Waswanipi
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Waswanipi

  1. 120 pages
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Waswanipi

About this book

En 1963, Jean-Yves Soucy a dix-huit ans. À la recherche d'un boulot d'Ă©tĂ©, il soumet sa candidature au bureau du ministĂšre des Terres et ForĂȘts pour un emploi comme garde-feu, comptant bien se retrouver dans une tour d'observation. Mais, comme il a quelques rudiments d'anglais, il est plutĂŽt affectĂ© Ă  Waswanipi, dans un dĂ©pĂŽt de matĂ©riel destinĂ© Ă  combattre les feux de forĂȘt. Sa dĂ©ception initiale s'Ă©vanouit lorsqu'il apprend que son poste est situĂ© prĂšs d'un village indien, qu'il aura deux guides cris – dont un s'appellera William Saganash – et que le travail consistera Ă  patrouiller en canot. Quand il exprime son dĂ©sir de se rendre immĂ©diatement au village indien, son patron grommelle: « Tu vas voir, t'auras le temps de te tanner des Sauvages. Je les connais: tous pareils, paresseux et voleurs. »Mais c'est tout le contraire qui se produit. Chaque rencontre avec les Cris, chacun des longs trajets en canot ou Ă  travers la forĂȘt sont pour lui l'occasion de dĂ©couvrir un peu plus un peuple et une culture dont il ne savait strictement rien au-delĂ  des vieux clichĂ©s, en mĂȘme temps que les Ă©cailles lui tombent des yeux devant une nature que ses compagnons connaissent comme personne.Simple, touchant, Waswanipi Ă©voque la rencontre entre le QuĂ©bec moderne et les PremiĂšres Nations, dans une Ăšre oĂč tout semblait encore neuf, possible.

