La Morale anarchiste
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La Morale anarchiste

About this book

La Morale anarchiste was written in the year 1889 by Pierre Kropotkine. This book is one of the most popular novels of Pierre Kropotkine, and has been translated into several other languages around the world.

This book is published by Booklassic which brings young readers closer to classic literature globally.

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Chapitre 1

L’histoire de la pensĂ©e humaine rappelle les oscillations du pendule, et ces oscillations durent dĂ©jĂ  depuis des siĂšcles. AprĂšs une longue pĂ©riode de sommeil arrive un moment de rĂ©veil. Alors la pensĂ©e s’affranchit des chaĂźnes dont tous les intĂ©ressĂ©s — gouvernants, hommes de loi, clergĂ© — l’avaient soigneusement entortillĂ©e. Elle les brise. Elle soumet Ă  une critique sĂ©vĂšre tout ce qu’on lui avait enseignĂ© et met Ă  nu le vide des prĂ©jugĂ©s religieux, politiques, lĂ©gaux et sociaux, au sein desquels elle avait vĂ©gĂ©tĂ©. Elle lance la recherche dans des voies inconnues, enrichit notre savoir de dĂ©couvertes imprĂ©vues ; elle crĂ©e des sciences nouvelles.
Mais l’ennemi invĂ©tĂ©rĂ© de la pensĂ©e — le gouvernant, l’homme de loi, le religieux — se relĂšvent bientĂŽt de la dĂ©faite. Ils rassemblent peu Ă  peu leurs forces dissĂ©minĂ©es ; ils rajeunissent leur foi et leurs codes en les adaptant Ă  quelques besoins nouveaux. Et, profitant de ce servilisme [sic] du caractĂšre et de la pensĂ©e qu’ils avaient si bien cultivĂ© eux-mĂȘmes, profitant de la dĂ©sorganisation momentanĂ©e de la sociĂ©tĂ©, exploitant le besoin de repos des uns, la soif de s’enrichir des autres, les espĂ©rances trompĂ©es des troisiĂšmes — surtout les espĂ©rances trompĂ©es — ils se remettent doucement Ă  leur Ɠuvre en s’emparant d’abord de l’enfance par l’éducation.
L’esprit de l’enfant est faible. Il est si facile de le soumettre par la terreur ; c’est ce qu’ils font. Ils le rendent craintif, et alors ils lui parlent des tourments de l’enfer ; ils font miroiter devant lui les souffrances de l’ñme damnĂ©e, la vengeance d’un dieu implacable. Un moment aprĂšs, ils lui parleront des horreurs de la RĂ©volution, ils exploiteront un excĂšs des rĂ©volutionnaires pour faire de l’enfant « un ami de l’ordre ». Le religieux l’habituera Ă  l’idĂ©e de loi pour le faire mieux obĂ©ir Ă  ce qu’il appellera la loi divine, et l’avocat lui parlera de loi divine pour le faire mieux obĂ©ir Ă  la loi du code. Et la pensĂ©e de la gĂ©nĂ©ration suivante prendra ce pli religieux, ce pli autoritaire et servile en mĂȘme temps — autoritĂ© et servilisme marchent toujours la main dans la main — cette habitude de soumission que nous ne connaissons que trop chez nos contemporains.
Pendant ces pĂ©riodes de sommeil, on discute rarement les questions de morale. Les pratiques religieuses, l’hypocrisie judiciaire en tiennent lieu. On ne critique pas, on se laisse mener par l’habitude, par l’indiffĂ©rence. On ne se passionne ni pour ni contre la morale Ă©tablie. On fait ce que l’on peut pour accommoder extĂ©rieurement ses actes Ă  ce que l’on dit professer. Et le niveau moral de la SociĂ©tĂ© tombe de plus en plus. On arrive Ă  la morale des Romains de la dĂ©cadence, de l’ancien rĂ©gime, de la fin du rĂ©gime bourgeois.
