ANNEXE 1
Parkour et Web 2.0
Pour ne plus s’empêtrer dans la Toile
Il semble impératif de parler de la dérive actuelle que connaît le monde du parkour.
Beaucoup veulent s’y mettre en ayant uniquement vu des vidéos sur le Web. Il n’y a aucun problème à ce que ces documents suscitent de l’intérêt, bien au contraire ; on ne peut pas tout découvrir par soi-même, et l’on a souvent raison de se nourrir des idées qui germent ailleurs dans le monde. Mais ici, il faut se méfier de deux importants problèmes.
Le premier réfère à l’état actuel du monde virtuel. Une des principales caractéristiques de ce qu’on appelle le Web 2.0 est que, contrairemxent à l’époque pas si lointaine où la plupart des contenus étaient fournis par des professionnels (annonceurs, entreprises, gouvernements, associations officielles, etc.), le pouvoir est maintenant convoité (et, dans une certaine mesure, gagné) par les internautes, c’est-à-dire par les particuliers. La suprématie des banques de vidéos mises en ligne par tout un chacun en est un bel exemple. En somme, les utilisateurs interagissent avec le contenu des sites Web, mais aussi entre eux. C’est une forme d’évolution naturelle qui implique un partage d’information, avec tout ce que cela peut avoir de salutaire et de toxique. Le premier écueil, donc, pour qui s’initie au parkour par des capsules vidéo attrapées çà et là, est précisément qu’il risque de tomber sur des informations erronées. Ce pourrait être des informations textuelles : des récits douteux d’exploits surhumains, de nouvelles légendes urbaines, des idées romantiques sur les origines du parkour, des fabulations sur les façons de s’alimenter avant ou après l’entraînement, de mauvais conseils sur les étirements à faire, des diagnostics éclair sur des blessures sportives… Mais il s’agit souvent d’informations visuelles, comme dans le cas de ces innombrables vidéos où l’on aperçoit des jeunes faire des singeries, qualifiant honteusement la chose de parkour. Il faut convenir qu’il y a beaucoup de n’importe quoi.
Incomptables sont ces tutorials, ces soi-disant guides, pour apprendre tel ou tel mouvement ; beaucoup d’entre eux ressassent des âneries, pas toujours faciles à déceler pour ceux qui manquent d’expérience. (Certains guides, rares il est vrai, sont toutefois très bien réalisés. Pensons à ceux de nos amis d’UrbanCurrent à Hawaï.) D’autres jeunes réalisent des vidéos sans avoir la prétention d’en faire des leçons de parkour mais, immanquablement, beaucoup d’internautes les prennent comme telles, et essaient d’en répéter les mouvements, qui par ailleurs ne sont pas toujours bien exécutés. Le fait est que le cerveau enregistre une surprenante quantité d’information, et l’on est en droit de se demander en quoi l’œil est capable de faire la part des choses. Même inconsciemment, à force de voir et revoir des mouvements mal exécutés, l’enthousiaste les rejoue dans sa tête, en s’imaginant les reproduire ; bref, les risques de développer de mauvaises habitudes semblent bien réels. Plus graves encore sont les risques de blessures (et, souvent, mauvaises habitudes et blessures sont liées).
Mais, même dans le cas où un internaute n’a pas l’ambition d’apprendre des mouvements avec des vidéos amateurs, il y a toujours la possibilité qu’il tente d’y trouver une définition du parkour. Or, pour la plupart des gens, à moins de tomber sur des reportages ou des documents d’une grande qualité, il est très difficile de se faire une idée claire de ce que représente la discipline. Pourquoi nous entraînons-nous à l’art du déplacement plutôt, disons, qu’à la gymnastique ? En tant que pratiquants, il importe de se poser la question. Il nous faut trouver notre nature, comprendre notre identité. Nous affirmer. Cela n’est pas toujours facile, même après des années d’entraînement.