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L’homme blanc qui vient dans mon pays laisse derriùre lui une piste de sang.
Dee Brown, Enterre mon cƓur à Wounded Knee
Prologue
À six ans, je grimpais sur les collines derriĂšre chez moi, Ă  Amqui, afin de dominer la vallĂ©e de la MatapĂ©dia. À mes pieds, les champs descendaient vers la riviĂšre ; en face, d’autres champs montaient vers d’autres collines boisĂ©es. Je me disais que si je pouvais m’élancer droit devant moi et planer comme les hirondelles, je survolerais les toits des maisons et des granges, la route, la riviĂšre.
DĂ©couvrir le monde d’un autre point de vue. À vol d’oiseau. Le rĂȘve millĂ©naire des humains, rĂȘve qui ne m’a jamais quittĂ© et s’est rĂ©alisĂ© pour la premiĂšre fois Ă  l’adolescence.
1
1963, Waswanipi. L’hydravion, un Beaver, s’est arrachĂ© de la surface de l’eau avec une facilitĂ© Ă©tonnante pour un appareil Ă  l’air si pataud et si peu aĂ©rodynamique. Ce n’est pas tant mon premier vol en avion, Ă  dix-huit ans, qui m’impressionne que le fait d’ĂȘtre enfin une sorte d’oiseau. Je dĂ©couvre d’en haut la forĂȘt borĂ©ale que j’ai souvent arpentĂ©e. Et cette taĂŻga tellement dense que les branches se touchent et bouchent la vue, si ardue Ă  traverser avec ses tourbiĂšres, ses ruisseaux, ses plaines de muskeg*, ses barrages de castors qui obligent Ă  de longs dĂ©tours, prend depuis les airs l’allure d’un parc accueillant pour le promeneur. On dirait une maquette avec ses arbres miniatures ! Une carte topographique vivante et en trois dimensions.
Le nez collĂ© contre le hublot, insensible aux vibrations de la carlingue et aux grondements assourdissants du moteur, je me sens emportĂ© vers un nouveau monde. Lorsque j’ai soumis ma candidature au bureau du ministĂšre des Terres et ForĂȘts, Ă  Amos, pour un emploi d’étĂ© comme garde-feu, je comptais bien me retrouver dans une tour d’observation. Il y en a une tous les cinquante milles, juchĂ©e sur une colline non loin d’un lac devant lequel se dresse la maison qui hĂ©berge deux Ă©tudiants en juillet et en aoĂ»t ; il faut grimper chaque matin au sommet de la tour et y passer la journĂ©e Ă  surveiller la forĂȘt, Ă  scruter les horizons afin de dĂ©tecter toute fumĂ©e suspecte.
Mais le fonctionnaire m’a demandĂ© en anglais si je parlais anglais.
— J’ai beaucoup de vocabulaire et je connais la grammaire, mais ma prononciation laisse Ă  dĂ©sirer. Et je lis bien en anglais.
Sur ce, je tire de ma besace un « pocket book », Lesson in Love, la traduction amĂ©ricaine de Pot-Bouille d’Émile Zola, ce qui semble impressionner mon interlocuteur. Dans ma petite ville, l’unique bibliothĂšque se trouve au sous-sol de la cathĂ©drale et la seule librairie appartient aux trĂšs catholiques clercs de Saint-Viateur : impossible d’y trouver Balzac, encore moins Zola, des auteurs Ă  l’Index ! C’est dans un tourniquet chez le marchand de journaux et de revues que j’ai dĂ©nichĂ© une Ɠuvre du pĂšre du naturalisme, un exemplaire payĂ© trente-cinq sous que j’ai encore en ma possession.
Cette idĂ©e de me vanter ainsi ! RĂ©sultat, je ne serai pas affectĂ© Ă  une tour d’observation avec un autre Ă©tudiant, mais Ă  un dĂ©pĂŽt de matĂ©riel destinĂ© Ă  combattre les feux de forĂȘt. Ma dĂ©ception initiale s’évanouit lorsque j’apprends que mon poste est situĂ© prĂšs d’un village indien, que nous avons deux guides cris et que le travail consistera Ă  patrouiller en canot, en plus d’entretenir le matĂ©riel. Le gros lot, quoi !
Le lac Waswanipi apparaĂźt enfin, immense tache brune au milieu du vert terne d’une mer d’épinettes noires, d’une longueur de 39,4 kilomĂštres, d’une largeur de 13,4 kilomĂštres et d’une superficie de 184,79 kilomĂštres carrĂ©s. Il a la forme d’un croissant grossier aux pointes orientĂ©es vers l’ouest et au ventre gonflĂ© dans la direction opposĂ©e. À un bout, la riviĂšre arrive de l’est et repart aussitĂŽt vers le nord ; entre charge et dĂ©charge, un archipel.
Sur l’extrĂ©mitĂ© dĂ©boisĂ©e d’une Ăźle, quelques constructions de bois peintes en blanc aux toits rouges et des alignements irrĂ©guliers de tentes rectangulaires, blanches elles aussi. Le Beaver poursuit sa route, car les installations du ministĂšre se trouvent deux kilomĂštres plus loin, sur une autre Ăźle en plein milieu de la riviĂšre Waswanipi, qui coule vers le lac au GoĂ©land.
AprĂšs avoir dĂ©chargĂ© les deux barils d’essence, les jerrycans de kĂ©rosĂšne et de naphta pour l’éclairage, une batterie d’automobile ainsi que nos bagages et provisions, l’hydravion repart, nous laissant seuls sur le quai flottant, mon compagnon et moi. J’avais cru passer l’étĂ© avec un gars de mon Ăąge, mais je suis jumelĂ© Ă  un cinquantenaire, un petit vieux aux yeux de l’adolescent que je suis. (Oh ! cruelle jeunesse ! Un jour, tu trouveras que tu Ă©tais jeune Ă  cinquante ans
)
J’aimerais bien me rendre immĂ©diatement au village indien, mais il faut d’abord procĂ©der Ă  notre installation.
— Tu vas voir, t’auras le temps de te tanner des Sauvages, grommelle AndrĂ©, qui se considĂšre comme le patron, privilĂšge de son grand Ăąge. Je les connais : tous pareils, paresseux et voleurs.
Mon Dieu, ça commence bien ! Et moi qui me fais une joie de travailler avec deux Cris. Il y a des Algonquins qui vivent Ă  Pikogan, prĂšs d’Amos, mais je n’ai jamais eu l’occasion de les frĂ©quenter. Peut-ĂȘtre que j’ai une vision romantique des premiers habitants du pays et que je vais dĂ©chanter, comme l’annonce mon compagnon, on verra bien.
Nous logerons dans une maison peinte en blanc, aux cadres de porte et de fenĂȘtres du mĂȘme vert forĂȘt que la toiture. On entre dans une grande piĂšce qui sert tout Ă  la fois de cuisine, de salle Ă  manger et de salon ; au fond, Ă  droite, une chambre Ă©quipĂ©e de deux lits superposĂ©s et, devant, un recoin, le « bureau » oĂč trĂŽne un Ă©norme appareil radio au boĂźtier en bois ornĂ© de cadrans, de roulettes et de manettes, un modĂšle dernier cri en
 1930 ! Ce monstre nous servira Ă  faire notre rapport quotidien au bureau de Rapide-des-CĂšdres, Ă  lancer l’alerte en cas de feu de forĂȘt et Ă  commander la nourriture que l’avion nous apportera toutes les deux semaines (quand il ne sera pas en retard).
TĂąche prioritaire fixĂ©e par notre patron Ă  Rapide-des-CĂšdres : hisser le drapeau du QuĂ©bec qu’il nous a confiĂ© avec Ă©motion. Il s’agit d’affirmer l’autoritĂ© de la province dans ce territoire que le fĂ©dĂ©ral a toujours administrĂ© comme le sien. Ensuite, installer la batterie et faire fonctionner la petite gĂ©nĂ©ratrice Ă  essence afin de la charger. Ici, l’électricitĂ© est rĂ©servĂ©e Ă  la radio : nous cuisinerons avec le poĂȘle Ă  bois, nous nous Ă©clairerons avec des lampes Ă  huile et un fanal Coleman. Pas de frigo, bien sĂ»r, ni mĂȘme de glaciĂšre, une simple Ă©tagĂšre entourĂ©e de moustiquaire pour protĂ©ger la nourriture des mouches et des rongeurs. J’ai l’air intelligent avec mes deux steaks, mes douzaines d’Ɠufs, mon jambon et mes saucisses fumĂ©es ! Plus aguerri, mon « patron » a apportĂ© des briques de lard salĂ© et des conserves. Nous dĂ©cidons de partager mes denrĂ©es pĂ©rissables avant qu’elles se gĂątent, ensuite nous nous rabattrons sur le lard salĂ© et la viande en boĂźte : Klik, Kam, Paris PĂątĂ©, corned beef. Quant aux Ɠufs, nous en cuirons une partie Ă  la coque pour les conserver ensuite dans le vinaigre, ce que je dĂ©teste. À la guerre comme Ă  la guerre.
Il y a pleine lune cette nuit-lĂ  et les chiens de la rĂ©serve indienne hurlent en chƓur, musique sublime qui me semble ĂȘtre celle du pays mĂȘme.
— Chrisse de chiens ! lance AndrĂ© en guise de bonne nuit avant de refermer la moustiquaire qui protĂšge sa couche.
Ça va ĂȘtre gai
, me dis-je intĂ©rieurement. Le sommeil vient difficilement, non pas Ă  cause des hurlements, qui rappellent ceux des loups, mais de l’excitation qui m’habite.
Le premier matin, alors que je roule une cigarette, assis sur une marche du perron, un canot s’amùne qui porte deux hommes. Nos guides ! Je les accueille sur le quai en leur tendant la main.
— Jean-Yves Soucy, dis-je avant d’ajouter devant leur air perplexe : John.
Celui qui était au moteur me serre la main.
— Johnny
 William Saganash. Him, Tommy Gull. He don’t speak English.
Je lui trouve une certaine ressemblance avec mon grand-pÚre Soucy, qui prétendait avoir du sang malécite ; quant à Tommy, il me rappelle le visage rieur de mon oncle Albert Tremblay. Pour le dépaysement ethnique, on repassera ! Tommy pointe son index vers moi et demande :
— Ochimaow ** ?
— Are you the boss ? traduit William.
— No. The boss

