Abolissons l'hiver !
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Abolissons l'hiver !

Bernard Arcand

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Abolissons l'hiver !

Bernard Arcand

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L'hiver nous tue. Quand ce ne sont pas sinusites et pharyngites qui nous emportent, c'est la glace noire, le verglas ou l'infarctus qui suit une sĂ©ance de pelletage intensif, ou encore la piste de descente quasi olympique du mont Sainte-Anne. Comment Ă©chapper Ă  cette fatalitĂ©?Et si, tout simplement, c'Ă©tait notre conception de l'hiver qui Ă©tait fautive? En effet, nous nous obstinons Ă  mener une vie productive en hiver alors que les Ă©lĂ©ments – c'est le moins qu'on puisse dire – sont contre nous.Pour retrouver le bon sens, il suffirait donc d'inverser la situation. Travaillons davantage l'Ă©tĂ©, et ainsi nous aurons tout l'hiver pour nous reposer, pour hiberner sous la couette, en remerciant le ciel de nous envoyer ce froid qui rend la maison si agrĂ©able. Faisons de l'hiver la saison morte, comme il se doit.Il fallait un anthropologue de talent pour nous faire enfin voir l'Ă©vidence. Dans ce brillant opuscule, Bernard Arcand propose une solution qui, moyennant le bon vouloir de nos gouvernements, pourrait mettre un terme Ă  nos souffrances hivernales, en mĂȘme temps qu'elle donnerait tout son sens Ă  l'expression de « sociĂ©tĂ© distincte ». Cette solution aurait Ă©galement le mĂ©rite de rĂ©gler de nombreux problĂšmes de ladite sociĂ©tĂ©, qui vont de la rĂ©forme de la santĂ© Ă  celle de l'Ă©ducation.

