Les demi - vierges
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Les demi - vierges

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Les demi - vierges

About this book

Les demi - vierges was written in the year 1894 by Marcel Prévost. This book is one of the most popular novels of Marcel Prévost, and has been translated into several other languages around the world.

This book is published by Booklassic which brings young readers closer to classic literature globally.

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Information

Partie 1

Chapitre 1

Tandis que Maud s’asseyait devant le bureau du petit salon et écrivait vivement un télégramme bleu, sa mère, Mme de Rouvre, étendue tout près d’elle sur une chaise longue, dans une posture ankylosée de rhumatisante, reprit son roman anglais et se mit à lire.
Le bureau – trop bas pour la longue taille de Maud – était un de ces meubles en acajou foncé, bizarres et commodes, que Londres fabrique et que Paris commence à adopter. De même, l’ameublement du petit salon et de l’autre, beaucoup plus vaste, qu’on apercevait par l’ouverture d’une grande baie, sans rideaux, portait l’empreinte de ce goût d’outre-Manche, amusant et un peu faux, où se réfugie l’élégance moderne, blasée, pour les avoir trop vus, sur les purs et délicieux styles français du siècle dernier. C’étaient des chaises en bâtons courbés, laquées de blanc ou de vert pâle, des fauteuils larges à l’excès, en acajou marqueté de bois des îles, pourvus, au lieu des moelleux oreillers de plume et de soie, de simples coussins plats en maroquin. Les tentures, les portières laissaient tomber des frises leurs plis droits de corail monochrome, de crêpe léger à grandes fleurs orangées, mauves ou glauques. Un feutre ras, d’un ton mousse tirant sur le jaune, étendait par terre une sorte de pelouse unie, – le gazon fraîchement tondu d’un parc britannique.
Et l’appartement, comme sa décoration, témoignait d’un goût résolu de modernité, informé des commodes d’hier, décidé à les utiliser. C’était le second étage d’une de ces colossales maisons dont un architecte parisien a doté récemment plusieurs avenues voisines de l’Arc de Triomphe. Celui-ci donnait avenue Kléber, tout près de la place de l’Étoile : quinze fenêtres de façade, la superficie d’un vaste hôtel, en plain-pied. Chacune des trois habitantes (Mme de Rouvre divorcée, puis veuve, vivait avec ses deux filles, Maud et Jacqueline) y avait son chez-soi indépendant, ouvrant sur la longue galerie parallèle à la façade. Les jours de bal, un immense hall mobile, occupant toute la cour intérieure de la maison, se montait à l’aide d’ascenseurs au niveau de chaque étage et en doublait l’étendue.
Maud de Rouvre ne déparait point ce cadre, dont elle avait voulu et combiné la moderne élégance. Malgré des hanches rondes et un buste épanoui, elle paraissait mince par la longueur flexible de sa taille, la grâce tombante des épaules, la petitesse de la tête pâle, couronnée de cheveux bruns, mais d’un brun rare, point nommable, comme un tissu d’or qu’on aurait bruni et qui laisserait transparaître, sous la patine, le roux lumineux du métal. Ces lourds cheveux bruns, relevés à la japonaise, découvraient un front étroit, souligné par les sourcils nets comme un trait de pinceau, par les yeux médiocrement grands, mais d’un éclat bleu incomparable ; et le nez encore était charmant, mince d’en haut, élargi aux narines, avec ce léger relèvement de la pointe qui donne au visage un air de mutinerie hautaine, et décide, au Conservatoire, la vocation des grandes coquettes. Seule, la bouche rompait un peu l’harmonie des traits : petite, meublée de dents merveilleuses, mais plutôt arrondie que fendue, avec des lèvres où un médecin curieux de stigmates dégénérescents eût noté les plis verticaux, à peine perceptibles. Et il eût sans doute rapproché cet indice de la forme des mignonnes oreilles qui, par en bas, s’attachaient à la tête presque sans lobe.
Mais qui sait ? Peut-être ces légères inharmonies, rompant la monotonie de la beauté féminine convenue, sont-elles l’attirance suggestive, l’appât de mystère par quoi de telles femmes deviennent les plus dangereusement aimées. Celle-ci, penchée sur le blotter de maroquin, couvrant d’une longue écriture rapide le carré de papier, fixait invinciblement le regard, qui eût glissé peut-être, avec indifférence, sur des formes et des traits plus classiques. Sa simple robe de crêpe gris, à ceinture de faille, sans un volant, sans un bijou ; ses mains longues, nues de bagues ; la fraîcheur de camélia de sa peau, et on ne savait quoi d’indécis dans le dessin des bras et l’attache du cou, la montraient jeune fille encore, – non plus fillette, mais la vingtième année à peine franchie… Et les hanches larges, et le corsage mûr, et les yeux aux prunelles fixes qu’elle levait maintenant du papier, mordillant les barbes de sa plume, le front barré d’une ride par la recherche d’un mot rebelle, – encore on ne savait quoi de définitif, d’achevé, d’un peu désabusé même dans l’attitude, dans le regard, eussent fait hésiter et demander : « Est-elle femme ? » De vrai, suivant les jours, suivant ses toilettes, elle s’entendait appeler « Mademoiselle » ou « Madame » dans les magasins où, depuis longtemps, son coupé la menait presque toujours seule, Mme de Rouvre aggravant de rhumatismes chroniques son indolence naturelle de créole.
