Woodstock ou Le Cavalier
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Woodstock ou Le Cavalier

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L'action se déroule en l'année 1651 durant la guerre civile anglaise. Charles II est en fuite apres la bataille de Worcester. Sir Henry Lee est Garde de la Loge Royale de Woodstock et un ardent défenseur de la monarchie. Il s'oppose a l'union de sa fille Alice avec Markam Everard qui a pris parti pour le parlement de Cromwell. Everard est en mesure d'empecher la mise sous séquestre de Woodstock grùce a son influence aupres de Cromwell qui espere en outre que le fugitif Charles II choisisse de s'y cacher. Charles en effet s'y réfugie déguisé en page du fils de Sir Henry...

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Information

Chapitre 1

« Les uns voudraient un ministre à rabat ;
« Mais le reste contre eux s’élĂšve,
« Croyant sans doute d’un soldat
« La main plus propre au double glaive
« De l’Écriture et du combat. »
BUTLER. Hudibras.
Il y a une belle Ă©glise paroissiale dans la ville de Woodstock[9], – on me l’a dit du moins, car je ne l’ai jamais vue ; Ă  peine, lorsque j’y allai, si j’eus le temps de visiter le magnifique chĂąteau de Blenheim, ses salles dĂ©corĂ©es par la peinture, et les riches tapisseries de ses appartemens. – J’avais promis d’ĂȘtre de retour pour prendre place Ă  un dĂźner de corporation avec mon docte ami le prĂ©vĂŽt de ; – et c’était une de ces occasions oĂč ce serait se manquer Ă  soi-mĂȘme que de laisser la curiositĂ© l’emporter sur la ponctualitĂ©. Je me fis faire une description exacte de cette Ă©glise dans le dessein de m’en servir dans cet ouvrage ; mais comme j’ai quelque raison pour douter que celui qui me donnait ces renseignemens en ait jamais lui-mĂȘme vu l’intĂ©rieur, je me contenterai de dire que c’est maintenant un bel Ă©difice, dont on a reconstruit la majeure partie il y a quarante Ă  cinquante ans ; mais on y voit encore quelques arcades de l’ancienne chantrerie, fondĂ©e, dit-on, par le roi Jean, et c’est avec cette partie plus ancienne du bĂątiment que mon histoire a quelque rapport.
Un matin de la fin de septembre, ou des premiers jours d’octobre 1652[10], jour fixĂ© pour rendre au ciel des actions de graces solennelles de la victoire dĂ©cisive remportĂ©e Ă  Worcester[11], un auditoire assez nombreux Ă©tait assemblĂ© dans la vieille chantrerie ou chapelle du roi Jean. L’état de l’église et le caractĂšre des assistans attestaient Ă©galement les fureurs de la guerre civile et l’esprit du temps. Le saint Ă©difice offrait plus d’une marque de dĂ©vastation. Les croisĂ©es, autrefois fermĂ©es de vitraux peints, avaient Ă©tĂ© brisĂ©es Ă  coups de piques et de mousquets, comme ayant servi et appartenu Ă  l’idolĂątrie. La sculpture de la chaire Ă©tait endommagĂ©e, et deux belles balustrades en bois de chĂȘne avaient Ă©tĂ© dĂ©truites pour la mĂȘme raison concluante. Le maĂźtre-autel avait Ă©tĂ© enlevĂ©, avec les dĂ©bris de la grille dorĂ©e qui l’entourait jadis. On voyait encore Ă©pars dans l’église les fragmens des statues mutilĂ©es et arrachĂ©es Ă  divers monumens ; c’étaient des guerriers ou des saints
De leur niche arrachés
 indigne récompense
De leurs sages conseils, ou leur noble vaillance.
Le vent froid de l’automne sifflait Ă  travers le vide des bas cĂŽtĂ©s de ce saint lieu, oĂč des restes de pieux, des traverses de bois grossiĂšrement taillĂ©es, et une quantitĂ© de foin Ă©pars et de paille foulĂ©e aux pieds, semblaient indiquer que le temple du Seigneur, dans une crise encore rĂ©cente, avait servi de caserne Ă  un corps de cavalerie.
