Chronique du regne de Charles IX
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Chronique du regne de Charles IX

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A Paris, le protestant Bernard de Mergy retrouve son frere aîné, converti au catholicisme. Décidés a ne pas quereller leurs croyances religieuses, les deux jeunes gens s'accordent de partager les jouissances qu'offre la cour des Médicis, ou les intrigues amoureuses se démelent a force de duels chevaleresques. Mais tandis que le roi Charles IX s'offre le plaisir barbare d'une chasse a cour, gronde le râle sourd et macabre de la Saint-Barthélemy... Répondant a la mode du roman historique, Mérimée tire du massacre politique orchestré par Charles IX et Catherine de Médicis la matiere d'une fiction savoureuse. Violemment ironique, l'auteur peint sous des charmes romanesques l'image monstrueuse d'une France éventrée par la guerre civile pour le seul caprice d'un roi en mal de divertissement.

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Information

Chapitre 1 LES REÎTRES

Non loin d’Étampes, en allant du côté de Paris, on voit encore un grand bâtiment carré, avec des fenêtres en ogive, ornées de quelques sculptures grossières. Au-dessus de la porte est une niche qui contenait autrefois une madone de pierre ; mais dans la révolution elle eut le sort de bien des saints et des saintes, et fut brisée en cérémonie par le président du club révolutionnaire de Larcy. Depuis on a remis à sa place une autre vierge, qui n’est que de plâtre à la vérité, mais qui, au moyen de quelques lambeaux de soie et de quelques grains de verre, représente encore assez bien, et donne un air respectable au cabaret de Claude Giraut.
Il y a plus de deux siècles, c’est-à-dire en 1572, ce bâtiment était destiné, comme à présent, à recevoir les voyageurs altérés : mais il avait alors une tout autre apparence. Les murs étaient couverts d’inscriptions attestant les fortunes diverses d’une guerre civile. À côté de ces mots : Vive monsieur le prince[9] ! on lisait : Vive le duc de Guise et mort aux huguenots ! Un peu plus loin, un soldat avait dessiné, avec du charbon, une potence et un pendu, et, de peur de méprise, il avait ajouté au bas cette inscription : Gaspard de Châtillon. Cependant il paraissait que les protestants avaient ensuite dominé dans ces parages, car le nom de leur chef avait été biffé et remplacé par celui du duc de Guise. D’autres inscriptions à demi effacées, assez difficiles à lire, et plus encore à traduire en termes décents, prouvaient que le roi et sa mère avaient été aussi peu respectés que ces chefs de parti. Mais c’était la pauvre madone qui semblait avoir eu le plus à souffrir des fureurs civiles et religieuses. La statue, écornée en vingt endroits par des balles, attestait le zèle des soldats huguenots à détruire ce qu’ils appelaient « des images païennes ». Tandis que le dévot catholique ôtait respectueusement son bonnet en passant devant la statue, le cavalier protestant se croyait obligé de lui lâcher un coup d’arquebuse ; et, s’il l’avait touchée, il s’estimait autant que s’il eût abattu la bête de l’Apocalypse et détruit l’idolâtrie.
Depuis plusieurs mois, la paix était faite entre les deux sectes rivales ; mais c’était des lèvres et non du cœur qu’elle avait été jurée. L’animosité des deux partis subsistait toujours aussi implacable. Tout rappelait que la guerre cessait à peine, tout annonçait que la paix ne pouvait être de longue durée.
L’auberge du Lion d’Or était remplie de soldats. À leur accent étranger, à leur costume bizarre, on les reconnaissait pour ces cavaliers allemands nommés reîtres[10] qui venaient offrir leurs services au parti protestant, surtout quand il était en état de les bien payer. Si l’adresse de ces étrangers à manier leurs chevaux et leur dextérité à se servir des armes à feu les rendaient redoutables un jour de bataille, d’un autre côté, ils avaient la réputation, peut-être encore plus justement acquise, de pillards consommés et d’impitoyables vainqueurs. La troupe qui s’était établie dans l’auberge était d’une cinquantaine de cavaliers : ils avaient quitté Paris la veille, et se rendaient à Orléans pour y tenir garnison.
