Maurin des Maures
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Maurin des Maures

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Comme Alphonse Daudet ou Paul Arene, Jean Aicard chante la Provence en narrant des histoires merveilleuses et drĂŽles, pittoresques et savoureuses. Frere cadet de Tartarin de Tarascon, dont les Aventures prodigieuses parurent en 1872, Maurin est le «prince des braconniers, duc des maires, empereur des gendarmes, roi des Maures». Grand chasseur devant l'Éternel, grand coureur de filles, l'histoire de ce don Juan des bois est surtout prĂ©texte a anecdotes, histoires de chasse et galĂ©jades dans une langue colorĂ©e, relevĂ©e de provençalismes.

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Information

Chapitre 1 Lequel dĂ©bute comme un proverbe de M. Alfred de Musset et oĂč le lecteur apprendra que les Provençaux sont les seuls Ă  savoir rire d’eux-mĂȘmes avec un esprit particulier qu’ils nomment la galĂ©geade.

L’homme entra et laissa grande ouverte derriùre lui la porte de l’auberge.
Il Ă©tait vĂȘtu de toile, guĂȘtre de toile, chaussĂ© d’espadrilles.
Il était grand, svelte, bien pris. Ce paysan avait dans sa démarche une profonde distinction naturelle, on ne savait quoi de trÚs digne.
Il avait un visage allongĂ©, les cheveux ras, un peu crĂ©pus, et sous une barbe sarrasine, courte, lĂ©gĂšre, frisottĂ©e, on sentait la puissance de la mĂąchoire. Le nez, fort, n’était pas droit, sans qu’on pĂ»t dire qu’il fĂ»t recourbĂ©.
De la lĂšvre infĂ©rieure au menton, son profil s’achevait en une ligne longue, comme escarpĂ©e, coupĂ©e Ă  la hache.
Sous sa lùvre, la mouche noire s’isolait au milieu d’une petite place libre de peau roussie, d’un rouge brun de terre cuite.
Un souffle d’air froid, sentant la rĂ©sine des pins et la bonne terre mouillĂ©e, s’engouffra avec Maurin dans la vaste salle haute, fumeuse et noire, de la vieille auberge des Campaux.
Cette auberge est bùtie presque à mi-chemin entre HyÚres et La Molle, au bord de la route qui suit dans toute sa longueur la sinueuse coupée du massif montagneux des Maures, en Provence, dans le Var.
« Tu es toi, Maurin ? fit l’aubergiste. Ferme la porte vivement. Tu nous gĂšles du coup, collĂšgue ! On dirait que tu amĂšnes avec toi l’humide et tout le froid de la montagne.
– Mais en mĂȘme temps, fit Maurin narquois et immobile, toute la bonne odeur du bois, collĂšgues ! Vous ĂȘtes dans une fumĂ©e Ă  couper vraiment au couteau ! Par l’effet de vos pipes, comme aussi de la cheminĂ©e oĂč vous brĂ»lez un chĂȘne-liĂšge entier auquel on aura laissĂ© son Ă©corce, vous ĂȘtes dans un nuage qui m’empĂȘchait de vous voir. Ça n’est pas sain, camarades ! Respirez-moi un peu cette « montagnĂšre ».
– La porte ! ferme la porte ! criĂšrent tous les buveurs sur des tons divers, mais oĂč dominait une maniĂšre de dĂ©fĂ©rence.
– La porte, Maurin, on te dit ! Il fait un vrai temps Ă  bĂ©casses ! »
Il y avait, parmi les buveurs, paysans et bĂ»cherons, deux gendarmes et aussi un garde-forĂȘts reconnaissable Ă  son uniforme vert.
Ce garde forestier se tourna à demi et d’une voix de commandement :
« La porte ! on vous dit ! animal ! Comment faut-il qu’on vous le dise ? »
Il avait l’air bourru et l’accent corse.
« MalgrĂ© vous, – fit Maurin trĂšs tranquillement, – malgrĂ© vous, vous en aurez, du bon air frais pour votre santĂ© !
« De quoi vous plaignez-vous ?
 Ah ! enfin, on vous voit maintenant, les amis !
