Heureux, mais pas content
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Heureux, mais pas content

Autobiographie (1979-2011)

Serge Mongeau

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Autobiographie (1979-2011)

Serge Mongeau

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Avec "Heureux, mais pas content", deuxiĂšme volet de son autobiographie (1979-2011), Serge Mongeau poursuit le rĂ©cit d'une vie menĂ©e sous le signe de l'indignation: refus des injustices, de l'exploitation et de la destruction de notre environnement. Personnage de sage en colĂšre, cet infatigable militant Ă  l'origine de plusieurs mouvements pacifistes et Ă©cologistes au QuĂ©bec, souhaite lĂ©guer aux nouvelles gĂ©nĂ©rations une « foi en notre capacitĂ© de changer notre avenir ».DĂ©nonciation des travers de la mĂ©decine, engagement en faveur de la paix, simplicitĂ© volontaire, dĂ©croissance, mise sur pied des Éditions ÉcosociĂ©tĂ©, bataille contre le port mĂ©thanier de Rabaska, voilĂ  autant de luttes qui ont jalonnĂ© le parcours de Serge Mongeau ces trente derniĂšres annĂ©es et qui tĂ©moignent d'un engagement motivĂ© par un mĂȘme objectif: « arriver Ă  ce que, collectivement, nous prenions conscience de la nĂ©cessitĂ© de rĂ©organiser notre sociĂ©tĂ© pour que tous puissent y vivre de façon dĂ©cente aujourd'hui comme demain ».Dans cet ouvrage, ponctuĂ© de notes tirĂ©es de son carnet, Serge Mongeau pose un regard Ă  la fois intime et visionnaire sur le monde et les gens qui l'entourent, sans craindre d'exprimer ses doutes et ses dĂ©couragements. Mais toujours, il se rĂ©vĂšle un homme libre animĂ© d'une fougue incommensurable. « Mon histoire est un peu l'histoire du QuĂ©bec qu'on prĂ©sente rarement, celle des militants, souvent ignorĂ©e, qui cependant fait avancer les choses. »

