Le Sergent Bucaille
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Le Sergent Bucaille

About this book

Le conscrit Bucaille, jeune paysan, rejoint l'armée de Napoléon en 1812 et sous les ordres du sergent Rebattel fait route vers la Russie. Il fait le récit de la campagne, de l'arrivée a Moscou incendiée par les Russes, a la débùcle apres la bataille de la Bérézina, et au retour a Paris. Devenu caporal, Bucaille entre dans la Garde, corps d'élite de l'Empereur...

Avec ce roman, Arnould Galopin nous plonge dans l'histoire de la fin du premier empire.

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Information

Partie 1

Chapitre 1

C’était au dĂ©but de l’annĂ©e 1812
 J’avais, comme beaucoup d’autres, par peur des gendarmes qui parcouraient la campagne, obĂ©i Ă  la conscription, pĂ©rilleux devoir auquel Ă©chappaient gĂ©nĂ©ralement les fils de la bourgeoisie, soit par des rachats, soit par mille ruses et mille complicitĂ©s.
Je dois avouer que je n’avais aucun goĂ»t pour le mĂ©tier militaire. J’avais toujours menĂ© une existence paisible entre mon pĂšre et ma mĂšre, deux braves paysans que je faisais vivre de mon travail, et mon dĂ©part les eĂ»t laissĂ©s dans le plus complet dĂ©nuement si l’un de mes oncles qui Ă©tait herbager aux environs de Beaumont n’avait promis de leur venir en aide.
Cet oncle, que nous appelions familiĂšrement « Cadet », Ă©tait un fervent admirateur de NapolĂ©on ; aussi me fĂ©licita-t-il avec chaleur, quand il apprit que je partais pour l’armĂ©e. Il prit pour une vraie vocation ce qui n’était de ma part que simple crainte d’ĂȘtre arrĂȘtĂ© un beau matin, et conduit comme rĂ©fractaire Ă  la prison de Cherbourg, ainsi que cela Ă©tait arrivĂ© Ă  deux de nos voisins que la gloire des armes ne tentait guĂšre. Il me donna quelque argent et promit de subvenir aux besoins de mes parents, ce qu’il fit d’ailleurs jusqu’au jour oĂč je pus enfin revenir au pays, aprĂšs le dĂ©sastre de Waterloo.
– Va, mon garçon, me dit l’oncle Cadet
 va rejoindre les dĂ©fenseurs de la France et n’oublie pas qu’aujourd’hui le moindre soldat a peut-ĂȘtre un bĂąton de marĂ©chal dans sa giberne.
Mon ambition n’allait pas si loin. J’accomplissais mon devoir par nĂ©cessitĂ©, comme beaucoup de citoyens, et j’espĂ©rais que l’Empereur, aprĂšs tant de victoires retentissantes, renoncerait bientĂŽt Ă  faire la guerre Ă  l’Europe.
Si j’avais pu prĂ©voir que les batailles allaient, pendant trois annĂ©es, se succĂ©der presque sans interruption, j’eusse Ă©tĂ© moins confiant et peut-ĂȘtre aurais-je fait comme certains jeunes gens qui, pour Ă©viter la conscription, s’étaient rĂ©fugiĂ©s dans les Ăźles. J’aurais emmenĂ© mes parents avec moi, et nous aurions vĂ©cu soit Ă  Aurigny, soit Ă  Guernesey, jusqu’à la fin des hostilitĂ©s. Mais tout le monde Ă©tait persuadĂ© que lorsque l’Empereur aurait rĂ©duit l’Angleterre, ce qui ne pouvait tarder, la paix rĂ©gnerait de nouveau sur le monde.
Ce ne fut point sans regret que je quittai mes parents pour suivre un sergent recruteur, sorte de soudard toujours ivre, aux façons grossiĂšres et brutales, qui arborait avec orgueil un uniforme tout rapiĂ©cĂ©, rempli de taches, un bicorne cabossĂ© et des bottes Ă©culĂ©es. MalgrĂ© l’état sordide de ses vĂȘtements, il ne manquait cependant pas d’allure avec son grand nez busquĂ©, ses sourcils broussailleux et sa longue moustache jaune toujours humide de vin. Il s’appelait Rossignol et Ă©tait originaire de l’Anjou. Il avait combattu Ă  Savenay, Ă  Quiberon, pendant la guerre de VendĂ©e, avait fait Jemmapes, Fleurus, WƓrth et Coblentz