 Mais je ne connais pas ce garde. C’est un nouveau, je le devine. Et un Corse, cela s’entend
 Ah ! n’est-ce pas qu’on respire ? Ton auberge maintenant, Grivolas, sent le thym et la bruyĂšre. C’est bon ! »
Il s’obstinait Ă  ne pas fermer la porte. Il y eut un silence pendant lequel on « entendit le dehors », un bruissement prolongĂ© Ă  l’infini, qui se reniflait et s’abaissait comme celui de la mer roulant des sables.
« Entends-tu le bruit des pinĂšdes ? fit Maurin. Trente lieues de bois de pin qui chantent Ă  la fois, compĂšres ! C’est ça une musique. »
Et il se mit Ă  rire.
Alors, la fille du garde, assise prĂšs de son pĂšre et tournant le dos Ă  la porte, regarda Maurin en face. Les deux « vĂŻores » de verre, qui, plantĂ©es dans des chandeliers de cuivre, fumaient sur la table, posĂ©es prĂšs de la fille, Ă©clairĂšrent pour Maurin son visage ovale, rĂ©gulier, d’une pĂąleur brune et mate. Les cheveux Ă©taient collĂ©s sur les tempes en deux bandeaux plats, mais Ă©pais, lisses et reluisants comme l’aile bleue de l’agace et du merle ; et sous les sourcils qui semblaient peints, Maurin vit luire, en deux yeux d’un noir de charbon, d’une couleur rousse de bois brĂ»lĂ©, deux Ă©tincelles.
« J’ai froid, l’homme ! » dit-elle placidement.
AussitÎt, la porte lourde, en se fermant sous la poussée de Maurin, fit résonner dans toute la vaste auberge comme un écho de montagne.
« Excusez, mademoiselle ! fit Maurin. Pour vous servir on aurait fermé plus tÎt. »
Le galant Maurin n’avait pas seulement la rĂ©putation d’ĂȘtre le premier chasseur et piĂ©geur du pays comme aussi le plus franc galegeaĂŻrĂ© (ou moqueur et conteur d’histoires joyeuses), mais encore il passait pour le plus beau coureur de filles dont on eĂ»t jamais entendu parler. « Agradavo », il plaisait. Telle est la brĂšve explication que donnaient de ses innombrables triomphes amoureux les gens du peuple Ă  qui on parlait de Maurin ; et sa double renommĂ©e dĂ©bordait sur les dĂ©partements voisins.
En le voyant si courtois pour la fille du garde, un des deux gendarmes s’agita sur sa chaise. Ce gendarme, jeune, bien fait, Ă©tait fort soignĂ© de sa personne : joli, la figure ronde, les traits rĂ©guliers, la peau tendue, bien lisse, la moustache d’un noir excessif. RasĂ© de frais, il avait les joues et le menton bleus comme le ciel. On eĂ»t dit une poupĂ©e en porcelaine, toute neuve. Un dĂ©tail de cette physionomie Ă©tait caractĂ©ristique, et semblait plaisant sous un chapeau de gendarme : ses deux pommettes se surĂ©levaient, trĂšs roses, comme deux gonflements, deux demi sphĂšres, deux enflures de santĂ©, signes Ă©vidents d’une conscience tranquille et d’une indolence Ă  toute Ă©preuve.
Cela rassurait et donnait envie de rire. Ce beau gendarme, gentil comme un tĂ©nor, Ă©tait amoureux de la « Corsoise » ; il s’était fait agrĂ©er, mais par le pĂšre seulement, en qualitĂ© de fiancĂ©. PersuadĂ© qu’il plairait un jour Ă  Antonia, il n’avait pas voulu cependant « brusquer les choses », reconnaissant de bonne grĂące qu’il ne suffisait pas de s’ĂȘtre montrĂ© trois fois Ă  une jeune fille, et chaque fois durant quelques minutes Ă  peine, pour ĂȘtre certain de n’avoir pas quelque rival secrĂštement prĂ©fĂ©rĂ©.
