L'armurier de Boudry : une histoire du vieux temps
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L'armurier de Boudry : une histoire du vieux temps

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L'armurier de Boudry : une histoire du vieux temps

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Les aventures du jeune Claude Moise, compagnon armurier, durant les événements de la « réforme » a Boudry pres de Neuchùtel en Suisse.

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Information

Chapitre 1

Pour prendre les choses par leur commencement, il me faut parler premiĂšrement de mes pĂšre et mĂšre, lesquels ne furent point grands seigneurs en leur vivant. Mon pĂšre creusait les fosses des trĂ©passĂ©s au cimetiĂšre de Pontareuse et mettait les cloches en branle pour les offices au moĂ»tier du dit lieu, consacrĂ© Ă  Notre-Dame et Ă  Saint-Pierre. Un jour vint oĂč le pauvre fossoyeur ayant Ă©tĂ© pris de fiĂšvre maligne, dĂ©funta et fut mis en terre Ă  son tour par un autre, lequel prit sa place de marguiller.
Ma mĂšre en eut tant de chagrin, qu’elle quitta tĂŽt aprĂšs cette terre de douleurs ; sa pauvre dĂ©pouille fut dĂ©posĂ©e Ă  cĂŽtĂ© de celle de son mari, et triste reste d’une pauvre mais honnĂȘte maison, je demeurai en mon bas-Ăąge tout seulet sur la terre.
Je ne sais ces choses que par ouï-dire, étant pour lors un pauvre enfantelet de deux ans.
La bourgeoisie me plaça de ci de lĂ , tantĂŽt chez l’un, tantĂŽt chez l’autre ; comme si j’eusse Ă©tĂ© marchandise avariĂ©e et de dĂ©faite malaisĂ©e, on me cĂ©dait Ă  qui demandait la plus mince somme pour ma garde et ma nourriture. À mesure que je pris des forces et de la raison, mes patrons tirĂšrent tout ce qu’ils purent de mes bras et de mes jambes, me donnant d’autre part si maigre et si chĂ©tive pitance que je m’émerveille encore Ă  l’heure qu’il est de n’avoir pas pĂ©ri de langueur, mais d’ĂȘtre devenu si gros et si solide luron. J’avais nĂ©anmoins mes heures de tristesse : quand je voyais garçons et fillettes, les plus misĂ©rables comme les plus fortunĂ©s, avoir pĂšre et mĂšre, ou du moins l’un des deux, pendant que moi, pauvre orphelin, il me fallait toujours obĂ©ir Ă  des maĂźtres durs et malaisĂ©s Ă  contenter, je me sentais devenir mĂ©chant et envieux. Pourquoi, disais-je amĂšrement, pourquoi la cruelle mort ne m’a-t-elle pas du moins laissĂ© quelque frĂšre ou sƓur Ă  aimer et qui m’eĂ»t aimĂ© ?
Il faut savoir qu’un de mes maĂźtres, plus dur encore que les autres, avait dit un jour en ma prĂ©sence qu’il Ă©tait fort heureux pour la bourgeoisie que les autres enfants du marguiller fussent trĂ©passĂ©s en bas Ăąge.
J’avais grandement tort de murmurer contre la Providence, attendu que c’est lĂ  un grief pĂ©chĂ© ; au surplus, le bon Dieu, alors qu’il nous frappe, mesure l’affliction aux forces de notre pauvre nature, en sorte qu’on a grand’raison de dire en proverbe : « À brebis tondue, Dieu mesure le vent. »
