Le cousin Henry
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Le cousin Henry

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Le cousin Henry

About this book

Le cousin Henry was written in the year 1879 by Anthony Trollope. This book is one of the most popular novels of Anthony Trollope, and has been translated into several other languages around the world.

This book is published by Booklassic which brings young readers closer to classic literature globally.

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Information

Chapitre 1 L’ONCLE INDEFER

Un vieillard et une jeune fille Ă©taient assis dans la salle Ă  manger d’une maison de campagne du comtĂ© de Carmarthen, situĂ©e sur des rochers qui dominent la mer.
« C’est pour moi un cas de conscience, ma chĂšre, » dit le vieillard.
– Pour moi aussi, mon oncle ; et comme ma conscience à moi est d’accord avec mes sentiments, tandis que la vître n’est pas

– Vous pensez alors que je ne dois pas Ă©couter ma conscience ?
– Je ne dis pas cela.
– Quoi donc ?
– Si je pouvais seulement vous faire comprendre combien mes sentiments
 ou plutît combien mon antipathie est forte, et combien il m’est impossible de la vaincre, alors

– Eh bien ?
– Alors, vous sauriez que moi, je ne cĂ©derai jamais, et vous consulteriez votre conscience, pour savoir si ce qu’elle vous suggĂšre est, ou non, un devoir absolu. Vous pouvez ĂȘtre assurĂ© de ceci ; jamais je ne dirai un mot qui soit en opposition avec ce que vous conseille votre conscience. Si une parole de ce genre est prononcĂ©e, elle le sera par vous. »
La conversation demeura longtemps interrompue. Pendant le silence d’une heure qui suivit, la jeune fille alla et vint hors de la salle et dans la salle, puis s’assit et se remit Ă  son ouvrage. Le vieillard reprit brusquement le sujet qu’ils avaient discutĂ©.
« J’obĂ©irai Ă  ma conscience.
– C’est votre devoir, oncle Indefer ; Ă  quoi obĂ©irait-on, sinon Ă  sa conscience ?
– Et pourtant, j’en aurai le cƓur brisĂ©.
– Non, non, non.
– Et vous serez ruinĂ©e.
– Cela n’est rien. Je supporterai aisĂ©ment ma ruine, mais non votre douleur.
– Pourquoi faut-il qu’il en soit ainsi ?
– Vous l’avez dit vous-mĂȘme, parce que votre conscience vous l’ordonne. MĂȘme pour vous Ă©pargner une grande douleur – bien que vous soyez ce que j’ai de plus cher au monde – je ne saurais Ă©pouser mon cousin Henry. J’aimerais mieux que nous pussions mourir ensemble ; j’aimerais mieux vivre malheureuse, tout enfin, plutĂŽt que cela. Ne suis-je pas toujours prĂȘte Ă  vous obĂ©ir dans les choses possibles ?
– Je l’avais cru jusqu’ici.
– Mais il est impossible Ă  une jeune femme qui se respecte d’accepter l’autoritĂ© d’un homme qui lui inspire de l’horreur. Faites, par rapport Ă  la vieille maison, ce que votre conscience vous dictera. Serai-je moins tendre pour vous pendant votre vie, parce que je devrai partir aprĂšs votre mort ? Croyez-vous que, dans mon cƓur, je doive accuser votre justice et votre bontĂ© ? Jamais ! C’est un accident relativement de peu d’importance, qui ne m’atteint pas dans mes sentiments ; mais ĂȘtre la femme d’un homme que je mĂ©prise !
 » LĂ -dessus, elle se leva et sortit de la salle.
Un mois s’écoula avant que le vieillard reprĂźt le mĂȘme sujet. Il le fit assis dans la mĂȘme piĂšce, Ă  la mĂȘme heure du jour, Ă  quatre heures environ, quand la table eut Ă©tĂ© desservie.
« Isabel, dit-il, il n’y a pas d’autre parti Ă  prendre.
– À propos de quoi, oncle Indefer ? »
Elle savait trĂšs bien Ă  propos de quoi il avait pris un parti. S’il s’était agi d’un service que la jeune femme pĂ»t rendre Ă  son vieil oncle, il n’y aurait eu entre eux aucune hĂ©sitation, aucune rĂ©ticence. Jamais fille ne fut plus tendre, jamais pĂšre plus confiant. Mais, sur ce sujet, elle ne voulait rĂ©pondre qu’à des questions nettement posĂ©es.
– À propos de votre cousin et de la propriĂ©tĂ©.
– Alors, au nom de Dieu, ne vous tourmentez pas davantage, et n’attendez aucune aide de qui ne peut vous en donner. Vous pensez que la propriĂ©tĂ© doit passer Ă  un homme et non Ă  une femme ?
– Je voudrais qu’elle allñt à un Jones.
– Je ne suis pas un Jones, ni destinĂ©e Ă  le devenir.
– Vous m’ĂȘtes une parente aussi proche et mille fois plus chĂšre que lui.
