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"Carl Spitteler décrit avec humour et lucidité les affres d'un amour malheureux. Apres de longues années d'exil volontaire, le héros rentre au pays natal. Dans sa tete, la femme qu'il a aimée et idéalisée. Mais les choses ont changé: elle est mariée, mere de famille et ne désire rien de plus. Lui refuse de s'en rendre compte. Ce sont alors les tourments d'une impossible passion et la douleur du renoncement." (source Babelio)

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Information

LE RETOUR D’UN JUGE

– Les voyageurs pour M
 descendent
 Attention !
 Attendons que le train s’arrĂȘte. Un porteur, monsieur
 un porteur ?
« VoilĂ  donc le pays natal, se dit Victor en sautant du train, ce pays natal aprĂšs lequel le cƓur soupire si fort sur la terre Ă©trangĂšre ! Ce chasseur, lĂ -bas, sous le hall, n’a pas l’air de se douter qu’il est dans sa patrie. Ma parole ! je crois mĂȘme qu’il bĂąille
 »
– Vous avez du gros bagage, monsieur ? demande une voix.
Et Victor se trouve sur la place de la gare, place semblable à beaucoup d’autres, avec de hautes maisons, tristes et grises.
OĂč est-il, aujourd’hui, le charme qui dorait la petite ville dans ses souvenirs ? Les rues, autrefois, Ă©taient-elles rĂ©ellement si dĂ©sertes et si nues ?
Un vent glacĂ©, dĂ©jĂ , bien que septembre commençùt Ă  peine, soulevait des nuages de poussiĂšre qui aveuglaient le voyageur. Et saisi par la morne prose de tout ce qui l’entourait, il se disait intĂ©rieurement : « Il y a une tentation, au moins, qui te sera Ă©pargnĂ©e dans cette glaciĂšre, c’est celle de devenir amoureux. »
Mais l’importun bavardage du facteur, petit homme balourd, ne permettait pas de longues rĂ©flexions.
– Voulez-vous me faire un plaisir ? dit Victor agacĂ© ; eh bien, allez vers ce pilier, lĂ -bas, faites-en le tour, lentement, et comptez les pas. Il y en a six ? Bon ; d’accord. Maintenant, partons.
ComplĂštement ahuri, le petit homme laissa pendre sa mĂąchoire infĂ©rieure et ne souffla plus mot jusqu’à l’hĂŽtel.
À peine arrivĂ©, Victor rĂ©clama un livre d’adresses et se mit Ă  le feuilleter en se parlant Ă  lui-mĂȘme. « Comment s’appelle donc actuellement l’infidĂšle ? Wyss, me semble-t-il, Frau Direktor Wyss. Mais directeur de quoi ? Il y a des directeurs de toutes sortes, de banques, de chemins de fer, d’usines Ă  gaz, de fabriques de ciment ou de caoutchouc

