La thérapie comportementale
Dans les tocs, la thérapie comportementale est essentielle, en particulier la technique d’exposition avec prévention de la réponse ritualisée (EPR*).
C’est pour la première fois en 1966 que Meyer et Marks, au Maudsley Hospital de Londres, ont montré qu’il s’agissait de désapprendre le comportement rituel pour ne plus être malade. Edna Foa, une psychiatre de Philadelphie, qui a repris toute la littérature internationale des années 1980, a montré que lorsque l’on pratiquait l’EPR, il y avait 90 % des patients qui voyaient leur temps de rituels diminuer d’au moins 30 %, et 51 % qui étaient très améliorés ou guéris. C’est donc la technique à utiliser.
Les patients qui souffrent de toc, dans leur immense majorité, critiquent d’une manière très importante l’utilité de leurs rituels : « Je sais bien que ce que je fais est complètement idiot, mais je ne peux pas m’en empêcher. » Ces patients sont des candidats de choix pour l’EPR.
À l’opposé, d’autres cherchent plutôt à vous prouver qu’ils sont dans le vrai en faisant les compulsions – même si leur comportement est « un peu excessif » – et que vous feriez bien de faire comme eux. Ce sont les tocs à faible prise de conscience. Pour ces patients, la thérapie cognitive est obligatoire. Mais soyons clairs, la thérapie cognitive ne sera qu’un moyen pour eux d’accéder à la thérapie comportementale qui est incontournable. Car ce n’est que lorsqu’ils acceptent de se confronter à ce qui génère l’envie de faire les compulsions et qu’ils réussissent à ne pas les faire qu’ils peuvent guérir de leur toc.
Quelle est la fonction de la compulsion sur le mal-être ?
Dans un premier temps et transitoirement, une compulsion apaise le mal-être (ce fait la définit : acte mental ou comportemental volontaire mais au caractère obligatoire que l’on fait pour apaiser le mal-être ou pour éviter une catastrophe). Elle est donc efficace et c’est la raison pour laquelle les patients atteints de toc en font de plus en plus et que la tendance naturelle du toc est à l’aggravation. Il a été prouvé en effet que plus on fait des compulsions, plus on a besoin d’en faire. Pour mes patients, j’utilise souvent cette image : un toxicomane en manque qui s’injecte un peu d’héroïne est apaisé, il se sent mieux, mais ce n’est certainement pas le traitement de la toxicomanie que de s’injecter de l’héroïne. De même, ce n’est pas le traitement des tocs que de faire les rituels.
Si un patient qui vient de s’exposer s’abstient de faire sa compulsion, il va certainement ressentir du mal-être. Ce mal-être va durer un certain temps, puis va décroître. Exactement la même exposition répétée plusieurs fois va entraîner un mal-être de moins en moins intense et ce mal-être va durer de moins en moins longtemps. Puis s’opère le phénomène d’habituation, l’exposition ne provoque plus aucun mal-être ou bien minime et fugace.
La phase d’évaluation, pédagogique et de motivation au traitement
Lorsqu’un patient vient consulter, il faut d’abord s’assurer qu’il s’agit bien d’un toc, rechercher des troubles associés qui rendent la prise en charge plus complexe, s’enquérir des traitements antérieurs, quels qu’ils soient. Grâce à ce livre, en vous reportant à l’index, vous saurez si vous souffrez bien d’un toc.
Une fois le diagnostic posé, vous devez maintenant être capable pour vos différents tocs d’écrire : « Dans mon cas, dans telle situation, mon obsession est… et ma compulsion est… »
Au cours de la thérapie comportementale et cognitive doit s’instaurer une relation de collaboration entre le thérapeute et son patient afin d’atteindre le but commun, c’est-à-dire la guérison.
Le thérapeute donne beaucoup d’informations sur la maladie, fait lire des livres sur les tocs. Son objectif est de faire du patient « un spécialiste des tocs ». Cet ouvrage poursuit d’ailleurs ce but. Il a une vocation thérapeutique.
Vous devez être capable de répondre précisément à toutes ces questions :
Par quels événements ou situations les obsessions (les phénomènes intrusifs) sont-elles provoquées ?
Quelles sont-elles ?
Que vous racontez-vous au sujet des pensées intrusives (pensées évaluatives*) ?
Quelle est l’émotion associée (qualifiez le mal-être que vous ressentez) ?
Faites-vous alors des compulsions mentales ou comportementales ? Lesquelles ?
Si vous ne les faisiez pas, que se passerait-il selon vous ?