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Information

Year
2012
ISBN
9782897190354

CHAPITRE 10

Au-delà de la simplicité volontaire :
la décroissance

EN JUILLET 2001, Suzanne et moi dĂ©cidons, une fois de plus, de prendre nos vacances dans notre chĂšre GaspĂ©sie. Vers la ïŹn de notre voyage, nous nous retrouvons Ă  Bonaventure, oĂč nous consacrons une journĂ©e Ă  la descente en canot de la riviĂšre Bonaventure. Et le soir, nous reprenons la route du retour. Mais Suzanne ne se sent pas bien ; elle commence Ă  avoir de la difïŹcultĂ© Ă  parler, ce que nous attribuons Ă  la fatigue. Nous dormons dans un motel, mais le lendemain, la difïŹcultĂ© Ă  parler persiste. Quand nous arrivons ïŹnalement Ă  la maison, elle ne parle pratiquement plus ; vite, nous nous rendons Ă  l’urgence du CLSC le plus prĂšs, Ă  Beauport, oĂč dĂšs la prise de tension artĂ©rielle, il apparaĂźt urgent de transfĂ©rer Suzanne Ă  l’hĂŽpital. Le diagnostic est bientĂŽt clair : c’est un accident cĂ©rĂ©bro-vasculaire ! Il n’y a que le centre de la parole qui soit touchĂ© et bientĂŽt Suzanne ne parle plus du tout. Le traitement est immĂ©diatement commencĂ© et, dans les jours qui suivent, survient une faiblesse du cĂŽtĂ© droit, mais heureusement pas de paralysie. Le processus semble arrĂȘtĂ©, mais pour l’instant les sĂ©quelles demeurent.
Il y a six jours que Suzanne a fait un ACV.
J’ai pleurĂ© Ă  quelques reprises ; ça fait mal de voir l’autre touchĂ©e. Il me semble que je prĂ©fĂ©rerais ĂȘtre moi-mĂȘme la victime, et alors je serais moins affectĂ©. Car devant la maladie, devant la mort, je m’incline. Cela fait partie de l’aventure de la vie. Mais je ne sais trop comment rĂ©agit intĂ©rieurement Suzanne ; elle qui veut tellement ĂȘtre en contrĂŽle de tout, ce doit ĂȘtre extrĂȘmement difïŹcile.
10 août 2001
AprĂšs quelques jours, Suzanne insiste pour sortir de l’hĂŽpital et revenir Ă  la maison, oĂč elle pourra manger Ă  son goĂ»t. Je lui prĂ©pare les premiers repas, mais trĂšs vite elle s’y remet elle-mĂȘme ; et sa capacitĂ© de parler se rĂ©tablit progressivement. Et bientĂŽt, la vie reprend son cours ; certes avec de gros changements pour Suzanne, qui ne peut plus conduire l’auto ni jouer au tennis, mais marche sans aide. Bien sĂ»r, toute sa vie est bouleversĂ©e ; elle qui a toujours menĂ© sa vie de façon trĂšs autonome se retrouve subitement lourdement handicapĂ©e. Elle accepte difïŹcilement sa nouvelle situation, et son caractĂšre en est profondĂ©ment modiïŹĂ© ; elle devient irascible et nĂ©gative, ce qui rend notre vie en commun de plus en plus difïŹcile.
Aux Éditions, la situation ïŹnanciĂšre se rĂ©tablit rapidement Ă  cause des ventes de La simplicitĂ© volontaire, mais aussi des livres de Chomsky. Nous engageons du personnel et dĂ©mĂ©nageons dans un grand espace, rue Parthenais. Je m’éloigne progressivement de l’administration des Éditions, tout en demeurant membre du conseil d’administration. Il n’y a pas que de bonnes nouvelles : nous apprenons avec tristesse le dĂ©cĂšs de Nicole Daignault, qui a Ă©tĂ© l’un des piliers des Éditions pendant quelques annĂ©es. Je lui rends l’hommage suivant dans les Nouvelles des Éditions ÉcosociĂ©tĂ© :
Nicole Daignault, 1937-2001
Nicole Daignault n’est plus. Elle qui avait Ă©tĂ© durement Ă©prouvĂ©e par la maladie ces derniĂšres annĂ©es, est ïŹnalement dĂ©cĂ©dĂ©e alors qu’elle venait tout juste de fĂȘter ses 64 ans.
J’ai connu Nicole voilĂ  si longtemps, car nous nous sommes cĂŽtoyĂ©s dans de multiples combats. Dans la dĂ©fense des prisonniers politiques quĂ©bĂ©cois, dans un organisme vouĂ© Ă  la rĂ©insertion sociale d’ex-dĂ©tenus, au CLSC Saint-Hubert, oĂč elle avait la charge des services Ă  domicile
 C’est cependant aux Éditions ÉcosociĂ©tĂ© que notre collaboration a Ă©tĂ© la plus signiïŹcative.
