Marie-Claire
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Marie-Claire

About this book

Roman autobiographique. A la mort de sa mere, la petite Marie-Claire, ùgée de cinq ans, est placée a l'Assistance publique, séparée brutalement de sa soeur et d'un pere alcoolique. Monde clos, cet orphelinat est dirigé par d'austeres religieuses. Marie-Claire se réfugie souvent dans le giron de soeur Marie-Aimée, l'institutrice a la voix chaleureuse. Pour sa protégée, cette derniere reve d'un beau destin et des que Marie-Claire a fait sa premiere communion, elle lui propose d'entrer comme demoiselle de magasin chez MlleMaximilienne, la soeur du curé. La mere supérieure, par jalousie, en décide autrement: «Vous serez bergere, mademoiselle.» Elle se retrouve donc a la ferme de Villevieille en Sologne, et fait l'apprentissage de son nouveau métier, aidée par la vieille Bibiche et le vacher. Grùce a la compassion des fermiers Sylvain et Pauline, aux beautés de la nature et a la découverte de Télémaque au fin fond du grenier, Marie-Claire retrouve une forme de sérénité jusqu'a une nouvelle rupture: la mort de Sylvain amene a la ferme de nouveaux propriétaires. Devenue servante de MmeAlphonse, femme maniaque et froide, Marie-Claire retombe dans un désarroi absolu...