Depuis un mois tout au plus, le garde nouveau Ă©tait installĂ© dans la maison forestiĂšre du Don, et le gendarme, appartenant Ă  la brigade d’HyĂšres, ne pouvait venir au Don, dans la commune de Bormes, qu’en voisin

Maurin avait surpris le mouvement d’impatience du gendarme et il en avait aisĂ©ment devinĂ© la cause.
Il vint s’asseoir prĂšs des deux gendarmes dont il n’avait rien Ă  redouter, s’étant toujours gardĂ© avec soin de chasser en temps prohibĂ© et sur des terrains interdits, – ou du moins de s’y laisser prendre.
« Grivolas ! du café ! du café bien chaud ! cria-t-il.
– Tu as donc soupĂ©, Maurin ?
– J’ai toujours soupĂ©, moi ! dit-il. DĂšs que j’ai faim, tu sais bien, je mange, n’importe oĂč je suis. Et je soupe toujours sans soupe. VoilĂ  pourquoi le bon cafĂ© me rĂ©jouit plus qu’un autre. »
Il but une gorgée de café brûlant avec une satisfaction visible, et se mit à bourrer sa pipe lentement.
Presque tous le regardaient avec beaucoup de curiositĂ©. C’était un homme lĂ©gendaire que ce Maurin, un homme qui faisait « sortir du gibier aux endroits oĂč il n’y en avait pas ». Et quel tireur, mon ami ! BĂȘte vue Ă©tait bĂȘte morte. Toujours chaussĂ© d’espadrilles, il parcourait en silence les bois, les mussugues (coteaux couverts de cistes), les lits pierreux des torrents, les sommets couverts d’argeras (genĂȘts Ă©pineux), les vallons de roches et de bruyĂšres.
Cet homme en pantoufles, ne couchait pas trente fois par an, comme tout le monde, dans une vraie maison. Son carnier de cuir, exĂ©cutĂ© d’aprĂšs « ses plans » par le bourrelier de CollobriĂšres, Ă©tait une fois plus grand que le plus grand modĂšle habituel et, tout chargĂ©, pesait quarante livres, qu’il trimbalait « comme rien ». Qu’y avait-il lĂ -dedans ? Un monde ! Tout ce qu’il faut pour vivre Ă  la chasse, seul, au fond des bois, Ă  savoir : douze gousses d’ail, renouvelables ; deux livres de pain, un litre de vin, un tube de roseau contenant du sel, une gourde d’aĂŻgarden[1] ; une coupe taillĂ©e dans de la racine de bruyĂšre, coupe d’honneur offerte Ă  Maurin par les chasseurs de Sainte-Maxime ; deux paquets de tabac de cantine, deux pipes, un couteau-scie ; un couteau poignard de marin, dans sa gaine de cuir ; un briquet, de l’amadou, trois alĂšnes de cordonnier, un tranchet, une paire d’espadrilles de rechange (il en usait deux paires par semaine) ; une demi-peau de chĂšvre tannĂ©e, pour le raccommodage de ses chaussures ; deux tournevis, six livres de plomb, trois boites de poudre, deux boĂźtes de capsules (car bien qu’il possĂ©dĂąt un fusil « Ă  systĂšme » il prenait quelquefois son vieux fusil Ă  piston) ; une boĂźte de fer-blanc pour les Ɠufs et les sauces ; douze mĂštres de cordelette fine et solide dite septain ; une paire de manchons. Ces manchons Ă©taient des gants de cuir de son invention, sans doigts, oĂč ses bras plongeaient jusqu’aux Ă©paules. Ces manchons, qu’il faisait admirer volontiers, ne semblaient pas d’un usage pratique, mais ils lui rendaient, au contraire, les plus grands services en de certaines occasions.
Quand on disait, chez les paysans, sur un point quelconque du dĂ©partement : « Maurin
 » quelqu’un de l’assistance aussitĂŽt ajoutait, sur le ton de l’interrogatoire : « Des Maures ? » Et si celui qui allait parler rĂ©pondait : « Oui », vite les tĂȘtes se rapprochaient, on faisait cercle pour apprendre quelque nouvelle aventure du roi des Maures, du don Juan des Bois.