 puis, aprĂšs le 18 Brumaire, Marengo, Hohenlinden, Ulm, Austerlitz, Eylau. BlessĂ© quatre fois, il eĂ»t pu prendre une retraite bien gagnĂ©e, mais, soldat de carriĂšre, n’ayant pas de mĂ©tier, il avait refusĂ© de redevenir un « affreux pĂ©quin » comme il disait et s’était fait recruteur.
Il visitait les campagnes dans une maringote[1] et, avec l’aide des gendarmes, levait des conscrits, besogne qui n’était guĂšre pĂ©nible et lui permettait de faire de longues stations dans les cabarets. Comme il supportait fort bien la boisson, il grisait ceux qu’il voulait enrĂŽler, et quand ils Ă©taient ivres, leur faisait signer un engagement, car il avait toujours sur lui des feuilles toutes prĂȘtes oĂč il suffisait d’apposer un paraphe
 Quant aux rĂ©calcitrants, il les faisait empoigner par la marĂ©chaussĂ©e. Il touchait, paraĂźt-il, une prime pour chaque « levĂ©e », ce qui lui permettait d’ĂȘtre toujours entre deux vins.
Deux garçons du pays devaient partir en mĂȘme temps que moi.
Bien que nous ne fussions que trois conscrits, Rossignol, qui menait tout militairement, fit battre la caisse par le garde-champĂȘtre Ă  l’heure du rassemblement.
Jusqu’alors, il s’était montrĂ© bon diable, mais une fois que nous fĂ»mes sous ses ordres, il changea d’attitude et se mit Ă  nous injurier en sacrant comme un damnĂ©. Nous devions nous rendre Ă  Cherbourg par Ă©tapes.
Il nous fit mettre en ligne de trois et exigea que nous marchions au pas. Quand la cadence ralentissait, il nous traitait de clampins, de coĂŻons ou de veaux et hurlait de son affreuse voix enrouĂ©e : « une
 deusse ! une
 deusse !
 »
Dans les villages oĂč nous passions, il s’arrĂȘtait toujours pour s’humecter le gosier (Ă  nos frais, bien entendu) et vers le soir, nous logions dans quelque grange pour repartir le lendemain au lever du soleil. Bien qu’il y eĂ»t des pompes et des citernes dans les endroits oĂč nous campions, le sergent ne songeait jamais Ă  se laver le visage ni les mains, car, disait-il pour son excuse, il avait l’eau en horreur.
En nous voyant faire nos ablutions, il nous dĂ©cochait des plaisanteries stupides : « Vous allez vous user la peau. » « Pas besoin de tant vous bichonner, mes agneaux, l’Empereur ne donne pas de bal, ce soir. » « Allons, assez d’eau comme ça, laissez-en un peu Ă  l’habitant. »
Mes deux camarades riaient de ces rĂ©flexions ineptes, mais moi je n’avais pas le cƓur Ă  la joie.
Je me reprĂ©sentais sans cesse les mines Ă©plorĂ©es de mes pauvres parents que mon dĂ©part navrait, et qui me voyaient dĂ©jĂ  sur un champ de bataille, parmi les boulets et les balles. Je songeais aussi Ă  ma pauvre CĂ©cile, la fille du pĂšre Heurteloup, une adorable crĂ©ature que je m’apprĂȘtais Ă  demander en mariage. Nous nous connaissions depuis notre enfance et nous avions vĂ©cu jusqu’alors avec l’idĂ©e que nous serions un jour mari et femme
 Notre sĂ©paration avait Ă©tĂ© navrante, et je puis dire que ce fut la premiĂšre grande douleur de ma vie. Nous nous Ă©tions promis de nous Ă©crire, car je croyais alors que les correspondances parvenaient rĂ©guliĂšrement aux armĂ©es !