L’auditoire avait, comme l’édifice, beaucoup perdu de sa splendeur. Aucun des fidĂšles d’un temps plus paisible ne se montrait alors comme jadis dans les bancs sculptĂ©s, une main sur le front pour se recueillir, priant dans le lieu oĂč ses pĂšres avaient priĂ©, et suivant les mĂȘmes formes de culte. Les yeux du fermier et du paysan cherchaient en vain la taille athlĂ©tique du vieux sir Henry Lee de Ditchley, qui autrefois, couvert d’un manteau brodĂ©, la barbe et les moustaches frisĂ©es avec soin, traversait lentement les ailes de l’église, suivi de son chien chĂ©ri, dont la fidĂ©litĂ© avait autrefois sauvĂ© la vie de son maĂźtre, et qui l’accompagnait rĂ©guliĂšrement Ă  l’église. Il est vrai que Bevis prouvait la justesse du proverbe qui dit : – C’est un bon chien que celui qui va Ă  l’église ; – car si ce n’est qu’il Ă©tait accidentellement tentĂ© de joindre sa voix Ă  celle du chƓur, il se conduisait avec autant de dĂ©corum qu’aucun des membres de la congrĂ©gation, et sortait aussi Ă©difiĂ© peut-ĂȘtre que quelques-uns d’entre eux. Les jeunes filles de Woodstock cherchaient aussi inutilement les manteaux brodĂ©s, les Ă©perons retentissans, les bottes Ă  taillades et les grands panaches des jeunes cavaliers de cette maison et d’autres familles nobles, qui traversaient naguĂšre les rues et le cimetiĂšre avec cet air d’aisance et d’insouciance annonçant peut-ĂȘtre un peu trop de confiance en soi-mĂȘme, mais non sans grace quand il est accompagnĂ© de bonne humeur et de courtoisie. OĂč Ă©taient elles-mĂȘmes les bonnes vieilles dames avec leurs coiffes blanches et leurs robes de velours noir, et leurs filles,
Astres charmans qui fixaient tous les yeux ;
oĂč Ă©taient-elles maintenant celles qui, lorsqu’elles entraient dans l’église, dĂ©robaient habituellement au ciel une moitiĂ© des pensĂ©es des hommes ? – Mais, hĂ©las ! toi surtout, Alice Lee, toi si douce, si sensible, et si aimable par tes prĂ©venances, – ainsi s’exprime un annaliste contemporain dont nous avons dĂ©chiffrĂ© le manuscrit, – pourquoi suis-je destinĂ© Ă  Ă©crire l’histoire de ta fortune dĂ©chue ? Pourquoi ne pas remonter plutĂŽt Ă  l’époque oĂč, descendant de ton palefroi, tu Ă©tais accueillie comme un ange qui serait arrivĂ© du ciel, tu recevais autant de bĂ©nĂ©dictions que si tu avais Ă©tĂ© le messager cĂ©leste des plus heureuses nouvelles ? – Tu n’étais pas une crĂ©ature inventĂ©e par l’imagination frivole d’un romancier, un ĂȘtre bizarrement dĂ©corĂ© de perfections contradictoires ; je te chĂ©rissais Ă  cause de tes vertus, et quant Ă  tes dĂ©fauts, je crois qu’ils te rendaient encore plus aimable Ă  mes yeux !
Avec la maison de Lee, d’autres familles de sang noble et honorable, les Freemantles, les Winklecombes, les Drycotts, etc., avaient disparu de la chapelle du roi Jean ; car l’air d’Oxford Ă©tait peu favorable aux progrĂšs du puritanisme, qui s’était plus gĂ©nĂ©ralement Ă©tendu dans les comtĂ©s voisins. Il se trouvait pourtant dans la congrĂ©gation une ou deux personnes qui, par leurs vĂȘtemens et leurs maniĂšres, semblaient des gentilshommes campagnards de considĂ©ration. On y voyait aussi quelques-uns des notables de la ville de Woodstock, la plupart couteliers ou gantiers, Ă  qui leur habiletĂ© Ă  travailler l’acier et la peau avait procurĂ© une honnĂȘte aisance. Ces dignitaires portaient de longs manteaux noirs, Ă  collets plissĂ©s ; et au lieu de flamberge et de couteau, leur Bible et leur agenda Ă©taient suspendus Ă  leur ceinture.
