Chroniques des arts de la scène à Montréal durant l'entre-deux-guerres
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Chroniques des arts de la scène à Montréal durant l'entre-deux-guerres

Danse, théâtre, musique

Marie-Thérèse Lefebvre

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Chroniques des arts de la scène à Montréal durant l'entre-deux-guerres

Danse, théâtre, musique

Marie-Thérèse Lefebvre

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Les arts de la scène que sont la danse, le théâtre et la musique s'adressent à de larges publics et sont éphémères, du moins pendant l'entre-deux-guerres à Montréal où les technologies de reproduction et de captation en direct sont encore très peu développées.Les critiques réagissent donc dans l'instantanéité et reviennent rarement sur le sujet, sauf dans des chroniques qui leur permettent de surplomber l'événement. Leurs papiers d'humeur ont souvent été déterminants dans la survie ou l'oubli d'une oeuvre. Alors que la presse se transforme au début du XXe siècle en un lieu de diffusion de l'information, on constate que la presse d'opinion demeure très présente dans les pages culturelles. Qui sont ces «écrivants»?Avec la collaboration de Marie Beaulieu, Dominique Garand, Hervé Guay, Lorne Huston et Jean-Pierre PinsonMarie-Thérèse Lefebvre est musicologue. Professeure émérite, elle a enseigné à la Faculté de musique de l'Université de Montréal de 1980 à 2010. Retraitée et associée depuis à cette faculté, elle poursuit ses recherches sur la vie musicale et culturelle au Québec. Auteure de nombreuses publications, elle est membre de la Société des Dix depuis 2002. Elle est l'auteure de Rodolphe Mathieu, 1890-1962. L'émergence du statut professionnel de compositeur au Québec (Septentrion, 2005).