On se reprĂ©sente sans peine ma dĂ©tresse
 Parfois, j’avais les larmes aux yeux en pensant Ă  ma CĂ©cile, et j’étais sĂ»r que la pauvre fille souffrait autant que moi.
À cette heure, je l’avoue, je dĂ©testais ce NapolĂ©on qui enlevait ainsi les jeunes hommes Ă  leurs fiancĂ©es pour les lancer Ă  la conquĂȘte du monde. Je me le reprĂ©sentais comme un bourreau ivre de sang, foulant sans pitiĂ©, montĂ© sur son cheval, des monceaux de cadavres, dans des plaines ravagĂ©es par les charges de cavalerie, la mitraille et l’incendie.
Si jamais j’ai maudit la guerre, ce fut bien pendant les dures Ă©tapes que je fis avec mes deux compagnons, sous la conduite de ce sergent recruteur qui nous traitait comme des animaux. Il ne comprenait rien aux peines de cƓur, celui-lĂ  ! Pour lui, la vie consistait Ă  manger, boire, dormir et se battre.
J’étais vite devenu le point de mire de ses plaisanteries. Il m’avait baptisĂ© « la Tristesse », et ne cessait de me harceler. Mes deux compagnons, au lieu de me plaindre, semblaient prendre plaisir Ă  faire chorus avec lui, sans doute pour se mettre dans ses bonnes grĂąces. J’ai remarquĂ© d’ailleurs que les soldats n’ont aucune pitiĂ© pour un camarade malheureux. DĂšs qu’on a revĂȘtu l’uniforme, si l’on ne change pas aussitĂŽt de caractĂšre, si l’on ne devient pas grossier, gouailleur, impertinent, agressif, on est aussitĂŽt la tĂȘte de Turc des autres, et le jour oĂč l’on veut rĂ©agir, se rebeller, il est trop tard, le pli est pris, on est classĂ© parmi les « geignards »  Il n’y a guĂšre qu’une action d’éclat qui puisse vous rĂ©habiliter, mais on ne devient pas un hĂ©ros Ă  son gré  il faut pour cela un hasard, une circonstance, et j’ai appris par la suite que le courage n’est pas toujours une question de volontĂ©.
Nous arrivĂąmes enfin Ă  Cherbourg.
LĂ , nous fĂ»mes conduits dans un bĂątiment situĂ© prĂšs de la mer et oĂč une quarantaine de conscrits Ă©taient dĂ©jĂ  rassemblĂ©s.
C’étaient pour la plupart des Normands comme moi, parmi lesquels il y avait fort peu de volontaires. Presque tous avaient Ă©tĂ© levĂ©s par les gendarmes, mais faisaient contre mauvaise fortune bon cƓur. Ils Ă©taient lĂ  depuis huit jours, et se croyaient dĂ©jĂ  des « anciens », ce qui les autorisait, paraĂźt-il, Ă  brimer les nouveaux. Ils nous bousculaient, nous appelaient blancs-becs et nous donnaient Ă  entendre que si nous voulions ĂȘtre traitĂ©s en Ă©gaux, nous devions payer notre bienvenue.