Cette partie respectable, mais la moins nombreuse de l’auditoire, se composait de bons bourgeois qui avaient, pour adopter la profession de foi presbytĂ©rienne, renoncĂ© Ă  la liturgie et Ă  la hiĂ©rarchie de l’Église anglicane, et qui recevaient les instructions du rĂ©vĂ©rend Nehemiah Holdenough, prĂ©dicateur cĂ©lĂšbre par la longueur de ses discours et par la force de ses poumons. PrĂšs de ces graves personnages Ă©taient assises leurs Ă©pouses, femmes de bonne mine, en manchettes et en gorgerette, semblables aux portraits qui sont dĂ©signĂ©s dans les catalogues de tableaux sous le titre de – femme d’un bourgmestre ; – et leurs jolies filles qui, comme le mĂ©decin de Chaucer[12], ne faisaient pas leur Ă©tude exclusive de la Bible, mais qui, au contraire, quand un regard pouvait Ă©chapper Ă  la vigilance de leurs honorables mĂšres, laissaient Ă©garer leur attention, et causaient des distractions aux autres.
Avec ces personnes Ă©levĂ©es en dignitĂ©, il y avait dans l’église une rĂ©union nombreuse d’assistans des classes infĂ©rieures, quelques-uns attirĂ©s par la curiositĂ©, mais la plupart ouvriers sans Ă©ducation, Ă©garĂ©s dans le dĂ©dale des discussions thĂ©ologiques du temps, et membres d’autant de sectes diffĂ©rentes qu’il y a de couleurs dans l’arc-en-ciel. L’extrĂȘme prĂ©somption de ces savans ThĂ©bains[13] Ă©galait leur extrĂȘme ignorance. Leur conduite dans l’église n’était ni respectueuse ni Ă©difiante. La plupart d’entre eux affectaient un mĂ©pris cynique pour tout ce qui n’est regardĂ© comme sacrĂ© que par la sanction des hommes. L’église n’était pour eux qu’une maison surmontĂ©e d’un clocher ; le ministre, un homme comme les autres ; ses instructions, une nourriture grossiĂšre, indigne du palais spirituel des saints ; et la priĂšre, une invocation au ciel, Ă  laquelle chacun s’unissait ou ne s’unissait pas, suivant que son sens critique le trouvait convenable.
Les plus ĂągĂ©s, assis ou debout sur leurs bancs avec leurs grands chapeaux Ă  forme pyramidale, enfoncĂ©s sur leurs visages renfrognĂ©s, attendaient en silence le ministre presbytĂ©rien, comme des mĂątins attendent le taureau qui va ĂȘtre attachĂ© au pieu. Les plus jeunes ajoutaient Ă  leur hĂ©rĂ©sie des maniĂšres plus hardies, et se donnaient plus de licence : ils tournaient la tĂȘte de tous cĂŽtĂ©s pour regarder les femmes, bĂąillaient, toussaient, causaient Ă  demi-voix, mangeaient des pommes et cassaient des noix, comme s’ils eussent Ă©tĂ© au spectacle, dans la galerie, avant le lever du rideau.
Il se trouvait aussi dans la congrĂ©gation quelques soldats, les uns portant le corselet et le casque d’acier ; les autres en justaucorps de buffle, et quelques-uns en uniforme rouge. Ces guerriers avaient la bandouliĂšre sur l’épaule, leur giberne pleine de munitions, et ils Ă©taient appuyĂ©s sur leurs piques ou sur leurs mousquets. Ils avaient aussi leurs doctrines particuliĂšres sur les points les plus difficiles de la religion, et ils mĂȘlaient les extravagances de l’enthousiasme au courage et Ă  la rĂ©solution la plus dĂ©terminĂ©e dans le combat. Les bourgeois de Woodstock regardaient ces militaires avec une sorte de crainte respectueuse ; car, quoique ceux-ci s’abstinssent gĂ©nĂ©ralement de tout acte de pillage et de cruautĂ©, ils avaient pouvoir absolu de s’en permettre, et les citoyens paisibles n’avaient d’autre alternative que de se soumettre Ă  tout ce que pouvait suggĂ©rer l’imagination mal dirigĂ©e et en dĂ©lire de leurs guides armĂ©s.
