais ne soyons pas naïfs : il troquerait tout cela sans une seconde d’hésitation pour un article du Monde ou du New York Times, pour une invitation chez Bernard Pivot, pour une position de demi-finaliste au Booker Prize ou pour la réédition d’un de ses livres dans la collection « Folio ».
On peut se scandaliser d’une telle « dépendance », s’en moquer, s’apitoyer sur ceux qui en sont « victimes », on peut même la dénoncer et la combattre comme une forme d’aliénation tout à fait dépassée et pernicieuse. Mais il reste qu’à travers elle, à travers ce sentiment de ne pas exister tout à fait aussi longtemps qu’on n’existe pas d’une manière ou d’une autre au centre du monde, s’exprime (ou s’exprimait), dans les pays qu’on dit neufs ou marginaux, un appel vers une sorte d’au-delà de soi-même, le besoin ou la nostalgie de quelque espace plus « réel » que son petit monde immédiat, plus dense, plus vaste. Déplorable illusion au regard de certains, ce sentiment d’auto-insuffisance est (était) peut-être une forme particulière de liberté.
L’assainissement des lettres
C’est pourquoi, donc, les Canadiens éprouvent tant de satisfaction (teintée d’un peu de ressentiment, disons-le, car l’admiration ne va jamais sans une pointe d’envie) chaque fois qu’un de leurs compatriotes réussit à forcer les barreaux du cachot national et à voguer sur les flots du succès planétaire, comme l’ont fait naguère les Glenn Gould ou Marshall McLuhan, comme le font aujourd’hui les Céline Dion, Denys Arcand, Margaret Atwood ou Yann Martel. Mais s’il est une des nôtres dont nous, pauvres écrivains d’un pays de second ordre, sommes particulièrement fiers, c’est bien Nancy Huston. Celle-ci a beau avoir grandi et fait ses études aux États-Unis et vivre en France depuis trente ans, sa naissance dans la ville de Calgary (Alberta), entre les plaines occidentales du Canada et les contreforts des Rocheuses, nous permet de la revendiquer — et lui permet à elle-même de se présenter — comme Canadienne de plein droit. D’ailleurs, elle vient souvent à Montréal, elle lit et cite des auteurs d’ici, et ses livres sont publiés simultanément en France et au Québec. Enfin, même si ce n’est pas au Canada qu’elle a appris le français, son parfait bilinguisme et son non moins parfait biculturalisme anglais-français ajoutent encore, si besoin est, à sa qualité — à son exemplarité, je dirais — de Canadienne.
Certes, la gloire de Nancy Huston ne se compare pas à celle de Céline Dion, de Denys Arcand ou de Jacques Villeneuve. C’est qu’il s’agit d’une autre sorte de gloire, moins voyante, moins tonitruante, et infiniment plus rare ; une gloire presque secrète, ignorée des foules et des vendeurs du Temple, une gloire pour happy few, en somme, mais d’autant plus remarquable que le milieu dans lequel elle a été acquise est le milieu le plus fermé, le plus impénétrable qui soit, c’est-à-dire (pour parler comme Bourdieu) cette « sphère » extrêmement « restreinte » et « distinguée », donc férocement exclusive, que forme le gratin intellectuel et littéraire concentré dans le Ve et le VIe arrondissements de Paris. C’est là, dans cette fosse aux lions, au centre du centre du monde littéraire, que Nancy Huston a réussi à imposer son nom, ses livres et sa personne — une personne dotée, comme elle le reconnaît elle-même dans une de ses dernières publications, Âmes et Corps, d’une « beauté supérieure » et d’une « intelligence supérieure » (supérieures à quoi, elle ne le précise pas ; disons donc : supérieures, en tout cas, à la beauté et à l’intelligence moyennes des Canadiens restés au pays). À cette position, à ce degré de reconnaissance, aucun autre Canadien (ni Québécois) n’était parvenu avant elle. D’où la fierté (et la jalousie) que nous ne pouvons pas ne pas éprouver chaque fois que nous pensons à elle ou l’apercevons à la télévision — où elle est si belle, si élégante, si habile à discourir que nous oublions qu’elle vient du même pays que nous et la prendrions presque pour une Parisienne.
Je laisse à d’autres — elles sont nombreuses — le soin d’expliquer comment les livres et les idées de Nancy Huston lui ont valu une telle réussite, due pour une bonne part, je crois, à ce nouveau féminisme qu’elle incarne si bien, où se mélangent — et se font équilibre — ces deux courants jusque-là séparés, sinon antagonistes, du mouvement féministe contemporain : d’un côté, la version extrémiste du féminisme radical d’inspiration américaine, qu’elle a pu découvrir au cours de ses études aux États-Unis ; de l’autre, la version plus tempérée et plutôt réformiste du féminisme français. Ce qui se traduit, de la part de notre belle compatriote, par des prises de position à la fois fermes et modérées, dépourvues d’exagérations et de compromissions, raisonnables et énergiques, très « atlantiques », en somme, et aussi proches que possible de ce qu’on pourrait appeler un féminisme à visage humain.
