L'idylle rue Plumet et l'épopée rue Saint-Denis
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L'idylle rue Plumet et l'épopée rue Saint-Denis

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L'idylle rue Plumet et l'épopée rue Saint-Denis

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En1832, Jean Valjean habite, avec Cosette, rue Plumet, Thénardier est en prison, sa fille Éponine, amoureuse de Marius, aide pourtant le jeune homme à retrouver la trace d'une jeune fille rencontrée au Luxembourg. Il s'agit de Cosette...

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Information

Livre sixième – Le petit Gavroche

Chapitre I – Méchante espièglerie du vent

Depuis 1823, tandis que la gargote de Montfermeil sombrait et s’engloutissait peu à peu, non dans l’abîme d’une banqueroute, mais dans le cloaque des petites dettes, les mariés Thénardier avaient eu deux autres enfants, mâles tous deux. Cela faisait cinq ; deux filles et trois garçons. C’était beaucoup.
La Thénardier s’était débarrassée des deux derniers, encore en bas âge et tout petits, avec un bonheur singulier.
Débarrassée est le mot. Il n’y avait chez cette femme qu’un fragment de nature. Phénomène dont il y a du reste plus d’un exemple. Comme la maréchale de La Mothe-Houdancourt, la Thénardier n’était mère que jusqu’à ses filles. Sa maternité finissait là. Sa haine du genre humain commençait à ses garçons. Du côté de ses fils sa méchanceté était à pic, et son cœur avait à cet endroit un lugubre escarpement. Comme on l’a vu, elle détestait l’aîné ; elle exécrait les deux autres. Pourquoi ? Parce que. Le plus terrible des motifs et la plus indiscutable des réponses : Parce que. – Je n’ai pas besoin d’une tiaulée d’enfants, disait cette mère.
Expliquons comment les Thénardier étaient parvenus à s’exonérer de leurs deux derniers enfants, et même à en tirer profit.
Cette fille Magnon, dont il a été question quelques pages plus haut, était la même qui avait réussi à faire renter par le bonhomme Gillenormand les deux enfants qu’elle avait. Elle demeurait quai des Célestins, à l’angle de cette antique rue du Petit-Musc qui a fait ce qu’elle a pu pour changer en bonne odeur sa mauvaise renommée[57]. On se souvient de la grande épidémie de croup qui désola, il y a trente-cinq ans, les quartiers riverains de la Seine à Paris, et dont la science profita pour expérimenter sur une large échelle l’efficacité des insufflations d’alun, si utilement remplacées aujourd’hui par la teinture externe d’iode. Dans cette épidémie, la Magnon perdit, le même jour, l’un le matin, l’autre le soir, ses deux garçons, encore en très bas âge. Ce fut un coup. Ces enfants étaient précieux à leur mère ; ils représentaient quatrevingts francs par mois. Ces quatrevingts francs étaient fort exactement soldés, au nom de M. Gillenormand, par son receveur de rentes, M. Barge, huissier retiré, rue du Roi-de-Sicile. Les enfants morts, la rente était enterrée. La Magnon chercha un expédient. Dans cette ténébreuse maçonnerie du mal dont elle faisait partie, on sait tout, on se garde le secret, et l’on s’entr’aide. Il fallait deux enfants à la Magnon ; la Thénardier en avait deux. Même sexe, même âge. Bon arrangement pour l’une, bon placement pour l’autre. Les petits Thénardier devinrent les petits Magnon. La Magnon quitta le quai des Célestins et alla demeurer rue Clocheperce. À Paris, l’identité qui lie un individu à lui-même se rompt d’une rue à l’autre.
L’état civil, n’étant averti de rien, ne réclama pas, et la substitution se fit le plus simplement du monde. Seulement le Thénardier exigea, pour ce prêt d’enfants, dix francs par mois que la Magnon promit, et même paya. Il va sans dire que M. Gillenormand continua de s’exécuter. Il venait tous les six mois voir les petits. Il ne s’aperçut pas du changement. – Monsieur, lui disait la Magnon, comme ils vous ressemblent !
