Adieu Cayenne
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Adieu Cayenne

About this book

Lors du reportage qu'il effectue en Guyane sur le bagne, Albert Londres rencontre Eugene Dieudonné, un menuisier anarchiste condamné sans preuve lors du proces qui jugea «la bande a Bonnot». Quelques années plus tard, le journaliste apprend que le forçat s'est échappé, il le retrouve au Brésil ou il a refait sa vie. L'auteur nous conte les péripéties de l'évasion, nous décrit l'hostilité de l'environnement, la mer, la foret, la solidarité mais aussi l'égoisme des bagnards, les chasseurs d'évadés, etc. Albert Londres fera tout pour que Dieudonné soit gracié et il obtiendra gain de cause.

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Information

Publisher
Booklassic
eBook ISBN
9789635258161

Chapitre 1 AU DÉBUT DE L’ANNÉE QUI VA FINIR


Au dĂ©but de l’annĂ©e qui va finir, tout homme qui achĂšte un journal put lire une dĂ©pĂȘche provenant de Cayenne. Elle annonçait que le forçat DieudonnĂ©, « ancien membre de la bande Ă  Bonnot », avait trouvĂ© la mort en voulant s’évader.
Dieudonné ?
Camille-EugĂšne-Marie DieudonnĂ©. Il a vingt-six ans, quand Ă©clate l’affaire Bonnot. De son mĂ©tier, il est ouvrier Ă©bĂ©niste ; d’idĂ©es, anarchiste, illĂ©galiste, ainsi que l’on disait Ă  l’époque.
Il a nourri son jeune Ăąge de la littĂ©rature des citoyens Alexandre Millerand, Urbain Gohier, Aristide Briand, Gustave HervĂ©. Il n’ignore pas Gustave Le Bon. Il rĂ©citerait sans dĂ©faillance les livres de l’éminent M. FĂ©lix Le Dantec, professeur Ă  la Sorbonne. Stirner, Nietzsche sont ses maĂźtres.
C’est assez dire qu’il ne fait pas partie de ces ouvriers de marchands de vins et du VĂ©lodrome d’hiver. Il est un intellectuel !
La journĂ©e finie, il court les rĂ©unions que lui recommandent les professeurs plus haut citĂ©s. L’innocent ! Il ferait mieux d’aller sur le zinc ! LĂ , il rencontre tous les ennemis de la sociĂ©tĂ©. Il en connaĂźt mĂȘme qui s’appellent : Garnier, Bonnot, Callemin, dit Raymond-la-Science.
Justement, Ă  cette date, Garnier, Bonnot, Callemin montent dans des automobiles. Ils ont un revolver au poing et ils tirent sur des employĂ©s de banque, ils « descendent » des agents de police, ils assassinent des chefs adjoints de la SĂ»retĂ©. Ils en font bien d’autres !
Mauvaises fréquentations pour un ébéniste !
Il eĂ»t fallu se saisir des garçons qui, croyant faire les apĂŽtres, ne faisaient que les bandits. La police n’y parvenait pas. Elle se rabattit sur le voisin, non le voisin d’habitation, mais le voisin de doctrine. Ainsi fut arrĂȘtĂ© DieudonnĂ©.
C’est là que le drame commence.
La bande Ă  Bonnot avait dĂ©butĂ© dans le commerce du crime par l’attaque d’un nommĂ© Caby, garçon de recettes, alors qu’il passait rue Ordener.
Caby ne mourut pas.