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Information

Year
2016
ISBN
9782896649877
CHAPITRE 1
État des lieux
LE CANADA, 1919-1939
Hervé Guay
L’évolution du journal
Quotidien fondé en 1903 par les financiers et sénateurs François-Ligouri Béique, Marcellin Wilson et Donat Raymond, le journal devient la voix officielle du Parti libéral du Canada.
Godfroy Langlois en est le premier rédacteur en chef jusqu’en décembre 1909, suivi de Fernand Rinfret jusqu’en 1926. Olivar Asselin prend la relève de 1930 à 1934, suivi d’Edmond Turcotte de 1934 à 1937 et de 1942 à 1947, et d’Eustache Letellier de Saint-Just de 1937 à 1942. Willie Chevalier et Jean-Louis Gagnon en seront les derniers directeurs entre 1951 et 1954. Le tirage est d’environ 18 000 exemplaires en 1905 et de 15 000 en 1940.
La chronique culturelle dans les pages du Canada
Le journal dispose d’une chronique culturelle hebdomadaire dès sa première parution, le samedi 4 avril 1903. « La semaine artistique » est d’abord confiée à Gustave Comte et Frédéric Pelletier, qui énoncent conjointement ce par quoi le quotidien tient à se distinguer de ses concurrents en matière de culture : « On a trop fait fi des spécialistes et le souci d’instruire a toujours été de moindre importance. » (C 1903-04-04 : 15) Dès l’année suivante, on ne trouve plus trace de cette chronique dans le journal. Deux ans plus tard, elle est remplacée par une série de communiqués détaillant la programmation des principaux théâtres montréalais, pratique qui dure sous divers intitulés jusqu’à la guerre de 1914 où elle est interrompue un bon moment et remplacée en septembre 1919 par de simples annonces de spectacles paraissant dans la page des sports. En 1923, une page culturelle, composée essentiellement de communiqués sur les spectacles à l’affiche, est rétablie. Cette rubrique ne porte aucune signature pendant la première moitié des années 1920.
Une véritable chronique culturelle est instaurée en novembre 1926 et son titulaire en est Gustave Comte qui signe « Sur toutes les scènes » plusieurs fois par semaine la première année. Elle est souvent accompagnée d’échos appelés « Tabarinades9 », de critiques et de communiqués. L’ensemble couvre de deux à quatre colonnes sur les sept que contient la page, la culture occupant le plus souvent entre le tiers et la moitié de la feuille. La chronique devient anonyme à compter du 20 octobre 1927. Même si la chronique ne change pas d’appellation, les idées du chroniqueur indiquent qu’il ne s’agit sans doute plus de Comte, ce dernier nourrissant à l’égard du jazz des préjugés que ne partage pas son successeur10. En 1928, la chronique se poursuit et, à compter de juillet, porte une nouvelle signature, celle de Dominique Laberge. La présence de Laberge est plus épisodique que celle de Comte, même si elle perdure jusqu’en janvier 1931. Il faut attendre Henri Letondal en novembre 1931 pour que le quotidien retrouve un chroniqueur assidu. Juste avant son arrivée, en avril 1931, Hélène Roulans commence l’envoi de pas moins de 28 chroniques où, jusqu’au 13 février 1933, elle souligne les succès de l’heure et les tendances de la vie théâtrale parisienne.
Dans les années 1930, en vérité, les pages culturelles sont florissantes. Le journal se distingue par une vaste couverture des événements artistiques qui augmente au fil des ans en dépit de la crise jusqu’à constituer souvent une page hebdomadaire complète. Pendant cette période, dans le domaine de la culture, la majorité des revenus publicitaires du Canada provient du cinéma. À compter de 1931, la chronique de Letondal occupe un sixième de la page et devient le point focal d’une page culturelle qui paraît indifféremment le samedi ou un autre jour. Elle est entourée de publicités ou de communiqués de distributeurs de films, plus rarement de producteurs de théâtre, et parfois d’articulets. La publicité du Théâtre Stella attire généralement l’attention en raison de sa taille, car autrement elle serait perdue au milieu de toute cette réclame cinématographique. Jusqu’en 1936, la couverture culturelle s’accroît jusqu’à noircir toute la page, comptant parfois jusqu’à trois articles imposants, dont deux chroniques. En 1938, cependant, on revient à une demi-page composée essentiellement de communiqués et d’annonces de films.
En somme, Le Canada offre un contenu culturel consistant pendant toute la décennie, sauf en 1937 et en 1939, quand cette formule s’essouffle. Pourtant, en dépit de cette masse impressionnante de réclames annonçant les films américains et français, le cinéma est, au début, traité avec mépris. Les choses changent progressivement avec l’avènement du parlant quand la question de la langue entre en jeu. Dès lors, on fait exception pour le cinéma français jugé supérieur au cinéma américain – sauf sur le plan technique. Avec le parlant, c’est toute la production dramatique française qui arrive à Montréal, parfois plus vite que les théâtres ne peuvent la porter à la scène, les pièces populaires, comme celles de Pagnol, fournissant alors au cinéma matière à des adaptations qui sont réalisées promptement.