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Information

TROISIÈME PARTIE

Les nouveaux fermiers arrivĂšrent le lendemain. Les laboureurs et la servante Ă©taient venus dĂšs le matin, et, lorsque le soir, les maĂźtres entrĂšrent dans la maison, je savais qu’on les appelait M. et Mme Alphonse.
M. Tirande resta deux jours Ă  Villevieille et partit aprĂšs m’avoir rappelĂ© que j’étais au service de sa bru, et que je n’aurais plus Ă  m’occuper des travaux de la ferme.
DĂšs la premiĂšre semaine, Mme Alphonse avait fait transformer la chambre d’EugĂšne en lingerie, et elle m’avait aussitĂŽt installĂ©e devant une grande table sur laquelle Ă©taient plusieurs piĂšces de toile, que je devais transformer en linge de toutes sortes.
Elle venait s’asseoir prĂšs de moi, pour faire de la dentelle ; elle restait des journĂ©es entiĂšres sans me dire un mot.
Quelquefois elle me parlait des armoires pleines de linge de sa mĂšre.
Sa voix était sans timbre, et sa bouche remuait à peine pour parler.
M. Tirande paraissait beaucoup aimer sa bru. Chaque fois qu’il venait, il s’informait de ce qu’elle pouvait dĂ©sirer.
Elle n’aimait que le linge. Alors il partait en promettant d’acheter d’autres piùces de toile.
M. Alphonse ne paraissait guĂšre qu’aux heures de repas. J’aurais Ă©tĂ© bien en peine de dire Ă  quoi il employait son temps.
Son visage me rappelait celui de la supĂ©rieure. Il avait comme elle la peau jaune et les yeux brillants ; on eĂ»t dit qu’il portait en lui un brasier qui pouvait le consumer d’un moment Ă  l’autre.
Il Ă©tait trĂšs pieux, et chaque dimanche, il partait avec Mme Alphonse Ă  la messe du village qu’habitait M. Tirande.
Au commencement, ils voulurent m’emmener dans leur voiture ; mais je refusai, prĂ©fĂ©rant aller Ă  Sainte-Montagne oĂč j’espĂ©rais rencontrer Pauline ou EugĂšne.
Quelquefois, un des laboureurs venait avec moi, mais le plus souvent, je m’en allais seule, par un chemin de traverse qui diminuait de beaucoup le trajet.
C’était un chemin rude et pierreux qui grimpait sur la colline, Ă  travers les genĂȘts.
À l’endroit le plus Ă©levĂ©, je m’arrĂȘtais devant la maison de Jean le Rouge.
Cette maison Ă©tait basse et profonde ; les murs Ă©taient aussi noirs que le chaume qui la recouvrait ; et on eĂ»t pu passer Ă  cĂŽtĂ© sans la voir, tant les genĂȘts qui l’entouraient Ă©taient hauts.
J’entrais pour dire bonjour Ă  Jean le Rouge, que je connaissais depuis que j’étais Ă  la ferme de Villevieille.
Il avait toujours travaillĂ© pour maĂźtre Sylvain, qui le tenait en grande estime. EugĂšne disait qu’on pouvait le faire toucher Ă  tout et qu’avec lui les choses Ă©taient toujours bien faites.
Maintenant, M. Alphonse ne voulait plus l’occuper ; il parlait de le renvoyer de la maison de la colline. Jean le Rouge en Ă©tait si affectĂ©, qu’il ne pensait plus qu’à cela.
AussitĂŽt aprĂšs la messe, je revenais par le mĂȘme chemin. Les enfants de Jean m’entouraient pour avoir le pain bĂ©nit que je leur rapportais. Ils Ă©taient six, et l’aĂźnĂ© n’avait pas encore douze ans. Mon pain bĂ©nit n’était guĂšre plus gros qu’une bouchĂ©e ; aussi, je le remettais Ă  la femme de Jean qui le distribuait en parts Ă©gales.
Pendant ce temps, Jean le Rouge apportait pour moi un escabeau devant le feu, et il s’asseyait lui-mĂȘme sur une rondelle de bois, qu’il roulait du pied, jusqu’à la cheminĂ©e. Sa femme ramenait les brindilles dans le feu avec de lourdes pincettes ; et dans le chaudron pendu Ă  la crĂ©maillĂšre, on voyait cuire de grosses pommes de terre jaunes.
Dùs le premier dimanche, Jean le Rouge m’avait dit :
– Je suis aussi un enfant abandonnĂ©.
Et peu Ă  peu, il m’avait appris qu’à l’ñge de douze ans on l’avait placĂ© chez le bĂ»cheron qui habitait dĂ©jĂ  la maison de la colline. Il avait su trĂšs vite grimper au sommet des arbres pour y attacher la corde qui devait les faire pencher ; puis, la journĂ©e finie, et son fagot de bois sur le dos, il partait en avant pour arriver plus vite Ă  la maison, oĂč il trouvait la petite fille du bĂ»cheron, en train de faire la soupe.
