Claude Jutra
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Claude Jutra

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Claude Jutra

About this book

Qui Ă©tait Claude Jutra, cette figure mythique, emblĂ©matique, du cinĂ©ma quĂ©bĂ©cois? Un poĂšte, un rĂȘveur un peu fou, un Ă©lectron libre, diront ceux qui l'ont connu, une boule d'Ă©nergie sous pression, un touche-Ă -tout gĂ©nial, un ĂȘtre excessif en tout. On se souvient de sa timiditĂ© vaincue par la volontĂ© de plaire, de son charme qui lui faisait obtenir tout ce qu'il voulait, de son esprit toujours en train de mijoter des projets. On se souvient surtout de sa passion Ă©perdue pour le septiĂšme art. Yves Lever s'efforce avant tout de dĂ©couvrir l'homme derriĂšre l'Ɠuvre, le petit garçon qui raconte film aprĂšs film ce qu'il a vĂ©cu dans son enfance, l'adulte avec ses joies et ses tourments. Durant ses vingt derniĂšres annĂ©es, Jutra lui-mĂȘme invitait les gens Ă  adopter ce paradigme, rĂ©pĂ©tant d'une entrevue Ă  l'autre que tout ce qu'il avait créé puisait dans son enfance, une enfance merveilleuse, insistait-il, mais remplie de zones sombres. Cette biographie est le rĂ©cit de la vie d'un homme complexe. C'est aussi une réévaluation critique de l'Ɠuvre du cinĂ©aste et un fascinant portrait de la venue au monde du cinĂ©ma quĂ©bĂ©cois.

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Chapitre 1
Enfance avide qui me tient
1930-1946
Albert Jutras (1900-1981) et Rachel Gauvreau (1905-1978) s’épousent le lundi 18 avril 1927, Ă  9 heures, en l’église de l’Enfant-JĂ©sus du Mile End (110, boulevard Saint-Joseph Est), Ă  MontrĂ©al. Un beau mariage, si on en juge par la photo prise sur le perron de l’église : au moins cinquante invitĂ©s, tous vĂȘtus en grands bourgeois.
Les Ă©poux se connaissent depuis 1924 : ils ont vĂ©cu une longue « pĂ©riode de frĂ©quentations », comme on dit familiĂšrement Ă  l’époque. Fils de Joseph Jutras, dentiste, Albert est Ă©tudiant en mĂ©decine Ă  l’UniversitĂ© de MontrĂ©al et il a beaucoup de charme. Fille de Joseph Gauvreau, mĂ©decin, Rachel est une trĂšs belle jeune femme. DiplĂŽmĂ© en mai 1925, Albert Jutras commence Ă  pratiquer Ă  Maniwaki, Ă  plus de trois cents kilomĂštres de MontrĂ©al. AprĂšs le mariage, le couple vit d’abord un an dans le lointain Outaouais avant de venir s’installer Ă  MontrĂ©al quand le jeune mĂ©decin est engagĂ© au Service de santĂ© de la Ville de MontrĂ©al.
À l’époque, un premier enfant arrive gĂ©nĂ©ralement dans l’annĂ©e qui suit le mariage. Mais le couple Jutras-Gauvreau entend assurer les bases de la carriĂšre du jeune mĂ©decin avant de s’engager dans une vie de famille ; il faut attendre plus de deux ans avant que Rachel ne tombe enceinte. Finalement, le 11 mars 1930, arrive le bĂ©bĂ© dĂ©sirĂ©. Le plus souvent, parce qu’on craint pour leur vie, les bĂ©bĂ©s sont baptisĂ©s le lendemain de leur naissance. Le bĂ©bĂ© Claude se porte si bien qu’il n’est amenĂ© Ă  l’église que cinq jours plus tard. Le texte du baptistaire (paroisse Saint-BarthĂ©lemy, 7137, rue des Érables) est ainsi formulĂ© :
Le seize mars 1930, nous soussignĂ© avons baptisĂ© Joseph Viateur Marcel Claude Jutras, nĂ© le onze courant, fils lĂ©gitime de Albert Jutras, mĂ©decin, qui a signĂ©, et de Rachel Gauvreau, de cette paroisse. Le parrain a Ă©tĂ© le docteur Joseph Gauvreau de Saint-Édouard, qui a signĂ©, et la marraine Augustine LarrivĂ©e, son Ă©pouse, qui a signĂ© avec nous lecture faite.