Nicole est arrivĂ©e aux Éditions quelques mois aprĂšs le lancement de l’entreprise. Nous avons alors manquĂ© de prudence et avons voulu brĂ»ler les Ă©tapes, ce qui fait que Nicole s’est retrouvĂ©e trĂšs bientĂŽt dĂ©bordĂ©e, avec toutes ces tĂąches Ă  accomplir, de la comptabilitĂ© Ă  l’expĂ©dition des commandes, en passant par tous les travaux d’édition — rĂ©vision, correction d’épreuves, nĂ©gociations avec les imprimeurs, etc. Mais toujours, malgrĂ© la pression, Nicole maintenait toutes ses exigences de qualitĂ© : nous n’allions pas nous contenter de sortir des livres, nous faisions de bons et beaux livres.
Au ïŹl des ans, nous avons maintenu les standards de Nicole ; notre rĂ©ussite montre que c’était la bonne voie Ă  suivre.
Chùre Nicole, jamais nous ne t’oublierons.
AprĂšs avoir commencĂ© quelques mois plus tĂŽt une collection qui porte le nom de « Retrouvailles », « oĂč seront rĂ©Ă©ditĂ©s de “vieux livres” qui ne sont plus disponibles sur le marchĂ©, mais que nous jugeons toujours pertinents », nous relançons dans cette collection mon livre KidnappĂ© par la police, publiĂ© en 1970 aux Éditions du Jour. La premiĂšre Ă©dition est pratiquement passĂ©e inaperçue par les bons soins de son Ă©diteur Jacques HĂ©bert, qui, malgrĂ© sa dĂ©sapprobation, s’était senti obligĂ© de le publier6. Lors du lancement, le 12 dĂ©cembre 2001, je prĂ©sente ainsi cette nouvelle Ă©dition :
Ce livre est paru pour la premiĂšre fois en 1970. Il s’agissait alors essentiellement de la narration de mon arrestation et des huit jours que j’ai passĂ©s en prison Ă  l’occasion des Ă©vĂ©nements d’Octobre 1970, alors qu’une premiĂšre cellule du Front de libĂ©ration du QuĂ©bec avait enlevĂ© le diplomate James Richard Cross, bientĂŽt imitĂ©e par une deuxiĂšme cellule qui avait, elle, enlevĂ© le ministre libĂ©ral Pierre Laporte. J’ai Ă©crit ce texte en prison et l’ai publiĂ© dĂšs ma libĂ©ration ; en fait, il est paru un mois et demi aprĂšs ma sortie du Centre de dĂ©tention Parthenais. En annexe Ă  mon journal, le livre contenait une liste non exhaustive mais tout de mĂȘme assez complĂšte des personnes incarcĂ©rĂ©es pendant cette pĂ©riode (autour de 450). À cause d’un malentendu, cette liste ne ïŹgure malheureusement pas dans la version actuelle.
J’ai publiĂ© ce livre en 1970 parce que je croyais important de dire ce qui se passait alors ; car c’était vraiment la terreur qui s’était abattue sur le QuĂ©bec et les premiers Ă  s’écraser furent sans doute les mĂ©dias ; ainsi Ă  l’époque seul QuĂ©bec-Presse a parlĂ© du lancement de mon livre, qui a pourtant eu lieu Ă  l’UniversitĂ© de MontrĂ©al en prĂ©sence de prĂšs d’une centaine des personnes qui avaient elles aussi Ă©tĂ© incarcĂ©rĂ©es. Je voulais aussi que restent des traces de ces excĂšs du pouvoir ; qu’on sache jusqu’oĂč nos gouvernants, dans nos pays soi-disant dĂ©mocratiques, sont capables d’aller quand ils se sentent le moindrement menacĂ©s dans leur pouvoir. Et en 1970, ça bougeait au QuĂ©bec ; en particulier, le mouvement sĂ©paratiste Ă©tait en pleine ascension. Pierre-Elliot Trudeau, le premier ministre du Canada, n’était pas dupe ; il voyait le danger que cela reprĂ©sentait pour sa vision du Canada. Il a proïŹtĂ© des Ă©vĂ©nements d’Octobre pour donner un grand coup, et c’est sans doute Ă  partir de la liste Ă©tablie par ses services qu’on a procĂ©dĂ© Ă  toutes ces arrestations. Il fallait dĂ©truire Ă  jamais le mouvement sĂ©paratiste. Quelle belle occasion qui lui Ă©tait fournie ; d’une part, pour montrer ce dont le pouvoir Ă©tait capable et faire peur Ă  ceux qui oseraient le dĂ©ïŹer, et d’autre part, stigmatiser aux yeux de la population tous ces gens qui voulaient changer la sociĂ©tĂ©.