J’indique du pouce la bĂ©cosse Ă  cĂŽtĂ© de l’entrepĂŽt et mime quelqu’un d’accroupi qui force pour dĂ©fĂ©quer. Je constate alors que le fou rire n’a pas de race.
— Misiou, s’exclame Tommy.
— He makes shit.
Je fais rĂ©pĂ©ter l’expression plusieurs fois Ă  un Tommy amusĂ© qui corrige ma prononciation. Chier, le premier mot cri que j’apprends et transcris ensuite dans le petit calepin Ă  couverture noire que je conserve dans la poche de ma chemise de laine. La premiĂšre entrĂ©e dans mon lexique cri ! Je sens qu’une connivence vient de s’établir entre nous et, comme notre « bos...

Table of contents

  1. Page couverture
  2. Les Éditions du BorĂ©al
  3. Faux-titre
  4. Du mĂȘme auteur
  5. Titre
  6. Crédits
  7. Avant-propos
  8. À mes chùres filles, Isabelle et Dominique
  9. Exergue 1
  10. Prologue
  11. 1
  12. 2
  13. 3
  14. 4
  15. 5
  16. 6
  17. Épilogue
  18. Postface
  19. Crédits et remerciements
  20. Collection
  21. Fin
  22. QuatriĂšme de couverture