Albert Jutras, Augustine Larrivée, Dr Joseph Gauvreau
Chanoine Émile Chartier
Le fait que les grands-parents soient les parrain et marraine d’un enfant n’est pas inhabituel, bien que gĂ©nĂ©ralement les Ă©poux prĂ©fĂšrent des frĂšres et sƓurs de leur Ăąge ou bien des amis de la famille. On peut voir ici la volontĂ© de la mĂšre de placer l’enfant sous la protection de ses parents Gauvreau plutĂŽt que sous celle d’autres proches ou amis, car elle est trĂšs attachĂ©e Ă  sa lignĂ©e.
Peu aprĂšs la naissance de Claude, son pĂšre obtient une bourse du gouvernement du QuĂ©bec pour aller Ă©tudier la radiologie Ă  Paris, qui attire les apprentis mĂ©decins du monde entier depuis les travaux de Marie Curie. Alors qu’elles devaient ĂȘtre terminĂ©es en deux ans, ses Ă©tudes en prendront finalement trois et assureront la base scientifique qui fera d’Albert Jutras un spĂ©cialiste rĂ©putĂ© dans son domaine. La famille va demeurer Ă  Paris jusqu’en dĂ©cembre 1933, presque toujours dans le 15e arrondissement. Ce n’est pas le cƓur de la ville, mais la vie de quartier y est intĂ©ressante.
Pendant une bonne partie des trois annĂ©es passĂ©es en France, le couple peut s’offrir les services d’une domestique quelques jours par semaine. Pendant qu’Albert Ă©tudie avec acharnement, Rachel se consacre tout entiĂšre Ă  Claude jusqu’à ce qu’elle devienne enceinte de Mimi (Mireille, nĂ©e le 12 fĂ©vrier 1932). Elle dispose de beaucoup de temps pour Ă©crire de longues lettres Ă  sa famille, surtout Ă  sa sƓur Marcelle, de deux ans sa cadette et dont elle restera toujours proche, Ă  qui elle raconte en long et en large les activitĂ©s du jeune mĂ©nage.
Claude passe ainsi les trois premiĂšres annĂ©es de sa vie Ă  Paris. C’est lĂ  qu’il apprend Ă  parler, ce qui explique l’accent français qu’il prend si facilement Ă  l’occasion. C’est aussi lĂ  qu’il reçoit sa premiĂšre initiation Ă  l’art, car sa mĂšre l’entraĂźne dans les musĂ©es et lui fait observer ce que les rues comportent de rĂ©alisations esthĂ©tiques.
À l’étĂ© 1932, la famille vient passer les vacances au QuĂ©bec. Claude fait la connaissance de ses grands-parents maternels. Son grand-pĂšre, Joseph Gauvreau (1870-1942), est une figure importante de la vie sociale quĂ©bĂ©coise. NĂ© Ă  Rimouski, il a fait sa mĂ©decine et amorcĂ© sa pratique dans sa ville natale en 1896. À la suite d’un accident d’automobile survenu alors qu’il se rendait chez un patient, il doit se faire amputer l’avant-bras gauche en 1909. DĂ©jĂ  actif au CollĂšge des mĂ©decins, il dĂ©mĂ©nage Ă  MontrĂ©al, et on lui confie la prĂ©sidence de l’organisme. DĂ©bute alors une vie d’engagements que rĂ©sume ainsi la page qui lui est consacrĂ©e dans Biographies canadiennes-françaises (Ă©dition de 1937) : « Plume coulante, parole facile. Il s’est toujours exercĂ© dans la confĂ©rence populaire sur des sujets d’actualitĂ© ou des questions d’hygiĂšne sociale. » Cela va de « La goutte de lait » (clinique qui offre du lait sain aux mĂšres nĂ©cessiteuses) Ă  la dĂ©fense du français en passant par les campagnes contre l’alcool et contre le cinĂ©ma. Il a pour devise « Sobrietatis amicus, fidelis in cruce » (Ami de la tempĂ©rance, fidĂšle dans l’épreuve).