AprĂšs quelque temps d’attente, M. Holdenough commença Ă  traverser les ailes de la chapelle, non de ce pas lent et avec cet air vĂ©nĂ©rable que prenait autrefois l’ancien Recteur pour maintenir la dignitĂ© du surplis, mais d’une marche rapide, en homme qui arrive trop tard Ă  un rendez-vous, et qui se hĂąte pour rĂ©parer le temps perdu. C’était un homme grand, maigre, au teint brĂ»lĂ©, et la vivacitĂ© de ses yeux annonçait un caractĂšre tant soit peu irascible. Son habit Ă©tait brun, et non pas noir ; et par-dessus ses autres vĂȘtemens il portait, en l’honneur de Calvin, le manteau de GenĂšve, de couleur bleue, qui flottait sur ses Ă©paules tandis qu’il courait Ă  sa chaire. Ses cheveux gris Ă©taient coupĂ©s ras, et ils Ă©taient couverts d’une calotte de soie noire, tellement collĂ©e sur sa tĂȘte qu’un mauvais plaisant aurait pu comparer ses deux oreilles en l’air Ă  deux anses propres Ă  enlever toute sa personne. Le digne prĂ©dicateur portait des lunettes ; sa longue barbe grise se terminait en pointe, et il avait en main une petite Bible de poche garnie de fermoirs d’argent. En arrivant Ă  la chaire, il s’arrĂȘta un instant pour reprendre haleine, et se mit ensuite Ă  gravir les marches deux par deux.
Mais il fut arrĂȘtĂ© par une main vigoureuse qui saisit son manteau. C’était celle d’un homme qui s’était dĂ©tachĂ© du groupe des soldats. Il Ă©tait de moyenne taille, mais robuste, il avait l’Ɠil vif, et une physionomie qui, quoique commune, avait une expression remarquable. Son costume, sans ĂȘtre rĂ©guliĂšrement militaire, annonçait son Ă©tat de soldat. Il avait de grands pantalons de cuir, portait d’un cĂŽtĂ© un poignard, et de l’autre une rapiĂšre d’une longueur effrayante, ou un estoc, comme on l’appelait alors. Son ceinturon de maroquin Ă©tait garni de pistolets.
Le ministre, interrompu ainsi Ă  l’instant oĂč il allait commencer ses fonctions, se retourna vers celui qui l’arrĂȘtait, et lui demanda d’un ton qui n’était rien moins que doux le motif de cette interruption.
– L’ami, rĂ©pondit le soldat, ton devoir est-il de prĂȘcher ces bonnes gens ?
– Sans doute, dit le ministre, c’est mon dessein et mon devoir. Malheur Ă  moi si je ne prĂȘche pas l’Évangile ! Laisse-moi, l’ami, et ne m’arrĂȘte pas dans mes travaux.
– Mais j’ai le projet de prĂȘcher moi-mĂȘme, rĂ©pliqua l’homme Ă  l’air guerrier : tu feras donc bien de me cĂ©der la place, et, si tu veux suivre mon avis, reste pour partager avec ces pauvres oisillons les miettes de saine doctrine que je vais leur jeter.
– Retire-toi, homme de Satan, s’écria Holdenough rouge de colĂšre ; respecte mon ordre, mon habit.
– Je ne vois rien, rĂ©pondit le militaire, ni dans la coupe, ni dans l’étoffe de ton habit, qui exige de moi plus de respect que tu n’en as eu toi-mĂȘme pour le rochet de l’évĂȘque. Ses vĂȘtemens Ă©taient noirs et blancs, les tiens sont bruns et bleus. Vous ĂȘtes tous des chiens couchans, paresseux, n’aimant qu’à dormir ; des bergers qui font jeĂ»ner leur troupeau, mais qui ne le surveillent pas, chacun d’eux ne songeant qu’à son profit.