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Information

Year
2013
ISBN
9782764612118
CHAPITRE TROISIÈME

La solution

OĂč l’on trouvera une proposition pratique pour transformer l’hiver en saison agrĂ©able et dĂ©licieuse si seulement les habitants du pays acceptaient de modifier leur façon de vivre les saisons et cessaient de faire exactement le contraire du bon sens.
Corriger une dĂ©viance et essayer de retrouver le droit chemin n’est jamais facile. Toutefois, face Ă  l’absurde, le chemin paraĂźt tracĂ© d’avance : il suffit d’inverser la situation pour retrouver le bon sens.
Donc, la solution est simple, il faut dĂ©sormais traiter l’hiver Ă  la maniĂšre de l’étĂ©, c’est-Ă -dire rĂ©tablir son statut de vĂ©ritable saison morte. En retour, il faudra nĂ©cessairement se comporter en Ă©tĂ© un peu comme on le fait, de nos jours, en hiver.
Une telle proposition est synonyme de bonnes et de mauvaises nouvelles. Commençons par les mauvaises.
Finies les vacances en été
Il sera dorĂ©navant nĂ©cessaire de travailler davantage en Ă©tĂ©. On ne pourra plus garder intacte cette belle saison des vacances et de tous les congĂ©s. Cela ne plaira pas Ă  tout le monde et il y aura assurĂ©ment des rĂ©sistances. En particulier de la part de l’énorme secteur de l’éducation qui jouit actuellement de trĂšs longues vacances estivales. Il faudra donc convaincre des milliers d’enseignants et d’étudiants que, dĂ©sormais, il ne saurait ĂȘtre question de fermer nos Ă©coles et autres institutions de savoir pendant les deux ou trois beaux mois de l’étĂ©.
La nouvelle annĂ©e scolaire dĂ©buterait en mars et se terminerait en dĂ©cembre. Soit une annĂ©e de dix mois, comme maintenant. DĂ©tail important, les Ă©coles profiteraient d’une semaine de relĂąche en mai et d’une autre en octobre. En plus de deux semaines de congĂ© en juillet (Ă  peu prĂšs aux mĂȘmes dates que les actuelles « vacances de la construction ») de maniĂšre Ă  offrir un rĂ©pit intermĂ©diaire et pour tenir compte des quinze jours de canicule annuelle. Ces deux semaines de vacances en pleine annĂ©e scolaire correspondraient Ă  l’actuel congĂ© de NoĂ«l.
La fin de novembre et la premiĂšre partie de dĂ©cembre seraient consacrĂ©es aux examens de fin d’annĂ©e. C’est dire que les Ă©tudiants seraient appelĂ©s Ă  travailler fort quand le temps est particuliĂšrement sombre, gris et misĂ©rable. Le sinistre mois des morts. Si l’on prenait le temps d’enquĂȘter sur le thĂšme, les recherches dĂ©montreraient que cette courte transition entre le bel automne et l’hiver vĂ©ritable constitue, sans faute, la plus dĂ©testable de toutes les saisons. Ce qui nous permet aujourd’hui de lui rĂ©sister et de survivre nous vient de ce que la culture a inventĂ© une saison de toutes piĂšces : la prĂ©paration des FĂȘtes, le magasinage, les partys, les dĂ©corations de NoĂ«l. Les gens s’affairent et s’occupent avec passion aux Ɠuvres de charitĂ© ou Ă  la dĂ©bauche passagĂšre, de sorte qu’ils en oublient le temps qu’il fait.
En novembre et en dĂ©cembre, il y a rien Ă  faire sauf Ă©tudier, alors qu’en mai ou en juin il est tellement plus facile d’avoir la tĂȘte ailleurs. Ce serait rendre service aux Ă©tudiants que de leur permettre de travailler davantage, prĂ©cisĂ©ment en cette pĂ©riode difficile de l’annĂ©e.
La semaine prĂ©cĂ©dant NoĂ«l serait celle des rĂ©sultats scolaires. Toutes les maisons d’enseignement y tiendraient leur collation des grades et leurs bals de finissants. Cette semaine marquerait le dĂ©but de la grande saison des FĂȘtes.
Un autre exemple, la saison du hockey professionnel. De nos jours, la plupart des amateurs s’entendent pour dĂ©crier un calendrier qui a repoussĂ© toujours davantage la fin des compĂ©titions. Jouer au hockey pour la coupe en plein mois de juin semble parfaitement grotesque. En juin, il fait souvent beau, les jours sont toujours longs. Et comment peut-on jouer au hockey en Floride ou au Texas ? VoilĂ  un autre cas net d’inversion des saisons et de pratique qui fait entorse au bon sens.
La saison de hockey devrait dĂ©buter en mars. Plus tard, aprĂšs trois mois d’activitĂ©s, en dĂ©but d’étĂ©, la compĂ©tition serait interrompue pour une pause estivale de huit semaines qui permettrait aux propriĂ©taires d’évaluer leur personnel et d’échanger quelques joueurs ou, plus vraisemblablement, de congĂ©dier l’instructeur. Les activitĂ©s reprendraient en septembre et, ensuite, les matchs d’aprĂšs-saison dĂ©buteraient tĂŽt en novembre. Ce qui mĂšnerait Ă  la remise du trophĂ©e suprĂȘme quelques jours avant NoĂ«l. À l’instar de celui des Ă©coles, ce nouveau calendrier crĂ©erait l’occasion de cĂ©lĂ©brer une victoire ou de noyer une dĂ©faite par une parade ou une Ă©meute festive tout au dĂ©but de la grande saison des FĂȘtes.