Tandis que les uns pansaient leurs chevaux attachés à la muraille, d’autres attisaient le feu, tournaient les broches et s’occupaient de la cuisine. Le malheureux maître de l’auberge, le bonnet à la main et la larme à l’œil, contemplait la scène de désordre dont sa cuisine était le théâtre. Il voyait sa basse-cour détruite, sa cave au pillage, ses bouteilles, dont on cassait le goulot sans que l’on daignât les déboucher ; et le pis, c’est qu’il savait bien que, malgré les sévères ordonnances du roi pour la discipline des gens de guerre, il n’avait point de dédommagement à attendre de ceux qui le traitaient en ennemi. C’était une vérité reconnue dans ce temps malheureux, qu’en paix ou en guerre, une troupe armée vivait toujours à discrétion partout où elle se trouvait.
Devant une table de chêne, noircie par la graisse et la fumée, était assis le capitaine des reîtres. C’était un grand et gros homme de cinquante ans environ, avec un nez aquilin, le teint fort enflammé, les cheveux grisonnants et rares, couvrant mal une large cicatrice qui commençait à l’oreille gauche, et qui venait se perdre dans son épaisse moustache. Il avait ôté sa cuirasse et son casque, et n’avait conservé qu’un pourpoint de cuir de Hongrie, noirci par le frottement de ses armes, et soigneusement rapiécé en plusieurs endroits. Son sabre et ses pistolets étaient déposés sur un banc à sa portée ; seulement il conservait sur lui un large poignard, arme qu’un homme prudent ne quittait que pour se mettre au lit.
À sa gauche était assis un jeune homme, haut en couleur, grand, et assez bien fait. Son pourpoint était brodé, et dans tout son costume on remarquait un peu plus de recherche que dans celui de son compagnon. Ce n’était pourtant que le cornette du capitaine.
Deux jeunes femmes de vingt à vingt-cinq ans leur tenaient compagnie, assises à la même table. Il y avait un mélange de misère et de luxe dans leurs vêtements, qui n’avaient pas été faits pour elles, et que les chances de la guerre semblaient avoir mis entre leurs mains. L’une portait une espèce de corps en damas broché d’or, mais tout terni, avec une simple robe de toile. L’autre avait une robe de velours violet avec un chapeau d’homme, de feutre gris, orné d’une plume de coq. Toutes les deux étaient jolies ; mais leurs regards hardis et la liberté de leurs discours se ressentaient de l’habitude qu’elles avaient de vivre avec les soldats. Elles avaient quitté l’Allemagne sans emploi bien réglé. La robe de velours était bohème ; elle savait tirer les cartes et jouer de la mandoline. L’autre avait des connaissances en chirurgie, et semblait tenir une place distinguée dans l’estime du cornette.
Ces quatre personnes, chacune en face d’une grande bouteille et d’un verre, devisaient ensemble et buvaient en attendant que le dîner fut cuit.
La conversation languissait, comme entre gens affamés, quand un jeune homme d’une taille élevée, et assez élégamment vêtu, arrêta devant la porte de l’auberge le bon cheval alezan qu’il montait. Le trompette des reîtres se leva du banc sur lequel il était assis, et, s’avançant vers l’étranger, prit la bride du cheval. L’étranger se préparait à le remercier pour ce qu’il regardait comme un acte de politesse ; mais il fut bientôt détrompé, car le trompette ouvrit la bouche du cheval, et considéra ses dents d’un œil de connaisseur : puis, reculant de quelques pas, et regardant les jambes et la croupe du noble animal, il secoua la tête de l’air d’un homme satisfait :
– Beau cheval, montsir[11] , que vous montez là ! dit-il en son jargon ; et il ajouta quelques mots en allemand qui firent rire ses camarades, au milieu desquels il alla se rasseoir.
Cet examen sans cérémonie n’était pas du goût du voyageur ; cependant il se contenta de jeter un regard de mépris sur le trompette, et mit pied à terre sans être aidé de personne.
L’hôte, qui sortit alors de sa maison, prit respectueusement la bride de ses mains, et lui dit à l’oreille, assez bas pour que les reîtres ne l’entendissent point :
– Dieu vous soit en aide, mon jeune gentilhomme ! mais vous arrivez bien à la male heure ; car la compagnie de ces parpaillots, à qui saint Christophe puisse tordre le cou ! n’est guère agréable pour de bons chrétiens comme vous et moi.