Ah ! voici mon affaire : Dr Treugott Wyss, professeur, directeur du MusĂ©e de la ville et de l’École d’art, directeur de la BibliothĂšque cantonale, membre de la commission de l’Orphelinat, 14, rue de la CathĂ©drale. Que de titres et dignitĂ©s ! J’aurais prĂ©fĂ©rĂ©, moi, un directeur de banque. Mais celui-ci sera du moins un monsieur cultivĂ©. Je ne sais pourquoi je ne peux me reprĂ©senter ce brave mari autrement que petit, insignifiant et un peu gauche, pour ne pas dire ridicule. Donc, dĂšs demain, 14, rue de la CathĂ©drale. Ah ! belle infidĂšle ! ton petit doigt te dit-il que ton juge approche ? »
*** *** ***
Le matin suivant, Ă  l’heure des visites, Victor se dirigeait vers la rue de la CathĂ©drale.
« Comment supportera-t-elle ma vue ? se disait-il. De deux choses l’une : ou bien elle pĂąlira et s’enfuira, ou bien elle rougira, puis se ressaisira et me regardant bien en face elle me bravera. Dans ce dernier cas, j’attacherai sur elle des yeux si chargĂ©s de souvenirs qu’elle sera bien forcĂ©e de baisser les siens. Puis je me tournerai vers le mari :
« – Monsieur, dirai-je, la scĂšne Ă©nigmatique qui se joue sous vos yeux rĂ©clame une explication. Je suis prĂȘt, cela va de soi, Ă  vous la donner ; mais je trouve plus courtois de laisser la parole Ă  votre femme. Car, bien que je sois son crĂ©ancier, je ne veux pas jouer le rĂŽle d’accusateur. Vous apprendrez ainsi comment je suis, moi, le lĂ©gitime propriĂ©taire de votre femme, et comment vous, monsieur, vous n’ĂȘtes, Ă  proprement parler, que mon substitut, et cela parce que j’y veux bien consentir. N’ayez cependant aucune apprĂ©hension, car, vous ayant acceptĂ© tacitement comme mon supplĂ©ant dans le mariage, je me sens l’obligation de ne troubler en aucune façon votre paix et votre bonheur. Votre foyer m’est sacrĂ© et mon devoir bien net est de m’incliner et de disparaĂźtre. Vous apprendrez donc, monsieur, Ă  apprĂ©cier en moi la vertu de l’invisibilitĂ©. C’est la premiĂšre et la derniĂšre fois que je franchis votre seuil et si je l’ai fait aujourd’hui, c’est afin de pouvoir exprimer une fois, une seule fois, Ă  votre Ă©pouse le peu de considĂ©ration en laquelle je la tiens. Regardez-la, image vivante de la culpabilitĂ© ; ce spectacle me suffit. S’il ne vous suffisait pas, Ă  vous, monsieur, j’habite ici et suis en tout temps Ă  votre disposition.
« VoilĂ  Ă  peu prĂšs comment je lui parlerai. Mais
 je crois que, plongĂ© dans mes pensĂ©es, j’ai laissĂ© passer le n° 14. Voici 10, 12
 c’est la porte suivante ! Pas mal, cette maison ; elle a l’air attrayant et propret avec ses rideaux blancs et sa tourelle d’angle. Qui penserait qu’elle abrite tant de faussetĂ© ! On entend chanter un canari
 et rire un enfant ! Un enfant ! est-ce bien possible ? Me serais-je trompĂ© de numĂ©ro ? Mais non ; aprĂšs tout plusieurs familles peuvent habiter ici. »
Lorsque Victor lut sur la sonnette le nom de Wyss, son cƓur se mit soudain Ă  battre violemment. Mais il fit effort pour se dominer. « L’anxiĂ©tĂ© lui convient, Ă  elle, mais pas Ă  toi qui viens ici en juge ! » Il tira la sonnette, puis monta rapidement l’escalier, gravissant plusieurs marches Ă  la fois.
La servante qui ouvrit annonça d’une voix flĂ»tĂ©e, l’air un peu doucereux, que monsieur et madame Ă©taient sortis. Victor se raidit contre un accĂšs de violent dĂ©pit. Il s’était prĂ©parĂ© Ă  tous les accueils, mais non pas Ă  cette absence. D’ailleurs il n’avait jamais pu supporter de ne pas trouver quelqu’un chez lui lorsqu’il allait le voir. « Sortie ! Elle sort donc avec cet homme, en plein jour ? C’est son droit, mais que fait-elle de la pudeur ? »
Il donna sa carte, prĂ©venant qu’il reviendrait l’aprĂšs-midi Ă  trois heures.
– Frau Direktor ne sera probablement pas chez elle, risqua la femme de chambre.
– Si, elle y sera ! rĂ©pondit Victor impĂ©rieusement, et il s’en alla.
Quelle malveillante personne que cette femme de chambre ! De quel air aigre-doux et presque railleur elle avait accentuĂ© le nom de Frau Direktor ! Dans l’escalier Victor vit monter le facteur qui, d’en bas dĂ©jĂ , annonça une lettre pour Frau Direktor Wyss. Encore un qui se permettait
 « Tas d’imbĂ©ciles, qui soulignent les faits ! Si je l’avais Ă©pousĂ©e, moi, ils l’appelleraient tous par mon nom, aujourd’hui. »
Une fois dans la rue, Victor tira sa montre. « Onze heures et demie, juste le temps d’aller chez Mme Steinbach avant le dĂ©jeuner. Le Clos-des-Roses est un peu en dehors de ville, mais en me hĂątant
 » Et il revit en pensĂ©e un paisible jardinet fleuri d’asters et baignĂ© d’une douce lumiĂšre automnale. Il marchait allĂšgrement, souriant Ă  la perspective de revoir son amie. Plus il allait, plus augmentait son impatience et plus son pas s’accĂ©lĂ©rait. Cependant il s’arrĂȘta brusquement devant la porte du jardinet. « Naturellement elle va ĂȘtre absente, elle aussi. Quand ça commence, c’est comme une Ă©pidĂ©mie ! » Mais non ! un cri de joie retentit d’une fenĂȘtre et un instant plus tard son amie descendait l’escalier, toute rayonnante de joie amicale. Il s’en fallut de peu qu’ils ne tombassent dans les bras l’un de l’autre. Elle l’attira des deux mains :
– Est-ce vous, bien rĂ©ellement vous ? Voyons, asseyez-vous et racontez-moi ! Avant tout, cher ami, comment allez-vous ?
– Moi, je ne sais pas, qu’en puis-je savoir ?
Elle se mit Ă  rire de plaisir.
– Ah ! je vous reconnais bien Ă  cette rĂ©ponse. Eh bien, parlez, dites quelque chose, n’importe quoi, pourvu qu’on entende votre voix ! Pour que je m’assure aussi que c’est bien vous, en chair et en os, et non pas une simple vision. Car, cher monsieur, vous ĂȘtes un si curieux mĂ©lange de rĂ©alitĂ© et de fantaisie qu’on s’étonnerait Ă  peine de vous voir disparaĂźtre subitement !
– Ce « curieux mĂ©lange » signifie que je suis un peu timbrĂ©, plaisanta-t-il, que mes pensĂ©es n’ont ni queue ni tĂȘte ? Du reste, ordonnez, je suis prĂȘt Ă  me tourner dans tous les sens pour vous convaincre de ma rĂ©alitĂ©.
– Non, donnez-moi plutĂŽt la main, encore une fois. Cette fois, je la tiens ferme ! Quelle surprise vous m’avez faite ! Quand donc ĂȘtes-vous arrivĂ© ?
– Hier soir. Mais savez-vous que le temps vous rajeunit et vous embellit ? Et puis, comme de juste, vous ĂȘtes toujours habillĂ©e avec le goĂ»t le plus raffinĂ© !
– Oh ! taisez-vous ! Ne plaisantez pas une vieille veuve de trente-trois ans ! Mais, vous, vous avez quelque chose de plus fort et de plus viril qu’il y a quatre ans. Comment dirai-je ? Vous semblez plus sĂ»r de vous, plus Ă©nergique.
– Moi ! TĂ©mĂ©raire mĂȘme, entreprenant, agressif !
– Eh bien, restez-le ! On peut donc s’attendre à voir bientît sortir de vous quelque chose de grand et de beau ? Car vous savez que j’y compte, moi !
– Ah ! mon Dieu, quant à cela

