Sapho
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About this book

Sapho was written in the year 1884 by Alphonse Daudet. This book is one of the most popular novels of Alphonse Daudet, and has been translated into several other languages around the world.

This book is published by Booklassic which brings young readers closer to classic literature globally.

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Information

Chapitre 1

 
– Regardez-moi, voyons
 J’aime la couleur de vos yeux

– Comment vous appelez-vous ?
– Jean.
– Jean tout court ?
– Jean Gaussin.
– Du Midi, j’entends ça
 Quel ñge ?
– Vingt et un ans.
– Artiste ?
– Non, madame.
– Ah ! tant mieux

Ces bouts de phrases, presque inintelligibles au milieu des cris, des rires, des airs de danse d’une fĂȘte travestie, s’échangeaient – une nuit de juin – entre un pifferaro et une femme fellah dans la serre de palmiers, de fougĂšres arborescentes, qui faisait le fond de l’atelier de DĂ©chelette.
Au pressant interrogatoire de l’Égyptienne, le pifferaro rĂ©pondait avec l’ingĂ©nuitĂ© de son Ăąge tendre, l’abandon, le soulagement d’un MĂ©ridional restĂ© longtemps sans parler. Étranger Ă  tout ce monde de peintres, de sculpteurs, perdu dĂšs en entrant dans le bal par l’ami qui l’avait amenĂ©, il se morfondait depuis deux heures, promenant sa jolie figure de blond hĂąlĂ© et dorĂ© par le soleil, les cheveux en frisons serrĂ©s et courts comme la peau de mouton de son costume ; et un succĂšs, dont il ne se doutait guĂšre, se levait et chuchotait autour de lui.
Des Ă©paules de danseurs le bousculaient brusquement, des rires de rapins blaguaient la cornemuse qu’il portait tout de travers et sa dĂ©froque de montagne, lourde et gĂȘnante dans cette nuit d’étĂ©. Une Japonaise aux yeux de faubourg, des couteaux d’acier tenant son chignon remontĂ©, fredonnait en l’agaçant : Ah ! qu’il est beau, qu’il est beau, le postillon
[1] ; tandis qu’une novio espagnole en blanches dentelles de soie, passant au bras d’un chef apache, lui fourrait violemment sous le nez son bouquet de jasmins blancs.
Il ne comprenait rien Ă  ces avances, se croyait extrĂȘmement ridicule et se rĂ©fugiait dans l’ombre fraĂźche de la galerie vitrĂ©e, bordĂ©e d’un large divan sous les verdures. Tout de suite cette femme Ă©tait venue s’asseoir prĂšs de lui.
Jeune, belle ? Il n’aurait su le dire
 Du long fourreau de lainage bleu oĂč sa taille pleine ondulait, sortaient deux bras, ronds et fins, nus jusqu’à l’épaule ; et ses petites mains chargĂ©es de bagues, ses yeux gris larges ouverts et grandis par les bizarres ornements de fer lui tombant du front, composaient un ensemble harmonieux.
Une actrice sans doute. Il en venait beaucoup chez DĂ©chelette ; et cette pensĂ©e n’était pas pour le mettre Ă  l’aise, ce genre de personnes lui faisant trĂšs peur. Elle lui parlait de tout prĂšs, un coude au genou, la tĂȘte appuyĂ©e sur la main, avec une douceur grave, un peu lasse
 « Du Midi vraiment ?
 Et des cheveux de ce blond-là !
 VoilĂ  une chose extraordinaire. »