Il dĂ©signa Garnier comme son agresseur : « C’est bien lui, s’écria-t-il, je le reconnaĂźtrais entre cent. »
Mais Garnier fut tuĂ© peu aprĂšs, lors du siĂšge qu’il soutint dans une maison de banlieue.
La police, alors, présenta plusieurs photographies à Caby. Caby les examina.
– Je m’étais trompĂ© la premiĂšre fois, en accusant Garnier, dit-il. Mon assassin, le voilĂ  !
Et il posa le doigt sur le portrait d’un inspecteur, portrait glissĂ© parmi des tĂȘtes d’anarchistes.
La bande Ă  Bonnot, la vraie, continuait l’assaut contre la sociĂ©tĂ©. L’opinion, affolĂ©e, rĂ©clamait des coupables.
DieudonnĂ© Ă©tait en prison. Pourquoi ne l’essaierait-on pas comme l’agresseur de Caby ?
Une aprĂšs-midi, DieudonnĂ©, non rasĂ©, sans col, hagard, traverse, entre deux policiers, les couloirs du Palais de Justice. On le conduit chez le juge d’instruction.
Caby est aussi dans ces couloirs. Au passage de Dieudonné, un agent de la Sûreté touche le bras de Caby. « Tenez, lui dit-il, regardez, voilà votre agresseur ! »
L’homme qui cherche son assassin en reste saisi.
Cinq minutes aprĂšs, confrontation chez le juge.
– Connaissez-vous cet individu, Caby ?
Il le connaĂźt, il vient de le voir. On lui a dit : « C’est celui-lĂ  ».
– Oui ! fait Caby. C’est lui.
– Regardez-moi, monsieur, vous vous trompez ! renvoie DieudonnĂ©.
Caby ne consent plus Ă  se tromper ; deux fois suffisent. Il dit : « C’est lui ! »
– Ta-ra-ta-ta ! rĂ©pondent les gens qui savent des choses ; si Caby a reconnu DieudonnĂ©, ce n’est pas parce qu’on le lui montra dans le couloir, mais parce que DieudonnĂ© Ă©tait rue Ordener. Il n’est pas l’assassin. Il y Ă©tait par humanitĂ©, pour empĂȘcher les autres de tirer !
C’est là du roman russe.
Au fait !
C’est Garnier qui attaqua Caby.
Garnier le proclama avant de mourir.
Ayant de mourir, Ă©galement, Bonnot Ă©crivit : « DieudonnĂ© est innocent ; il n’était pas rue Ordener ».
Callemin, une fois condamnĂ© Ă  mort, s’écria : « DieudonnĂ© est innocent. Il n’était pas rue Ordener. Je le sais, moi, j’y Ă©tais ».
Le tĂ©moignage d’un homme au moins deux fois abusĂ© l’emporta sur la vĂ©ritĂ©.
Dieudonné fut condamné à la guillotine.
À cette Ă©poque, le prĂ©sident de la RĂ©publique se nommait Raymond PoincarĂ©. M. PoincarĂ© est connu comme un homme faisant consciencieusement son mĂ©tier. On dira de lui difficilement que son habitude est d’agir au petit bonheur. Il Ă©tudia le cas DieudonnĂ©. Son avis fut diffĂ©rent de celui du jugement rendu. Il gracia DieudonnĂ©. M. PoincarĂ© ne gracia pas DieudonnĂ© parce qu’il lui accordait des circonstances attĂ©nuantes, il le gracia parce qu’il ne trouvait pas dans le procĂšs la preuve de sa culpabilitĂ©. Mais que veut dire, en l’état de nos lois, ce mot de grĂące ? Il veut dire que l’homme ainsi graciĂ© ira au bagne jusqu’à la fin de ses jours. Il y alla