Avez-vous déjà essayé ? Dans l’affirmative, que s’est-il passé ?
Évitez-vous des situations pour ne pas être confronté au toc ? Lesquelles ?
Vous pouvez effectuer un autoenregistrement de ces tocs au cours d’une journée de travail et d’une journée de repos. Il s’agit alors de noter chaque fois que vous faites une compulsion ou un évitement la situation qui a déclenché, le phénomène intrusif involontaire et gênant qui est apparu (l’obsession), le mal-être qu’il a provoqué, la compulsion ou l’évitement qui en a résulté.
Vous pouvez vous motiver pour le traitement en rencontrant des patients guéris de toc qui ont réussi à se battre et à éliminer leurs compulsions grâce à une thérapie comportementale et cognitive. Des associations de patients comme l’AFTOC peuvent jouer là un rôle important. Pour ma part, il m’arrive souvent de faire rencontrer à un patient pour lequel je suis en phase d’évaluation pédagogique et de motivation au traitement un autre patient qui souffrait d’un toc similaire. Ce dernier fait part de son expérience thérapeutique réussie. Constater ainsi que la guérison est possible augmente bien sûr la motivation.
Tous ces aspects informatifs et motivationnels me semblent essentiels. La pratique de la thérapie comportementale et cognitive, en particulier l’exposition avec prévention de la réponse (EPR), vous provoquera du mal-être. Ce mal-être est même le signe que vous pratiquez correctement l’EPR. Pour le supporter, il est fondamental de savoir que vous ne faites pas cela pour rien et qu’en pratiquant ainsi vous irez de mieux en mieux.
Si vous souffrez de toc, et pour avancer dans la compréhension et le traitement de votre trouble, je vous engage à propos de chacun de vos tocs, à remplir le tableau suivant selon l’exemple ci-dessus :
| Exemple | Un exemple vous concernant |
Situation qui déclenche, si elle existe. | Je suis avec ma petite amie, je m’ennuie. | |
L’obsession : la pensée qui arrive dans mon esprit (involontaire). | M’ennuyer veut dire que je ne l’aime pas. | |
La pensée évaluative : ce que je me dis au sujet de l’obsession, de la situation, du comportement à adopter ou des conséquences qui pourraient survenir. | Cela serait affreux de ne pas l’aimer moi qui l’ai suppliée de me pardonner une infidélité. Je serais un salaud. | |
La conséquence émotionnelle : le mal-être. | Angoisse, mal-être. | |
La compulsion : ce que je me sens obligé de faire ou de penser « pour me sentir mieux » (volontaire). | Je regarde une fille inconnue attentivement pour vérifier que je ne suis pas attiré par elle. | |
Les conséquences redoutées : ce qui se passerait si je ne faisais pas cette compulsion. | Je serais dans le doute. Cela serait terrible de garder cette angoisse. | |
Effectuez ce travail pour chacun de vos tocs.
Enfin recherchez toutes les situations que vous évitez à cause de vos tocs. Dressez-en une liste.
Exemples :
Faire entrer quelqu’un chez moi parce qu’il salirait.
Fermer la porte moi-même car j’ai trop de vérifications : je le fais faire par mon mari.
Aller dans un cimetière car j’ai trop de pensées intrusives superstitieuses.
Etc.
Choisissez des objectifs à long terme
En utilisant l’index de ce livre ou la liste des obsessions-compulsions ou de vos autoenregistrements, fixez-vous maintenant des objectifs à long terme de lutte contre vos tocs. Choisissez-les de telle façon que s’ils sont atteints votre vie quotidienne en sera améliorée d’une manière significative.
De ce fait, votre attention doit se porter sur les tocs à haute fréquence. Inscrivez ces objectifs même s’ils vous paraissent pour le moment complètement hors de portée. Faites-le comme dans l’exemple ci-dessous (avec la même formulation).
J’ai pris comme exemple les objectifs à long terme de Natacha (voir « La terreur des seringues »). Les voici : « J’aimerais un jour, même si actuellement cela me paraît impensable et absolument impossible, gagner la liberté de :
Prendre à nouveau les transports et n’éviter aucun lieu public même les boîtes de nuit.
Laver mes affaires sans les trier dans une laverie publique.
Ne pas jeter des achats que je crois contaminés et ne pas renoncer à les utiliser.
Classez maintenant vos buts à long terme du moins impensable au plus irréaliste.
Pour Natacha l’ordre était le suivant :
Avant d’aller plus avant dans la planification de votre action thérapeutique, il faut que vous ayez une idée de la pratique de l’EPR.