Elle Ă©tait du mĂȘme Ăąge que lui, et ils Ă©taient devenus tout de suite de bons amis.
Puis, le malheur arriva, un soir de Noël.
Le vieux bĂ»cheron, qui croyait les enfants bien endormis, s’en alla Ă  la messe de minuit. Mais eux s’étaient levĂ©s aussitĂŽt aprĂšs son dĂ©part. Ils voulaient prĂ©parer le rĂ©veillon pour le retour du vieux, et ils se faisaient une joie de sa surprise.
Pendant que la fillette faisait cuire des chùtaignes, et mettait sur la table le pot de miel et la cruche de cidre, Jean le Rouge préparait un feu de grosses bûches.
Du temps passa ; les chĂątaignes Ă©taient cuites, et le bĂ»cheron tardait Ă  rentrer. Les enfants s’assirent par terre devant le feu pour avoir plus chaud, et ils finirent par s’endormir, en s’appuyant l’un contre l’autre.
Jean se rĂ©veilla aux cris que poussait la petite fille. Il ne comprit pas tout d’abord pourquoi elle levait les bras si haut devant la flamme.
Comme elle sautait sur ses pieds pour s’enfuir, il vit qu’elle brĂ»lait.
Elle avait déjà ouvert la porte du jardin, et elle courait en éclairant les arbres.
Alors, Jean l’avait saisie, et jetĂ©e dans la fontaine de la source.
Le feu s’était Ă©teint tout de suite, mais lorsque Jean voulut la sortir de la fontaine, il la trouva si lourde, qu’il crut qu’elle Ă©tait morte. Elle ne faisait aucun mouvement, et il mit longtemps Ă  la tirer de l’eau, puis, il la ramena Ă  la maison, en la traĂźnant comme un fagot.
Les grosses bûches étaient devenues des braises rouges ; seule, la plus grosse, qui était humide, continuait à fumer et à grésiller.
Le visage de la petite fille n’était plus qu’une Ă©norme boursouflure noire et violacĂ©e et son corps Ă  moitiĂ© nu laissait voir de larges taches rouges.
Elle resta de longs mois malade, et quand, enfin, on la crut guĂ©rie, ou s’aperçut qu’elle Ă©tait devenue muette.
Elle entendait trĂšs bien, elle pouvait mĂȘme rire comme tout le monde ; mais il lui Ă©tait impossible d’articuler un seul mot.
Pendant que Jean le Rouge me racontait ces choses, sa femme le regardait en remuant les yeux, comme si elle lisait un livre.
Son visage portait des traces profondes de brĂ»lures, mais on s’y habituait trĂšs vite, et on ne voyait plus que sa bouche aux dents blanches, et ses yeux un peu inquiets. Elle appelait ses enfants en faisant entendre un Ă©clat de voix prolongĂ©, et les petits accouraient, et comprenaient tous ses gestes.
J’étais dĂ©solĂ©e aussi de leur voir quitter la maison de la colline.
C’étaient les derniers amis qui me restaient et l’idĂ©e m’était venue de parler d’eux Ă  Mme Alphonse, dans l’espoir qu’elle obtiendrait de son mari qu’il veuille bien les garder.
Je trouvai l’occasion un jour que M. Tirande et son fils Ă©taient entrĂ©s dans la lingerie en parlant de changements Ă  faire Ă  la ferme.
M. Alphonse ne voulait pas de troupeau : il parlait d’acheter des machines agricoles, d’abattre les sapins et de dĂ©fricher la colline. Les Ă©tables serviraient de remises pour les machines, et la maison de la colline deviendrait un grenier Ă  fourrages.
Je ne sais si Mme Alphonse entendait ; elle travaillait Ă  sa dentelle avec une grande attention.
Aussitît que les deux hommes furent sortis, j’osai parler de Jean le Rouge.
J’expliquai combien il avait Ă©tĂ© utile Ă  maĂźtre Sylvain : je dis son chagrin de quitter cette maison qu’il habitait depuis si longtemps, et quand je m’arrĂȘtai, tout angoissĂ©e de la rĂ©ponse qui allait venir, Mme Alphonse retira son crochet du fil et dit :
– Je crois que je me suis trompĂ©e d’une maille.
Elle compta jusqu’à dix-neuf, et elle ajouta :
– C’est ennuyeux, il faut que je dĂ©fasse tout un rang.
Quand je rapportai cela Ă  Jean le Rouge, il eut un mouvement de colĂšre, qui lui fit tendre le poing vers Villevieille. Mais sa femme lui mit la main sur l’épaule en le regardant. AussitĂŽt Jean se calma.
Jean le Rouge quitta la maison de la colline Ă  la fin de janvier, et une profonde tristesse entra en moi.