Les domaines de Maurin Ă©tant immenses, on l’apercevait peu de temps dans la mĂȘme rĂ©gion. C’est pourquoi, ce soir-lĂ , Ă  l’auberge des Campaux, la curiositĂ© Ă©tait si vive autour de lui.
Les joueurs oubliÚrent leurs cartes, pour le regarder attentivement. Les conversations étaient en déroute.
Maurin eut de nouveau un gros rire.
« Je suis tombé ici, dit-il, comme une pierre dans un marais, donc ! que les grenouilles ne disent plus rien ? »
Le beau gendarme grommela sottement :
« Grenouilles ! Grenouilles ! parlez pour vous, camarade ! »
Il ne fallait jamais agacer Maurin. Il avait la superbe d’un chef, et la susceptibilitĂ© d’un solitaire que rien ne vient heurter Ă  l’ordinaire.
De plus, en prĂ©sence d’une femme qui ne lui dĂ©plaisait pas, jamais Maurin n’eĂ»t « laissĂ© le dernier » (le dernier mot) Ă  qui que ce fĂ»t. En pareil cas, ce mĂąle devenait terrible, Ă  la maniĂšre de tous les fauves.
« J’ai dit : « grenouilles » ! gronda Maurin, vous faisiez dans cette salle un tapage de grenouilles !et vous vous taisez comme des grenouilles dans le marais, depuis que j’ai fermĂ© cette porte. Je l’ai fermĂ©e pas pour vous, mais seulement pour plaire Ă  la demoiselle
 Et vous vous taisez, je dis, comme des grenouilles ! – Il enflait le mot. – VoilĂ  ce que j’ai dit. Et la gendarmerie ne peut pas y changer une parole. Ça, elle ne peut pas le faire, la gendarmerie !
 »
La gendarmerie ne peut pas non plus verbaliser contre une phrase inoffensive, aprÚs tout, comme celle que Maurin avait prononcée.
Le gendarme, vexé, se tut. La Corsoise, sympathique à Maurin, souriait.
Les Corses, race hĂ©roĂŻque, sont ou gendarmes ou bandits. Le pĂšre de la Corsoise Ă©tait fils d’un cĂ©lĂšbre bandit corse.
ÉlevĂ© dans le maquis jusqu’à l’ñge de vingt ans, il Ă©tait devenu un excellent soldat. Maintenant il Ă©tait garde forestier et sa fille avait dix-huit ans. Elle eĂ»t Ă©pousĂ© sans rĂ©pugnance un gendarme, mais elle n’y avait jamais songĂ©. Au choix, elle eĂ»t prĂ©fĂ©rĂ© un bandit, et elle n’y songeait pas.
Elle regarda Maurin. Maurin en éprouva une joie physique bien connue de lui.
C’était un peu ce qu’il ressentait parfois au sommet d’une montagne, Ă  l’aube, lorsque la vie lui revenait nouvelle, aux lĂšvres et dans le sang, aprĂšs un bon somme, et que le souffle de la mer, chargĂ© des parfums de la montagne, pĂ©nĂ©trant jusqu’à la chair par le col ouvert de sa chemise courait dans tout lui, et le faisait frissonner d’aise.
Le regard de la Corsoise l’émut plus que jamais ne l’émut un regard de femme. Le descendant des pirates maures rapteurs de filles tressaillit sous le regard de cet Ɠil trĂšs noir, trĂšs grand, enflammĂ©, oĂč il reconnut une race de feu, sƓur de la sienne. L’envie lui vint de faire le beau, comme elle vient au faisan dans le temps des amours.
« Tu n’as rien tuĂ© aujourd’hui ? » lui demanda l’un des buveurs.
Alors la physionomie du galegeaïré devint sérieuse :
« Il m’en est arrivĂ© une, dit-il, dans son français traduit du provençal et semĂ© d’idiotismes : osco, Manosco ! »
Il abattit sur la table son poing fermĂ©, avec le pouce rigide en l’air.
Cela signifiait : « Il m’en est arrivĂ© une bien bonne, surprenante, inĂ©narrable ! »
Osco, c’est-Ă -dire ; marque lĂ  ! et Manosco,ajoutĂ© pour la rime, pour rien, pour le plaisir, pour faire sonner une deuxiĂšme fois le osco en invoquant une citĂ© provençale qui a donnĂ©, dans les temps, de fortes surprises aux gens de guerre.