Les scĂšnes indĂ©centes de ce genre Ă©taient si communes Ă  cette Ă©poque que personne ne songea Ă  intervenir dans cette querelle. L’auditoire regardait en silence ; la classe supĂ©rieure Ă©tait scandalisĂ©e, et dans la classe infĂ©rieure, les uns riaient, les autres soutenaient le soldat ou le ministre, suivant leur opinion. Cependant la contestation devint plus vive, et M. Holdenough demanda du secours Ă  grands cris.
– M. le maire de Woodstock, s’écria-t-il, serez-vous du nombre de ces magistrats corrompus en vain armĂ©s du glaive ? citoyens, ne viendrez-vous pas au secours de votre pasteur ? dignes aldermen[14], me verrez-vous Ă©trangler sur les marches de la chaire par cet homme vĂȘtu de buffle, par cet enfant de BĂ©lial ? mais j’en triompherai, je briserai les liens dont il me charge.
Tout en parlant ainsi, Holdenough s’efforçait de gravir les marches, en s’aidant de la rampe de l’escalier. Son persĂ©cuteur tenait toujours son manteau d’une main ferme, et le tirait avec une telle force que le prĂ©dicateur Ă©tait presque Ă©tranglĂ©. Mais en prononçant ces derniers mots d’une voix Ă  demi Ă©touffĂ©e, le ministre eut l’adresse de dĂ©nouer le cordon qui attachait le manteau autour de son cou, de sorte que, le manteau cĂ©dant inopinĂ©ment, le soldat tomba Ă  la renverse sur les marches, et Holdenough, en libertĂ©, monta dans sa chaire, oĂč il entonna un psaume de triomphe pour cĂ©lĂ©brer la chute de son antagoniste. Mais le tumulte qui rĂ©gnait dans l’église vint mĂȘler de l’amertume Ă  la douceur de sa victoire, et quoiqu’il continuĂąt, avec son clerc fidĂšle, Ă  chanter une hymne d’allĂ©gresse, leurs voix ne se faisaient entendre que par intervalles, comme le cri du courlieu pendant un ouragan.
Voici quelle Ă©tait la cause de ce tumulte : le maire Ă©tait un zĂ©lĂ© presbytĂ©rien, et dĂšs l’origine il avait vu avec beaucoup d’indignation la conduite du soldat, quoiqu’il hĂ©sitĂąt Ă  se dĂ©clarer contre un homme armĂ©, tant qu’il le vit ferme sur ses jambes et en Ă©tat de rĂ©sister. Mais dĂšs que le champion de l’indĂ©pendance fut Ă©tendu sur le dos tenant encore en main le manteau genevois du prĂ©dicateur, le magistrat s’élança vers la chaire, en s’écriant qu’une telle audace Ă©tait intolĂ©rable, et il ordonna Ă  ses constables de saisir le champion abattu, en ajoutant avec toute la magnanimitĂ© du courroux : – Je ferai arrĂȘter jusqu’au dernier de ces Habits-Rouges ; je l’enverrai en prison, fĂ»t-il Noll[15] Cromwell lui-mĂȘme.
L’indignation du digne maire l’avait emportĂ© sur sa raison quand il fit cette rodomontade dĂ©placĂ©e ; car trois soldats qui Ă©taient restĂ©s jusqu’alors immobiles comme des statues firent sur-le-champ un pas en avant, ce qui les plaça entre les officiers municipaux et leur compagnon qui se relevait. Ils exĂ©cutĂšrent simultanĂ©ment le mouvement de poser les armes, comme on le pratiquait alors, et les crosses de leurs mousquets, en retentissant sur les pierres qui pavaient l’église, tombĂšrent Ă  peu de lignes des pieds goutteux du magistrat. Le fonctionnaire Ă©nergique dont les efforts en faveur de l’ordre se trouvaient ainsi paralysĂ©s, jeta un regard sur ceux qui devaient le soutenir, et c’en fut assez pour lui prouver que la force n’était pas de son cĂŽtĂ©. Tous avaient fait un pas rĂ©trograde en entendant ce bruit de mauvais augure produit par le choc du fer contre la pierre. Il fut donc obligĂ© de s’abaisser Ă  une explication.