Il soupira et se plongea dans une méditation soucieuse.
– Et mĂȘme quand vous faites ce visage piteux, dit-elle en riant, je n’ai pas la moindre envie de vous plaindre, pas la moindre. Ce que vous souffrez maintenant, ce sont les maux de l’enfantement, les angoisses qui prĂ©cĂšdent le triomphe !
On entendit au loin le bourdon de la cathédrale annoncer midi de sa voix profonde. Et comme il se levait pour partir :
– Savez-vous, dit-elle persuasive, revenez cet aprĂšs-midi prendre une tasse de thĂ©. Nous serons les deux seuls.
Il allait accepter tout heureux, quand il se ressouvint :
– Ah ! malheureusement je suis pris ailleurs, dit-il contrariĂ©.
– Voyez donc cela ! ArrivĂ© hier soir et aujourd’hui dĂ©jĂ  pris
 Mais je ne veux pas sonder vos secrets !
S’expliquer Ă©tait dĂ©sagrĂ©able Ă  Victor ; mais, pour cette raison mĂȘme, il le fit : il ne se permettait pas de petites lĂąchetĂ©s.
– Ce n’est un secret pour personne, dit-il Ă  regret, pour vous moins que pour tout autre. J’ai annoncĂ© ma visite chez Mme Wyss pour cet aprĂšs-midi.
Elle le regarda surprise.
– Et qu’allez-vous faire, je vous prie, dans ce temple des vertus dĂ©mocratiques ? Connaissez-vous le directeur Wyss ?
– Non, pas lui, mais elle.
Le visage de l’amie changea soudain d’expression. Devenue froide :
– Je sais, je sais, dit-elle en se dĂ©tournant, vous vous ĂȘtes vus, il y a quatre ans, dans un sĂ©jour de montagne, assez superficiellement, n’est-ce pas ? Un ou deux jours seulement ?
– Superficiellem...

Table of contents

  1. Titre
  2. PRÉFACE
  3. LE RETOUR D’UN JUGE
  4. LE DUEL DE VICTOR AVEC PSEUDA
  5. L’ENFER DE LA CORDIALITÉ
  6. LE DUEL DE VICTOR AVEC PSEUDA
  7. VICTOR SE REND
  8. LE CONVERTI
  9. SOUFFRANCE
  10. COMBATS ET ILLUSIONS
  11. UN BRUSQUE DÉNOUEMENT
  12. Notes de bas de page