En l’an de grĂące 1526, Ă©tant dans ma quinziĂšme annĂ©e, je servais, comme petit valet, chez le sieur Abram Emonet, un des hommes les plus considĂ©rables de Vermondins (faubourg de Boudry), encore qu’il ne fĂ»t pas l’un des plus considĂ©rĂ©s, car s’il Ă©tait, d’une part, gros propriĂ©taire de biens au soleil, d’autre part, il Ă©tait, de sa personne, un fort vilain sire, jamais Ă  jeun de vin, cervoise et liqueurs, maugrĂ©ant et tempĂȘtant tout le long du jour contre sa femme, sa servante et notamment contre moi. Sauf le respect que je dois Ă  ceux qui liront ceci, son visage bouffi avait bien plus l’apparence d’un groin de pourceau que la ressemblance humaine. Il avait un nez Ă©tonnant, en figure de carotte, lequel nez changeait de couleur suivant l’occasion, ainsi qu’on raconte de ce gros lĂ©zard des lointaines contrĂ©es, qu’on appelle, je crois, « camĂ©lion ».
Or un soir d’hiver, comme je balayais sous le « nĂ©veau » (porche ; nĂ©veau est probablement une corruption de « niveau »), ayant coupĂ© du bois, je vis mon maĂźtre qui revenait de Pontareuse oĂč il Ă©tait allĂ© suivre en terre un sien parent de Bosle. Le nez du sieur Emonet Ă©tait violet tel qu’un pruneau mal mĂ»r ; son couvre-chef tombait sur sa nuque, et ses jambes bancales se croisaient d’étrange maniĂšre : – HolĂ  ! pensai-je en moi-mĂȘme : le maĂźtre a bu, tu vas payer l’écot !
De fait, le sieur Emonet m’apostropha rudement :
– Qu’est-ce que tu fais lĂ , graine de fainĂ©ant ? une belle besogne pour un gaillard de ta taille ! on voit bien de quelle race tu sors, fils de gueux !
Le sang me montait Ă  la tĂȘte ; en cette maison, j’avais endurĂ© bien des avanies dĂ©jĂ , mais je ne pouvais pas laisser nommer mon pĂšre un gueux.
– MaĂźtre, dis-je en serrant les dents, mon pĂšre Ă©tait un pauvre hĂšre, mais je ne veux pas qu’on le traite de gueux et de fainĂ©ant, celui qui dit cela en a menti par la gorge !
Mon maĂźtre se jeta sur moi comme un loup enragĂ©, mais mis hors de moi et possĂ©dĂ© par l’indignation, je lui assĂ©nai sur le chef un maĂźtre coup de balai, lequel coup lui enfonça son chapeau jusqu’au menton et fit choir l’ivrogne Ă  la renverse.
Juste en ce moment apparut M. le curĂ© Gauthier, lequel voyant le sieur Emonet se dĂ©battre dans la crotte en poussant des cris sourds, s’approcha vivement et me dit en se baissant :
– HolĂ  ! est-ce qu’il est fĂ©ru d’une attaque ?
Emonet qui venait enfin de se dĂ©coiffer avec violence au dommage notable de son nez, lui rĂ©pondit lui-mĂȘme en bĂ©gayant de courroux :
– Oui, oui, une attaque ! C’est ce gueux qui m’a attaquĂ©, mais – et il profĂ©ra un effroyable blasphĂšme – je vais lui bailler son dĂ» !
M. le curĂ© voyant pour lors ce qui en Ă©tait, la colĂšre d’Emonet, et comme je serrais mon manche Ă  balai, se vint mettre entre nous deux, retint mon maĂźtre d’une poigne vigoureuse, comme on fait d’un chien hargneux, et dit avec autoritĂ© :
– Ça, voyons un peu : la paix, d’abord, et qu’on s’explique. Claude, mon garçon, comment as-tu pu porter la main sur ton maütre ?
Ce n’était guĂšre le moment de rire, mais il vous vient parfois au bout de la langue de ces drĂŽleries qu’on ne peut pas se tenir de lĂącher.
– Pas la main, M. le curĂ© ; c’est le balai. Et puis, continuai-je en m’échauffant, il avait vilipendĂ© mon pĂšre : je ne veux pas qu’il l’insulte, et s’il recommence