La famille Gauvreau, qui comprend dix enfants, vit d’abord dans le Mile End, puis dans Rosemont, au cƓur des milieux ouvriers. Pour Ă©largir les horizons de ses enfants, le docteur Gauvreau achĂšte, le 23 novembre 1917, un grand domaine en banlieue de MontrĂ©al, Ă  RiviĂšre-Beaudette. Son intention est claire : « J’ai dĂ©cidĂ© de crĂ©er un domaine rural qui serait, pour mes enfants, pour ma femme et pour moi-mĂȘme, une source de vie saine, une Ă©cole au plein air, un lieu de dĂ©lassement durant notre vie active. » La famille y sĂ©journe de mai Ă  octobre. Il nomme l’endroit « L’Habitation », en hommage Ă  celle que Samuel de Champlain Ă©leva Ă  QuĂ©bec en 1608, et place la propriĂ©tĂ© sous la protection de sainte Jeanne d’Arc, en l’honneur de qui il fait Ă©riger une statue prĂšs de la maison. Jusqu’à la fin de son adolescence, Claude aura cette statue sous les yeux plusieurs mois par an.
Pendant ces vacances de 1932, la tante Marcelle Gauvreau est fiĂšre d’initier son neveu prĂ©fĂ©rĂ© aux beautĂ©s de la nature. Elle note que, Ă  deux ans et demi, il parle dĂ©jĂ  un bon français et sait utiliser une expression comme « n’est-ce pas ? ». Dans un long rĂ©cit qu’elle publiera dans Les Cercles des jeunes naturalistes, elle raconte comment, dĂšs le matin, Claude vient la trouver pour aller cueillir des fleurs pour son herbier ; en effet, si les Ă©cureuils, les oiseaux et les papillons le ravissent, ce sont les fleurs qu’il prĂ©fĂšre. AprĂšs un mois, il sait distinguer vingt fleurs : herbe Ă  dinde, nĂ©nuphar, bardane, vesce sauvage, liseron, mĂ©lilot jaune, verge d’or, etc. Avant qu’il ne retourne en France, tante Marcelle amĂšne son « Claude chĂ©ri » prĂ©senter son herbier au frĂšre Marie-Victorin, dont elle est l’assistante Ă  l’Institut botanique de l’UniversitĂ© de MontrĂ©al. Le frĂšre signe l’herbier : « Vu et approuvĂ© par la direction de l’Institut botanique. » Claude va conserver cet album toute sa vie.
DĂšs 1934 et pendant presque vingt ans, Claude passe une grande partie de ses Ă©tĂ©s Ă  l’Habitation.
De juin Ă  septembre, on vivait en vase clos, dit sa sƓur Mimi, une grande complice jusqu’à l’adolescence ; dans un terrain vacant, Ă  cĂŽtĂ© de la maison d’étĂ©, il y avait une petite cabane Ă  moitiĂ© dĂ©molie, abandonnĂ©e. On l’avait adoptĂ©e et on l’avait appelĂ©e notre maison hantĂ©e. On passait nos journĂ©es lĂ -dedans. On s’y rĂ©fugiait pendant des heures, pour ne pas dire des journĂ©es, puis on se faisait des peurs1.
Le domaine, c’est le lieu des parties de cache-cache, des rencontres entre cousins, d’activitĂ©s sportives multiples. On s’y baigne beaucoup, car la riviĂšre Beaudette traverse la propriĂ©tĂ©. Claude y apprend Ă  nager et, Ă  sept ans, il peut traverser la riviĂšre, consigne le livre des Ă©phĂ©mĂ©rides. La natation est le seul sport qu’il va pratiquer presque toute sa vie.