En somme, il s’agit simplement de mieux rĂ©partir au cours de l’annĂ©e le mĂȘme nombre de matchs que ceux prĂ©vus au calendrier actuel. De façon Ă  Ă©viter la situation absurde oĂč il faut convaincre un public sceptique de l’intĂ©rĂȘt de regarder un sport d’hiver au moment prĂ©cis oĂč on retrouve enfin ses sandales et son maillot de bain. Il est dĂ©jĂ  suffisamment pervers de s’obstiner Ă  fabriquer de la glace Ă  l’intĂ©rieur en pays froid. Inutile d’insulter la nature davantage. Il est temps de remettre le hockey en hiver et de lui redonner une certaine crĂ©dibilitĂ©.
Sans multiplier les exemples, disons seulement qu’il faudrait provoquer une rĂ©volution des mƓurs similaire dans tous les autres secteurs d’activitĂ©s : revoir les calendriers et rĂ©organiser le travail dans l’industrie et dans le commerce comme au sein des institutions et de toutes les bureaucraties. Dans le but essentiel de les rendre de nouveau compatibles avec les variations saisonniĂšres.
Il suffirait de convaincre les autoritĂ©s et l’ensemble de la population que l’étĂ© ne doit plus ĂȘtre la saison des vacances. La chose ne sera pas nĂ©cessairement facile, on sait Ă  quelle profondeur les habitudes sont ancrĂ©es. Il y aura certainement des rĂ©sistances, mais le bon sens devrait prĂ©valoir. Selon l’humeur politique du moment, le gouvernement aurait recours soit Ă  un programme complet d’incitation, soit Ă  l’imposition brutale de la rĂ©volution par dĂ©cret. Le recours au rĂ©fĂ©rendum ne serait souhaitable que si des conditions gagnantes Ă©taient rĂ©unies.
Au chapitre des incitations, si l’on espĂšre encourager les gens Ă  travailler durant l’étĂ©, il faudra nĂ©cessairement ajuster l’horaire du travail Ă  la saison douce. Car la formule traditionnelle du 9 Ă  5 ne convient vraiment qu’aux zones froides ou tempĂ©rĂ©es. LĂ  oĂč les travailleurs n’ont souvent pas d’autre choix que de prendre leurs vacances de maniĂšre Ă  profiter un peu de l’étĂ©. Alors que dans un pays oĂč l’étĂ© est parfois quasiment tropical, nous pourrions Ă  l’avenir rĂ©organiser le temps de travail en tenant compte du fait que les jours d’étĂ© sont longs et chauds.
Il est bien sĂ»r un peu tĂŽt pour prĂ©dire quelle dĂ©cision finale sera prise Ă  la suite de nĂ©gociations d’ententes collectives, mais on peut dĂ©jĂ  proposer, Ă  titre d’exemple, une journĂ©e de travail estival qui irait de 7 Ă  13 heures. Le dĂ©but de la journĂ©e paraĂźtra sans doute matinal et hĂątif, mais on sait qu’il n’est pas du tout dĂ©sagrĂ©able de se rendre Ă  l’école Ă  pied ou Ă  bicyclette par un beau matin d’étĂ©. Par contre, obtenir le droit de quitter le travail ou l’école dĂšs le dĂ©but de l’aprĂšs-midi devrait sĂ©duire une majoritĂ© (claire et Ă©largie) de la population. Et la formule permettra aussi aux gens de profiter de l’étĂ© sans pour autant prendre de vĂ©ritables vacances.
Certains passeront la moitiĂ© de la journĂ©e dans leur piscine, d’autres joueront au golf ou prendront soin de leur parterre. D’autres encore adopteront un rythme de vie bien connu dans les rĂ©gions chaudes et feront une longue sieste dans l’aprĂšs-midi avant de sortir tard dans la nuit. La sieste leur permettra de reprendre le travail tĂŽt le lendemain.
L’horaire traditionnel impose huit heures de travail quotidien. Le nouvel horaire rĂ©duirait ce total Ă  six heures. Dans un premier temps, le Conseil du patronat protestera violemment. Mais une enquĂȘte sĂ©rieuse dĂ©montrera que, en remplaçant la longue pause repas-du-midi par une brĂšve collation matinale et en misant sur l’ardeur et la diligence de travailleurs qui savent que leur aprĂšs-midi sera libre, la productivitĂ© globale des entreprises sera maintenue et mĂȘme, dans certains cas, amĂ©liorĂ©e.
Dans ce remaniement de l’horaire quotidien, on pourrait cependant opter pour un autre modĂšle bien connu dans certains pays chauds : la division de la journĂ©e de travail en deux pĂ©riodes, de 9 Ă  12 heures et de 16 Ă  20 heures, sĂ©parĂ©es par une longue sieste durant les heures les plus chaudes. Le modĂšle fonctionne, bien sĂ»r, en Espagne et ailleurs, mais semble de moins en moins recommandable du fait qu’il convient plutĂŽt mal au transport automobile et ne ferait que doubler la congestion urbaine.