* * *
Onze ans plus tard, j’y allai, Ă  mon tour. C’est ainsi que, me promenant un matin dans les locaux disciplinaires de Saint-Joseph, aux Ăźles du Salut, je fus arrĂȘtĂ© par un nom Ă©crit sur la porte d’une des cellules. Ce nom Ă©tait « DieudonnĂ© ».
– Celui de la bande à Bonnot ?
On me répondit : « Oui ».
Le gardien fit jouer le judas. Une tĂȘte s’encadra dans l’ouverture. C’était celle de Camille-EugĂšne-Marie DieudonnĂ©.
– Je viens voir ce qui se passe par ici, lui dis-je ; dĂ©sirez-vous me parler ?
– Oui, oui, je voudrais vous dire des choses. Oh ! je n’ai pas Ă  me plaindre, mais des choses en gĂ©nĂ©ral sur la vie cruelle du bagne.
Sa voix Ă©tait haletante, comme s’il venait de faire une longue course ; cependant, sa cellule n’avait que un mĂštre cinquante de large sur deux mĂštres de long. Il y Ă©tait enfermĂ© depuis huit mois.
Cette tĂȘte dans ce judas ajoutait encore au cauchemar de l’endroit. Je demandai que l’on ouvrĂźt la porte.
On le fit.
Dieudonné se redressa. Il avait de grands yeux avec de la fiÚvre au fond, pas beaucoup de chair sur la figure ; aussi ses pommettes pointaient-elles. Il se tenait au garde-à-vous, mais sans force physique.
– La vie au bagne, dit-il, est Ă©pouvantable. Ce sont les rĂšglements qui nous accablent. Ils trahissent certainement dans leur application l’idĂ©e des hommes qui les ont faits. C’est comme un objet qui tombe de haut et qui arrive Ă  terre, son poids multipliĂ©. Aucun ne peut se relever ; nous sommes tous Ă©crasĂ©s.
Un rayon de lumiĂšre glissait dans ce tombeau. Au point oĂč ce rayon touchait la dalle, il y avait quelques livres.
– Pourquoi ĂȘtes-vous en cellule ?
– J’y suis rĂ©guliĂšrement. Je paye ma derniĂšre Ă©vasion. J’aurais mĂȘme dĂ» avoir cinq ans de cachot, puisque c’était ma « seconde ». Le tribunal maritime ne m’en a infligĂ© que deux.
– Parce que vous ĂȘtes bon sujet, dit le garde.
– Oui, fit-il d’une voix toute simple, je dois dire que l’on me chĂątie sans mĂ©chancetĂ©.
Le commandant des Ăźles nous rejoignit.
– Ah ! vous avez trouvĂ© DieudonnĂ© ? Bonjour, DieudonnĂ© !
– Bonjour, commandant !
– Tenez – et il posa sa main sur l’épaule du forçat – voilĂ  un garçon intĂ©ressant.
– Alors, pourquoi le mettez-vous là dedans ?
– C’est un ouvrier modĂšle. DieudonnĂ© est un exemple. Il a su se prĂ©server de toutes les tares du bagne. Quand il a fini de travailler avec ses mains, il Ă©tudie dans les livres : la mĂ©canique, la philosophie. Que lisez-vous maintenant ?
Dieudonné ramassa des Mercure de France et les présenta.
– Vous voyez assez clair ?
– Merci, commandant.
– Je ne devrais pas vous demander cela. Votre cachot n’est pas rĂ©glementaire. Dites-moi au moins que vous n’y voyez rien, pour le repos de ma conscience !
Ils sourirent.
Un sourire est une fleur rare aux Ăźles du Salut !
– Il s’est Ă©vadĂ© de Royale, reprit le commandant, c’est lĂ  l’un des plus beaux exploits du bagne. Quatre-vingt-quinze chances de laisser ses membres aux requins. Comment vous a-t-on repris sur la grande terre ?
– ÉpuisĂ©, commandant.
– Il a mĂȘme repĂȘchĂ© un gardien, une fois ! N’est-ce pas ?
Dieudonné esquissa un geste du bras.
– Voyons, dis-je au commandant, le cas DieudonnĂ© est troublant. Beaucoup de gens croient Ă  son innocence.
– Du fond de ma conscience, je suis innocent, fit DieudonnĂ©.
LĂ -dessus, l’on referma l’enterrĂ© vivant dans son tombeau.
* * *
Ces derniĂšres annĂ©es, les hommes heureux voulurent bien reporter leur pensĂ©e vers la terre d’expiation. Le bagne nourrit un temps les conversations et les chroniques. Des avocats, des journalistes rĂ©veillĂšrent l’affaire DieudonnĂ©. Des consciences furent alertĂ©es. Quelques hommes consentirent Ă  se rappeler que DieudonnĂ© n’avait Ă©tĂ© condamnĂ© que sur un tĂ©moignage incertain.
L’enquĂȘte fut reprise, les dossiers rouverts. Puis, un matin de 1926, Me de Moro-Giafferri et quelques autres pĂ©nĂ©traient au ministĂšre de la Justice.
Ils allaient demander la grùce de Dieudonné.
Les chefs du bagne la réclamaient avec eux.
Le gouverneur de la Guyane également.
La grùce fut refusée.
* * *
Deux mois aprĂšs cela, je recevais une lettre de Cayenne. Elle n’était pas d’un forçat, mais d’un colon. La voici :
« Cher Monsieur,
» Vous devez savoir que, malgrĂ© l’avis de tous, ici, la grĂące vient d’ĂȘtre refusĂ©e Ă  DieudonnĂ©. Depuis deux ans, il ne vivait que de cet espoir. C’est bien triste de berner les pauvres gens. Je le crois innocent. En tout cas, il a proprement payĂ©. Ne pourriez-vous agir de nouveau ? Il serait moral de rĂ©compenser ceux qui, dans ce monde affreux du bagne, ont su rester des travailleurs et des ĂȘtres propres
 S’il s’évade, ce n’est pas nous, de Cayenne, qui lui souhaiterons malheur, etc. »
Pour la troisiĂšme fois, DieudonnĂ© s’évada.
* * *
C’était au mois de juillet. Des dĂ©pĂȘches annonçaient que DieudonnĂ© n’était pas mort, qu’on l’avait dĂ©couvert dans l’État de Para, que le BrĂ©sil l’avait mis en prison, puis relĂąchĂ© ; un taxi me dĂ©posait, 18, rue d’Enghien, au Petit Parisien. Je venais voir M. Élie-Joseph Bois, grand maĂźtre des vents et marĂ©es de l’opinion publique.
– Et DieudonnĂ© ? me demanda-t-il sans me laisser le temps de m’asseoir. C’est une histoire,...