– C’est bon, c’est bon, interrompit le digne homme en entraünant mon maütre dans la maison.
Pour moi, jetant le balai sous le « nĂ©veau », je me pris Ă  ruminer toute l’affaire, et je vis que je m’étais mis dans une fort mĂ©chante situation. Un jour, j’avais vu attachĂ© au pilori du bas du pont un pauvre hĂšre de braconnier qui avait assommĂ© un liĂšvre dans une vigne. Et moi, malheureux ! j’avais fait bien pis ; n’avais-je pas quasi assommĂ© un des bourgeois et propriĂ©taires les plus considĂ©rables de la bourgeoisie et commune de Boudry ! Je me vis attachĂ© au « tourniquet », le carcan de fer au cou, en butte aux risĂ©es et aux injures de tout le monde, puis je songeai avec angoisse au terrible et noir « croton » oĂč l’on jetait les malfaiteurs ; et le gibet ! si on m’allait pendre ! À ce coup, horrifiĂ© jusqu’à en perdre le sens, je formais le dessein de m’aller cacher au plus profond de quelqu’une des baumes du Vaux de l’Areuse, quand M. le curĂ©, ressortant seul du logis d’Emonet, me mit la main sur l’épaule :
– Suis-moi, mon gars, me dit-il doucement.
Et ainsi fis-je, en essuyant mes yeux avec la manche dĂ©chirĂ©e de ma souquenille. J’apprĂ©hendais fort ce qui m’allait advenir, d’autant que de Boudry Ă  Pontareuse, M. le curĂ© demeura silencieux, moi cheminant sur ses talons, ainsi qu’un pauvre chien Ă  qui l’on va donner le fouet.
Quand nous fĂ»mes au presbytĂšre, M. Gauthier me poussa dans une chambre, oĂč, sur des tablettes, il y avait nombre de bouquins gros et menus, avec des rouleaux de parchemin et un grand crucifix noir appendu au mur. LĂ , M. le curĂ© se prit Ă  me considĂ©rer, tandis que je tremblais dans mes haillons. C’est qu’il Ă©tait de mine imposante, M. le curĂ© Pierre Gauthier, avec sa haute stature, sa tĂȘte grise et crĂ©pue, ses yeux noirs, perçants sous la broussaille de ses sourcils, et par-dessus la bouche aux lĂšvres minces, son nez crochu en bec d’épervier ! Toutefois il me parut, comme je me risquais Ă  lever les yeux, que ses paupiĂšres clignotaient, voire mĂȘme que sa bouche, nullement sĂ©vĂšre, s’apprĂȘtait Ă  sourire. Et de fait, se penchant vers moi pour me prendre sans rudesse par l’oreille :
– Mon fils, dit-il, sais-tu bien que le pĂ©chĂ© de colĂšre est du nombre des sept pĂ©chĂ©s capitaux, et que l’homme qui s’y abandonne court droit Ă  l’enfer ? Veille sur toi pour n’y pas retomber ! Toutefois, il est Ă  croire que tes saints patrons ont plaidĂ© lĂ -haut pour obtenir ton absolution, eu Ă©gard Ă  la cause que tu dĂ©fendais. PrĂ©sentement, poursuivit le digne homme, que dirais-tu de quitter le service du sieur Emonet pour entrer au mien ?
À l’ouĂŻe de ces paroles, il me sembla voir une soudaine et magnifique lumiĂšre s’allumant pour Ă©clairer le sombre chemin de ma vie.
J’avais ouĂŻ raconter quelque jour l’étrange aventure de quatre « marmets », – ainsi nomme-t-on en la comtĂ© de NeufchĂątel les gens d’outre-lac – desquels marmets la nacelle venant de Portalban avait chavirĂ© par grand vent de joran [3]. Les quatre hommes, accrochĂ©s durant plus d’une heure Ă  leur nef renversĂ©e, avaient finalement Ă©tĂ© vus de Cortaillod par des pĂȘcheurs qui les avaient Ă©tĂ© quĂ©rir et sauver. Or on rapportait qu’un des marmets, voyant le secours arriver, de joie en Ă©tait devenu soudainement insensĂ© et l’était demeurĂ© le restant de ses jours.
Et moi aussi, je pensai perdre le sens à l’ouïe de l’offre charitable de M. Gauthier.
– Oh ! M. le curĂ©, dis-je en me jetant Ă  ses genoux, vous me sauvez la vie ! C’est le paradis aprĂšs l’enfer ! et je riais et pleurais en lui baisant les mains.
Lui, me relevant de force et prenant une mine riante pour me cacher les larmes qui lui troublaient la vue :
– Ta, ta, ta, mon pauvre Claude, j’ai idĂ©e que le paradis de lĂ -haut est plus beau et commode que mon vieux presbytĂšre tout lĂ©zardĂ© et qui s’en va croulant par les quatre cĂŽtĂ©s Ă  la fois ! Puis il me poussa dans la cuisine, en ordonnant Ă  la vieille Nannette, sa servante, de me donner Ă  manger.
Pour dire toute la vĂ©ritĂ©, Nannette, qui avait une tĂȘte carrĂ©e qu’il fallait savoir prendre par le bon cĂŽtĂ©, me regarda de travers par-dessous sa coiffe blanche, comme si j’eusse Ă©tĂ© quelque chien sortant d’une mare d’eau sale et qui va secouer son poil dĂ©gouttant.
La figure de la vieille servante, ridĂ©e, jaunie comme une pomme de reinette au printemps, avait un air si renfrognĂ© que j’en perdis le courage et restai sur le seuil, tĂȘte basse et le cƓur tout gros. Ce n’est pas que je fusse pleurnicheur de mon naturel, mais ce jour-lĂ  m’avait si rudement secouĂ©, que pour un rien les larmes m’emplissaient les yeux.
Il y a apparence que Nannette vit cela, car elle passa doucement sa main ridée sur mes cheveux ébouriffés et me fit seoir sur un escabeau.
Ah ! la bonne soupe aux oignons que je mangeai lĂ  ! l’odeur m’en revient encore au nez aprĂšs trente ans bien comptĂ©s ! Mais peut-ĂȘtre aprĂšs tout, ce qui la rendait si onctueuse et appĂ©tissante, c’était cette idĂ©e qui bourdonnait et chantait dans ma tĂȘte tout le temps que je mangeais : PrĂ©sentement, toi aussi, Claude-MoĂŻse, tu as une famille ! M. Gauthier te sera un pĂšre et tu lui seras fils respectueux jusqu’à la fin de ses jours ou des tiens ; il t’aimera sĂ»rement et te permettra de l’aimer. Puis je considĂ©rais, le cƓur tout attendri, la vieille Nannette, laquelle s’émerveillait de mon appĂ©tit, et, voyant clignoter ses petits yeux gris, je pensais : Elle aussi est bonne et te sera comme une mĂšre.
En cela, je ne me mĂ©prenais point, ainsi qu’il paraĂźtra par la suite de ma...

Table of contents

  1. Titre
  2. Préface
  3. Avant-propos
  4. Chapitre 1
  5. Chapitre 2
  6. Chapitre 3
  7. Chapitre 4
  8. Chapitre 5
  9. Chapitre 6
  10. Chapitre 7
  11. Chapitre 8
  12. Chapitre 9
  13. Chapitre 10
  14. Chapitre 11
  15. Chapitre 12
  16. Chapitre 13
  17. Chapitre 14
  18. Chapitre 15
  19. Chapitre 16
  20. Chapitre 17
  21. Chapitre 18
  22. Chapitre 19
  23. Notes de bas de page