Et elle voulait savoir depuis combien de temps il habitait Paris, si c’était trĂšs difficile cet examen pour les consulats qu’il prĂ©parait, s’il connaissait beaucoup de monde et comment il se trouvait Ă  la soirĂ©e de DĂ©chelette, rue de Rome, si loin de son quartier Latin. Quand il dit le nom de l’étudiant qui l’avait amené  « La Gournerie
 un parent de l’écrivain
 elle connaissait sans doute  » l’expression de ce visage de femme changea, s’assombrit subitement ; mais il n’y prit pas garde, ayant l’ñge oĂč les yeux brillent sans rien voir. La Gournerie lui avait promis que son cousin serait lĂ , qu’il le prĂ©senterait. « J’aime tant ses vers
 je serais si heureux de le connaĂźtre  »
Elle eut un sourire de pitiĂ© pour sa candeur, un joli resserrement d’épaules, en mĂȘme temps qu’elle Ă©cartait de sa main les feuilles lĂ©gĂšres d’un bambou et regardait dans le bal si elle ne lui dĂ©couvrirait pas son grand homme.
La fĂȘte Ă  ce moment Ă©tincelait et roulait comme une apothĂ©ose de fĂ©erie. L’atelier, le hall plutĂŽt, car on n’y travaillait guĂšre, dĂ©veloppĂ© dans toute la hauteur de l’hĂŽtel et n’en faisant qu’une piĂšce immense, recevait sur ses tentures claires, lĂ©gĂšres, estivales, ses stores de paille fine ou de gaze, ses paravents de laque, ses verreries multicolores, et sur le buisson de roses jaunes garnissant le foyer d’une haute cheminĂ©e Renaissance, l’éclairage variĂ© et bizarre d’innombrables lanternes chinoises, persanes, mauresques, japonaises, les unes en fer ajourĂ©, dĂ©coupĂ©es d’ogives comme une porte de mosquĂ©e, d’autres en papier de couleur pareilles Ă  des fruits, d’autres dĂ©ployĂ©es en Ă©ventail, ayant des formes de fleurs, d’ibis, de serpents ; et tout Ă  coup de grands jets Ă©lectriques, rapides et bleuĂątres, faisaient pĂąlir ces mille lumiĂšres et givraient d’un clair de lune les visages et les Ă©paules nues, toute la fantasmagorie d’étoffes, de plumes, de paillons, de rubans qui se froissaient dans le bal, s’étageaient sur l’escalier hollandais Ă  large rampe menant aux galeries du premier que dĂ©passaient les manches des contrebasses et la mesure frĂ©nĂ©tique d’un bĂąton de chef d’orchestre.
De sa place, le jeune homme voyait cela Ă  travers un rĂ©seau de branches vertes, de lianes fleuries qui se mĂȘlaient au dĂ©cor, l’encadraient et, par une illusion d’optique, jetaient au va-et-vient de la danse des guirlandes de glycine sur la traĂźne d’argent d’une robe de princesse, coiffaient d’une feuille de dracĂŠna un minois de bergĂšre Pompadour ; et pour lui maintenant l’intĂ©rĂȘt du spectacle se doublait du plaisir d’apprendre par son Égyptienne les noms, tous glorieux, tous connus, que cachaient ces travestis d’une variĂ©tĂ©, d’une fantaisie si amusantes.
Ce valet de chiens, son fouet court en bandouliĂšre, c’était Jadin ; tandis qu’un peu plus loin cette soutane Ă©limĂ©e de curĂ© de campagne dĂ©guisait le vieil Isabey, grandi par un jeu de cartes dans ses souliers Ă  boucles. Le pĂšre Corot souriait sous l’énorme visiĂšre d’une casquette d’invalide. On lui montrait aussi Thomas Couture en bouledogue, Jundt en argousin, Cham en oiseau des Ăźles.