– Mais cela n’empĂȘche pas que je ne suis pas un Jones. Mon nom est Isabel Brodrick. Une femme qui n’est pas nĂ©e Jones peut avoir la bonne chance de le devenir par le mariage ; mais ce ne sera jamais mon cas.
– Vous ne devriez pas parler en riant de ce que je considùre comme un devoir.
– Cher, bien cher oncle, dit-elle en le caressant, si j’ai paru rire – et elle avait ri en effet en parlant de la chance de devenir un Jones – c’est seulement pour vous faire comprendre le peu d’importance que j’attache à tout ceci, quant à ce qui me concerne.
– Mais c’est une chose importante – terriblement importante !
– TrĂšs bien. Alors que deux choses soient irrĂ©vocablement fixĂ©es dans votre esprit, et agissez en consĂ©quence : l’une, que vous devez laisser Llanfeare Ă  votre neveu Henry Jones ; l’autre, que je n’épouserai pas votre neveu Henry Jones. Quand tout ceci sera rĂ©glĂ©, ce sera comme si la vieille propriĂ©tĂ© n’avait jamais cessĂ© d’ĂȘtre transmise de mĂąle en mĂąle.
– Je voudrais que cela fĂ»t !
– Moi aussi ; cela vous eĂ»t Ă©pargnĂ© bien du souci.
– Mais ce n’est pas la mĂȘme chose ; – ce ne peut ĂȘtre la mĂȘme chose. En rachetant les terres que votre grand-pĂšre avait vendues, j’ai dĂ©pensĂ© l’argent que j’avais rĂ©servĂ© pour vous.
– Ce sera tout Ă  fait la mĂȘme chose pour moi, et je serai heureuse de penser que le vieux bien de famille sera transmis dans les conditions que vous voulez. Je puis ĂȘtre fiĂšre de la famille, bien que je ne doive jamais en porter le nom.
– Vous ne vous souciez pas plus de la famille que d’un fĂ©tu de paille.
– Vous ne devriez pas parler ainsi, oncle Indefer ; cela n’est pas. Je me soucie assez de la famille pour sympathiser entiĂšrement avec vous dans tout ce que vous faites, mais pas assez de la propriĂ©tĂ© pour en obtenir une part en sacrifiant ma personne.
– Je ne sais pourquoi vous avez si mauvaise opinion de Henry.
– Et qu’est-ce qui me donnerait de lui une assez bonne opinion pour que je consentisse Ă  devenir sa femme ? Je ne le sais vraiment pas. En Ă©pousant un homme, une femme doit l’aimer en tout ; satisfaire ses moindres dĂ©sirs doit ĂȘtre son souci ; lui rendre jusqu’aux plus vulgaires services doit ĂȘtre son plaisir. Croyez-vous que j’éprouve un tel sentiment Ă  l’égard de Henry Jones ?
– Tout cela, c’est de la poĂ©sie, et vous parlez trop comme vos livres.
– Je me ferais honte Ă  moi-mĂȘme si j’allais Ă  l’autel avec lui. Renoncez Ă  cette idĂ©e, oncle Indefer, enlevez-la de votre esprit comme une chimĂšre qu’elle est. C’est la seule chose que je ne puisse ni ne veuille faire, mĂȘme pour vous. C’est la seule chose que vous ne devriez pas me demander. Disposez de la propriĂ©tĂ© comme il vous plaĂźt, – comme vous le croyez bon.
– Mais cela ne me plaüt pas de faire ce que vous dites.
– Comme votre conscience vous l’ordonne, alors. Quant Ă  ma personne, la seule petite chose que je possĂšde au monde, j’en disposerai selon mon goĂ»t et selon ma conscience. »
Elle prononça ces derniers mots avec une certaine brusquerie, et quitta la chambre avec un air d’orgueil blessĂ©. C’était une petite comĂ©die, qu’elle jouait Ă  dessein. Si elle affectait une certaine duretĂ© Ă  l’égard de son oncle, si elle s’obstinait Ă  ne rien lui cĂ©der, il s’obstinerait, lui aussi, Ă  exĂ©cuter son projet, et en souffrirait moins. C’était pour elle un devoir de lui faire comprendre qu’il avait le droit de disposer Ă  son grĂ© de la propriĂ©tĂ©, puisqu’elle-mĂȘme prĂ©tendait disposer Ă©galement de sa personne. Non seulement elle ne dirait pas un mot pour le dissuader de modifier ses intentions prĂ©cĂ©dentes, mais encore elle lui rendrait ce changement rĂ©cent moins pĂ©nible, en l’amenant Ă  penser qu’il Ă©tait justifiĂ© par sa maniĂšre d’ĂȘtre envers lui. C’était en effet tout un changement qui s’était fait dans les idĂ©es du vieillard, et mĂȘme dans ses intentions dĂ©clarĂ©es. Llanfeare appartenait aux Indefer Jones depuis plusieurs gĂ©nĂ©rations. Quand le dernier propriĂ©taire Ă©tait mort, vingt ans auparavant, un seul de ses dix enfants survivait, l’aĂźnĂ©, Ă  qui la propriĂ©tĂ© appartenait en ce moment. Quatre ou cinq autres, nĂ©s successivement aprĂšs lui, Ă©taient morts sans enfants. Puis Ă©tait venu un Henry Jones, qui avait