Des activitĂ©s culturelles occupent aussi une bonne partie du temps passĂ© Ă  l’Habitation, car, pour Rachel Gauvreau, les vacances constituent l’occasion idĂ©ale d’accĂ©lĂ©rer la formation de ses enfants. Elle leur fait rĂ©viser les matiĂšres scolaires, les invite Ă  improviser des saynĂštes et leur montre des livres d’art. Adolescent, Claude s’adonne Ă  la peinture et au dessin. Il montre Ă  dessiner Ă  son jeune frĂšre Michel, nĂ© en 1939. Pendant cette pĂ©riode, il commence aussi Ă  Ă©crire et, le 20 juillet 1941, il signe ce poĂšme (extrait) :
Ballade des lumiĂšres
Ah, grand Dieu, qu’il est beau, ce soir majestueux
Que de rĂȘves je fais Ă  la lueur du feu
De si belles chansons viennent Ă  mon esprit
Que vraiment malgré moi je suis tout ébloui
Dans le globe je vois, dansant avec la flamme
Mes pensées, mes vers, mon esprit et mon ùme
Mélancoliquement se poser au papier
Sans plus se détourner vers le pauvre encrier
Si la prosodie n’est pas toujours fidĂšle aux rĂšgles classiques et que le rĂ©alisme du rĂ©cit laisse peu de place Ă  l’évocation poĂ©tique, l’enfant de onze ans dĂ©montre nĂ©anmoins une bonne maĂźtrise de la syntaxe et du vocabulaire. Sa calligraphie est dĂ©jĂ  presque aussi soignĂ©e que le sera sa belle Ă©criture d’adulte.
De retour de France, Albert Jutras exerce d’abord sa profession dans divers hĂŽpitaux tout en continuant Ă  se spĂ©cialiser Ă  l’occasion de stages aux États-Unis. En 1938, il prend la direction du service de radiologie de l’HĂŽtel-Dieu de MontrĂ©al et commence bientĂŽt Ă  enseigner Ă  l’UniversitĂ© de MontrĂ©al. Avec la rĂ©putation de grand spĂ©cialiste dans son domaine vient une aisance matĂ©rielle qui lui permet de s’abandonner Ă  son goĂ»t pour les arts, ce dont toute la famille profite. La mĂȘme annĂ©e, le docteur achĂšte une grande maison au 3682 de la rue Sainte-Famille, Ă  un jet de pierre de son lieu de travail principal.
En 1935, pour Claude, c’est le dĂ©but du cours primaire Ă  l’Institution des sourdes-muettes, au 3725 de la rue Saint-Denis, oĂč les sƓurs de la Providence enseignent Ă©galement Ă  des enfants non handicapĂ©s. L’école est situĂ©e Ă  proximitĂ© de la rĂ©sidence familiale, puisque la famille occupe alors un appartement au 824, rue Cherrier. Il n’y a rien d’exceptionnel Ă  ce que Claude commence le cours primaire Ă  cinq ans. Est-il du genre premier de classe, comme on l’a Ă©crit plus tard ? S’il rĂ©ussit bien, il ne surclasse personne ; lui-mĂȘme Ă©crit dans le livre de l’Habitation, le 31 aoĂ»t 1938, Ă  la fin du primaire : « À l’école j’étais arrivĂ© quatriĂšme pour l’annĂ©e et j’ai reçu plusieurs beaux prix. »
DÚs le plus jeune ùge de ses enfants, Rachel Gauvreau les amÚne dans les galeries et les inscrit à des cours de peinture, de danse et de musique. Elle leur fait aussi suivre des cours de diction et de théùtre avec Camille Bernard. Grùce à ses contacts, la mÚre débrouillarde décroche pour eux des rÎles dans des émissions radiophoniques comme La Marmaille (écrite par Jean Després, 1940-1942). Rachel emploie par ailleurs une bonne unilingue anglophone, de sort...

Table of contents

  1. Page couverture
  2. Les Éditions du BorĂ©al
  3. Faux-titre
  4. Du mĂȘme auteur
  5. Titre
  6. Crédits
  7. Dédicace
  8. Avant-propos
  9. Chapitre 1
  10. Chapitre 2
  11. Chapitre 3
  12. Chapitre 4
  13. Chapitre 5
  14. Chapitre 6
  15. Chapitre 7
  16. Cahier photos 1
  17. Chapitre 8
  18. Chapitre 9
  19. Chapitre 10
  20. Chapitre 11
  21. Chapitre 12
  22. Chapitre 13
  23. Chapitre 14
  24. Chapitre 15
  25. Cahier photos 2
  26. Chapitre 16
  27. Chapitre 17
  28. Chapitre 18
  29. Conclusion
  30. Remerciements
  31. Filmographie
  32. Sources
  33. Crédits et remerciements
  34. Fin
  35. QuatriĂšme de couverture