Table of contents

  1. Titre
  2. Chapitre 1 - AU DÉBUT DE L’ANNÉE QUI VA FINIR

  3. Chapitre 2 - QUE FAISIEZ-VOUS DANS LA BANDE À BONNOT ?
  4. Chapitre 3 - LA « BELLE »
  5. Chapitre 4 - CHEZ LE CHINOIS
  6. Chapitre 5 - DÉPART
  7. Chapitre 6 - ET LA PIROGUE SOMBRA
  8. Chapitre 7 - L’ENLISEMENT DE VENET
  9. Chapitre 8 - LE RADEAU FANTÔME
  10. Chapitre 9 - DANS LA JUNGLE
  11. Chapitre 10 - NOUVEAU DÉPART
  12. Chapitre 11 - VIVE LA BELLE, LA BELLE DES BELLES !
  13. Chapitre 12 - SEPT LONGS JOURS
  14. Chapitre 13 - EN PAYS PERDU
  15. Chapitre 14 - C’ÉTAIENT TROIS CHEMINEAUX DU BAGNE
  16. Chapitre 15 - SOUS LES CONFETTI
  17. Chapitre 16 - D’ÉTONNEMENT EN ÉTONNEMENT
  18. Chapitre 17 - LE MINISTRE DE LA JUSTICE VEUT VOUS VOIR !
  19. Chapitre 18 - UN FAMEUX VOYAGE
  20. Chapitre 19 - RIO DE JANEIRO À L’OMBRE
  21. Chapitre 20 - LIBRE !
  22. Chapitre 21 - C’EST À CE MOMENT

  23. À propos de cette Ă©dition Ă©lectronique