Le jeune homme sourit amèrement.
– Ces messieurs, dit-il, sont des cavaliers protestants ?
– Et des reîtres, par-dessus le marché, continua l’aubergiste. Que Notre-Dame les confonde ! depuis une heure qu’ils sont ici, ils ont brisé la moitié de mes meubles. Ce sont tous des pillards impitoyables, comme leur chef, Mr de Châtillon, ce bel amiral de Satan.
– Pour une barbe grise comme vous, répondit le jeune homme, vous montrez peu de prudence. Si par aventure vous parliez à un protestant, il pourrait bien vous répondre par quelque bon horion[12] .
Et, en disant ces paroles, il frappait sa boite de cuir blanc avec la houssine[13] dont il se servait à cheval.
– Comment !… quoi !… vous huguenot !… protestant ! veux-je dire, s’écria l’aubergiste stupéfait.
Il recula d’un pas, et considéra l’étranger de la tête aux pieds, comme pour chercher dans son costume quelque signe d’après lequel il pût deviner à quelle religion il appartenait. Cet examen et la physionomie ouverte et riante du jeune homme le rassurant peu à peu, il reprit plus bas :
Un protestant avec un habit de velours vert ! un huguenot avec une fraise à l’espagnole ! oh ! cela n’est pas possible ! Ah ! mon jeune seigneur, tant de braverie Beauté des habits, élégance vestimentaire. ne se voit pas chez les hérétiques. Sainte Marie ! un pourpoint de fin velours, c’est trop beau pour ces crasseux-là !
La houssine siffla à l’instant, et, frappant le pauvre aubergiste sur la joue, fut pour lui comme la profession de foi de son interlocuteur.
– Insolent bavard ! voilà pour t’apprendre à retenir ta langue. Allons, mène mon cheval à l’écurie, et qu’il ne manque de rien.
L’aubergiste baissa tristement la tête, et emmena le cheval sous une espèce de hangar, murmurant tout bas mille malédictions contre les hérétiques allemands et français ; et si le jeune homme ne l’eût suivi pour voir comment son cheval serait traité, la pauvre bête eût sans doute été privée de son souper en qualité d’hérétique.
L’étranger entra dans la cuisine et salua les personnes qui s’y trouvaient rassemblées, en soulevant avec grâce le bord de son grand chapeau ombragé d’une plume jaune et noire. Le capitaine lui ayant rendu son salut, tous les deux se considérèrent quelque temps sans parler.
– Capitaine, dit le jeune étranger, je suis un gentilhomme protestant, et je me réjouis de rencontrer ici quelques-uns de mes frères en religion. Si vous l’avez pour agréable, nous souperons ensemble.
Le capitaine, que la tournure distinguée et l’élégance du costume de l’étranger avaient prévenu favorablement, lui répondit qu’il lui faisait honneur. Aussitôt mademoiselle Mila, la jeune bohème dont nous avons parlé, lui fit place sur son banc, à côté d’elle ; et, comme elle était fort serviable de son naturel, elle lui donna même son verre, que le capitaine remplit à l’instant.
– Je m’appelle Dietrich Hornstein, dit le capitaine choquant son verre contre celui du jeune homme. Vous avez sans doute entendu parler du capitaine Dietrich Hornstein ? C’est moi qui menai les Enfants-Perdus à la bataille de Dreux et puis à celle d’Arnay-le-Duc.
L’étranger comprit cette matière détournée de lui demander son nom ; il répondit :
– J’ai le regret de ne pouvoir vous dire un nom aussi célèbre que le vôtre, capitaine ; je veux parler du mien, car celui de mon père est bien connu dans nos guerres civiles. Je m’appelle Bernard de Mergy.
– À qui dites-vous ce nom-là ! s’écria le capitaine en remplissant son verre jusqu’au bord. J’ai connu votre père, monsieur Bernard de Mergy ; je l’ai connu depuis les premières guerres, comme l’on connaît un ami intime. À sa santé, monsieur Bernard.