quittĂ© le pays, s’était mariĂ©, Ă©tait devenu le pĂšre de cet Henry Jones dont il a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© question, et Ă©tait mort lui aussi. Le plus jeune, une fille, avait Ă©pousĂ© un avouĂ© nommĂ© Brodrick, et Ă©tait mort, ne laissant pas d’autre enfant qu’Isabel. M. Brodrick s’était remariĂ© et Ă©tait alors le pĂšre d’une nombreuse famille Ă  Hereford. Il n’était pas dans une trĂšs bonne situation de fortune. La seconde madame Brodrick avait trop montrĂ© sa prĂ©fĂ©rence pour ses propres enfants, et Isabel, Ă  l’ñge de quinze ans, Ă©tait allĂ©e habiter avec son oncle, cĂ©libataire. C’était Ă  Llanfeare qu’elle avait vĂ©cu pendant les dix derniĂšres annĂ©es, faisant de temps en temps une visite Ă  son pĂšre, Ă  Hereford.
M. Indefer Jones, qui avait en ce moment entre soixante-dix et quatre-vingts ans, avait Ă©tĂ© toute sa vie tourmentĂ© par des rĂ©flexions, des craintes, des espĂ©rances relativement Ă  la propriĂ©tĂ© de famille sur laquelle il Ă©tait nĂ©, dans laquelle il avait toujours vĂ©cu, en possession de laquelle il devait certainement mourir, et dont il devait disposer Ă  son grĂ© pour l’avenir. La propriĂ©tĂ© lui avait Ă©tĂ© substituĂ©e[1] avant sa naissance, du vivant de son grand-pĂšre, alors que son pĂšre allait se marier ; mais la substitution s’était arrĂȘtĂ©e Ă  lui. Quant Ă  lui, il ne s’était pas mariĂ©. Son grand-pĂšre, s’étant livrĂ© Ă  de folles dĂ©penses et ayant Ă©tĂ© souvent Ă  court d’argent, avait trouvĂ© plus commode de possĂ©der un bien non substituĂ©. Les circonstances avaient amenĂ© aussi son fils Ă  rĂ©aliser de l’argent sur la propriĂ©tĂ©. Ainsi, non seulement depuis qu’il Ă©tait lui-mĂȘme en possession, mais dĂšs avant la mort de son pĂšre, notre Indefer avait dĂ» rĂ©flĂ©chir Ă  la transmission future de Llanfeare. À cinquante ans il Ă©tait cĂ©libataire, et il n’était pas vraisemblable qu’il dĂ»t cessera de l’ĂȘtre. Son frĂšre Henry vivait encore, mais il avait dĂ©shonorĂ© la famille : il s’était, enfui avec une femme mariĂ©e, qu’il avait Ă©pousĂ©e aprĂšs un divorce ; il Ă©tait assidu aux courses et frĂ©quentait les salles de billard ; il s’était rendu odieux Ă  son frĂšre Indefer. NĂ©anmoins, le fils qui Ă©tait nĂ© de ce mariage, Henry, avait Ă©tĂ© Ă©levĂ© Ă  ses frais et quelquefois reçu Ă  Llanfeare. Il n’y avait plu Ă  personne : c’était un enfant sournois, menteur, et comme les domestiques eux-mĂȘmes le disaient, ce n’était pas un Jones. Cependant, Isabel avait Ă©tĂ© amenĂ©e Ă  Llanfeare. Henry s’était fait renvoyer d’Oxford pour une faute qui n’était pas sans gravitĂ©, et son oncle s’était dit et avait dĂ©clarĂ© Ă  tout le monde que Llanfeare ne lui appartiendrait jamais.
Isabel lui avait inspirĂ© tant d’affection que, deux ans Ă  peine aprĂšs son arrivĂ©e Ă  Llanfeare, elle y Ă©tait devenue la maĂźtresse. Tout ce qu’elle faisait, son oncle le trouvait bien ; tout ce qu’elle aurait demandĂ©, elle l’eĂ»t obtenu ; mais elle ne demandait rien. À cette Ă©poque, le cousin avait Ă©tĂ© placĂ© dans des bureaux, Ă  Londres, et Ă©tait devenu – du moins, on le disait – un travailleur sĂ©rieux. Cependant, quand il lui Ă©tait permis de se montrer Ă  Llanfeare, il continuait Ă  dĂ©plaire Ă  tout le monde, sauf peut-ĂȘtre au vieillard. Il Ă©tait certain que, dans son emploi, il se rendait utile, et il semblait qu’il eĂ»t perdu l’habitude de faire des dettes et d’envoyer les billets Ă  Llanfeare, pratique qu’il avait suivie au commencement de sa carriĂšre.
Pendant tout ce temps, le vieillard Ă©tait dans la plus pĂ©nible hĂ©sitation au sujet de la transmission de la propriĂ©tĂ©. Son testament Ă©tait toujours Ă  la portĂ©e de sa main. Jusqu’au moment oĂč Isabel atteignit vingt et un ans, ce testament avait Ă©tĂ© fait en faveur de Henry, avec cette clause pourtant, qu’une somme d’argent, que possĂ©dait le testateur, appartiendrait Ă  Isabel. Ensuite, son antipathie pour son neveu changea ses intentions : il fit un autre testament, en faveur de sa niĂšce. Les choses en restĂšrent lĂ  pendant trois ans ; mais ce furent pour lui trois annĂ©es de tourments. Il s’était fait difficilement Ă  la pensĂ©e que la propriĂ©tĂ© passerait en dehors de ce qu’il appelait la ligne mĂąle directe. Selon lui, c’était par accident que le pouvoir de disposer de la propriĂ©tĂ© Ă©tait dans ses mains. C’était un principe auquel il fallait obĂ©ir religieusement que, dans l’Angleterre, une terre passĂąt du pĂšre au fils aĂźnĂ©, et, Ă  dĂ©faut du fils, Ă  l’hĂ©ritier mĂąle le plus proche. L’Angleterre ne serait pas ruinĂ©e parce que Llanfeare serait transmis en dehors de l’ordre rĂ©gulier, mais l’Angleterre serait ruinĂ©e si les Anglais n’accomplissaient pas les devoirs qui leur incombaient Ă  chacun dans la situation Ă  laquelle Dieu les avait appelĂ©s ; et, dans ce cas, son devoir Ă  lui Ă©tait de maintenir le vieil ordre de choses.