Et quelques costumes historiques et graves, un Murat empanachĂ©, un prince EugĂšne, un Charles Ier, portĂ©s par de tout jeunes peintres, marquaient bien la diffĂ©rence entre les deux gĂ©nĂ©rations d’artistes ; les derniers venus, sĂ©rieux, froids, des tĂȘtes de gens de bourse vieillis de ces rides particuliĂšres que creusent les prĂ©occupations d’argent, les autres bien plus gamins, rapins, bruyants, dĂ©bridĂ©s.
MalgrĂ© ses cinquante-cinq ans et les palmes de l’Institut, le sculpteur Caoudal en hussard de baraque, les bras nus, ses biceps d’hercule, une palette de peintre battant ses longues jambes en guise de sabretache, tortillait un cavalier seul du temps de la Grande ChaumiĂšre en face du musicien de Potter, en muezzin qui fait la fĂȘte, le turban de travers, mimant la danse du ventre et piaillant le « la Allah, il Allah » d’une voix suraiguĂ«.
On entourait ces joyeux illustres d’un large cercle qui reposait les danseurs ; et au premier rang, DĂ©chelette, le maĂźtre du logis, fronçait sous un haut bonnet persan ses petits yeux, son nez kalmouck, sa barbe grisonnante, heureux de la gaietĂ© des autres et s’amusant Ă©perdument, sans qu’il y parĂ»t.
L’ingĂ©nieur DĂ©chelette, une figure du Paris artiste d’il y a dix ou douze ans, trĂšs bon, trĂšs riche, avec des vellĂ©itĂ©s d’art et cette libre allure, ce mĂ©pris de l’opinion que donnent la vie de voyage et le cĂ©libat, avait alors l’entreprise d’une ligne ferrĂ©e de Tauris Ă  TĂ©hĂ©ran ; et chaque annĂ©e, pour se remettre de dix mois de fatigues, de nuits sous la tente, de galopades fiĂ©vreuses Ă  travers sables et marais, il venait passer les grandes chaleurs dans cet hĂŽtel de la rue de Rome, construit sur ses dessins, meublĂ© en palais d’étĂ©, oĂč il rĂ©unissait des gens d’esprit et de jolies filles, demandant Ă  la civilisation de lui donner en quelques semaines l’essence de ce qu’elle a de montant et de savoureux.
« DĂ©chelette est arrivĂ©. » C’était la nouvelle des ateliers, sitĂŽt qu’on avait vu se lever comme un rideau de théùtre l’immense store de coutil sur la façade vitrĂ©e de l’hĂŽtel. Cela voulait dire que la fĂȘte commençait et qu’on allait en avoir pour deux mois de musiques et festins, danses et bombances, tranchant sur la torpeur silencieuse du quartier de l’Europe Ă  cette Ă©poque des villĂ©giatures et des bains de mer.
Personnellement, DĂ©chelette n’était pour rien dans le bacchanal qui grondait chez lui nuit et jour. Ce noceur infatigable apportait au plaisir une frĂ©nĂ©sie Ă  froid, un regard vague, souriant, comme hatschischĂ©, mais d’une tranquillitĂ©, d’une luciditĂ© imperturbables. TrĂšs fidĂšle ami, donnant sans compter, il avait pour les femmes un mĂ©pris d’homme d’Orient, fait d’indulgence et de politesse ; et de celles qui venaient lĂ , attirĂ©es par sa grande fortune et la fantaisie joyeuse du milieu, pas une ne pouvait se vanter d’avoir Ă©tĂ© sa maĂźtresse plus d’un jour.
« Un bon homme tout de mĂȘme  » ajouta l’égyptienne qui donnait Ă  Gaussin ces renseignements. S’interrompant tout Ă  coup :
– Voilà votre poùte