Le capitaine avança son verre et dit quelques mots en allemand à sa troupe. Au moment où le vin touchait ses lèvres, tous ses cavaliers jetèrent en l’air leurs chapeaux en poussant une acclamation. L’hôte crut que c’était un signal de massacre, et se jeta à genoux. Bernard lui-même fut un peu surpris de cet honneur extraordinaire ; cependant il se crut obligé de répondre à cette politesse germanique, en buvant à la santé du capitaine.
Les bouteilles, déjà vigoureusement attaquées avant son arrivée, ne pouvaient plus suffire pour ce toast nouveau.
– Lève-toi, cafard, dit le capitaine, en se tournant du côté de l’hôte qui était encore à genoux ; lève-toi, et va nous chercher du vin. Ne vois-tu pas que les bouteilles sont vides ?
Et le cornette, pour lui en donner la preuve, lui en jeta une à la tête. L’hôte courut à la cave.
– Cet homme est un insolent fieffé, dit Mergy, mais vous auriez pu lui faire plus de mal que vous n’auriez voulu si cette bouteille l’avait attrapé.
– Bah ! dit le cornette en riant d’un gros rire.
– La tête d’un papiste, dit Mila, est plus dure que cette bouteille, bien qu’elle soit encore plus vide.
Le cornette rit plus fort, et fut imité par tous les assistants, et même par Mergy, qui cependant souriait à la jolie bouche de la bohème plus qu’à sa cruelle plaisanterie.
On apporta du vin, le souper suivit, et, après un instant de silence, le capitaine reprit, la bouche pleine :
– Si j’ai connu Mr de Mergy ! il était colonel des gens de pied lors de la première entreprise de Mr le Prince. Nous avons couché deux mois de suite dans le même logis pendant le siège d’Orléans. Et comment se porte-t-il présentement ?
– Assez bien pour son grand âge, Dieu merci ! Il m’a parlé bien souvent des reîtres, et des belles charges qu’ils firent à la bataille de Dreux.
– J’ai connu aussi son fils aîné… votre frère, le capitaine George. Je veux dire avant…
Mergy parut embarrassé.
– C’était un brave à trois poils, continua le capitaine ; mais, malepeste[14] ! il avait la tête chaude. J’en suis fâché pour votre père, son abjuration aura d...

Table of contents

  1. Titre
  2. AVANT PROPOS CHARLES IX
  3. PRÉFACE
  4. Chapitre 1 - LES REÎTRES
  5. Chapitre 2 - LE LENDEMAIN D’UNE FÊTE
  6. Chapitre 3 - LES JEUNES COURTISANS
  7. Chapitre 4 - LE CONVERTI
  8. Chapitre 5 - LE SERMON
  9. Chapitre 6 - UN CHEF DE PARTI
  10. Chapitre 7 - UN CHEF DE PARTI (SUITE)
  11. Chapitre 8 - DIALOGUE ENTRE LE LECTEUR ET L’AUTEUR
  12. Chapitre 9 - LE GANT
  13. Chapitre 10 - LA CHASSE
  14. Chapitre 11 - LE RAFFINÉ ET LE PRÉ-AUX-CLERCS
  15. Chapitre 12 - MAGIE BLANCHE
  16. Chapitre 13 - LA CALOMNIE
  17. Chapitre 14 - LE RENDEZ-VOUS
  18. Chapitre 15 - L’OBSCURITÉ
  19. Chapitre 16 - L’AVEU
  20. Chapitre 17 - L’AUDIENCE PARTICULIÈRE
  21. Chapitre 18 - LE CATÉCHUMÈNE
  22. Chapitre 19 - LE CORDELIER
  23. Chapitre 20 - LES CHEVAU-LÉGERS
  24. Chapitre 21 - DERNIER EFFORT
  25. Chapitre 22 - LE VINGT-QUATRE AOÛT
  26. Chapitre 23 - LES DEUX MOINES
  27. Chapitre 24 - LE SIÈGE DE LA ROCHELLE
  28. Chapitre 25 - LA NOUE
  29. Chapitre 26 - LA SORTIE
  30. Chapitre 27 - L’HÔPITAL
  31. Notes de bas de page