C’est Ă  ce rythme allĂ©gĂ© que tous travailleraient durant l’étĂ©. On peut donc espĂ©rer qu’au fil des ans se dĂ©veloppera une attitude nouvelle face au travail estival. Pour peu que l’on soit un tantinet idĂ©aliste, il est permis de croire que les gens feront dĂšs lors un effort pour mieux accomplir leur tĂąche, sachant qu’ils profiteront de tout l’aprĂšs-midi pour se reposer.
Cette transformation de l’étĂ© permettrait de redonner Ă  l’automne son rĂŽle vĂ©ritable. Puisque c’est en automne que se font les rĂ©coltes, cette saison deviendrait celle de toutes les rĂ©compenses. En plus de couronner les champions sportifs et de rĂ©compenser les Ă©tudiants studieux, l’automne serait dĂ©sormais la saison des galas et des remises de trophĂ©es. Une vraie saison propice aux actions de grĂące. Jour aprĂšs jour, la tĂ©lĂ©vision nous apprendrait qui a reçu le prix du meilleur disque, qui est le meilleur cinĂ©aste, la meilleure entreprise, les laurĂ©ats du prix du Gouverneur gĂ©nĂ©ral, qui a Ă©tĂ© Ă©lu Miss Louiseville ou Monsieur Sorel. L’automne, comme il se doit, redeviendra le point culminant des efforts de toute l’annĂ©e.
Pendant ce temps, dans les foyers, il faudra songer Ă  faire des provisions en vue de la saison qui vient. Les amateurs prĂ©pareront confitures, tartes et pĂątĂ©s. Les bourgeois vĂ©rifieront l’état de leur rĂ©serve de bons vins. Les inquiets feront des achats de chandelles, de piles et de biscuits. Les gens se procureront des livres, des disques et des vidĂ©os, tout ce qu’il faut pour passer un bon moment.
À la fin de l’automne, NoĂ«l restera NoĂ«l. Une tradition intouchable et immuable. Personne n’oserait proposer une altĂ©ration de la cĂ©lĂšbre fĂȘte. Au contraire, il paraĂźt sage d’opter pour le conservatisme intĂ©gral et de respecter la volontĂ© des familles, des commerçants et de tous ces gens qui aiment faire preuve de bontĂ© et de gĂ©nĂ©rositĂ©, au moins une fois l’an. Donc, non seulement le temps des FĂȘtes sera maintenu, mais on lui accordera dĂ©sormais beaucoup plus d’importance. Puisque la pĂ©riode reprĂ©sentera dĂ©sormais la vĂ©ritable fin et le point culminant de l’annĂ©e entiĂšre, tous les prĂ©textes seront bons pour faire la fĂȘte et pour cĂ©lĂ©brer. Collations de grade, promotions ou Ă©lections, tout arrivera Ă  l’automne et imposera naturellement quelques rĂ©jouissances. Partys de bureau, partys de famille, partys d’amis, toutes les occasions seront bonnes pour rĂ©unir amis et connaissances que l’on ne reverra plus pendant quelque temps. En gros, du 15 dĂ©cembre au 2 janvier, le pays entier sera en fĂȘte. Il faudra songer Ă  quintupler les services de Nez rouge.
Fini le travail en hiver !
Maintenant, la bonne nouvelle. Le deuxiĂšme jour de janvier, traditionnel matin de mal de tĂȘte, de promesse de suivre un rĂ©gime et de dĂ©but de dĂ©prime hivernale, deviendrait date officielle du dĂ©but des vacances universelles. Ce jour-lĂ , Ă  minuit, le pays entier entrerait en congĂ©. De maniĂšre Ă  souligner le nouveau millĂ©naire, je propose que ce programme soit mis en place le deuxiĂšme jour de l’an 2000.
Jusqu’au dĂ©but de mars, toutes les institutions feront relĂąche. Écoles et universitĂ©s fermĂ©es, bureaux et commerces vidĂ©s, manufactures et usines paralysĂ©es. Aucune rĂ©novation domiciliaire, pas de contrats d’édition, ni de changements d’huile ni sondages d’opinion politique. Chauffage minimal partout. Et vacances statutaires pour tous.
Les gens seraient libres de choisir leurs loisirs, mais nĂ©anmoins fortement encouragĂ©s Ă  demeurer Ă  la maison et, de prĂ©fĂ©rence, couchĂ©s. La ligne officielle prĂŽnĂ©e par l’État, appuyĂ©e et nourrie Ă  grand renfort de publicitĂ©, incitera l’ensemble de la population Ă  demeurer bien tranquille sous une couette ou sous une couverture. Fruit du gĂ©nie et de l’imagination fine de nos publicitaires, de nouveaux slogans apparaĂźtront : « En saison morte, faites le mort ! » ; « BordĂ©es dehors, border dedans ! »
L’objectif premier de cette campagne d’éducation publique serait d’amener les gens Ă  se reposer pleinement. D’oĂč l’importance de garder le lit et ...

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