Thénardier, à qui les avatars étaient aisés, saisit cette occasion de devenir Jondrette. Ses deux filles et Gavroche avaient à peine eu le temps de s’apercevoir qu’ils avaient deux petits frères. À un certain degré de misère, on est gagné par une sorte d’indifférence spectrale, et l’on voit les êtres comme des larves. Vos plus proches ne sont souvent pour vous que de vagues formes de l’ombre, à peine distinctes du fond nébuleux de la vie et facilement remêlées à l’invisible.
Le soir du jour où elle avait fait livraison de ses deux petits à la Magnon, avec la volonté bien expresse d’y renoncer à jamais, la Thénardier avait eu, ou fait semblant d’avoir, un scrupule. Elle avait dit à son mari : – Mais c’est abandonner ses enfants, cela ! – Thénardier, magistral et flegmatique, cautérisa le scrupule avec ce mot : Jean-Jacques Rousseau a fait mieux[58] ! Du scrupule la mère avait passé à l’inquiétude : – Mais si la police allait nous tourmenter ? Ce que nous avons fait là, monsieur Thénardier, dis donc, est-ce que c’est permis ? – Thénardier répondit : – Tout est permis. Personne n’y verra que de l’azur. D’ailleurs, dans des enfants qui n’ont pas le sou, nul n’a intérêt à y regarder de près.
La Magnon était une sorte d’élégante du crime. Elle faisait de la toilette. Elle partageait son logis, meublé d’une façon maniérée et misérable, avec une savante voleuse anglaise francisée. Cette Anglaise naturalisée parisienne, recommandable par des relations fort riches, intimement liée avec les médailles de la bibliothèque et les diamants de Mlle Mars, fut plus tard célèbre dans les sommiers judiciaires. On l’appelait mamselle Miss.
Les deux petits échus à la Magnon n’eurent pas à se plaindre. Recommandés par les quatrevingts francs, ils étaient ménagés, comme tout ce qui est exploité ; point mal vêtus, point mal nourris, traités presque comme « de petits messieurs », mieux avec la fausse mère qu’avec la vraie. La Magnon faisait la dame et ne parlait pas argot devant eux.
Ils passèrent ainsi quelques années. Le Thénardier en augurait bien. Il lui arriva un jour de dire à la Magnon qui lui remettait ses dix francs mensuels : – Il faudra que « le père » leur donne de l’éducation.
Tout à coup, ces deux pauvres enfants, jusque-là assez protégés, même par leur mauvais sort, furent brusquement jetés dans la vie, et forcés de la commencer.
Une arrestation en masse de malfaiteurs comme celle du galetas Jondrette, nécessairement compliquée de perquisitions et d’incarcérations ultérieures, est un véritable désastre pour cette hideuse contre-société occulte qui vit sous la société publique ; une aventure de ce genre entraîne toutes sortes d’écroulements dans ce monde sombre. La catastrophe des Thénardier produisit la catastrophe de la Magnon.
Un jour, peu de temps après que la Magnon eut remis à Éponine le billet relatif à la rue Plumet, il se fit rue Clocheperce une subite descente de police ; la Magnon fut saisie, ainsi que mamselle Miss, et toute la maisonnée, qui était suspecte, passa dans le coup de filet. Les deux petits garçons jouaient pendant ce temps-là dans une arrière-cour et ne virent rien de la razzia. Quand ils voulurent rentrer, ils trouvèrent la porte fermée et la maison vide. Un savetier d’une échoppe en face les appela et leur remit un papier que « leur mère » avait laissé pour eux. Sur le papier il y avait une adresse : M. Barge, receveur de rentes, rue du Roi-de-Sicile, n° 8. L’homme de l’échoppe leur dit : – Vous ne demeurez plus ici. Allez là. C’est tout près. La première rue à gauche. Demandez votre chemin avec ce papier-ci.
Les deux enfants partirent, l’aîné menant le cadet, et tenant à la main le papier qui devait les guider. Il avait froid, et ses petits doigts engourdis serraient peu et tenaient mal ce papier. Au détour de la rue Clocheperce, un coup de vent le lui arracha, et, comme la nuit tombait, l’enfant ne put le retrouver.
Ils se mirent à errer au hasard dans les rues.