– OĂč donc ?
– Devant vous
 en mariĂ© de village

Le jeune homme eut un « Oh ! » dĂ©sappointĂ©. Son poĂšte ! Ce gros homme, suant, luisant, Ă©talant des grĂąces lourdes dans le faux-col Ă  deux pointes et le gilet fleuri de Jeannot
 Les grands cris dĂ©sespĂ©rĂ©s du Livre de l’Amour lui venaient Ă  la mĂ©moire, du livre qu’il ne lisait jamais sans un petit battement de fiĂšvre ; et tout haut, machinalement, il murmurait :
Pour animer le marbre orgueilleux de ton corps,
Ô Sapho, j’ai donnĂ© tout le sang de mes veines

Elle se retourna vivement, avec le cliquetis de sa parure barbare :
– Que dites-vous là ?
C’étaient des vers de La Gournerie ; il s’étonnait qu’elle ne les connĂ»t pas.
« Je n’aime pas les vers  » fit-elle d’un ton bref ; et elle restait debout, le sourcil froncĂ©, regardant la danse et froissant nerveusement les belles grappes lilas qui pendaient devant elle. Puis, avec l’effort d’une dĂ©cision qui lui coĂ»tait : « Bonsoir  » et elle disparut.
Le pauvre pifferaro resta tout saisi. « Qu’est-ce qu’elle a ?
 Que lui ai-je dit ?  » Il chercha, ne trouva rien, sinon qu’il ferait bien d’aller se coucher. Il ramassa mĂ©lancoliquement sa cornemuse et rentra dans le bal, moins troublĂ© du dĂ©part de l’égyptienne que de toute cette foule qu’il devait traverser pour gagner la porte.
Le sentiment de son obscuritĂ© parmi tant d’illustrations le rendait plus timide encore. Maintenant on ne dansait plus ; quelques couples çà et lĂ , acharnĂ©s aux derniĂšres mesures d’une valse qui mourait, et parmi eux Caoudal, superbe et gigantesque, tourbillonnant la tĂȘte haute avec une petite tricoteuse, coiffe au vent, qu’il enlevait sur ses bras roux.
Par le grand vitrage du fond large ouvert, entraient des bouffĂ©es d’air matinales et blanchissantes, agitant les feuilles des palmiers, couchant les flammes des bougies comme pour les Ă©teindre. Une lanterne en papier prit feu, des bobĂšches Ă©clatĂšrent, et tout autour de la salle, les domestiques installaient des petites tables rondes comme aux terrasses des cafĂ©s. On soupait toujours ainsi par quatre ou cinq chez DĂ©chelette ; et les sympathies en ce moment se cherchaient, se groupaient.
C’étaient des cris, des appels fĂ©roces, le « Pil
 ouit » du faubourg rĂ©pondant au « You you you you » en crĂ©celle des filles d’Orient, et des colloques Ă  voix basse, et des rires voluptueux de femmes qu’on entraĂźnait d’une caresse.
Gaussin profitait du tumulte pour se glisser vers la sortie, quand son ami l’étudiant l’arrĂȘta, ruisselant, les yeux en boule, une bouteille sous chaque bras : « Mais oĂč ĂȘtes-vous donc ?
 Je vous cherche partout
 j’ai une table, des femmes, la petite Bachellery des Bouffes
 En Japonaise, savez bien
 Elle m’envoie vous chercher. Venez vite  » et il repartit en courant.
Le pifferaro avait soif ; puis l’ivresse du bal le tentait, et le minois de la petite actrice qui de loin lui faisait des signes. Mais une voix sĂ©rieuse et douce murmura prĂšs de son oreille : « N’y va pas  »
Celle de tout Ă  l’heure Ă©tait lĂ , tout contre lui, l’entraĂźnant dehors, et il la suivit sans hĂ©siter. Pourquoi ? Ce n’était pas l’attrait de cette femme ; il l’avait Ă  peine regardĂ©e, et l’autre lĂ -bas qui l’appelait, dressant les couteaux d’acier de sa chevelure, lui plaisait bien davantage. Mais il obĂ©issait Ă  une volontĂ© supĂ©rieure Ă  la sienne, Ă  la violence impĂ©tueuse d’un dĂ©sir.
N’y va pas !