Nous nous exĂ©cutĂąmes, et on nous laissa tranquilles ; d’ailleurs, d’autres recrues ne tardĂšrent pas Ă  arriver. Mes deux compagnons et moi fĂ»mes de cette façon promus au rang d’anciens et eĂ»mes, Ă  notre tour, le droit d’exercer des reprĂ©sailles sur les nouveaux venus.
Le sergent Rossignol nous avait quittĂ©s pour aller reprendre ses tournĂ©es dans la campagne, car l’Empereur avait, paraĂźt-il, besoin de beaucoup d’hommes.
On disait que la Russie faisait, depuis quelque temps, de grands prĂ©paratifs et qu’elle concentrait une immense quantitĂ© de troupes sur les frontiĂšres de la Pologne. Elle ouvrait ses ports aux marchandises anglaises et foulait aux pieds le traitĂ© de Tilsitt.
Les Russes avaient bien choisi leur moment pour nous attaquer, car nous avions alors de nombreuses troupes occupées en Espagne, ce qui diminuait de beaucoup les ressources dont Napoléon aurait pu disposer pour soutenir la guerre dans le nord.
Certains prĂ©tendaient que l’on nous exercerait trĂšs vite et que nous ne tarderions pas Ă  entendre siffler les balles.
Il y avait parmi nous beaucoup de fanfarons qui se disaient impatients d’aller au feu, mais je crois qu’ils eussent prĂ©fĂ©rĂ©, comme moi, demeurer dans leurs foyers.
On devait nous conduire Ă  Paris oĂč s’opĂ©rait la concentration et je n’envisageais pas sans inquiĂ©tude les dures Ă©tapes qu’il nous faudrait fournir avant d’arriver au terme de ce long voyage.
Un matin, nous nous mßmes en route. Nous étions environ une centaine. On nous fit placer par quatre. Deux sergents et trois caporaux marchaient en serre-file.
Tout alla bien d’abord.
Plusieurs d’entre nous avaient arborĂ© Ă  leurs revers des cocardes multicolores achetĂ©es Ă  Cherbourg sur lesquelles se dĂ©tachaient en lettres dorĂ©es les mots : « Honneur et Patrie ».
De temps Ă  autre, quand nous arrivions dans une ville ou un village, les sergents nous forçaient Ă  crier : « Vive l’Empereur ! » et cet enthousiasme de commande semblait faire impression sur l’habitant.
J’avais pour voisin de droite un grand gaillard au poil roux du nom de Martinvast, qui me bourrait continuellement de coups de coude. Comme j’étais de fort mĂ©chante humeur, je le bourrai Ă  mon tour, et cela dĂ©gĂ©nĂ©ra en dispute, puis en pugilat, ce que voyant, un sergent s’approcha et nous dit :
– S’pĂšces de marouflards, vous saurez que c’est pas Ă  coups de poing que des soldats vident leurs querelles
 c’est bon pour les pĂ©quins
 Vous autres qui avez l’honneur de servir l’Empereur, c’est Ă  l’arme blanche que vous devez rĂ©gler ça
 Vos noms ?

