Quatrevingt-treize
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Quatrevingt-treize

About this book

Initialement prévu pour une trilogie qui aurait compris, outre L'homme qui rit, roman consacré a l'aristocratie, un volume sur la monarchie, Quatrevingt-Treize, écrit a Guernesey de décembre 1872 a juin 1873, apres l'échec de Hugo aux élections de janvier 1872, acheve la réflexion de l'écrivain sur la Révolution a la lumiere de la Commune et tente de répondre a ces questions: a quelles conditions une révolution peut-elle créer un nouvel ordre des choses? 1793 était-il, est-il toujours nécessaire? Le roman valut a son auteur la haine des conservateurs.
En mai 1793, le marquis de Lantenac, ùme de l'insurrection vendéenne, arrive en Bretagne sur la Claymore, une corvette anglaise. A bord, il n'a pas hésité a décorer puis a faire exécuter un matelot qui n'avait pas arrimé assez solidement un canon. La consigne du marquis est claire: il faut tout mettre a feu et a sang. D'horribles combats s'ensuivent. Lantenac massacre des Bleus et capture trois enfants...

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Information

Partie 1
EN MER

LIVRE I – LE BOIS DE LA SAUDRAIE

Dans les derniers jours de mai 1793, un des bataillons parisiens amenĂ©s en Bretagne par Santerre fouillait le redoutable bois de la Saudraie en AstillĂ©. On n’était pas plus de trois cents, car le bataillon Ă©tait dĂ©cimĂ© par cette rude guerre. C’était l’époque oĂč, aprĂšs l’Argonne, Jemmapes et Valmy, du premier bataillon de Paris, qui Ă©tait de six cents volontaires, il restait vingt-sept hommes, du deuxiĂšme trente-trois, et du troisiĂšme cinquante-sept. Temps des luttes Ă©piques.
Les bataillons envoyĂ©s de Paris en VendĂ©e comptaient neuf cent douze hommes. Chaque bataillon avait trois piĂšces de canon. Ils avaient Ă©tĂ© rapidement mis sur pied. Le 25 avril, Gohier Ă©tant ministre de la justice et Bouchotte Ă©tant ministre de la guerre, la section du Bon-Conseil avait proposĂ© d’envoyer des bataillons de volontaires en VendĂ©e ; le membre de la commune Lubin avait fait le rapport ; le 1er mai, Santerre Ă©tait prĂȘt Ă  faire partir douze mille soldats, trente piĂšces de campagne et un bataillon de canonniers. Ces bataillons, faits si vite, furent si bien faits, qu’ils servent aujourd’hui de modĂšles ; c’est d’aprĂšs leur mode de composition qu’on forme les compagnies de ligne ; ils ont changĂ© l’ancienne proportion entre le nombre des soldats et le nombre des sous-officiers.
Le 28 avril, la commune de Paris avait donnĂ© aux volontaires de Santerre cette consigne : Point de grĂące, point de quartier. À la fin de mai, sur les douze mille partis de Paris, huit mille Ă©taient morts.
Le bataillon engagĂ© dans le bois de la Saudraie se tenait sur ses gardes. On ne se hĂątait point. On regardait Ă  la fois Ă  droite et Ă  gauche, devant soi et derriĂšre soi ; KlĂ©ber a dit : Le soldat a un Ɠil dans le dos. Il y avait longtemps qu’on marchait. Quelle heure pouvait-il ĂȘtre ? Ă  quel moment du jour en Ă©tait-on ? Il eĂ»t Ă©tĂ© difficile de le dire, car il y a toujours une sorte de soir dans de si sauvages halliers, et il ne fait jamais clair dans ce bois-lĂ .
Le bois de la Saudraie Ă©tait tragique. C’était dans ce taillis que, dĂšs le mois de novembre 1792, la guerre civile avait commencĂ© ses crimes ; Mousqueton, le boiteux fĂ©roce, Ă©tait sorti de ces Ă©paisseurs funestes ; la quantitĂ© de meurtres qui s’étaient commis lĂ  faisait dresser les cheveux. Pas de lieu plus Ă©pouvantable. Les soldats s’y enfonçaient avec prĂ©caution. Tout Ă©tait plein de fleurs ; on avait autour de soi une tremblante muraille de branches d’oĂč tombait la charmante fraĂźcheur des feuilles ; des rayons de soleil trouaient çà et lĂ  ces tĂ©nĂšbres vertes ; Ă  terre, le glaĂŻeul, la flambe des marais, le narcisse des prĂ©s, la gĂȘnotte, cette petite fleur qui annonce le beau temps, le safran printanier, brodaient et passementaient un profond tapis de vĂ©gĂ©tation oĂč fourmillaient toutes les formes de la mousse, depuis celle qui ressemble Ă  la chenille jusqu’à celle qui ressemble Ă  l’étoile. Les soldats avançaient pas Ă  pas, en silence, en Ă©cartant doucement les broussailles. Les oiseaux gazouillaient au-dessus des bayonnettes.