Tout ce qu’il y avait de bon, de grand, de gĂ©nĂ©reux, d’indĂ©pendant chez l’homme s’émousse peu Ă  peu, se rouille comme un couteau restĂ© sans usage. Le mensonge devient vertu ; la platitude, un devoir. S’enrichir, jouir du moment, Ă©puiser son intelligence, son ardeur, son Ă©nergie, n’importe comment, devient le mot d’ordre des classes aisĂ©es, aussi bien que de la multitude des pauvres gens dont l’idĂ©al est de paraĂźtre bourgeois. Alors la dĂ©pravation des gouvernants – du juge, du clergĂ© et des classes plus ou moins aisĂ©es – devient si rĂ©voltante que l’autre oscillation du pendule commence.
La jeunesse s’affranchit peu Ă  peu, elle jette les prĂ©jugĂ©s par-dessus bord, la critique revient. La pensĂ©e se rĂ©veille, chez quelques-uns d’abord ; mais insensiblement le rĂ©veil gagne le grand nombre. La poussĂ©e se fait, la rĂ©volution surgit.
Et chaque fois, la question de la morale revient sur le tapis. — « Pourquoi suivrais-je les principes de cette morale hypocrite ? » se demande le cerveau qui s’affranchit des terreurs religieuses. — « Pourquoi n’importe quelle morale serait-elle obligatoire ? ».
On cherche alors Ă  se rendre compte de ce sentiment moral que l’on rencontre Ă  chaque pas, sans l’avoir encore expliquĂ©, et que l’on n’expliquera jamais tant qu’on le croira un privilĂšge de la nature humaine, tant qu’on ne descendra pas jusqu’aux animaux, aux plantes, aux rochers pour le comprendre. On cherche cependant Ă  se l’expliquer selon la science du moment.
Et — faut-il le dire ? — plus on sape les bases de la morale Ă©tablie, ou plutĂŽt de l’hypocrisie qui en tient lieu — plus le niveau moral se relĂšve dans la sociĂ©tĂ©. C’est Ă  ces Ă©poques surtout, prĂ©cisĂ©ment quand on le critique et le nie, que le sentiment moral fait les progrĂšs les plus rapides ; c’est alors qu’il croĂźt, s’élĂšve, se raffine.
On l’a vu au dix-huitiĂšme siĂšcle. DĂšs 1723, Mandeville, l’auteur anonyme qui scandalisa l’Angleterre par sa Fable des Abeilles et les commentaires qu’il y ajouta, attaquait en face l’hypocrisie sociale connue sous le nom de morale. Il montrait comment les coutumes soi-disant morales ne sont qu’un masque hypocrite ; comment les passions, que l’on croit maĂźtriser par le code de morale courante, prennent au contraire une direction d’autant plus mauvaise, Ă  cause des restrictions mĂȘmes de ce code. Comme Fourier le fit plus tard, il demandait place libre aux passions, sans quoi elles dĂ©gĂ©nĂšrent en autant de vices ; et, payant en cela un tribut au manque de connaissances zoologiques de son temps, c’est-Ă -dire oubliant la morale des animaux, il expliquait l’origine des idĂ©es morales de l’humanitĂ© par la flatterie intĂ©ressĂ©e des parents et des classes dirigeantes.
On connaĂźt la critique vigoureuse des idĂ©es morales faites plus tard par les philosophes Ă©cossais et les encyclopĂ©distes. On connaĂźt les anarchistes de 1793 et l’on sait chez qui l’on trouve le plus haut dĂ©veloppement du sentiment moral : chez les lĂ©gistes, les patriotes, les jacobins qui chantaient l’obligation et la sanction morale par l’Être suprĂȘme, ou chez les athĂ©istes [sic] hĂ©bertistes qui niaient, comme l’a fait rĂ©cemment Guyau, et l’obligation et la sanction de la morale.