– Bucaille.
– Martinvast.
– C’est bon
, vous vous alignerez sur le terrain quand nous serons à Paris
, et nous verrons un peu si vous avez du cƓur au ventre


Chapitre 2

À notre arrivĂ©e Ă  Paris, nous fĂ»mes logĂ©s Ă  la caserne du Champ de Mars situĂ©e dans les terrains de l’ancienne École royale militaire.
NapolĂ©on, Ă  sa sortie de Brienne, y avait Ă©tĂ© Ă©lĂšve, ainsi que Clarke et Davout, et d’autres encore qu’il devait retrouver plus tard dans ses Ă©tats-majors.
Les bĂątiments n’étaient guĂšre entretenus, depuis que l’on Ă©tait en guerre, sauf ceux qui abritaient les rĂ©giments de la Garde, lesquels devenaient de plus en plus nombreux.
Cette garde formĂ©e d’abord de vieux rĂ©giments de grenadiers et de chasseurs avait Ă©tĂ©, depuis peu, renforcĂ©e par des recrues de fusiliers auxquels on ajouta bientĂŽt des tirailleurs, des voltigeurs, des flanqueurs et des pupilles.
Nous occupions un vaste rez-de-chaussée voisin du quartier des grenadiers de la Garde que nous voyions passer et repasser devant nous en frac bleu, gilet de basin, culotte de nankin et bas de coton écru.
Ils nous regardaient avec dĂ©dain, et l’un de nous s’étant permis d’adresser la parole Ă  un grand grenadier coiffĂ© de son monumental bonnet Ă  poil, s’était vu traiter de « paysan », ce qui Ă©tait, Ă  l’époque, le terme le plus mĂ©prisant qu’un soldat pĂ»t donner Ă  un autre.
Les hommes de la Garde faisaient d’ailleurs bande Ă  part, car ils se considĂ©raient comme supĂ©rieurs au reste de l’armĂ©e, et le soldat, Ă  l’exemple de ses chefs, se croyait, de beaucoup, au-dessus des autres troupiers. L’armĂ©e entiĂšre redoutait le contact de ce corps gĂątĂ© par les faveurs, par l’extrĂȘme indulgence de l’Empereur. Cependant, pour entrer dans cette garde orgueilleuse, il n’était besoin que d’avoir quelques annĂ©es de service, une taille avantageuse et, autant que possible, un physique agrĂ©able.
En campagne, la Garde Ă©tait toujours des mieux ravitaillĂ©es et obtenait les meilleurs cantonnements. Alors que ses moindres voitures Ă©taient attelĂ©es de six chevaux, de maigres haridelles souvent privĂ©es de fourrage traĂźnaient piĂšces et caissons d’artillerie.
Cette partialitĂ© de l’Empereur en faveur de ce corps d’élite fut toujours une des causes les plus constantes du mĂ©contentement et du dĂ©couragement de l’armĂ©e.

 
 
 
 
 
 . .
J’avais Ă©tĂ© incorporĂ© comme fusilier Ă  la 3e du 2e du 48e. On nous Ă©quipa le lendemain de notre arrivĂ©e.
Quelques mois auparavant, NapolĂ©on, par une idĂ©e bizarre, avait adoptĂ© l’habit blanc pour l’infanterie. Tous les conscrits Ă©taient vĂȘtus en « Jean-Jean », comme on les appelait, ce qui faisait un contraste assez curieux lorsqu’ils se trouvaient mĂȘlĂ©s aux autres soldats habillĂ©s de bleu. Bien entendu, les « Jean-Jean » ne tardĂšrent pas Ă  devenir si sales avec leur uniforme clair que l’Empereur supprima cette tenue.
Je reçus une capote bleue, un shako, une veste, une culotte, des guĂȘtres, d’énormes souliers, une immense giberne et un sac en peau de vache, surmontĂ© d’une couverture roulĂ©e et tenue par des courroies. Peu aprĂšs, on nous donna un fusil et une baĂŻonnette.
Nos uniformes mal taillĂ©s, trop larges ou trop Ă©troits Ă©taient fort incommodes, mais ce qui faisait surtout notre dĂ©sespoir c’était la culotte qui serrait fortement le jarret et empĂȘchait de marcher librement. De plus, le genou recouvert d’une grande guĂȘtre qui se boutonnait par-dessus, Ă©tait encore serrĂ© par une Ă©paisse jarretiĂšre. Plus tard, je m’en aperçus, les soldats, pour Ă©viter le supplice que leur infligeaient ces guĂȘtres et ces culottes, les abandonnaient en plein champ, et ne gardaient sous leurs capotes que leur caleçon de toile.
C’est probablement ce qui faisait dire Ă  l’empereur Alexandre « que NapolĂ©on n’avait plus assez d’argent pour acheter des culottes Ă  ses soldats ».
DÚs que nous fûme...

Table of contents

  1. Titre
  2. Partie 1
  3. Partie 2
  4. À propos de cette Ă©dition Ă©lectronique
  5. Notes de bas de page