Ce qui nous amène au deuxième problème annoncé plus haut, deuxième écueil possible pour ceux qui découvrent le parkour sur le Web. C’est à la fois une question de réputation pour la discipline, et de sécurité pour l’enthousiaste. Il en va même de l’avenir du parkour. Ce deuxième problème, c’est que ces capsules vidéo, lorsqu’elles représentent des mouvements difficiles bien exécutés, ne donnent aucun indice du travail antérieur. Il est possible que celui qui fait son mouvement ne l’ait pas réussi les deux mille fois précédentes, ou se soit blessé la fois suivante. (Il est même possible qu’il se soit blessé sur le coup, et l’œil attentif verra que les mauvaises réceptions et les chocs sur les articulations sont trop fréquents.) Même s’il s’agit d’un professionnel, qui pourrait faire vingt fois de suite le même saut de façon impeccable, la capsule vidéo n’en montre pas plus tout l’entraînement qui l’a précédé. Un entraînement dur et complet, souvent quasi quotidien pendant des années, où l’on ne développe pas seulement la technique, mais aussi les aptitudes comme l’équilibre et la coordination, et où l’on conditionne patiemment le corps ; il ne s’agit d’ailleurs pas seulement d’entraîner les muscles, mais aussi de préparer les tendons et les ligaments. À faire fi de ces étapes, les blessures sont inévitables.
En tant qu’humains, conservons notre droit de nous exprimer. C’est un des sujets de prédilection de l’art du déplacement, qui est une voie (et une voix) pour la liberté. Si l’on veut faire des vidéos, filmons, mais filmons pour les bonnes raisons. A priori, il y en a deux principales (portfolios professionnels et cinéma mis à part). La première est de rendre hommage à la discipline, de partager ce qu’il en est vraiment, de défaire des mythes aux yeux du grand public, ou d’inspirer les pratiquants établis. Dans ce cas, il faut un minimum d’édition vidéo, de mise en contexte. La deuxième raison de filmer serait pédagogique ; soit pour créer un guide convenable (sachant que rien ne vaut l’aide d’un instructeur en chair et en os), soit pour se filmer soi-même dans le but de mieux comprendre ses erreurs. Dans ce dernier cas, rien ne sert de le mettre en ligne ; s’il est essentiel de recevoir l’avis de congénères, il est possible de leur donner accès à la vidéo sur invitation seulement, ou de mettre une mise en garde assez claire pour que les internautes comprennent le contexte.
Il est un peu triste d’avoir à rédiger de tels textes, dont le contenu devrait être une question de bon sens commun. Nous aurions pu écrire les mêmes mots au sujet de nombreuses disciplines, mais cela semblait d’autant plus impératif que le parkour peut comporter des risques de blessures et souffre d’une incompréhension répandue. Facilitons la guérison, sur tous les plans ! Tout le monde a le droit d’apprendre, tout le monde a le droit de s’exprimer. Il faut à tout prix conserver ces droits, mais il faut aussi faire preuve de vigilance et de considération pour autrui. Pour l’utilisateur d’Internet – pour tous, en fait –, il s’agit de s’éduquer à la pensée critique. Pour l’athlète, c’est de toujours remettre en question la pertinence de sa démarche, d’essayer de trouver les meilleures façons de faire rayonner la discipline et de partager son énergie avec les autres pratiquants, et avec la société en général.
Vincent Thibault
Québec et Paris, 2010
ANNEXE 2
Les valeurs du freerunning selon Sébastien Foucan et la Freerunning Academy
• Suivez votre voie.
• Pratiquez en tout temps.
• Respectez les autres dans leur pratique.
• Soyez une source d’inspiration pour autrui.
• Soyez positif et recherchez des environnements favorables.
• Respectez votre environnement.
• N’hésitez pas à essayer d’autres disciplines.
• Ne prenez pas les choses trop au sérieux.
• Le voyage est plus important que l’arrivée.
• Il n’y a pas de bien ou de mal absolu – ce qui compte, c’est que vous appreniez de vos expériences en pratiquant.
• Le freerunning n’est pas une discipline pour les élites, mais pour les gens qui aiment le mouvement et continuent de bouger.
• Canalisez sainement votre énergie, de façon à vous améliorer.
Le freerunning est plus qu’un simple entraînement. C’est retrouver notre héritage, réapprendre ce que nous avons oublié.
Source : www.foucan.com (2011)
* Librement traduit par l’auteur
ANNEXE 3
L’esprit Yamak selon les Yamakasi et l’ADD Academy
Yamakasi est un nom d’origine africaine (en lingala) qui signifie : homme fort, corps fort, esprit fort… C’est ce nom que les pionniers à l’origine du mouvement ont choisi de donner à leur groupe.
L’esprit Yamak représente l’essence du travail sur les valeurs qui a uni les fondateurs de Yamakasi entre eux dans une même recherche :
• Prendre la vie comme une aventure intérieure et respecter l’Homme.
• Respecter son corps par une bonne ali...