La Saudraie Ă©tait un de ces halliers oĂč jadis, dans les temps paisibles, on avait fait la Houiche-ba, qui est la chasse aux oiseaux pendant la nuit ; maintenant on y faisait la chasse aux hommes.
Le taillis Ă©tait tout de bouleaux, de hĂȘtres et de chĂȘnes ; le sol plat ; la mousse et l’herbe Ă©paisse amortissaient le bruit des hommes en marche ; aucun sentier, ou des sentiers tout de suite perdus ; des houx, des prunelliers sauvages, des fougĂšres, des haies d’arrĂȘte-bƓufs, de hautes ronces ; impossibilitĂ© de voir un homme Ă  dix pas.
Par instants passait dans le branchage un hĂ©ron ou une poule d’eau indiquant le voisinage des marais.
On marchait. On allait Ă  l’aventure, avec inquiĂ©tude et en craignant de trouver ce qu’on cherchait.
De temps en temps on rencontrait des traces de campements, des places brĂ»lĂ©es, des herbes foulĂ©es, des bĂątons en croix, des branches sanglantes. LĂ  on avait fait la soupe, lĂ  on avait dit la messe, lĂ  on avait pansĂ© des blessĂ©s. Mais ceux qui avaient passĂ© avaient disparu. OĂč Ă©taient-ils ? bien loin peut-ĂȘtre. Peut-ĂȘtre lĂ  tout prĂšs, cachĂ©s, l’espingole au poing. Le bois semblait dĂ©sert. Le bataillon redoublait de prudence. Solitude, donc dĂ©fiance. On ne voyait personne ; raison de plus pour redouter quelqu’un. On avait affaire Ă  une forĂȘt mal famĂ©e.
Une embuscade était probable.
Trente grenadiers, détachés en éclaireurs et commandés par un sergent, marchaient en avant à une assez grande distance du gros de la troupe. La vivandiÚre du bataillon les accompagnait. Les vivandiÚres se joignent volontiers aux avant-gardes. On court des dangers, mais on va voir quelque chose. La curiosité est une des formes de la bravoure féminine.
Tout Ă  coup les soldats de cette petite troupe d’avant-garde eurent ce tressaillement connu des chasseurs qui indique qu’on touche au gĂźte. On avait entendu comme un souffle au centre d’un fourrĂ©, et il semblait qu’on venait de voir un mouvement dans les feuilles. Les soldats se firent signe.
Dans l’espĂšce de guet et de quĂȘte confiĂ©e aux Ă©claireurs, les officiers n’ont pas besoin de s’en mĂȘler ; ce qui doit ĂȘtre fait se fait de soi-mĂȘme.
En moins d’une minute le point oĂč l’on avait remuĂ© fut cernĂ© ; un cercle de fusils braquĂ©s l’entoura ; le centre obscur du hallier fut couchĂ© en joue de tous les cĂŽtĂ©s Ă  la fois, et les soldats, le doigt sur la dĂ©tente, l’Ɠil sur le lieu suspect, n’attendirent plus pour le mitrailler que le commandement du sergent.
Cependant la vivandiĂšre s’était hasardĂ©e Ă  regarder Ă  travers les broussailles, et au moment oĂč le sergent allait crier : Feu ! cette femme cria : Halte !
Et se tournant vers les soldats : – Ne tirez pas, camarades !
Et elle se prĂ©cipita dans le taillis. On l’y suivit.
Il y avait quelqu’un là en effet.
Au plus Ă©pais du fourrĂ©, au bord d’une de ces petites clairiĂšres rondes que font dans les bois les fourneaux Ă  charbon en brĂ»lant les racines des arbres, dans une sorte de trou de branches, espĂšce de chambre de feuillage, entrouverte comme une alcĂŽve, une femme Ă©tait assise sur la mousse, ayant au sein un enfant qui tĂ©tait et sur ses genoux les deux tĂȘtes blondes de deux enfants endormis.
C’était lĂ  l’embuscade.
– Qu’est-ce que vous faites ici, vous ? cria la vivandiùre.
La femme leva la tĂȘte.
La vivandiĂšre ajouta furieuse :
– Êtes-vous folle d’ĂȘtre lĂ  !
Et elle reprit :
– Un peu plus, vous Ă©tiez exterminĂ©e !
Et, s’adressant aux soldats, la vivandiùre ajouta :
– C’est une femme.
– Pardine, nous le voyons bien ! dit un grenadier.
La vivandiĂšre poursuivit :
– Venir dans les bois se faire massacrer ! a-t-on idĂ©e de faire des bĂȘtises comme çà !
La femme stupĂ©faite, effarĂ©e, pĂ©trifiĂ©e, regardait autour d’elle, comme Ă  travers un rĂȘve, ces fusils, ces sabres, ces bayonnettes, ces faces farouches.
Les deux enfants s’éveillĂšrent et criĂšrent.
– J’ai faim, dit l’un.
– J’ai peur, dit l’autre.
Le petit continuait de téter.