Maintenant, je n’avais plus d’amis.
Je ne reconnaissais plus la ferme ; tous ces gens s’y mettaient Ă  leur aise, et il me semblait que c’était moi la nouvelle venue. La servante me regardait avec mĂ©fiance, et les laboureurs Ă©vitaient de me parler.
La servante s’appelait AdĂšle. Tout le jour, on l’entendait bougonner et traĂźner ses sabots. Elle faisait du bruit mĂȘme quand elle marchait sur la paille. À table, elle mangeait debout, et elle rĂ©pondait sans politesse aux observations des maĂźtres.
M. Alphonse avait fait enlever le banc de la porte et mettre à sa place des petits arbustes verts qu’on avait enclos d’un treillage.
Il avait fait aussi enlever le vieil orme oĂč la hulotte Ă©tait venue chanter, les soirs d’étĂ©.
Il devait y avoir longtemps que le vieil arbre ne donnait plus d’ombrage au seuil de la maison : il ne portail plus qu’un bouquet de feuillage tout en haut, et cela lui faisait comme une tĂȘte, qui se penchait pour Ă©couter ce qui se disait en bas.
Les bĂ»cherons qui vinrent pour l’abattre furent d’avis que cela ne serait pas facile. Il menaçait, en tombant, de dĂ©molir la toiture de la maison.
Enfin, aprĂšs bien des discussions, et bien des tours autour de lui, on dĂ©cida de l’enserrer de grosses cordes qui le feraient pencher et l’obligeraient Ă  tomber sur le fumier.
Il fallut la journĂ©e de deux hommes pour l’abattre, et au moment oĂč on croyait qu’il allait se coucher tranquillement, une des cordes se desserra et le vieil orme se releva pour retomber de cĂŽtĂ©. Il glissa sur le toit en entraĂźnant la cheminĂ©e et une grande quantitĂ© de tuiles, et aprĂšs avoir Ă©corchĂ© le mur, il se coucha en travers de la porte : et pas une de ses branches ne toucha le fumier.
M. Alphonse ne put retenir un cri de colĂšre. Il saisit la hache d’un des bĂ»cherons, et il frappa l’arbre d’un coup si violent qu’un morceau d’écorce sauta dans la fenĂȘtre de la lingerie et cassa un carreau.
Mme Alphonse vit des Ă©clats de verre tomber sur moi, elle se leva avec une vivacitĂ© que je ne lui connaissais pas, et avec des mains tremblantes et des yeux peureux, elle examina minutieusement chaque endroit de la nappe que j’étais en train de broder.
Mais elle ne vit pas que j’essuyais avec mon mouchoir une petite coupure que le verre m’avait faite à la joue.
Elle eut si peur qu’il n’arrivñt malheur aux piles de linge qui commençaient à s’entasser, qu’elle m’emmena le lendemain chez sa mùre pour me faire voir comment il fallait ranger les armoires.
La mĂšre de Mme Alphonse s’appelait Mme Deslois ; mais quand les laboureurs parlaient d’elle, ils disaient toujours « la bourgeoise du chĂąteau ».
Elle n’était venue qu’une fois Ă  Villevieille.
Elle s’était approchĂ©e de moi, et m’avait regardĂ©e de trĂšs prĂšs en clignant des yeux. C’était une grande femme qui marchait courbĂ©e, comme si elle cherchait quelque chose par terre. Elle habitait le grand domaine du GuĂ© Perdu.
Mme Alphonse prit un sentier, le long de la petite riviĂšre.
On était à la fin de mars, et les prés étaient déjà tout fleuris.
Mme Alphonse marchait tout droit dans le sentier ; mais moi, j’avais un grand plaisir à marcher dans l’herbe molle.
On arriva bientĂŽt prĂšs du grand bois oĂč le loup m’avait pris un agneau.
J’avais gardĂ© de ce bois une frayeur mystĂ©rieuse, et quand on quitta le sentier de la riviĂšre pour prendre un chemin qui traversait les bois, je fus prise d’une vĂ©ritable Ă©pouvante.
Cependant le chemin Ă©tait large ; il devait mĂȘme y passer souvent des voitures, car les orniĂšres y Ă©taient profondes.
Au-dessus de nos tĂȘtes, les aiguilles des sapins crissaient continuellement en se frĂŽlant. Cela faisait un bruit doux et lĂ©ger qui ne ressemblait en rien au chuchotement sec et coupĂ© de silences que le bois avait fait entendre quand il Ă©tait chargĂ© de neige. MalgrĂ© cela, je ne pouvais m’empĂȘcher d...

Table of contents

  1. Titre
  2. PRÉFACE
  3. PREMIÈRE PARTIE
  4. DEUXIÈME PARTIE
  5. TROISIÈME PARTIE
  6. À propos de cette Ă©dition Ă©lectronique