Rien ne ressemblait moins à Maud que cette pauvre mère valétudinaire, en ce moment étendue sur la chaise longue, le visage angoissé par les coups de lance intermittents de son mal, – et ne lisant plus son Tauchnitz tombé de ses mains sur le tapis. Elvira Hernandez avait été belle pourtant, des miniatures de sa jeunesse en témoignaient, au temps où François de Rouvre, gentilhomme girondin en quête de fortune, débarqué à Cuba, vers 1868, s’en faisait aimer et l’épousait, trouvant ainsi, du premier coup, la riche aventure qu’il venait chercher. De cette beauté, nulle trace ne demeurait à présent, dans ce corps réduit par l’arthritisme, ni dans ce visage incroyablement plissé, bouffi, raviné, comme bouilli, qu’elle poudrait outrageusement, ce qui achevait l’apparence de duègne à laquelle peu d’Espagnoles échappent, la quarantaine venue. Déchue de sa grâce, il lui demeurait, au milieu même des souffrances, la frivolité, l’insoucieux optimisme de la jeunesse, avec un goût persistant de la parure, des chiffons voyants, des gros bijoux d’or et des pierres colorées, et il fallait l’autorité despotique de Maud pour l’empêcher de vêtir encore, les jours de promenade, les toilettes de perruche qu’elle se commandait en cachette. Au contraire, quand les rhumatismes la tenaient, elle se négligeait à l’excès, gardait jusqu’au soir le vêtement mis au sortir du lit. Aujourd’hui, par exemple, bien que ce fût mardi, son jour de réception, elle traînait encore, à deux heures après midi, roulée dans une vieille robe de chambre brune à rubans havane, point peignée, point lavée, sous la farine qui lui blanchissait les joues.
Maud achevait son télégramme, le signait, le datait, – 4 février 1893 ; – puis, mouillant légèrement son doigt, elle le passait sur la lisière gommée, et traçait l’adresse.
– À qui écris-tu ? demanda la mère.
– À Aaron. Il passe toute l’après-midi à son bureau ; j’envoie le « bleu » au Comptoir catholique.
Mme de Rouvre se tourna sur sa chaise en geignant :
– Et qu’est-ce que tu lui veux, à ce vilain bonhomme ?
– Je veux une loge à l’Opéra, demain, pour la première… Je lui dis de l’apporter ce soir. Je l’ai si mal reçu mardi dernier qu’il n’ose plus se montrer. Mon petit billet réparera tout, et nous le verrons arriver à cinq heures, faisant des grâces.
Maud garda quelque temps le télégramme dans ses doigts, jouant avec. Elle reprit :
– Directeur du Comptoir catholique, cela sonnera bien pour les Chantel.
Mme de Rouvre se récria :
– Pour les Chantel ! je pense que nous n’avons pas besoin de leur montrer ce personnage, faux Alsacien, faux catholique, qui exploite les curés, les bonnes sœurs, les communautés religieuses, et se permet de dire partout qu’il est amoureux de toi, comme si une demoiselle de Rouvre était pour un usurier francfortais, et marié, encore ! Mme de Chantel, pour la première fois où elle met les pieds ici, y trouvera mieux que ça… Nos mardis sont assez suivis !
Maud laissait parler sa mère avec un sourire moitié triste, moitié ironique.
– Oui, très suivis, murmura-t-elle. Un peu trop de gens de ministère seulement ; trop de monde des réceptions ouvertes. Des attachés de cabinet comme Lestrange, des secrétaires députés comme Julien, le résidu des relations de cercle de papa, et nos connaissances de villes d’eaux ; ce n’est pas ça qui impressionnera des gens de vieille roche comme Maxime et sa mère.
– Et Mme Ucelli ?
– Oh ! celle-là !
– Comment, celle-là ? l’amie de la duchesse de la Spezzia ?…
– Justement, interrompit la jeune fille. Cela se dit un peu trop. Si elle rencontre ici les Chantel, il ne faudra pas parler de la duchesse de la Spezzia.
– Penses-tu que nous aurons les deux Le Tessier ? demanda Mme de Rouvre après un silence.
– Paul, ce n’est pas sûr ; il y a aujourd’hui une discussion importante au Sénat sur le privilège de la Banque de France ; il doit parler. Mais Hector viendra certainement, comme tout les mardis.
– Eh bien ! je suppose que si Maxime et sa mère rencontrent ici un sénateur, futur ministre, comme Paul, une sorte de princesse, comme Mme Ucelli…