Les tĂȘtes se groupĂšrent autour de Maurin. Seuls les gendarmes ne se dĂ©rangĂšrent pas. L’aubergiste fut attentif. Quel gibier lui apportait Maurin ?
Maurin, lui, songeait surtout à plaire à la fille en contant de son mieux une histoire étonnante.
La belle Corsoise s’était dĂ©rangĂ©e comme les autres pour Ă©couter le conteur jovial, le fameux galegeaĂŻrĂ©.
Maurin repoussa en arriÚre son petit feutre fané et dit gravement :
« VoilĂ . Figurez-vous, je n’ai vu, de tout le jour, qu’un gageai (un geai). »
Il y eut un ah ! de dĂ©sappointement dans l’auditoire.
« Mais espĂ©rez un peu ! poursuivit l’homme avec une expression narquoise rĂ©pandue dans tout son visage, espĂ©rez un peu
 vous allez voir

« Le geai me passait sur la tĂȘte. Je lui envoie mon coup de fusil. Pan ! il descend Ă  terre et se pose sur ses pattes comme un homme ! Je me dis : Il est blessĂ© ! Et vous auriez dit comme moi. Manquer un geai qui vous passe sur la tĂȘte ! le coup du roi ! quand on est Maurin ! le manquer, ça n’est pas possible ! je ne pouvais pas me le croire !
– Alors ?
– Alors je vais pour le ramasser
 il fait un bond, mes amis, et se pose Ă  terre, un peu plus loin ! Je me dis : « C’est une masque (un sorcier) ! Nous allons voir s’il m’emportera mes deux sous de poudre et de plomb, ce voleur ! » Je prends mon chapeau
 et vlan ! je le lui lance : le voilĂ  coiffĂ© ! mes amis ! je vous l’ai coiffé  il Ă©tait sous le chapeau, pris, mes amis, pris, flambĂ©, cuit
 Avec une sauce bien piquante un geai peut nourrir un pauvre
 Je vais donc encore pour le ramasser
 Ah ! misĂšre, mes enfants ! misĂšre de moi !
 au moment oĂč j’envoie la main en avant, voilĂ  mon chapeau qui fait un bond, lui aussi, et q...

Table of contents

  1. Titre
  2. Chapitre 1 - Lequel dĂ©bute comme un proverbe de M. Alfred de Musset et oĂč le lecteur apprendra que les Provençaux sont les seuls Ă  savoir rire d’eux-mĂȘmes avec un esprit particulier qu’ils nomment la galĂ©geade.
  3. Chapitre 2 - OĂč l’on verra la silhouette d’un nommĂ© Parlo-Soulet, ou Parle-Seul, qui inventa le monologue, et le bon tour que jouĂšrent aux gendarmes Maurin des Maures et son muet associĂ©.
  4. Chapitre 3 - Dialogue d’un prĂ©fet et d’un secrĂ©taire archiviste, par oĂč l’on verra qu’en Provence la chasse Ă  la casquette n’enrichit pas les chapeliers.
  5. Chapitre 4 - GrĂące aux renseignements de M. DĂ©sirĂ© Cabissol, policier par amour du pittoresque, plus d’un lecteur trouvera amusant le prĂ©sent chapitre.
  6. Chapitre 5 - OĂč l’on verra comment M. DĂ©sirĂ© Cabissol et M. DĂ©sorty, prĂ©fet, continuĂšrent, inter pocula, leur conversation amusante et comment le premier de ces deux personnages fut conduit Ă  narrer au second l’histoire du Marchand de larmes, sans pour cela oublier l’illustre Maurin, Roi des Maures.
  7. Chapitre 6 - Maurin, prince des braconniers, duc des maires, empereur des gendarmes, Roi des Maures, fait la police de son royaume.
  8. Chapitre 7 - Pour quels motifs Pastouré prend la résolution de graisser ses bottes.
  9. Chapitre 8 - OĂč l’on verra comment les habitants des Maures auraient pu devenir tous aveugles – et l’opinion de Parlo-soulet sur son ami Maurin, flambeau des chasseurs.