Cependant, un nouveau souci Ă©tait venu s’ajouter aux autres. AprĂšs qu’il se fut dĂ©cidĂ© Ă  agir contrairement Ă  ses principes et Ă  donner satisfaction Ă  ses sentiments, aprĂšs qu’il eut dĂ©clarĂ© Ă  son neveu et Ă  sa niĂšce qu’Isabel serait son hĂ©ritiĂšre, il eut une consolation dans ses ennuis : il put racheter un morceau de terre que son pĂšre avait vendu. Il avait toujours souffert de voir ces quelques arpents dĂ©tachĂ©s de la propriĂ©tĂ©, non parce que son bien en Ă©tait amoindri, mais parce que, selon lui, un propriĂ©taire ne devait pas se permettre de diminuer sa terre, pendant qu’il l’avait en sa possession. Afin de pouvoir les racheter, il avait Ă©conomisĂ© de l’argent depuis que Llanfeare Ă©tait entre ses mains. Puis Ă©tait survenue la nĂ©cessitĂ© de pourvoir Ă  l’avenir d’Isabel. Mais quand il eut en gĂ©missant, dĂ©cidĂ©, qu’Isabel serait son hĂ©ritiĂšre, il avait pu employer l’argent Ă  l’accomplissement de son premier dessein, et il l’y avait employĂ© en effet. Alors, il n’avait pu supporter les reproches de sa conscience, et il avait fait un nouveau testament.
On verra comment il avait essayĂ© de concilier les choses. Quand on sut que Henry Jones Ă©tait un travailleur sĂ©rieux, dans les bureaux de Londres auxquels il Ă©tait attachĂ©, qu’il avait jetĂ© ses premiers feux, l’oncle Indefer commença Ă  se demander si tout ne pouvait pas ĂȘtre arrangĂ© par un mariage entre les cousins. « Il y a bien lieu de parler de ses feux, » avait dit Isabel en plaisantant, quand l’idĂ©e de ce mariage lui avait Ă©tĂ© suggĂ©rĂ©e pour la premiĂšre fois. « Je les trouve bien Ă©teints. Il n’ose regarder personne en face. » Son oncle s’était alors fĂąchĂ© de ce que, par une sotte observation, elle empĂȘchait leur bonheur Ă  tous.
Mais son irritation contre elle s’apaisait toujours vite ; et, avant le moment oĂč notre histoire commence, il s’était dĂ©jĂ  aperçu qu’Isabel redoutait moins sa colĂšre, que lui-mĂȘme celle de sa niĂšce. Elle avait une fermetĂ© que rien ne pouvait vaincre. Elle avait grandi sous ses yeux, forte, courageuse, quelquefois presque hardie, avec une pointe d’originalitĂ© ; quand elle avait estimĂ© qu’une chose Ă©tait juste ou injuste, elle ne revenait pas sur son jugement. Il avait eu, ou peu s’en fallait, peur d’elle, quand il s’était vu forcĂ© de lui dire la dĂ©cision Ă  laquelle sa conscience l’avait obligĂ©. Mais le testament Ă©tait fait – le troisiĂšme, peut-ĂȘtre le quatriĂšme ou le cinquiĂšme qu’il s’était fait devoir d’écrire, depuis le commencement de ses hĂ©sitations. Par ce testament, sur lequel il se promit de ne plus revenir, il laissait Llanfeare Ă  son neveu, Ă  la seule condition qu’il ajoutĂąt le nom d’Indefer Ă  celui de Jones, et stipulait, par certaines clauses, la reprise de la substitution. Enfin, tout ce qu’il possĂ©derait Ă  sa mort, exceptĂ© Llanfeare et le mobilier de la maison, il le laissait Ă  sa niĂšce Isabel.
« Il faut vendre les chevaux, lui dit-il, quinze jours environ aprÚs la conversation que nous avons rapportée.
– Pourquoi donc ?
– Mon testament est fait, et vous devez avoir si peu, qu’il nous faut mettre de cĂŽtĂ© le plus d’argent possible avant ma mort.
– Mon Dieu ! Quel tourment !
– Croyez-vous que ce ne soit pas une terrible pensĂ©e pour moi que celle du peu de bien que je puis vous faire ? Peut-ĂȘtre vivrai-je encore deux ans ; nous pourrons Ă©conomiser six ou sept cents livres par an. J’ai mis sur la terre une charge de quatre mille livres. La propriĂ©tĂ© est peu de chose, aprĂšs tout ; elle ne rapporte pas plus de quinze cents livres par an.
– Je ne veux pas entendre parler de vendre les chevau...