Chapitre II – Où le petit Gavroche tire parti de Napoléon le Grand

Le printemps à Paris est assez souvent traversé par des bises aigres et dures dont on est, non pas précisément glacé, mais gelé ; ces bises, qui attristent les plus belles journées, font exactement l’effet de ces souffles d’air froid qui entrent dans une chambre chaude par les fentes d’une fenêtre ou d’une porte mal fermée. Il semble que la sombre porte de l’hiver soit restée entrebâillée et qu’il vienne du vent par là. Au printemps de 1832, époque où éclata la première grande épidémie de ce siècle en Europe, ces bises étaient plus âpres et plus poignantes que jamais. C’était une porte plus glaciale encore que celle de l’hiver qui était entr’ouverte. C’était la porte du sépulcre. On sentait dans ces bises le souffle du choléra[59].
Au point de vue météorologique, ces vents froids avaient cela de particulier qu’ils n’excluaient point une forte tension électrique. De fréquents orages, accompagnés d’éclairs et de tonnerres, éclatèrent à cette époque.
Un soir que ces bises soufflaient rudement, au point que janvier semblait revenu et que les bourgeois avaient repris les manteaux, le petit Gavroche, toujours grelottant gaîment sous ses loques, se tenait debout et comme en extase devant la boutique d’un perruquier des environs de l’Orme-Saint-Gervais[60]. Il était orné d’un châle de femme en laine, cueilli on ne sait où, dont il s’était fait un cache-nez. Le petit Gavroche avait l’air d’admirer profondément une mariée en cire, décolletée et coiffée de fleurs d’oranger, qui tournait derrière la vitre, montrant, entre deux quinquets, son sourire aux passants ; mais en réalité il observait la boutique afin de voir s’il ne pourrait pas « chiper » dans la devanture un pain de savon, qu’il irait ensuite revendre un sou à un « coiffeur » de la banlieue. Il lui arrivait souvent de déjeuner d’un de ces pains-là. Il appelait ce genre de travail, pour lequel il avait du talent, « faire la barbe aux barbiers ».
Tout en contemplant la mariée et tout en lorgnant le pain de savon, il grommelait entre ces dents ceci : – Mardi. – Ce n’est pas mardi. – Est-ce mardi ? – C’est peut-être mardi. – Oui, c’est mardi.
On n’a jamais su à quoi avait trait ce monologue.
Si, par hasard, ce monologue se rapportait à la dernière fois où il avait dîné, il y avait trois jours, car on était au vendredi.
Le barbier, dans sa boutique chauffée d’un bon poêle, rasait une pratique et jetait de temps en temps un regard de côté à cet ennemi, à ce gamin gelé et effronté qui avait les deux mains dans ses poches, mais l’esprit évidemment hors du fourreau.
Pendant que Gavroche examinait la mariée, le vitrage et les Windsor-soaps, deux enfants de taille inégale, assez proprement vêtus, et encore plus petits que lui, paraissant l’un sept ans, l’autre cinq, tournèrent timidement le bec-de-cane et entrèrent dans la boutique en demandant on ne sait quoi, la charité peut-être, dans un murmure plaintif et qui ressemblait plutôt à un gémissement qu’à une prière. Ils parlaient tous deux à la fois, et leurs paroles étaient inintelligibles parce que les sanglots coupaient la voix du plus jeune et que le froid faisait claquer les dents de l’aîné. Le barbier se tourna avec un visage furieux, et sans quitter son rasoir, refoulant l’aîné de la main gauche et le petit du genou, les poussa tous deux dans la rue, et referma sa porte en disant :
– Venir refroidir le monde pour rien !
Les deux enfants se remirent en marche en pleurant. Cependant une nuée était venue ; il commençait à pleuvoir.
Le petit Gavroche courut après eux et les aborda :
– Qu’est-ce que vous avez donc, moutards ?
– Nous ne savons pas où coucher, répondit l’aîné.
– C’est ça ? dit Gavroche. Voilà grand’chose. Est-ce qu’on pleure pour ça ? Sont-ils serins donc !
Et prenant, à travers sa supériorité un peu goguenarde, un accent d’autorité attendrie et de protection douce :
– Momacques, venez avec moi.
– Oui, monsieur, fit l’aîné.
Et les deux enfants le suivirent comme ils auraient suivi un archevêque. Ils avaient cessé de pleurer.
Gavroche leur fit monter la rue Saint-Antoine dans la direction de la Bastille.
Gavroche, tout en cheminant, jeta un coup d’œil indigné et rétrospectif à la boutique du barbier.
– Ça n’a pas de cœur, ce merlan-là, grommela-t-il. C’est un angliche.
Une fille, les voyant marcher à la file tous les trois, Gavroche en tête, partit d’un rire bruyant. Ce rire manquait de respect au groupe.
– Bonjour, mamselle Omnibus[61], lui dit Gavroche.
Un instant après, le perruquier lui revenant, il ajouta :
– Je me trompe de bête ; ce n’est pas un merlan, c’est un serpent. Perruquier, j’irai chercher un serrurier, et je te ferai mettre une sonnette à la queue.
Ce perruquier l’avait rendu agressif. Il apostropha, en e...

Table of contents

  1. Titre
  2. Livre premier – Quelques pages d’histoire
  3. Livre deuxième – Éponine
  4. Livre troisième – La maison de la rue Plumet
  5. Livre quatrième – Secours d’en bas peut être secours d’en haut
  6. Livre cinquième – Dont la fin ne ressemble pas au commencement
  7. Livre sixième – Le petit Gavroche
  8. Livre septième – L’argot
  9. Livre huitième – Les enchantements et les désolations
  10. Livre neuvième – Où vont-ils ?
  11. Livre dixième – Le 5 juin 1832
  12. Livre onzième – L’atome fraternise avec l’ouragan
  13. Livre douzième – Corinthe
  14. Livre treizième – Marius entre dans l’ombre
  15. Livre quatorzième – Les grandeurs du désespoir
  16. Livre quinzième – La rue de l’Homme-Armé
  17. À propos de cette édition électronique
  18. Notes de bas de page