La vivandiĂšre lui adressa la parole.
– C’est toi qui as raison, lui dit-elle. La mĂšre Ă©tait muette d’effroi.
Le sergent lui cria :
– N’ayez pas peur, nous sommes le bataillon du Bonnet-Rouge.
La femme trembla de la tĂȘte aux pieds. Elle regarda le sergent, rude visage dont on ne voyait que les sourcils, les moustaches et deux braises qui Ă©taient les deux yeux.
– Le bataillon de la ci-devant Croix-Rouge, ajouta la vivandiùre.
Et le sergent continua :
– Qui es-tu, madame ?
La femme le considérait, terrifiée. Elle était maigre, jeune, pùle, en haillons ; elle avait le gros capuchon des paysannes bretonnes et la couverture de laine rattachée au cou avec une ficelle. Elle laissait voir son sein nu avec une indifférence de femelle. Ses pieds, sans bas ni souliers, saignaient.
– C’est une pauvre, dit le sergent.
Et la vivandiÚre reprit de sa voix soldatesque et féminine, douce en dessous :
– Comment vous appelez-vous ?
La femme murmura dans un bégaiement presque indistinct :
– Michelle FlĂ©chard.
Cependant la vivandiĂšre caressait avec sa grosse main la petite tĂȘte du nourrisson.
– Quel ñge a ce mîme ? demanda-t-elle.
La mĂšre ne comprit pas. La vivandiĂšre insista.
– Je vous demande l’ñge de çà.
– Ah ! dit la mùre, dix-huit mois.
– C’est vieux, dit la vivandiĂšre. Ça ne doit plus tĂ©ter. Il faudra me sevrer çà. Nous lui donnerons de la soupe.
La mĂšre commençait Ă  se rassurer. Les deux petits qui s’étaient rĂ©veillĂ©s Ă©taient plus curieux qu’effrayĂ©s. Ils admiraient les plumets.
– Ah ! dit la mùre, ils ont bien faim.
Et elle ajouta :
– Je n’ai plus de lait.
– On leur donnera à manger, cria le sergent, et à toi aussi. Mais ce n’est pas tout çà. Quelles sont tes opinions politiques ?
La femme regarda le sergent et ne répondit pas.
– Entends-tu ma question ?
Elle balbutia :
– J’ai Ă©tĂ© mise au couvent toute jeune, mais je me suis mariĂ©e, je ne suis pas religieuse. Les sƓurs m’ont appris Ă  parler français. On a mis le feu au village. Nous nous sommes sauvĂ©s si vite que je n’ai pas eu le temps de mettre des souliers.
– Je te demande quelles sont tes opinions politiques ?
– Je ne sais pas ça.
Le sergent poursuivit :
– C’est qu’il y a des espionnes. Ça se fusille, les espionnes. Voyons. Parle. Tu n’es pas bohĂ©mienne ? Quelle est ta patrie ?
Elle continua de le regarder comme ne comprenant pas. Le sergent répéta :
– Quelle est ta patrie ?
– Je ne sais pas, dit-elle.
– Comment, tu ne sais pas quel est ton pays ?
– Ah ! mon pays. Si fait.
– Eh bien, quel est ton pays ? La femme rĂ©pondit :
– C’est la mĂ©tairie de Siscoignard, dans la paroisse d’AzĂ©.
Ce fut le tour du sergent d’ĂȘtre stupĂ©fait. Il demeura un moment pensif, puis il reprit :
– Tu dis ?
– Siscoignard.
– Ce n’est pas une patrie, ça.
– C’est mon pays.
Et la femme, aprÚs un instant de réflexion, ajouta :
– Je comprends, monsieur. Vous ĂȘtes de France, moi je suis de Bretagne.
– Eh bien ?
– Ce n’est pas le mĂȘme pays.
– Mais c’est la mĂȘme patrie ! cria le sergent.
La femme se borna à répondre :
– Je suis de Siscoignard.
– Va pour Siscoignard, repartit le sergent. C’est de là qu’est ta famille ?
– Oui.
– Que fait-elle ?
– Elle est toute morte. Je n’ai plus personne.
Le sergent, qui Ă©tait un peu beau parleur, continua l’interrogatoire.
– On a des parents, que diable ! ou on en a eu. Qui es-tu ? Parle.
La femme Ă©couta, ahurie, cet – ou on en a eu – qui ressemblait plus Ă  un cri de bĂȘte qu’à une parole humaine.
La vivandiĂšre sentit le besoin d’intervenir. Elle se remit Ă  caresser l’enfant qui tĂ©tait, et donna une tape sur la joue aux deux autres.
– Comment s’appelle la tĂ©teuse ? demanda-t-elle ; car c’est une fille, ça.
La mÚre répondit : Georgette.
– Et l’aĂźnĂ© ? car c’est un homme, ce polisson-lĂ .
– RenĂ©-Jean.
– Et le cadet ? car lui aussi, il est un homme, et joufflu encore !
– Gros-Alain, dit la mùre.
– Ils sont gentils, ces petits, dit la vivandiĂšre ; çà vous a dĂ©jĂ  des airs d’ĂȘ...

Table of contents

  1. Titre
  2. Partie 1 - EN MER
  3. Partie 2 - À PARIS
  4. Partie 3 - EN VENDÉE
  5. À propos de cette Ă©dition Ă©lectronique
  6. Notes de bas de page