– Que voulez-vous, mes maĂźtres ? dit-il ; convient-il Ă  des soldats honnĂȘtes et craignant Dieu, qui ont fait pour le pays des exploits tels qu’on n’en avait jamais vu ; leur convient-il de causer du scandale et du tumulte dans l’église, et de devenir les fauteurs et souteneurs d’un profane qui, un jour de solennelles actions de graces, voudrait empĂȘcher le ministre de monter dans sa chaire ?
– Nous n’avons rien Ă  dĂ©mĂȘler avec ton Ă©glise, comme tu l’appelles, rĂ©pondit un militaire qui, d’aprĂšs une petite plume dont le devant de son morion Ă©tait ornĂ©, paraissait ĂȘtre le caporal du dĂ©tachement ; nous ne voyons pas pourquoi des hommes que le ciel a douĂ©s d’inspiration ne seraient pas entendus dans ces citadelles de superstition aussi bien que les porteurs d’habits noirs d’autrefois, et ceux qui prennent le manteau de GenĂšve aujourd’hui. C’est pourquoi nous arracherons votre Jack Presbyter de sa guĂ©rite en bois ; notre camarade le relĂšvera de garde, y montera en sa place, et n’épargnera pas ses poumons.
– HĂ© bien ! messieurs, dit le maire, si tel est votre dessein, nous ne sommes pas en Ă©tat de vous rĂ©sister, gens paisibles que nous sommes, comme vous le voyez. Mais permettez-moi d’abord de parler Ă  ce digne ministre, Nehemiah Holdenough, afin de le dĂ©terminer Ă  cĂ©der sa place pour aujourd’hui sans plus de scandale.
Le magistrat pacifique interrompit alors les accords chevrotans d’Holdenough et de son clerc, en les priant tous deux de se retirer, pour empĂȘcher, leur dit-il, qu’on n’en vĂźnt aux coups.
– Aux coups ! rĂ©pĂ©ta le prĂ©dicateur presbytĂ©rien ; il n’y a nul danger qu’on en vienne aux coups avec des gens qui n’osent s’élever contre cette profanation ouverte de l’Église et ces principes d’hĂ©rĂ©sie audacieusement avouĂ©s.
– Allons, allons, M. Holdenough, n’occasionez pas du tumulte et ne criez pas aux bñtons[16]. Je vous le dis encore une fois, nous ne sommes pas des hommes de guerre ; nous n’aimons pas à verser le sang.
– Non, rĂ©pondit le prĂ©dicateur avec mĂ©pris, pas plus qu’on ne pour...

Table of contents

  1. Titre
  2. PRÉFACE.
  3. Chapitre 1
  4. Chapitre 2
  5. Chapitre 3
  6. Chapitre 4
  7. Chapitre 5
  8. Chapitre 6
  9. Chapitre 7
  10. Chapitre 8
  11. Chapitre 9
  12. Chapitre 10
  13. Chapitre 11
  14. Chapitre 12
  15. Chapitre 13
  16. Chapitre 14
  17. Chapitre 15
  18. Chapitre 16
  19. Chapitre 17
  20. Chapitre 18
  21. Chapitre 19
  22. Chapitre 20
  23. Chapitre 21
  24. Chapitre 22
  25. Chapitre 23
  26. Chapitre 24
  27. Chapitre 25
  28. Chapitre 26
  29. Chapitre 27
  30. Chapitre 28
  31. Chapitre 29
  32. Chapitre 30
  33. Chapitre 31
  34. Chapitre 32
  35. Chapitre 33
  36. Chapitre 34
  37. Chapitre 35
  38. Chapitre 36
  39. Chapitre 37
  40. Chapitre 38
  41. Notes de bas de page