Table of contents

  1. Titre
  2. Chapitre 1 - L’ONCLE INDEFER
  3. Chapitre 2 - ISABEL BRODRICK
  4. Chapitre 3 - LE COUSIN HENRY
  5. Chapitre 4 - MORT DE L’ONCLE INDEFER
  6. Chapitre 5 - AVANT LES FUNÉRAILLES
  7. Chapitre 6 - L’EXPLICATION DE M. APJOHN
  8. Chapitre 7 - RECHERCHE DU TESTAMENT
  9. Chapitre 8 - LA LECTURE DU TESTAMENT
  10. Chapitre 9 - SEUL À LLANFEARE.
  11. Chapitre 10 - LE COUSIN HENRY FAIT UN RÊVE
  12. Chapitre 11 - ISABEL À HEREFORD
  13. Chapitre 12 - M. OWEN
  14. Chapitre 13 - LA GAZETTE DE CARMARTHEN
  15. Chapitre 14 - UNE POURSUITE EN DIFFAMATION
  16. Chapitre 15 - LE COUSIN HENRY FAIT UNE NOUVELLE TENTATIVE
  17. Chapitre 16 - À HEREFORD
  18. Chapitre 17 - M. CHEEKEY
  19. Chapitre 18 - LE COUSIN HENRY VA À CARMARTHEN
  20. Chapitre 19 - M. APJOHN DEMANDE DU SECOURS
  21. Chapitre 20 - Hésitations
  22. Chapitre 21 - LE SUCCÈS DE M. APJOHN
  23. Chapitre 22 - LE COUSIN HENRY QUITTE LLANFEARE
  24. Chapitre 23 - LA DEMANDE D’ISABEL
  25. Chapitre 24 - CONCLUSION
  26. À propos de cette Ă©dition Ă©lectronique
  27. Notes de bas de page