« Pourquoi serai-je moral ? » VoilĂ  donc la question que se posĂšrent les rationalistes du douziĂšme siĂšcle, les philosophes du seiziĂšme siĂšcle, les philosophes et les rĂ©volutionnaires du dix-huitiĂšme siĂšcle. Plus tard, cette question revint de nouveau chez les utilitariens anglais (Bentham et Mill), chez les matĂ©rialistes allemands tels que Bochner, chez les nihilistes russes des annĂ©es 1860-70, chez ce jeune fondateur de l’éthique anarchiste (la science de la morale des sociĂ©tĂ©s) — Guyau — mort malheureusement trop tĂŽt ; voilĂ , enfin, la question que se posent en ce moment les jeunes anarchistes français.
Pourquoi, en effet ?
Il y a trente ans, cette mĂȘme question passionna la jeunesse russe. « Je serai immoral », venait dire un jeune nihiliste Ă  son ami, traduisant en un acte quelconque les pensĂ©es qui le tourmentaient. « Je serai immoral et pourquoi ne le serai-je pas ? »
— Parce que la Bible le veut ? Mais la Bible n’est qu’une collection de traditions babyloniennes et judaĂŻques — traditions collectionnĂ©es comme le furent les chants d’HomĂšre ou comme on le fait encore pour les chants basques ou les lĂ©gendes mongoles ! Dois-je donc revenir Ă  l’état d’esprit des peuples Ă  demi barbares de l’Orient ?
« Le serai-je parce que Kant me parle d’un catĂ©gorique impĂ©ratif, d’un ordre mystĂ©rieux qui me vient du fond de moi-mĂȘme et qui m’ordonne d’ĂȘtre moral ? Mais pourquoi ce « catĂ©gorique impĂ©ratif » aurait-il plus de droits sur mes actes que cet autre impĂ©ratif qui, de temps en temps, me donnera l’ordre de me saouler ? Un mot, rien qu’un mot, tout comme celui de Providence ou de Destin, invente pour couvrir notre ignorance !
— Ou bien serai-je moral pour faire plaisir Ă  Bentham qui veut me faire croire que je serai plus heureux si je me noie pour sauver un passant tombĂ© dans la riviĂšre que si je le regarde se noyer ?
— Ou bien encore, parce que mon Ă©ducation est telle ? parce que ma mĂšre m’a enseigne la morale ? Mais alors, devrai-je aussi m’agenouiller devant la peinture d’un christ ou d’une madone, respecter le roi ou l’empereur, m’incliner devant le juge que je sais ĂȘtre un coquin, seulement parce que ma mĂšre — nos mĂšres Ă  nous tous — trĂšs bonnes, mais trĂšs ignorantes, nous ont enseignĂ© un tas de bĂȘtises ?
PrĂ©jugĂ©s, comme tout le reste, je travaillerai Ă  m’en dĂ©faire. S’il me rĂ©pugne d’ĂȘtre immoral, je me forcerai de l’ĂȘtre, comme, adolescent, je me forçais Ă  ne pas craindre l’obscuritĂ©, le cimetiĂšre, les fantĂŽmes et les morts, dont on m’avait inspirĂ© la crainte. Je le ferai pour briser une arme exploitĂ©e par les religions ; je le ferai, enfin, ne serait-ce que pour protester contre l’hypocrisie que l’on prĂ©tend nous imposer au nom d’un mot, auquel on a donne le nom de moralitĂ©. »
VoilĂ  le raisonnement que la jeunesse russe se faisait au moment oĂč elle rompait avec les prĂ©jugĂ©s du « vieux monde » et arborait ce drapeau du nihilisme, ou plutĂŽt de la philosophie anarchiste : « Ne se courber devant aucune autoritĂ©, si respectĂ©e qu’elle soit ; n’accepter aucun principe, tant qu’il n’est pas Ă©tabli par la raison. »
Faut-il ajouter qu’aprĂšs avoir jetĂ© au panier l’enseignement moral de leurs pĂšres et brĂ»lĂ© tous les systĂšmes de morale, la jeunesse nihiliste a dĂ©veloppĂ© dans son sein un noyau de coutumes morales, infiniment supĂ©rieures Ă  tout ce que leurs pĂšres avaient jamais pratiquĂ© sous l...

Table of contents

  1. Titre
  2. Chapitre 1
  3. Chapitre 2
  4. Chapitre 3
  5. Chapitre 4
  6. Chapitre 5
  7. Chapitre 6
  8. Chapitre 7
  9. Chapitre 8
  10. Chapitre 9
  11. Chapitre 10