  10. Chapitre 9 - On ne peut pas Ă  la fois casser des cailloux sur la route et bien garder sa fille.
  11. Chapitre 10 - Cent mille tĂȘtes humaines ne valent pas une tĂȘte de poulet.
  12. Chapitre 11 - Un sauvage entrevoit que la science n’est pas la justice, mais qu’un grain de justice peut germer dans le fumier des civilisations.
  13. Chapitre 12 - Monsieur le prĂ©fet a la parole. Parlo-soulet l’interrompt.
  14. Chapitre 13 - M. Cabissol explique le rĂŽle du chapeau haut de forme considĂ©rĂ© dans ses rapports avec le jeu de boules et, Ă  propos de la pluie et du beau temps, rĂ©pĂšte le sermon aimable que fit un bon curĂ© pour la fĂȘte de Sant-EstrĂČpi.
  15. Chapitre 14 - À Corse entier, Corsoise et demie.
  16. Chapitre 15 - OĂč l’on verra le don Juan des bois courir deux gibiers Ă  la fois, non pas deux liĂšvres, mais un sanglier et une jolie fille.
  17. Chapitre 16 - OĂč l’on verra les motifs qui peuvent empĂȘcher un braconnier d’accepter Ă  dĂźner chez un prĂ©fet et ceux qui font de la prĂ©fecture du Var la meilleure de France.
  18. Chapitre 17 - Comment M. Labarterie fut conduit par Maurin à la chasse aux merles, et comment M. Cabissol fut entraßné à conter, lui aussi, une galégeade.
  19. Chapitre 18 - Le purgatoire de frĂšre Pancrace.
  20. Chapitre 19 - OĂč apparaĂźt pour le grand ennui de Maurin, et la plus grande satisfaction de la gendarmerie nationale, un nouveau personnage noir comme un diable.
  21. Chapitre 20 - Le gendarme Sandri Ă©tablit l’orthographe du mot pennes.
  22. Chapitre 21 - D’oĂč il appert qu’un pardessus d’étĂ© est le vĂȘtement ridicule par excellence, et oĂč l’on verra comment le don Juan des bois, pour conquĂ©rir une femme du Var, s’assura la complicitĂ© d’une aigle des Alpes.
  23. Chapitre 22 - MĂ©fiez-vous d’un cantonnier qui a pour amis un renard femelle, quinze perdreaux et une belette.
  24. Chapitre 23 - Entre un conditionnel et un prĂ©sent, entre « je m’en flatterais » et « je m’en flatte », il n’y a pas, pour un bon gendarme, l’épaisseur d’un poil de barbe.
  25. Chapitre 24 - Mes bons amis, quand on la tient, il faut plumer la poulette.
  26. Chapitre 25 - Si l’on ne mangeait de cerises que celles qui vous appartiennent, beaucoup de gens ne sauraient pas quel goĂ»t a le fruit des cerisiers.
  27. Chapitre 26 - OĂč le Roi des Maures met entre lui et la loi non seulement une lourde table, mais l’honneur mĂȘme de la Corse, patrie du grand Empereur.
  28. Chapitre 27 - OĂč l’on verra le Roi des Maures sacrĂ© non pas Ă  Reims mais Ă  Draguignan ; et d’une conversation de haute portĂ©e entre un policier amateur et un savant inconnu.
  29. Chapitre 28 - La voix du peuple nomme Maurin général et Pastouré colonel.
  30. Chapitre 29 - Comment Pastouré, ayant tiré un lapin sans le rouler, rendit Dieu en personne responsable de sa maladresse.
  31. Chapitre 30 - Comment les fĂȘtes publiques des Plantouriens furent troublĂ©es, le beau jour de la Saint-Martin, et comment un heureux miracle termina cette lamentable aventure.