Et je puis dire que l’opĂ©ration a rĂ©ussi en bonne partie. J’ai connu bien des personnes qui ont Ă©tĂ© traumatisĂ©es par ce qu’elles ont vĂ©cu alors et qui par la suite ont cessĂ© de s’impliquer socialement. Et pour ce qui est de la stigmatisation, j’en ai vĂ©cu moi-mĂȘme les consĂ©quences. Car le dicton « Il n’y a pas de fumĂ©e sans feu » est bien rĂ©pandu et bien des gens n’arrivaient pas Ă  croire qu’on puisse garder huit jours en prison un innocent.
Aux Éditions ÉcosociĂ©tĂ©, il y a plusieurs mois que nous avons dĂ©cidĂ© de rĂ©Ă©diter ce livre ; nous voyons bien que le mouvement anti-globalisation subit une rĂ©pression de plus en plus forte et dans les circonstances, il est important de proïŹter des leçons du passĂ©. Nous n’avions pas prĂ©vu les Ă©vĂ©nements du 11 Septembre aux États-Unis ; mais il Ă©tait Ă©vident que les pouvoirs en place Ă©taient en alerte et qu’ils s’empareraient du premier motif pour frapper Ă  nouveau. C’est donc arrivĂ©.
En introduction Ă  cette nouvelle Ă©dition, mon ami Serge Roy a prĂ©parĂ© une bonne mise en contexte, pour les gens qui auraient oubliĂ© les faits marquants de l’époque.
La ronde des confĂ©rences se poursuit. Vraiment, mon public me gĂąte. Ainsi, au sortir d’une causerie, une jeune femme me remet discrĂštement ce petit mot :
Bonjour monsieur,
J’écoute votre confĂ©rence et les interventions des gens depuis prĂšs d’une heure, et de plus en plus je me demande comment vous faites pour continuer de faire des confĂ©rences et essayer d’éveiller les consciences alors qu’il y a tellement de gens qui ne veulent pas remettre en question leur vie, leurs croyances, leurs actions, qui vous posent des « questions piĂšges », qui vous confrontent avec agressivitĂ©, qui ne comprennent pas le fond de votre message et l’interprĂštent mal
 Je vous dis tout cela car je me sens affectĂ©e par les diffĂ©rentes interventions alors que je ne suis mĂȘme pas celle qui est en avant et contre qui se dirigent les commentaires sans mauvaises intentions mais tout de mĂȘme dĂ©rangeants.
Je ne vous demande pas de rĂ©ponse mais je vous laisse quand mĂȘme un moyen de me rĂ©pondre si vous le voulez.
Merci de faire ce que vous faites.
Avec amour.
Janie
Dans les jours qui suivent, je lui réponds :
Bonjour Janie,
Merci pour ton petit mot « à chaud », au sortir de ma conférence.
C’est vrai qu’il y a des gens qui se sentent confrontĂ©s par ce que je dis et qui rĂ©sistent quelque peu, Ă©vitant de se remettre en question. Mais personnellement, je ne vois pas de piĂšges dans leurs questions, au contraire cela me donne la chance d’éclaircir certains points, d’élaborer, et je suis sĂ»r que ces questions posĂ©es par une personne reprĂ©sentent les interrogations de beaucoup d’autres personnes, et en particulier celles des gens qui ne sont pas venus Ă  la confĂ©rence parce que dĂ©jĂ  le sujet les confrontait trop. Non, rĂ©ellement, je trouve courageuses les personnes qui osent s’opposer au confĂ©rencier, et c’est pourquoi je pense qu’il me faut toujours leur manifester le plus grand respect. Ce qui ne signiïŹe pas que je mĂ©prise les autres qui semblent d’accord avec ce que je dis !
Merci de ta prĂ©venance, mais ne t’inquiĂšte pas, je me trouve absolument gĂątĂ© par mes nombreux auditoires (dĂ©jĂ  de m’inviter si souvent et dans de si diffĂ©rents milieux !).
Alors, j’espĂšre que tu es rassurĂ©e et Ă  un de ces jours.
2001 aura Ă©tĂ© une annĂ©e Ă©prouvante sur le plan personnel. Pour plusieurs personnes, c’est une annĂ©e charniĂšre sur le plan politique. Mais, pour moi, les Ă©vĂ©nements du 11 Septembre n’ont rien de surprenant et je dois bien ĂȘtre l’une des derniĂšres personnes en AmĂ©rique du Nord Ă  ne pas avoir vu jusqu’à ce jour les images de l’e...

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