Et subitement ils se trouvĂšrent tous deux sur le trottoir de la rue de Rome. Des fiacres attendaient dans le matin blĂȘme. Des balayeurs, des ouvriers allant au travail regardaient cette maison de fĂȘte grondante et dĂ©bordante, ce couple travesti, un Mardi Gras en plein Ă©tĂ©.
« Chez vous, ou chez moi ?  » demanda-t-elle. Sans bien s’expliquer pourquoi, il pensa que chez lui ce serait mieux, donna son adresse lointaine au cocher ; et pendant la route qui fut longue ils parlĂšrent peu. Seulement elle tenait une de ses mains entre les siennes qu’il sentait trĂšs petites et glacĂ©es ; et, sans le froid de cette Ă©treinte nerveuse, il aurait pu croire qu’elle dormait, renversĂ©e au fond du fiacre, avec le reflet glissant du store bleu sur la figure.
On s’arrĂȘta rue Jacob, devant un hĂŽtel d’étudiants. Quatre Ă©tages Ă  monter, c’était haut et dur. » Voulez-vous que je vous porte ?  » dit-il en riant, mais tout bas, Ă  cause de la maison endormie. Elle l’enveloppa d’un lent regard, mĂ©prisant et tendre, un regard d’expĂ©rience qui le jaugeait et clairement disait : « Pauvre petit  »
Alors lui, d’un bel Ă©lan, bien de son Ăąge et de son Midi, la prit, l’emporta comme un enfant, car il Ă©tait solide et dĂ©couplĂ© avec sa peau blonde de demoiselle, et il monta le premier Ă©tage d’une haleine, heureux de ce poids que deux beaux bras, frais et nus, lui nouaient au cou.
Le second Ă©tage fut plus long, sans agrĂ©ment. La femme s’abandonnait, se faisait plus lourde Ă  mesure. Le fer de ses pendeloques, qui d’abord le caressait d’un chatouillement, entrait peu Ă  peu et cruellement dans sa chair.
Au troisiĂšme, il rĂąlait comme un dĂ©mĂ©nageur de piano ; le souffle lui manquait, pendant qu’elle murmurait, ravie, la paupiĂšre allongĂ©e : « Oh ! m’ami, que c’est bon
 qu’on est bien  » Et les derniĂšres marches, qu’il grimpait une Ă  une, lui semblaient d’un escalier gĂ©ant dont les murs, la rampe, les Ă©troites fenĂȘtres tournaient en une interminable spirale. Ce n’était plus une femme qu’il portait, mais quelque chose de lourd, d’horrible, qui l’étouffait, et qu’à tout moment il Ă©tait tentĂ© de lĂącher, de jeter avec colĂšre, au risque d’un Ă©crasement brutal.
ArrivĂ©s sur l’étroit palier : « DĂ©jà  » dit-elle en ouvrant les yeux. Lui pensait : « Enfin !  » mais n’aurait pu le dire, trĂšs pĂąle, les deux mains sur sa poitrine qui Ă©clatait.
Toute leur histoire, cette montĂ©e d’escalier dans la grise tristesse du matin.

Chapitre 2

Il la garda deux jours ; puis elle partit, lui laissant une impression de peau douce et de linge fin. Pas d’autre renseignement sur elle que son nom, son adresse et ceci : « Quand vous me voudrez, appelez-moi
 je serai toujours prĂȘte
 »
La toute petite carte, élégante, odorante, portait :
FANNY LEGRAND
6, rue de l’Arcade
Il la mit Ă  sa glace entre une invitation au dernier bal des Affaires Ă©trangĂšres et le programme enluminĂ© et fantaisiste de la soirĂ©e de DĂ©chelette, ses deux seules sorties mondaines de l’annĂ©e ; et le souvenir de la femme, restĂ© quelques jours autour de la cheminĂ©e dans ce dĂ©licat et lĂ©ger parfum, s’évapora en mĂȘme temps que lui, sans qu...

Table of contents

  1. Titre
  2. Chapitre 1
  3. Chapitre 2
  4. Chapitre 3
  5. Chapitre 4
  6. Chapitre 5
  7. Chapitre 6
  8. Chapitre 7
  9. Chapitre 8
  10. Chapitre 9
  11. Chapitre 10
  12. Chapitre 11
  13. Chapitre 12
  14. Chapitre 13
  15. Chapitre 14
  16. Chapitre 15
  17. À propos de cette Ă©dition Ă©lectronique
  18. Notes de bas de page