  32. Chapitre 31 - Comme quoi Maurin et Parlo-soulet doivent ĂȘtre comparĂ©s, par les gens qui s’y connaissent, aux plus grandes figures de l’histoire et de la lĂ©gende, et oĂč l’on se convaincra que M. Cabissol a pĂ©nĂ©trĂ© tous les dessous de l’ñme populaire, en lui entendant raconter Le bon conseil de maĂźtre Magaud, histoire Ă  laquelle Maurin riposta par une autre non mo
  33. Chapitre 32 - OĂč Maurin des Maures, par la façon dont il pense Ă  se faire connaĂźtre de son bĂątard CĂ©sariot, prouve bien qu’il n’est pas un hĂ©ros de roman-feuilleton.
  34. Chapitre 33 - De la rencontre qu’eurent pour la premiĂšre fois Maurin des Maures et son fils CĂ©sariot sous un arbre qui est cĂ©lĂšbre dans le Var sous le nom de Pin Berthaud, et comment le don Juan des bois se rĂ©vĂ©la pĂšre de famille Ă  la romaine et Ă  la provençale.
  35. Chapitre 34 - D’une conversation qu’eut Antonia avec son pĂšre et de celle qu’elle eut deux jours plus tard avec deux dĂ©votes.
  36. Chapitre 35 - Comme quoi les belles filles faisaient quelquefois encore, au XIXe siùcle, sur les rivages provençaux, la rencontre d’un prince maure.
  37. Chapitre 36 - Il n’y a pas de bon mariage morganatique auquel ne prĂ©side au moins un ermite.
  38. Chapitre 37 - OĂč l’on verra que les habitants d’une bourgade prĂ©destinĂ©e appelĂ©e Gonfaron ou Gonfleron, en Provence, ont inventĂ© la montgolfiĂšre, Ă  la forme prĂšs.
  39. Chapitre 38 - En quels termes le don Juan des bois refusa mariage Ă  la belle Corsoise avec une sincĂ©ritĂ© digne d’estime.
  40. Chapitre 39 - Comme quoi, grĂące Ă  l’ingĂ©niositĂ© de Maurin, les Gonfaronnais virent enfin voler un Ăąne et comment le Roi des Maures connut, Ă  l’instar de tous les vrais hĂ©ros, son heure d’impopularitĂ©.
  41. Chapitre 40 - De la mĂ©morable conversation qu’eurent ensemble Maurin des Maures et son ami Caboufigue, ex-roi des nĂšgres, berger de crocodiles, conservateur radical et candidat Ă  la dĂ©putation.
  42. Chapitre 41 - Comment un gentilhomme de l’Ancien RĂ©gime contracta trĂšs naturellement un traitĂ© d’alliance avec le populaire Roi des Maures.
  43. Chapitre 42 - OĂč l’on verra l’importance que le gouvernement de la RĂ©publique française accorde au Roi des Maures, lequel n’en devient pas plus fier.
  44. Chapitre 43 - OĂč l’on verra comment, sans l’aide de Maurin lui-mĂȘme, jamais gendarme n’eĂ»t arrĂȘtĂ© Maurin, et comment Parlo-soulet rĂ©pondit Ă  cette monstrueuse arrestation par l’incongruitĂ© la plus monstrueuse et la plus sonore qui fĂ»t dans ses moyens.
  45. Chapitre 44 - OĂč le Roi des Maures est un instant comparĂ©, pour sa finesse de diplomate, au roi Louis XI.
  46. Chapitre 45 - – Et de quoi riez-vous ainsi, Rosette, belle fille ?
  47. Chapitre 46 - Comment et pourquoi, non sans regret, Maurin fit à un gendarme un cadeau princier, ce qui l’amena à conter à ses amis La liùvre de juin.
  48. Chapitre 47 - Qu’il ne faut pas lire, parce qu’on y relate la profonde et ennuyeuse conversation qu’eurent ensemble, – en prĂ©sence de Maurin des Maures et de Parlo-soulet, – M. Rinal et M. Cabissol, lequel se dĂ©cida, pour en finir, Ă  conter deux galĂ©jades.
  49. Chapitre 48 - La merveilleuse histoire des Canards du Labrador.
  50. Chapitre 49 - OĂč l’on verra l’histoire jolie de la Poule verte, comment l’horrible Grondard dĂ©noua le roman de Tonia et du Roi des Maures, et avec quel dĂ©sintĂ©ressement admirable PastourĂ© refusa une haute position.
  51. Notes de bas de page