Ce n’est toutefois pas à cet aspect de l’œuvre et de la personnalité de Nancy Huston que je voudrais m’arrêter ici, mais bien à cette double qualité si peu commune dans le milieu littéraire actuel, en Europe aussi bien qu’en Amérique : le souci moral et l’amour des gens, d’une part, et le franc-parler, le courage d’exprimer ses convictions sans peur du ridicule, d’autre part. Double qualité qui brille avec une force particulière dans son grand livre intitulé Professeurs de désespoir.
Il fallait beaucoup de cran et de vertu, en effet, pour s’attaquer à un tel « corpus », où se retrouvent, à la suite de Schopenhauer, leur ancêtre à tous (le « Père Néant »), certains des auteurs les plus célébrés de la littérature européenne du dernier demi-siècle, Beckett, Cioran, Thomas Bernhard, Kundera, Elfriede Jelinek, Michel Houellebecq, notamment. Mais du cran, il en fallait encore plus pour oser dire publiquement à propos de ces monstres sacrés (et de quelques autres au passage, comme Malaparte, Ionesco, Céline ou même Maurice Nadeau, l’éminence grise de plusieurs d’entre eux) des vérités que personne n’avait dites ni entendues jusqu’à maintenant. Cela dit, l’audace et la lucidité de Nancy Huston n’ont rien à voir avec quelque « posture » philosophique ou idéologique, à la manière parisienne ; au contraire, c’est une audace et une lucidité absolument sincères, spontanées, typiquement canadiennes, pourrait-on dire, à travers lesquelles s’exprime une révolte instinctive contre le mal et l’erreur. « C’est bien parce que [ces auteurs] m’ont blessée — et ce, depuis de longues années — que j’ai pris la plume », reconnaît Nancy Huston, dont le livre n’est pas d’abord un ouvrage de critique littéraire, mais un cri du cœur, un appel à l’aide, le sursaut d’un être assoiffé de joie et de pureté contre les pestilences de toutes sortes qui, de plus en plus, déferlent sur la littérature contemporaine.
Car tout le livre repose sur ce constat terrible : telle que la pratiquent et la propagent ses représentants les plus illustres, la littérature d’aujourd’hui est malade. C’est une littérature qui, de part en part, « véhicule » une « doctrine » dont les « thèses fondamentales » n’enseignent qu’une chose : le désespoir, c’est-à-dire le dégoût de la vie humaine, la haine d’autrui, le culte de la souffrance et du ressentiment, la démoralisation, le suicide. Bref, une littérature que deux mots suffisent à stigmatiser : le néantisme (ou amour du néant) et la mélanomanie (néologisme désignant la « passion du noir »). Certes, reconnaît fort justement notre compatriote, la vie n’est pas toujours rose, et il s’y passe parfois des événements assez désagréables, par exemple la mort. Mais il n’y a pas que cela, tout de même, et les belles choses ne manquent pas non plus, par exemple les naissances, les déjeuners à la campagne, les amitiés féminines, les funérailles soigneusement mises en scène par le futur défunt, etc., etc. Or la morosité des « chantres du néant » est telle, leur misanthropie si entière, leur snobisme et leur mépris si endurcis, qu’ils sont incapables de tenir un discours un peu nuancé et d’exprimer la moindre approbation ou d’éprouver le moindre émerveillement. La fureur destructrice dans laquelle ils se complaisent confine à l’obsession pathologique et, surtout, exerce une influence extrêmement néfaste sur les lecteurs, en particulier les femmes, qui se sentent rejetées, violentées intérieurement, par de telles pensées, et les jeunes, qui risquent de très mal tourner à force d’intoxication néantiste, comme en témoigne pathétiquement le cas de la fille d’un couple d’amis rapporté par Nancy Huston.
Pour étayer son diagnostic, celle-ci n’a pas craint, malgré qu’elle en ait, de lire « contre elle-même », c’est-à-dire de se farcir toutes les œuvres de ces auteurs maudits, sans en rien sauter et sans se laisser berner, surtout, par les artifices plus ou moins hypocrites derrière lesquels ils cherchent à dissimuler leurs turpitudes, des trucs comme l’ironie, l’humour ou même le caractère supposément « imaginaire » ou « hypothétique » des personnages...

Table of contents

  1. Page couverture
  2. Les Éditions du Boréal
  3. Faux-titre
  4. Du même auteur
  5. Titre
  6. Crédits
  7. Avertissement
  8. Le Non-Parisien
  9. La vision la plus amère
  10. Histoire d’une blague
  11. Notations très estivales
  12. L’université nouvelle
  13. « Il a été convenu que nous n’en parlerions pas »
  14. Stéphanie et la littérature
  15. Le rêve de France
  16. Une nouvelle espèce sociale
  17. Lèse-majesté
  18. Un héros pour notre temps
  19. La mémoire courte
  20. Palpitations de la vie moderne
  21. Stéphanie en (re)belle infidèle
  22. Nos amis les poètes
  23. Un été gai
  24. La révolte d’une mère
  25. Scandale du roman
  26. Mon chemin de Damas
  27. Fin
  28. Quatrième de couverture