On sent vraiment le passage d’une culture d’élite à une culture de masse dans le journal grâce aux publicités de film dont la présence est grandissante. Cela n’empêche nullement la chronique culturelle, signée et confiée à des collaborateurs réguliers, de traiter surtout de la culture des élites. Les deux domaines culturels privilégiés dans les chroniques du Canada sont la musique classique et le théâtre. Ce sont aussi les sujets préférés de Léo-Pol Morin et d’Henri Letondal, les deux individus qui y tiennent le plus longtemps une chronique. Les années 1930 voient également une diversité sans précédent de plumes s’exprimer sur la chose artistique. Outre les personnes déjà mentionnées, des noms reviennent plus souvent que les autres : Gérard Dagenais, Henri Girard, Georges Langlois, Robert de Roquebrune et Pierre Wanner.
Après 1936, Morin devient alors pratiquement le seul chroniqueur culturel régulier jusqu’à sa mort en 1941 et sa chronique se trouve le plus souvent aux côtés des éditoriaux, en page deux. Autrement, sur la page culturelle, aux principaux arts s’ajoutent parfois dans l’intitulé de la rubrique, sous une forme ou une autre, la radio et le cinéma. Là encore, le quotidien, lui-même un média de masse, ne reste pas indifférent à l’influence de deux formes d’expression, qui, pendant cette période, exercent un ascendant sans précédent sur la population et se disséminent plus aisément dans l’ensemble du territoire qu’une pièce de théâtre ou un concert. La question de l’enregistrement sonore est aussi de celles qui retiennent l’attention de nombreux chroniqueurs, qui se demandent notamment si le disque augure de la disparition du concert.
En fin de décennie, le contenu de la page culturelle s’avère relativement instable, la chronique disparaissant et réapparaissant, particulièrement dans les dernières années de la décennie, miroir d’un champ culturel en formation dont la configuration est en perpétuel mouvement, en quête d’éléments structurants, d’un point d’équilibre, que le quotidien est encore loin d’avoir trouvés, situation ne cessant d’alimenter des chroniques culturelles qui ne tarissent pas de diagnostics et de solutions, afin de sortir de cette « crise » toute aussi préoccupante que l’autre11.
Ce cas de figure s’avère également celui de la décennie 1940. Dans cette décennie, non seulement la position de la culture dans le journal fluctue, mais la chronique elle-même se détache souvent de la page culturelle. Roger Duhamel tient la barre d’une chronique entre décembre 1940 et septembre 1942. « Le théâtre » qu’il signe trouve en effet place non loin de la chronique de Morin. C’est Jean Vallerand qui succède à Morin. Il traite dorénavant de musique classique et souvent de danse en plus de signer « Paroles sans musique », puis de « La musique ». Il sera là jusqu’en octobre 1946, alors que la guerre n’est plus qu’un souvenir. Jusqu’à la fin de la décennie, les titulaires de la chronique culturelle et sa forme changeront beaucoup et le cinéma aura enfin droit à son propre chroniqueur, Marc Thibeault, à compter de janvier 1946. Témoin également de la respectabilité acquise par le septième art dans le champ culturel montréalais, la chronique « Henri Letondal… à Hollywood » marquera pendant deux ans le retour au Canada de ce journaliste, désormais installé en Californie, qui aura le temps d’écrire pas moins de 75 chroniques entre juillet 1947 et mars 1949.
La présence quasi continue de la chronique culturelle dans les pages du Canada au cours de l’entre-deux-guerres et même au-delà démontre une préoccupation constante de la part de la direction du quotidien à l’égard des arts de la scène. L’orientation libérale du journal donne également à penser que ce lectorat sensible à une idéologie axée sur le progrès social perçoit aussi la culture en ces termes. Ces lecteurs appartiennent du reste à la frange de la bourgeoisie québécoise qui risque le plus de fréquenter le concert et le théâtre, arts qui nécessitent une éducation et des apprentissages qu’elle valorise comme instrument d’avancement et d’épanouissement individuel.
Règle générale, Le Canada fait appel à des journalistes culturels qui ont fait leurs preuves ailleurs avant d’être invités à écrire pour le quotidien. C’est encore plus vrai pour la chronique, qui est un genre confié d’ordinaire à des spécialistes reconnus d’un domaine. En effet, les premiers chroniqueurs approchés par la direction, Pelletier et Comte, travaillent déjà dans le domaine depuis une vingtaine d’années quand ce mandat leur est confié. C’est vrai aussi pour Letondal et Morin qui ont fait leurs premières armes à La Patrie avant d’officier au Canada. À cet égard, Dominique Laberge, qui n’y reste pas longtemps, est l’exception qui confirme la règle, tout comme le sont Pierre Wanner, Hélène Roulans et Édouard Baudry12, qui ont tous les trois en commun d’être nés à l’étranger, ce qui semble les dispenser de montrer patte blanche avant de pouvoir afficher leurs opinions en matière de culture.
La compétence artistique des chroniqueurs du Canada est fondée principalement sur la connaissance de la musique acquise dans des cours privés ou sur l’apprentissage du théâtre dans les cercles amateurs. C’est la seule formation qui soit disponible au Canada français à cette époque à celui qui n’est pas allé étudier en Europe ou aux États-Unis où des cours plus spécialisés existent. Léo-Pol Morin, parce qu’il est pianiste, a eu accès à ce type d’enseignement en plus d’avoir été longtemps exposé à la musique moderne à Paris où il a vécu. Parce qu’il a travaillé en France, Henri Letondal a de même une connaissance du théâtre français de son temps qui n’est pas que livresque. Aussi leurs chroniques sont-elles écrites dans la conscience de l’écart qui existe entre leur milieu et les grandes capitales...

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