– Un directeur de grande société financière catholique, comme Aaron, interrompit Maud ironiquement.
– Et un gentleman accompli, un homme de sport très en vue, comme Hector…
– Ils auront lieu d’être satisfaits, conclut la jeune fille. Dieu le veuille !…
– Crois-tu donc qu’ils en voient tous les jours autant ? Je voudrais assister à une de leurs réceptions, là-bas, en Poitou, à Vézeris !
Maud se leva et pressa le bouton électrique voisin de la cheminée.
– Oh ! fit-elle, je ne sais pas qui les Chantel reçoivent à Vézeris ! c’est peut-être des gens très nuls et très ridicules, mais je suis convaincue que c’est tout ce qu’il y a de plus noble, tout ce qu’il y a de plus respectable et tout ce qu’il y a de plus calé dans la contrée.
Mme de Rouvre répondit :
– Bah !… Personne n’est si simple que Mme de Chantel. Rappelle-toi cet été, aux boues de Saint-Amand, comme nous nous entendions bien ensemble ! Nos après-midi de bésigue… Nos promenades côte à côte, dans les pousse-pousse…
– C’est vrai, fit Maud pensive, vous faisiez très bon ménage, toutes les deux.
Elle cherchait, sans se l’expliquer, quels fils invisibles avaient pu lier si aisément, dans la solitude d’une petite station du Nord, le vieil oiseau écervelé qu’était sa mère avec la rigide provinciale, sorte de puritaine catholique et noble, qu’était la mère de Maxime de Chantel.
« Toutes les deux sont pieuses, pensa-t-elle, pieuses avec un peu d’exagération ; chacune d’elles a la même maladie avec des accidents différents, et croit l’autre plus malade que soi. Et puis tout cela est mystérieux. Pourquoi ai-je plu à Maxime, moi ? »
Debout contre la cheminée, elle évoquait les quatre journées que Maxime de Chantel était venu passer près de sa mère, à Saint-Amand, et durant lesquelles elle l’avait senti se prendre, se ligoter à elle, malgré lui et presque sans qu’elle y aidât. Brusquement, il était parti, il s’était enfui dans la solitude de Vézeris, où il dirigeait une vaste entreprise agricole. Durant des mois, on n’avait eu de ses nouvelles que par les lettres de Mme de Chantel à Mme de Rouvre. Maud pensait : « N’importe… Il m’aime. On ne m’oublie pas. » Et voici qu’il venait, en effet, accompagnant sa mère qui voulait consulter un médecin à la mode.
–… Mademoiselle désire ?…
C’était la femme de chambre, appelée par le coup de sonnette de Maud.
– Tenez, Betty, faites porter ça au télégraphe. Vous pouvez allumer le feu dans le grand salon, mais avant, fermez le calorifère. On commence à étouffer, ici.
– Bien, mademoiselle.
– À quatre heures et demie, vous irez chercher vous-même Mlle Jacqueline à son cours. Vous la prierez de s’habiller tout de suite et de venir m’aider à servir le thé au salon.
– Oui, mademoiselle. C’est tout ?
– Oui… Ah ! attendez. Vers trois heures, il viendra une personne… une jeune fille… qui me demandera. Vous la ferez entrer ici, directement, sans passer par le grand salon, et vous me préviendrez.
– Même s’il y a du monde ?
– Même s’il y a du monde. Mais il n’y aura personne, à cette heure-là.
– Qui vas-tu donc recevoir ? demanda Mme de Rouvre, se dressant péniblement sur son séant.
– Tu ne connais pas… C’est une amie de couvent que je n’ai pas revue depuis ma sortie de Picpus.
– Qu’est-ce qu’elle te veut ?
– Mais je n’en sais rien, fit Maud avec un peu d’impatience. Je sais seulement qu’elle a besoin de me voir.
– Et elle s’appelle ?
– Duroy… Étiennette Duroy.
Mme de Rouvre réfléchit un instant :
– Étiennette Duroy… Non… Je ne me rappelle pas.
– Tu ne te rappelles jamais rien, répliqua Maud.
Rompant la conversation, elle alla soulever le rideau de la fenêtre ; elle regarda, dans l’avenue légèrement feutrée de neige malgré un clair soleil d’hiver, circuler les voitures aux vitres levées, les passants emmitouflés qui pressaient le pas.
La femme de chambre, demeurée sur le seuil du petit salon, demanda :
– Mademoiselle n’a plus besoin de moi ?
– Non, répondit Maud.
– Moi, ma fille, dit Mme de Rouvre en achevant de se mettre sur pied, vous allez me conduire chez moi… Dis donc, Maud !
– Maman ?
– Il n’est pas nécessaire que je me presse, n’est-ce pas ?
– Non. Reste dans ta chambre jusqu’à ce que Mme de Chantel arrive, je te ferai prévenir.
– Bon. Allons, Betty, votre bras.
Elle s’en allait par le grand salon, appuyée sur la femme de chambre, la jambe gauche lourde et traînante. Avant de sortir, elle se retourna :
– Maud !
– Quoi, mère ?
Elle rejoignit Mme de Rouvre, tâchant de brider son énervement… La malade...

Table of contents

  1. Titre
  2. PRÉFACE
  3. Partie 1
  4. Partie 2 - DEUXIÈME PARTIE.
  5. Partie 3 - TROISIÈME PARTIE
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